PIRATES DES CARAÏBES : LA FONTAINE DE JOUVENCE (2011)

Un quatrième épisode qui se passe des services de Gore Verbinski et fait appel à Penelope Cruz pour pimenter un peu les aventures de Jack Sparrow

PIRATES OF THE CARIBBEAN – ON STRANGER TIDES

2011 – USA

Réalisé par Rob Marshall

Avec Johnny Depp, Penelope Cruz, Geoffrey Rush, Ian McShane, Kevin R. McNally 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIRATES DES CARAÏBES

Inégale, la saga Pirates des Caraïbes s’est muée en véritable objet de culte, ravivant avec panache un sous-genre tombé en désuétude : le film de piraterie, mâtiné ici d’une bonne dose d’éléments fantastiques. Malgré la confusion extrême de son scénario et son déroutant manque de cohérence, le troisième opus avait su remplir à son tour les salles de cinéma et les tiroirs-caisse, au point qu’il semblait inévitable de poursuivre la franchise coûte que coûte. Le cinéaste Gore Verbinski ayant décidé d’aller nager dans d’autres eaux (en réalisant notamment le film d’animation Rango), c’est Rob Marshall (ChicagoMémoires d’une Geisha) qui fut chargé de prendre le relais. Si la mise en scène de Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence y perd en style et en flamboyance, l’intrigue, en revanche, a gagné en clarté et en rigueur. Donc l’un dans l’autre, nous serions tentés de préférer l’approche plus légère de ce quatrième épisode, qui présente en outre le mérite de puiser une grande partie de son inspiration dans une autre saga ultra-populaire : les Indiana Jones.

A priori, tout y est : la quête de l’objet surnaturel (en l’occurrence la fontaine de jouvence, équivalent du Graal d’Indiana Jones et la dernière croisade), l’intrigue sentimentale à rebondissements, l’expédition concurrente, la jungle sauvage truffée de pièges, le climax grandguignolesque… Mais il manque un élément essentiel qui empêche ce Pirates des Caraïbes de marcher dignement sur les traces des Aventuriers de l’Arche Perdue : des personnages forts et des sentiments exacerbés. Or tout ici n’est que cabotinage, minauderie et maniérisme. Le jeu sentimental qui s’installe entre Jack Sparrow (Johnny Depp) et Angelica Teach (Penelope Cruz) laisse froid dans la mesure où les comédiens se contentent de se donner la réplique comme on échangerait des pas de danse, avec grâce mais sans la moindre émotion.

Une sympathique attraction

Même travers du côté des complexes relations qui lient Angelica au redoutable Barbe Noire (Ian McShane, excellent par ailleurs). Or sans motivations fortes, sans enjeux humains solides, une telle aventure se vit comme une sympathique attraction de parc à thème (retour aux sources pour un concept initialement conçu pour Disneyland) mais nous prive de toute réelle implication. Seuls deux personnages, pourtant tout à fait secondaires, parviennent à nous toucher et à nous faire vibrer, oasis de fraîcheur au sein d’un spectacle trop préfabriqué pour totalement convaincre. Restent quelques morceaux de bravoure mémorables (le navire de Barbe Noire qui s’anime pour capturer les membres de l’équipage, le soulèvement de zombies empruntés à l’imagerie vaudou, l’étourdissant assaut des sirènes qui calque sa dynamique sur l’attaque des raptors du second Jurassic Park), un grain de folie bienvenu et une partition toujours aussi énergisante qu’Hans Zimmer a joyeusement agrémentée de guitares hispanisantes du plus bel effet. A défaut d’entrer dans les annales, cet énième acte de piraterie sait distraire son public avec une générosité finalement très appréciable.

© Gilles Penso

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CONAN LE DESTRUCTEUR (1984)

Arnold le barbare revient dans une aventure moins grandiose et plus légère que la précédente, sous la direction d'un Richard Fleischer en fin de carrière

CONAN THE DESTROYER

1984 – USA

Réalisé par Richard Fleischer

Avec Arnold Schwarzenegger, Grace Jones, Wiilt Chamberlain, Mako, Olivia d’Abo, Tracey Walter

THEMA HEROIC FANTASY

En échange de la résurrection de sa bien-aimée Valeria, Conan promet à la reine Taramis (Sarah Douglas) d’accompagner la princesse Jehnna (Olivia d’Abo) aux confins du pays, au cœur d’un territoire ennemi, pour lui rapporter une corne légendaire incrustée d’un diamant magique. Le colossal Cimmérien ignore que la reine souhaite en réalité posséder le joyau afin de réveiller Dagoth, une divinité monstrueuse et démoniaque à laquelle elle souhaite sacrifier la princesse… Les aventures magiques et enivrantes de Conan, contées avec verve par Robert Howard, avaient perdu une partie de leur impact lors de leur transposition à l’écran, malgré la maestria de John Milius et le souffle épique qu’il avait su donner à son œuvre. Cette suite, signée par le grand Richard Fleischer, vétéran du cinéma à grand spectacle (20 000 lieues sous les mersLe Voyage fantastiqueSoleil vert), confirme les pertes subies. Il faut dire que Fleischer eut du mal à terminer sa carrière avec éclat, tombant sous la coupe de Dino de Laurentiis pour lequel il signa l’année précédente Amityville 3. Pour autant, Fleischer entretint jusqu’au bout d’excellentes relations avec le puissant producteur, les deux hommes étant liés par une admiration respective. De fait, c’est Raffaella de Laurentiis, fille du mogul, qui suggéra le nom de Fleischer à la mise en scène, son film emblématique Les Vikings ayant été l’une des sources d’inspirations majeures de John Milius pendant la réalisation du premier opus. 

Arnold Schwarzenegger reste l’interprète idéal et indétronable du barbare, mais l’intrigue de ce second Conan est très anecdotique, moins chargée de sens et de symboles que celle du film précédent. La quête du héros n’intéresse donc que dans une faible mesure le spectateur, les personnages secondaires s’avèrent pour le moins superficiels (y compris la sauvageonne interprétée par la sculpturale Grace Jones, à l’affiche de Dangereusement vôtre l’année suivante) et les décors évoquent tantôt ceux d’Indiana Jones et le temple maudit, tantôt ceux d’une série télévisée de science-fiction psychédélique des années 70 (époque Cosmos 1999 ou L’Âge de cristal). Pour attirer un plus large public, les producteurs et le studio décident d’édulcorer drastiquement la violence présente dans le premier Conan afin d’obtenir une classification « PG 13 » (pour un public à partir de 13 ans accompagnés d’un adulte). Ce choix discutable ne joue pas en faveur de Conan le destructeur et dénature l’esprit des écrits d’Howard.

L'avènement de Dagoth

Cependant, la plus grosse erreur artistique du film reste probablement d’avoir confié la fabrication du monstrueux Dagoth à Carlo Rambaldi. Ce démon séculaire, à l’apparition duquel le spectateur est psychologiquement préparé dès les premières séquences, était un élément particulièrement réjouissant du scénario, puisqu’il évoque les mythologies chères à Robert Howard mais aussi à ses confrères H.P. Lovecraft et Clark Ashton Smith. Hélas, sa visualisation sous forme d’un homme costumé dans une balourde défroque de latex amenuise considérablement l’impact de sa prestation, et achève ce second Conan cinématographique sur une note bien passable. Roy Thomas et Gerry Conway, auteurs de l’histoire originale, furent d’ailleurs fort déçus par le résultat final, passablement remanié en cours de route par le scénariste Stanley Mann (DamienMeteor), à tel point qu’ils publièrent en 1990 leur récit sous forme d’une bande dessinée mise en image par Mike Docherty, « Conan : The Horn of Azoth ». Il serait malgré tout injuste de réduire Conan le destructeur à ses défauts et à son immense simplification du mythe initial. Car en l’état, et à condition évidemment de faire abstraction du matériau littéraire dont il est issu, le film demeure très divertissant et ménage un certain nombre de séquences hautes en couleur. Une agréable série B d’heroïc-fantasy, en somme.

 

© Gilles Penso

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DEVIL (2010)

Produit par M. Night Shyamalan, ce huis-clos dans un ascenseur bloqué convoque le Diable en personne…

DEVIL

2010 – USA

Réalisé par John Erick Doodle

Avec Chris Messina, Logan Marshall-Green ; Geoffrey Arend, Bojana Novakovic, Jenny O’Hara, Bokeem Woodbine, Matt Craven

THEMA DIABLE ET DEMONS

Produit par M. Night Shyamalan, qui n’a jamais tout à fait su transformer l’essai miraculeux de Sixième sens, et réalisé par John Erick Dowdle, signataire d’un parfaitement inutile En QuarantaineDevil ne partait pas avec toutes les chances de son côté. Pourtant, les toutes premières images du film sont prometteuses. Aux accents d’une imposante partition cuivrée de Fernando Velasquez, la caméra survole les buildings de Philadelphie. Ce type de plan aérien, ultra banalisé, prend ici une tournure inattendue dans la mesure où les images sont inversées. La tête en bas, les immeubles s’offrent à nos yeux sous un jour inquiétant et un indicible sentiment de malaise s’installe. Avec une virtuosité empruntée à un David Fincher, les prises de vues foncent en plan séquence à l’intérieur d’un des bâtiments, où un agent d’entretien nettoie les sols tandis qu’à l’arrière-plan un corps tombe dans le vide et s’écrase sur le toit d’une camionnette. Voilà une entrée en matière pour le moins intrigante, qui nous rappelle que l’auteur de Phénomènes a toujours su soigner ses prologues.

Alors que l’inspecteur Bowden (Chris Messina) enquête sur ce trépas violent, cinq personnes qui ne se connaissent pas entrent dans l’ascenseur de l’immeuble : un agent de sécurité, une jeune femme séduisante, un jeune homme introverti, un VRP bavard et une vieille dame. Ici aussi, la caméra sait surprendre, captant en plan séquence l’entrée successive des acteurs du drame dans la cabine jusqu’à faire face au miroir. Brusquement, l’ascenseur se bloque entre deux étages. De la simple contrariété, la situation dégénère peu à peu et vire au cauchemar… Le pitch, voisin de celui de Cube, est intéressant, mais sa mise en application s’avère bien vite besogneuse, jusqu’à ce que les cimes du grotesque soient peu à peu atteintes, annihilant tout l’impact de ce Devil finalement bien vain.

La tartine qui tombe du mauvais côté

Premier problème : incapable de gérer son concept jusqu’au bout, le film refuse de jouer la carte de la claustrophobie, en collectant finalement plus de séquences extérieures que de scènes confinées dans la cabine. Deuxième problème : la répétition des situations (la lumière s’éteint, quelqu’un meurt, et ainsi de suite) finit vite par lasser. Troisième problème, le plus grave : une volonté opiniâtre de tout expliquer en prenant le spectateur par la main de peur qu’il soit incapable de suivre l’intrigue tout seul. D’où cette voix off puérile et omniprésente qui, tout au long du métrage, nous raconte que le diable s’immisce parfois parmi les humains pour emporter leur âme. Pire : le gardien stéréotypé campé par Jacob Vargas qui s’avère bardé de superstitions bigotes (normal, c’est un latino) et qui passe son temps à raconter aux autres personnages le mode de fonctionnement du Diable. Summum du grotesque : la scène de la tartine qui tombe du mauvais côté quand Satan est dans les parages (!) et celle du « Je vous salue Marie » que ledit gardien entonne à l’attention des prisonniers de la cabine (au secours !). Bref, ce « Diable dans l’ascenseur » perd tous ses atouts en cours de route, malgré ses nombreuses qualités formelles (auxquelles il faut ajouter la photographie stylisée de Tak Fujimoto) et le jeu plutôt convainquant de Chris Messina et Logan Marshall-Green.

 

© Gilles Penso

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CAPTAIN AMERICA, FIRST AVENGER (2011)

Joe Johnston réussit avec brio ce qu'aucun réalisateur n'était parvenu à faire avant lui : rendre crédible le super-héros étoilé au bouclier tricolore

CAPTAIN AMERICA – FIRST AVENGER

2011 – USA

Réalisé par Joe Johnston

Avec Chris Evans, Hayley Atwell, Hugo Weaving, Tommy Lee Jones, Dominic Cooper, Sebastian Shaw, Stanley Tucci

THEMA SUPER-HEROS I SAGA CAPTAIN AMERICA I AVENGERS I MARVEL

Si le studio Marvel avait su nous surprendre agréablement avec L’Incroyable Hulk et Iron Man, l’enthousiasme était retombé aussi sec face à  Iron Man 2 et Thor, deux opus à la dramaturgie déficiente et au scénario laxiste. Que fallait-il donc attendre de Captain America, nouvelle pièce de cet étrange puzzle cinématographique annonçant la sortie du film choral Avengers ? Les prédictions étaient mitigées, surtout au regard des précédentes adaptations « live » du héros en costume bleu blanc rouge (des catastrophiques téléfilms réalisés respectivement en 1978 et 1990). Mais c’était compter sans l’inventivité de Joe Johnston, signataire d’œuvres éminemment sympathiques telles que Chérie j’ai rétréci les gosses RocketeerJumanjiJurassic Park 3 et Wolfman.

S’appuyant sur un scénario habile de Joss Whedon, Christopher Markus et Stephen McFeely, le cinéaste crée un super-héros débordant d’humanité en l’inscrivant dans son contexte historique d’origine, la seconde guerre mondiale. Sous l’influence du Steven Spielberg des années 70/80, Johnston cligne plusieurs fois de l’œil vers le maître, dès le prologue qui nous renvoie illico à celui de Rencontres du troisième type (des scientifiques emmitoufflés arpentent le désert pour y découvrir d’étranges vestiges), et surtout plus tard lorsque le nazi psychopathe incarné par Hugo Weaving découvre une inestimable source de pouvoir surnaturelle et s’exclame : « et dire que le führer perd son temps à chercher des breloques dans le désert ! » La référence à Indiana Jones dépasse d’ailleurs largement le cadre de cette réplique jouissive, l’ombre de l’archéologue rétro et de ses exploits de comic book se déployant au fil de ce long-métrage empreint de l’esprit des serials des années 30.

La Torche Humaine se transforme en Super-Soldat

Par le biais d’effets numériques hallucinants, Chris Evans, déjà interprète de la Torche Humaine dans les deux Quatre Fantastiques, incarne le frêle et rachitique Steve Rogers, qui se porte volontaire pour devenir un « super-soldat » au service de l’armée américaine, développant à l’issue d’une expérience top-secrète une musculature et une force hors du commun. Incontestablement daté, le costume du super-héros, aux couleurs du drapeau US, est ici intelligemment détourné, Johnston nous en proposant d’abord une version volontairement kitsch (avec en prime une allusion directe aux serials en noir et blanc qui furent réellement tournés dans les années 40 ainsi qu’aux bandes dessinées de Jack Kirby et Joe Simons) avant d’opter pour une panoplie militaire respectant les graphismes initiaux de Kirby en les réadaptant sous un jour plus fonctionnel et moins tape-à-l’œil. L’aventure se pare de séquences d’action généreuses et souvent inédites, tandis qu’Hugo Weaving et Tommy Lee Jones s’en donnent à cœur joie dans le registre du cabotinage et de l’auto-dérision. Certes, le film ne décolle jamais totalement, incapable d’atteindre le souffle épique propre aux chefs d’œuvre du genre, et c’est probablement un défaut imputable à la majorité des réalisations de Joe Johnston. Mais le spectacle ne déçoit jamais, et l’épilogue en forme de porte ouverte remplit allègrement sa fonction : donner envie de découvrir toutes affaires cessantes l’aventure collégiale des Vengeurs !

 

© Gilles Penso

 

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LA TRAQUE (2009)

Dans ce croisement inattendu entre les univers de Stephen King et Claude Chabrol, des chasseurs sont attaqués par de monstrueux sangliers

LA TRAQUE

2009 – FRANCE

Réalisé par Antoine Blossier

Avec Grégoire Colin, François Levantal, Joseph Malerba, Fred Ulysse, Bérénice Bejo, Isabelle Renauld

THEMA MAMMIFERES

Bien qu’il narre les mésaventures de chasseurs menacés par des sangliers particulièrement agressifs au beau milieu de la forêt nocturne, La Traque n’a pas la vocation d’être un Razorback à la française. Il s’agirait plutôt du croisement inattendu entre les univers de Stephen King et Claude Chabrol. Le réalisateur Antoine Blossier et le scénariste Erich Vogel, attaquant ici leur premier long-métrage, ont en effet puisé leur inspiration dans les terreurs primaires décrites par l’auteur de Cujo tout en y injectant l’hypocrisie larvée et les pressions familiales chères au metteur en scène de L’Enfer. La Traque s’ancre ainsi dans la campagne française et s’attarde dans un premier temps sur une famille aux relations complexes. Nicolas (François Levantal) est l’industriel le plus important de la région, mais il est clair que ses pratiques douteuses (dont l’emploi abusif de pesticides) ne sont du goût ni de son frère David (Joseph Marbela), ni de son père Eric (Fred Ulysse), tous deux agriculteurs liés par des rapports interdépendants pas très sains. Pièce rapportée de ce petit monde en vase clos, Nathan (Grégoire Colin) est le gendre du puissant David, et s’efforce d’inciter son épouse Claire (Bérénice Béjo) à prendre ses distances avec une famille décidément très envahissante.

Les enjeux sont distincts, les tensions palpables, le drame peut donc commencer. Et pour exacerber les émotions en pleine nature, rien de tel qu’une agression animale monstrueuse, comme au bon vieux temps des Dents de la mer et des Oiseaux Le premier incident insolite se manifeste par la mort inexplicable de nombreux cerfs retrouvés couverts de morsures sur la clôture électrique de l’exploitation agricole. De toute évidence, des sangliers semblent être responsables de l’hécatombe. Les quatre hommes se plongent donc au cœur de la forêt voisine, fusil au poing, pour en découdre avec les prédateurs omnivores. Alors que le soleil décline et que d’inquiétantes bêtes se profilent aux alentours, la tension monte d’un cran et le cauchemar n’est pas loin… « Dans le premier niveau d’écriture du film, il s’agit du récit de chasseurs qui vont traquer les prédateurs responsables de la mort de leurs bêtes », explique le scénariste Erich Vogel. « Le second niveau raconte l’histoire d’un jeune médecin dont la fiancée est enceinte et qu’il essaie d’arracher des griffes d’une famille trop possessive. Il se mêle donc aux chasseurs en essayant de profiter de ce moment d’intimité avec la famille de sa future femme pour les convaincre de la laisser partir. La grosse difficulté du scénario consistait à entremêler ces deux histoires sans que le résultat ne semble artificiel. » (1)

 

Les bêtes de la forêt

La Traque a beaucoup d’atouts en main : une mise en scène brute d’une très grande efficacité, une brochette de comédiens extraordinaires, une mise en image élégante signée Pierre Haïm (chef opérateur de La Haine et Les Morsures de l’aube), une magnifique partition de Romaric Laurence (Ong-Bak, Vendues) qui semble directement puiser son inspiration chez le Danny Elfman de Wolfman Seuls véritables bémols : l’utilisation abusive de la « sahky cam » et de la sous-exposition, qui empêchent souvent de saisir la teneur exacte des séquences d’action en les rendant parfois quasi-illisibles, ainsi que la présence trop discrète des créatures à l’écran, aucune ne montrant réellement le bout de son groin à cause d’évidentes restrictions budgétaires, et malgré le travail animatronique du très talentueux Pascal Molina (Les Rivières pourpres,  La Cité des enfants perdus). « Le travail de Pascal Molina sur le film était phénoménal », raconte Antoine Blossier. « Les créatures animatroniques étaient très réussies, mais nous n’avons eu les moyens de ne faire construire que les têtes et les épaules. Du coup, nos choix de cadrages étaient très limités. J’ai donc dû renoncer à toutes mes envies de plans larges sur les bêtes. Ce que j’aurais vraiment voulu, c’est avoir un plan iconographique de la bête, une vision impressionnante et iconique qui aurait satisfait les spectateurs tout en inscrivant définitivement La Traque dans son statut de film de créatures. » (2) Initialement titré Proie, le film a été rebaptisé La Traque quelques mois avant sa sortie pour éviter toute confusion avec La Proie d’Eric Vallette, au profit d’une homonymie assumée avec un thriller français de Serge Leroy qui plongeait Mimsy Farmer dans une cauchemardesque partie de chasse.


(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2010

 

© Gilles Penso

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HARRY POTTER ET LES RELIQUES DE LA MORT 2ème PARTIE (2011)

Un sursaut d'originalité et de bonnes surprises anime cet ultime épisode de la saga du sorcier à lunettes

HARRY POTTER AND THE DEATHLY HALLOWS PART 2

2011 – USA

Réalisé par David Yates

Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson, Ralph Fiennes, Helena Bonham Carter, Alan Rickman, Maggie Smith

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DRAGONS I SAGA HARRY POTTER

La médiocrité des trois Harry Potter précédents, tous réalisés par David Yates et tous empêtrés dans les mêmes défauts (intrigue filiforme, direction artistique déficiente, mise en scène peu inventive), ne laissait guère d’espoirs quant à un rattrapage de dernière minute à l’occasion de l’affrontement final entre le sorcier à lunettes et sa Némésis reptilienne Voldemort. La surprise n’en est que plus grande. Harry Potter et les Reliques de la Mort 2ème partie parvient en effet à dégager un sens de l’épopée qu’on n’espérait plus, multipliant les morceaux de bravoure, resserrant les enjeux dramatiques et véhiculant – enfin ! – du suspense et de l’émotion. Les meilleures séquences des opus signés Chris Colombus, Alfonson Cuaron et Mike Newell trouvent là un bel écho.

Dès les premiers plans iconiques du film, servis par une 3D particulièrement efficace, Yates nous immerge sans préambule dans le futur champ de bataille, un château de Poudlard sinistrement veillé par les fantomatiques Détraqueurs. En quelques minutes, plusieurs morceaux d’anthologies nous sont offerts, comme une récompense tardive pour avoir subi les langueurs de L’Ordre du Phénix, du Prince de Sang-Mêlé et des Reliques de la Mort 1ère partie. Tout commence dans la banque de Gringotts, théâtre d’une course-poursuite souterraine digne des wagonnets d’Indiana Jones et le temple maudit, d’un suspense claustrophobique puisant son inspiration dans la légende du roi Midas, et de l’envolée d’un des plus beaux dragons de l’histoire du cinéma. Nous voilà ainsi préparés.

L'ultime combat entre Harry et Voldemort

Le reste du métrage n’est pas aussi époustouflant, certes, mais d’autres moments forts le ponctuent régulièrement, notamment l’incendie « vivant » qui menace nos héros dans la « salle sur demande », l’assaut de Poudlard au cours duquel des statues massives se heurtent à des Trolls géants et à une marée humaine de belligérants, ou encore l’ultime combat entre Potter et Voldemort. Plusieurs faiblesses inhérentes aux épisodes précédents surnagent, en particulier l’interprétation toujours fade de Daniel Radcliffe, le traitement extrêmement maladroit des amours adolescentes (nous sommes bien loin de la remarquable série britannique Skins !), et l’emploi peu rigoureux des pouvoirs magiques (bien pratiques pour retourner chaque situation au mépris parfois de la logique la plus élémentaire). Du coup, les conflits se résolvent souvent via d’étranges « deus ex machina » scénaristiques, et les petits regards énamourés de nos jeunes couples s’avèrent quelque peu risibles. Mais ces réserves n’amenuisent pas la qualité du spectacle, ni la charge émotionnelle qu’il dégage. Le jeu des comédiens adultes (Ralph Fiennes terrifiant sous son incroyable maquillage numérique, Alan Rickman cultivant à merveille l’ambiguité de son personnage) y est pour beaucoup. La perfection des effets spéciaux (toutes catégories confondues) aussi. Même la bande originale a été revue à la hausse, Alexandre Desplat prenant avec bonheur la relève de Nicholas Hooper. Pour ne rien gâcher, le film d’achève sur un épilogue empreint de tendresse et de nostalgie…

 

© Gilles Penso

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TRANSFORMERS 3 : LA FACE CACHEE DE LA LUNE (2011)

Quelques scènes apocalyptiques vertigineuses égaient ce troisième épisode par ailleurs aussi lourdaud que les deux précédents

TRANSFORMERS 3 : DARK OF THE MOON

2011 – USA

Réalisé par Michael Bay

Avec Shia LaBeouf, Rosie Huntington-Whiteley, Patrick Dempsey, Josh Duhamel, John Turturo, Frances McDormand

THEMA ROBOTS I SAGA TRANSFORMERS

L’avantage, avec Michael Bay, c’est qu’il annonce tout de suite la couleur. Dès le prologue de Transformers 3, nous savons que nous en prendrons plein les mirettes : sur fond de voûte céleste en 3D, un gigantesque vaisseau spatial entre dans le champ à la manière du destroyer impérial de La Guerre des étoiles et nous plonge au cœur d’une vertigineuse odyssée emplie d’engins volants sophistiqués pilotés par des bataillons d’androïdes géants à faire pâlir George Lucas et James Cameron. Quelques minutes plus tard, un gros plan ostentatoire sur les fesses rebondies de Rosie Huntington-Whiteley (la bimbo sélectionnée pour remplacer une Megan Fox lassée des méthodes tyranniques du réalisateur) nous annonce l’autre facette du film : une vulgarité grassement assumée, susceptible de dérider un public peu exigeant tout en titillant la libido des adolescents auxquels le film est directement adressé.

Vulgaire et spectaculaire : en deux mots, le ton est donné. Le cocktail ayant déjà fait ses preuves à deux reprises, pourquoi changer son fusil d’épaule ? Cette fois-ci, l’intrigue s’appuie sur un flash-back bizarre (où les images d’archives granuleuses cohabitent sans la moindre cohérence visuelle avec des reconstitutions ultra-léchées) situé en 1969, le jour où Neil Armstrong pose le pied sur la Lune. Suivant des directives top-secrètes, l’astronaute part explorer la face cachée de notre satellite et y découvre la gigantesque épave d’un robot échoué, le vénérable Sentinel Prime. Ce postulat étant posé, le scénario nous ramène en 2011, alors qu’une nouvelle menace robotique plane sur nos têtes. Les Decepticons sont en effet décidés à prendre leur revanche, épaulés cette fois par le redoutable Shockwave…

Shia La Beouf et son top model

Il faut une sacrée dose d’indulgence pour supporter le spectacle de Transformers 3 sans soupirer d’impatience (lé métrage dure tout de même plus de deux heures et demie !). Mais peut-on passer outre ce couple improbable auquel on nous demande de croire (La Beouf et son top model au brushing impeccable), ces acteurs échappés de l’univers des frères Coen qui se ridiculisent de la plus embarrassante des manières (John Malkovich, John Turturo, Frances MacDormand), cet anthropomorphisme grotesque (les vieux robots ont la barbe ou le crâne dégarni, les jeunes font du roller !), cette mise en scène clippée incapable d’enchaîner un champ et un contre-champ de peur d’ennuyer le public, ces dialogues calamiteux, ce patriotisme iconique, cette xénophobie latente, cette musique horripilante ? Tout n’est pourtant pas à jeter dans Transformers 3. Les effets visuels sont toujours aussi époustouflants, la 3D supervisée par Vince Pace est très performante, et plusieurs séquences situées pendant l’acte final risquent de marquer les mémoires grâce à la très grande efficacité de leur suspense et aux effets de vertige immersifs qu’elles procurent. Steven Spielberg, producteur de cette foire d’empoigne, aurait-il mis la main à la pâte ? Toujours est-il que cette bataille finale, qui n’est pas sans évoquer World Invasion mais aussi les deux premiers Jurassic Park et La Guerre des mondes, est sans conteste le meilleur morceau de cette saga balourde.

© Gilles Penso

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QUE LE SPECTACLE COMMENCE (1980)

Dans cette fable musicale inclassable, Roy Scheider incarne un chorégraphe côtoyé de près par la Mort

ALL THAT JAZZ

1980 – USA

Réalisé par Bob Fosse

Avec Roy Scheider, Jessica Lange, Leland Palmer, Ann Reinking, Cliff Gorman, Ben Vereen, Erzsebet Foldi

THEMA MORT

Que le spectacle commence est un objet filmique insaisissable, en ce sens qu’il constitue probablement l’une des autobiographies les plus atypiques de l’histoire du cinéma. Cette œuvre rétive aux étiquetages, à mi-chemin entre la comédie musicale, le documentaire et le conte fantastique, surprend d’autant plus que le légendaire chorégraphe et réalisateur Bob Fosse a choisi Roy Scheider, spécialiste du cinéma d’action populaire des années 70 (Les Dents de la mer, French Connection, Marathon Man) pour incarner son alter ego. Mais la surprise cède vite le pas à l’évidence, tant le comédien parvient à s’approprier corps et âme le personnage. Charismatique en diable, tout de noir vêtu, une cigarette vissée à la bouche, Scheider incarne donc Joe Giddeon, maître d’œuvre des spectacles musicaux les plus tendance de Broadway.

La dureté du milieu nous est exposée dès les premières minutes, au cours d’une audition captée avec le naturalisme cru d’un reportage. Saturant par leur présence fourmillante les planches d’un théâtre, cent danseurs suent sang et eau pour prouver leur valeur, tandis que leur multitude se réduit progressivement jusqu’à atteindre le chiffre dérisoire d’une demi-douzaine. Gideon est sur le point de placer sous le feu des projecteurs un spectacle grandiose, volontairement provocant, qu’il envisage comme l’apothéose et l’achèvement de sa carrière. Car le brillant chorégraphe a bien conscience que ses jours sont comptés. Ayant abusé au-delà du raisonnable de l’alcool, de la drogue et des femmes, il sait que la mort l’attend quelque part dans les coulisses. A ce stade, le processus de mise en abîme devient vertigineux, car l’auteur de Cabaret et Lenny est lui-même en bout de course à la fin des années 70, rongé par les mêmes vices que son avatar fictionnel. Et si Que le spectacle commence n’est pas son œuvre cinématographique ultime (il aura encore le temps de signer Star 80 avant de passer l’arme à gauche), il s’agit sans conteste de son film testament.

Un film testament

Or au lieu de se livrer à un bilan pragmatique et objectif, le cinéaste emprunte la voie du fantastique onirique. Jessica Lange prête ainsi son sourire et sa candeur à une Mort séduisante qu’on jurerait surgie d’une chanson polissonne de Georges Brassens. Cette camarde paisible, qui a troqué la faux et le suaire contre une robe de mariée diaphane, s’entretient régulièrement avec Gideon, nimbant de surréalisme un récit par ailleurs extrêmement réaliste. Plus l’intrigue se noue, plus les frontières entre le monde réel et l’au-delà fantasmé deviennent poreuses, jusqu’à l’infarctus inévitable de Gideon. Au lieu de se désamorcer mutuellement, les deux  facettes du film s’enrichissent et se renforcent davantage. Lorsque les séquences chirurgicales douloureuses s’alternent avec des chorégraphies enjouées situées dans un purgatoire volontairement kitsch, c’est toute l’absurdité et la dérision de l’existence qui s’exposent à l’écran. Palme d’Or en 1980 (ex-æquo avec Kagemusha d’Akira Kurosawa), Que le spectacle commence est également récipiendaire de quatre Oscars, et n’en finit plus de nous émerveiller en se parant au fil des ans d’une patine irrésistible.

 

© Gilles Penso 

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SUPER 8 (2011)

J.J. Abrams rend hommage aux productions Amblin des années 80 à travers ce film de monstre produit justement par Steven Spielberg

SUPER 8

2011 – USA

Réalisé par J.J. Abrams

Avec Kyle Chandler, Elle Fanning, Amanda Michalka, Ron Eldard, Noah Emmerich, Joel Courtney, Riley Griffiths, Ryan Lee

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Dès son titre, Super 8 annonce la couleur : nous allons voyager dans le temps. Effectivement, lorsque le logo d’Amblin emplit l’écran Cinémascope, soutenu par une partition emphatique et aérienne, nous voilà revenus au début des années 80, à l’époque où Steven Spielberg réalisait et produisait des contes pour adolescents emplis de monstres et de merveilles. La référence à l’époque glorieuse de Gremlins Retour vers le futur ou Le Secret de la pyramide est pleinement assumée par J.J. Abrams, qui a grandi devant ces films bien avant de devenir l’instigateur des séries Alias et Lost, puis d’offrir un nouveau souffle aux sagas Mission Impossible et Star Trek. Officiellement parrainé par le réalisateur d’E.T., il lui déclare ici son amour cinéphilique sans jamais tomber dans le travers de l’imitation servile ou du clin d’œil appuyé. Car Super 8 possède sa propre personnalité et puise de toute évidence une grande partie de son inspiration dans les souvenirs d’enfance du cinéaste.

Nous sommes en 1979, à la fin de l’année scolaire, dans une bourgade tranquille de l’Ohio. Un petit groupe de teenagers, qui tourne un film d’horreur en super 8 sous l’influence du Zombie de George Romero, est témoin d’une catastrophe ferroviaire extrêmement spectaculaire. Suite à cet accident, les gens de la ville commencent à disparaître et les phénomènes étranges se multiplient. Tandis que l’armée commence à investir les lieux et que la police semble impuissante, nos jeunes héros semblent les seuls à pouvoir découvrir la vérité… Si la plupart des figures imposées du genre semblent au rendez-vous, J.J. Abrams slalome habilement entre tous les clichés semés sur sa route, refusant l’archétype et la caricature (façon Les Goonies) au profit d’une construction dramatique solide et de protagonistes extrêmement touchants. Les séquences d’action ébouriffantes (le crash du train est un morceau d’anthologie qui fera probablement date) ne prennent donc jamais le pas sur les personnages, véhicules d’humour, de tendresse et d’émotion. 

En état de grâce

Super 8 s’affirme du coup comme un véritable exercice d’équilibrisme, à mi-chemin entre la nostalgie sincère (ceux qui ont connu les joies et les frustrations des courts-métrages en 8 mm verront leurs souvenirs ravivés), la quête permanente d’originalité (le scénario ne cesse de nous mener par le bout du nez jusqu’à un climax de toute beauté) et l’hommage assumé au cinéma de Steven Spielberg, dont l’ombre omniprésente semble planer sur l’ensemble du métrage. Tour à tour, Rencontres du troisième type, E.T.Les Dents de la merJurassic Park et même La Guerre des mondes y trouvent des correspondances visuelles et thématiques, tandis que la somptueuse bande originale écrite par Michael Giacchino paie son tribut aux symphonies de John Williams. Pour autant, Abrams conserve le style qui lui est propre, tant dans l’écriture de ses dialogues que dans ses partis pris visuels (les fameux « lens flare » de Star Trek sont toujours de la partie). Voilà donc une œuvre en état de grâce, dont l’alchimie presque miraculeuse tient autant à ses auteurs qu’à sa magnifique brochette de jeunes comédiens rivalisant de justesse et de spontanéité.

 

© Gilles Penso

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X-MEN LE COMMENCEMENT (2011)

Le genèse des mutants de Marvel nous est contée dans cet excellent film choral qui prend ses racines dans les tourments de la Deuxième Guerre Mondiale

X-MEN FIRST CLASS

2011 – USA

Réalisé par Matthew Vaughn

Avec James McAvoy, Michael Fassbender, Kevin Bacon, Jennifer Lawrence, Beth Goddard, Rose Byrne, Oliver Platt, Jason Flemyng

THEMA SUPER-HEROS I MUTATIONS I SAGA X-MEN I MARVEL

Avec les deux premiers X-Men, Bryan Singer avait donné un véritable coup de fouet à l’univers Marvel et aux films de super-héros. Mais les déclinaisons suivantes (un troisième opus rejeté en bloc par les fans et un X-Men Origins : Wolverine moyennement convaincant) marquaient sans conteste les limites du concept. Aussi la mise en chantier de ce X-Men : le commencement ressemblait-elle à une opération marketing de la dernière chance, empruntant prudemment la voie ouverte par d’autres préquelles à succès telles que la seconde trilogie Star Wars ou le Star Trek de J.J. Abrams. Rien de bien palpitant ne s’annonçait donc dans cette « First Class » initiée par Fox et Marvel. Et pourtant… quelle claque ! Bryan Singer, de retour aux commandes en tant qu’auteur et producteur, et Matthew Vaughn, passé derrière la caméra après avoir largement fait ses preuves grâce à Stardust et Kick-Ass, reprennent les choses en main avec une virtuosité qui confine au génie. En quelques minutes, X-Men : le commencement s’impose ainsi comme le meilleur épisode de la saga, articulant sa narration autour du droit à la différence, clef de voûte thématique de l’univers des X-Men tel qu’il fut imaginé par Stan Lee et Jack Kirby.

Et pour traiter frontalement l’intolérance, le racisme et la marginalisation, l’arc narratif du film s’étend entre deux points historiques cruciaux : la seconde guerre mondiale et la crise des missiles cubains. Avec une audace scénaristique époustouflante, le quatrième long-métrage de Matthew Vaughn s’ouvre sur le prologue du premier X-Men et le prolonge. Le jeune Eric Lehnsherr, prisonnier des camps de la mort nazis, y révèle des pouvoirs paranormaux qui attisent l’intérêt du professeur Shaw. Un traumatisme violent ne tarde pas à le frapper, creusant les stigmates de sa future personnalité et amorçant une dévorante soif de vengeance. Lorsque nous retrouvons Eric dans les années 60, c’est un homme extrêmement déterminé, maîtrisant désormais ses capacités télékinétiques. Glacial et charismatique comme le James Bond incarné par Sean Connery à l’aube de swinging sixties, il s’impose comme le protagoniste le plus complexe et le plus passionnant du film, révélant au passage l’immense talent de son interprète Michael Fassbender.

Un tour de force vertigineux

A ses côtés, James McAvoy et Kevin Bacon excellent dans les rôles respectifs du jeune Charles Xavier et du redoutable Simon Shaw. Aucun des personnages secondaires n’est d’ailleurs laissé au hasard, chaque sous-intrigue se nouant et se dénouant au fil d’un récit vertigineux qui mue les mutants en acteurs majeurs d’un conflit réel dont chacun connaît l’issue – et qui génère pourtant un suspense affolant au cours d’un climax excessivement tendu. Survolté dans ses séquences d’action palpitantes, paré d’une violence brute qui sait éviter toute complaisance, profondément touchant dans l’appréhension du mal-être de ses protagonistes en marge, X-Men : le commencement est un véritable tour de force qui sait remplir toutes les conditions de son cahier des charges (amorcer une nouvelle trilogie qui respecte les codes déjà établis, abreuver les fans de références et des clins d’œil) sans jamais perdre sa personnalité et sa singularité.

 

© Gilles Penso

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