DEMONIC TOYS 2 (2010)

Les méchants jouets de Charles Band s’associent à un pantin démoniaque pour semer la terreur dans un château italien…

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DEMONIC TOYS 2

 

ANNEE – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Alli Kinzel, Lane Compton, Selene Luna, Michael Citriniti, Elizabeth Bell, Billy Marquart, Leslie Jordan, gage Hubbard, Jane Wiedlin

 

THEMA JOUETS I DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND I DEMONIC TOYS

L’année 2010 aura été généreuse en suites pour la compagnie Full Moon, désireuse de développer chacune de ses franchises pour pouvoir satisfaire les fans des productions Charles Band et remplir les tiroir-caisse. Les bacs vidéo se seront donc enrichis de Puppet Masters : Axis of Evil, de Killjoy 3 et de ce Demonic Toys 2 qui ouvre le bal dès le mois de janvier. La mise en scène est confiée à William Butler, ancien familier des programmes Disney et des Power Rangers reconverti dans le cinéma d’horreur à petit budget. L’homme ne cache pas son enthousiasme à l’idée de faire joujou avec les petits monstres nés dans le premier film de la saga réalisé par Peter Manoogian. « Je suis très excité, car Charles Band revient aux habitudes de ses films précédents, notamment un tournage en Italie », déclarait-il à l’époque. « Je suis vraiment ravi de faire partie de cette équipe, parce que Charles cherche à retrouver ses qualités d’antan en revigorant ses franchises » (1). Si les jouets démoniaques sont déjà apparus dans Demonic Toys (1992), Dollman vs. Demonic Toys (1993) et Puppet Masters vs. Demonic Toys (2004), ce nouvel opus ne tient pas compte du dernier des trois films, une « parenthèse » sur laquelle Charles Band n’avait qu’un rôle honorifique. Les événements de Demonic Toys 2 se déroulent donc juste après ceux racontés dans Dollman vs. Demonic Toys. C’est bon, vous suivez ?

Les vilains Baby Oopsie (le bébé maléfique) et Jack Attack (le clown carnassier) ayant été réduits en pièces dans le film précédent, une main gantée ramasse les morceaux et les répare. Et voilà nos joujoux presque comme neufs (avec quelques cicatrices, façon La Fiancée de Chucky) réunis dans une caisse à destination d’un richissime collectionneur spécialisé dans les bizarreries : le docteur Lorca (Michael Citriniti). Ce personnage étant déjà au cœur du délirant Hideous, on sent bien la volonté chez Charles Band d’entremêler les franchises entre elles pour jouer le même jeu que Marvel (toutes proportions gardées bien sûr). Lorca débarque donc en Italie avec sa nouvelle compagne (Elizabeth Bell), son beau-fils (Lane Compton), son chauffeur (William Marquart) et une médium lilliputienne (Selene Luna) pour récupérer la caisse tant convoitée mais également une relique encore plus précieuse : Divoletto, l’un des jouets les plus anciens et les plus énigmatiques du monde. Sur place, ils rejoignent la jeune femme qui a découvert cet inestimable pantin (Alli Kinzel) ainsi qu’un expert en objets anciens (Leslie Jordan). Bien sûr, tous ces démons miniatures ne tardent pas à s’éveiller pour transformer le séjour de ce petit groupe en jeu de massacre…

Tchao pantins

Succédant à John Carl Buechler, designer des « Demonic Toys » originaux, Gage Munster et son équipe relookent les petits monstres mais il faut bien reconnaître que les effets spéciaux mécaniques restent extrêmement basiques, obligeant les acteurs à s’agiter tandis que les prétendus jouets vivants s’accrochent mollement à eux. Nous avons certes droit à des plans furtifs au cours desquels les mini-tueurs courent dans les couloirs – une première dans la « saga » – mais ce sont des tentatives isolées et anecdotiques. Le reste du temps, la mise en scène de William Butler ne cherche pas à faire la moindre étincelle, même si le décor naturel du château italien se révèle très photogénique et apporte au film une inestimable « production value ».  Les problèmes majeurs du film sont son scénario extrêmement simpliste, n’apportant pas beaucoup de surprises, et ses acteurs tous plus insipides et inexpressifs les uns que les autres (à l’exception peut-être de Leslie Jordan qui parvient à nous dérider sous sa défroque de petit bonhomme acariâtre et irritable). Butler a beau convoquer toute une imagerie fantasmagorique pour varier les plaisirs (tableau hanté, grimoire d’exorcisme façon Livre des Morts d’Evil Dead, diable surgissant d’un puits), on s’ennuie ferme face à ce Demonic Toys 2 qu’on aurait aimé moins convenu et plus incisif.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Fangoria » en 2010.

 

© Gilles Penso

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BIS (2015)

Kad Merad et Franck Dubosc incarnent deux hommes redevenant miraculeusement lycéens et s’offrant une chance de changer leur destin…

BIS

 

2015 – FRANCE

 

Réalisé par Dominique Farrugia

 

Avec Franck Dubosc, Kad Merad, Alexandra Lamy, Gérard Darmon, Julien Boisselier, Anne Girouard, Eléonore Grosset, Antonin Chalon, Fabian Wolfrom

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

De Peggy Sue s’est mariée à 17 ans encore en passant par Camille redouble ou La Machine à démonter le temps, le concept de l’adulte qui redevient adolescent comme par magie pour que la vie lui offre une seconde chance est presque devenu un sous-genre à part entière de la comédie fantastique. Pour son sixième long-métrage en tant que réalisateur, Dominique Farrugia décide de s’engouffrer dans la brèche en s’appuyant sur deux têtes d’affiches extrêmement populaires auprès du grand public français. Franck Dubosc (déjà présent dans le précédent film de Farrugia, Le Marquis) et Kad Merad (hyperactif sur les écrans depuis le succès de Bienvenue chez les Ch’tis) incarnent Éric et Patrice, deux amis inséparables depuis le lycée. Au fil des années, leurs destinées se sont singulièrement éloignées. Si Éric gagne chichement sa vie dans un restaurant de sushis en multipliant les conquêtes féminines et en fuyant les impôts, Patrice est un homme rangé, marié, père d’une adolescente, gynécologue et auteur à succès. Difficile d’imaginer plus grand écart entre deux parcours de vie. Un soir, après une soirée très arrosée, les deux hommes se retrouvent propulsés en 1986, à l’âge où ils avaient 17 ans. S’ils ont conservé leur attitude et leur raisonnement d’adultes, tout le monde les voit désormais sous leur apparence de lycéens. Passée la surprise et l’incompréhension, Éric et Patrice se demandent si ce n’est pas l’occasion rêvée pour changer le cours de leur vie…

Le comique de situation est bien sûr le moteur principal de Bis, mais derrière l’argument vaudevillesque affleure une nostalgie manifeste que Farrugia assume pleinement en puisant dans ses propres souvenirs d’adolescence. « Éric, c’est moi », avoue le réalisateur. « Comme lui, je ne foutais rien à l’école et mes parents étaient tous les deux restaurateurs dans le neuvième arrondissement de Paris, où j’ai passé mon enfance et où a été tourné le film. La relation qu’entretient Éric avec son père est très proche de celle que je vivais avec le mien. Cette comédie évoque d’une belle façon mes parents. » (1) Effectivement, un soin tout particulier est apporté aux seconds rôles que tiennent Julien Boisselier et Gérard Darmon, interprètes des pères respectifs de Patrice et Éric. Bourrus, dépassés par les événements, peu causants et hermétiques à toute démonstration de sentiments, ces deux représentants d’une génération devenue obsolète permettent au film d’enrichir son ambition purement comique d’une petite couche d’émotion inattendue. En filigrane, Bis brocarde aussi l’éternelle insatisfaction inhérente à la nature humaine. L’homme tranquille, père de famille bien intégré dans la société, rêve d’une existence plus libre et moins prévisible. Son ami volage, aventurier et sans attaches envie au contraire cet équilibre apaisant. Comme si l’herbe était plus verte ailleurs. Comme si « appuyer sur la touche bis » allait tout changer.

On rembobine

Pour pousser jusqu’au bout sa démarche nostalgique, Dominique Farrugia, ses décorateurs, ses costumiers et ses accessoiristes effectuent un travail minutieux de reconstitution du milieu des années 80, des magazines aux posters dans les chambres d’ados en passant par les jeux, les gadgets, les journaux, les spots de pub, les véhicules, les tenues et bien sûr la musique. Dubosc et Merad assurent, dans un duo comique qui tombe sous le sens et auquel ils ne s’étaient pourtant encore jamais prêtés. C’est en effet la première fois que les deux acteurs partagent le haut d’une affiche, même s’ils apparaissaient dans Iznogoud sans s’y croiser. Le scénario leur laisse quelques zones d’improvisation, notamment dans les scènes au cours desquelles ils tentent de pitcher des films à succès (dont Bienvenue chez les Ch’tis et Les Visiteurs) à la société de production de Claude Berri ou de convaincre Eddy Barclay de financer la comédie musicale « Les Dix Commandements ». Si la mise en scène reste minimaliste, laissant les acteurs faire leur numéro, quelques astuces visuelles permettent de rappeler aux spectateurs l’argument fantastique du film, notamment les miroirs qui reflètent nos héros sous leur apparence d’adolescents, même si nous continuons à les voir avec leurs corps d’adultes. Dommage que le scénario peine à tenir les promesses de son postulat et finisse par patiner sans échapper aux clichés et aux situations attendues, jusqu’à un final prévisible qui semble emprunter sa structure à celle de l’épilogue de Retour vers le futur – l’une des nombreuses références d’un Dominique Farrugia dont la cinéphilie n’est plus à prouver.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Télé 7 Jours en 2015.

 

© Gilles Penso

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ARGYLLE (2024)

Une écrivaine à succès est embarquée par un agent secret dans des aventures qui ressemblent étrangement à ses écrits

ARGYLLE

 

2024 – USA/ GB

 

Réalisé par Matthew Vaughn

 

Avec Bryce Dallas Howard, Sam Rockwell, Henry Cavill, Bryan Cranston, John Cena, Catherine O’Hara, Dua Lipa

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Trois ans après l’échec au box-office du troisième épisode de sa franchise Kingsman, King’s Man: première mission, Matthew Vaughn persiste et signe malgré tout avec un nouveau film d’espionnage, en délaissant momentanément les fantaisies uchroniques pour revenir au style « pop » de Kingsman – services secrets et Kingsman – le cercle d’or. Mais les temps changent et les hommes aussi : Vaughn n’est plus le cinéaste frondeur et « effronté » du premier Kick-Ass, et ses responsabilités de producteur semblent cette fois avoir pris définitivement le pas sur ses ambitions de réalisateur. Co-financé par Apple et Universal pour un budget hallucinant de 200 millions de dollars (King’s Man – première mission avait couté deux fois moins pour un résultat de meilleure tenue), le produit final ressemble malheureusement plus à du contenu pour plateforme qu’à du cinéma, sur le fond comme sur la forme. Et si la production pourrait hypocritement tenter de justifier le rendu grossier de la grande majorité des incrustations et effets spéciaux par le fait que l’histoire présente en partie des situations fantasmées ou imaginaires, l’argument ne tiendrait plus dès lors que la finition des effets des scènes se situant dans le monde réel ne s’avère jamais plus convaincante (mention spéciale au chat en images de synthèse…). Les Kingsman possédaient aussi leur lot de plans pas très réalistes mais ils compensaient leur manque occasionnel de moyens par une inventivité et une stylisation d’une efficacité imparable.

Elly Conway (Bryce Dallas Howard) est l’auteure d’une série de romans d’espionnage hyper-populaires mettant en scène l’agent Argylle (Henri Cavill). Dans le train qui l’emmène chez ses parents où cette célibataire endurcie espère trouver l’inspiration pour conclure son prochain manuscrit, un véritable agent secret du nom d’Aidan Wilde (Sam Rockwell) l’aborde pour lui expliquer que ses histoires ne sont pas uniquement des fictions issues de son imagination, mais que les évènements qu’elle décrit pourraient bien arriver… à moins qu’ils ne se soient déjà déroulés? D’où viennent ces hallucinations intempestives où Argylle lui apparait et s’adresse à elle lorsqu’elle est seule ? Pourquoi son visage se substitue-t-il parfois dans son imagination à celui d’Aidan ? Après avoir aidé Elly à échapper à des agents ennemis eux-mêmes inquiets des connaissances du milieu de l’espionnage dont elle fait preuve dans ses écrits, Aidan va l’aider à comprendre qui elle est vraiment… Nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher la surprise car Argylle mise beaucoup, voire tout, sur ses retournements de situations et ses révélations. Ce qui, en soi, est une forme de générosité envers son public. Sauf que…

« L’espionne qui mémé »

S’il a toujours joué avec les codes des genres qu’il abordait, Vaughn s’appuyait sur les œuvres déjà très « méta » qu’il adaptait. Qu’il s’agisse de Stardust écrit par son compatriote anglais Neil Gaiman ou des comics « Kick-Ass » et « Kingsman – services secrets » de l’écossais Mark Millar, son cinéma a toujours fait preuve d’un iconoclasme et d’une sensibilité « so British », qui semblent tristement dilués dans Argylle. Si le film était sorti dix ou quinze ans plus tôt, on aurait applaudi Vaughn pour sa volonté de déjouer les codes du film d’espionnage en faisant d’une actrice non-athlétique une héroïne d’action, aux antipodes de Tomb Raider, voire Salt pour qui s’en souvient encore. Mais vue à travers le prisme du « wokisme » actuel, l’audace devient ici démagogie. Pour ne rien arranger, la mise en scène (en plus des effets spéciaux décevants) se repose beaucoup sur des « têtes qui parlent » lors de très statiques champs / contre-champs très télévisuels dans une surabondance de dialogues explicatifs : la marque de fabrique des plateformes de streaming qui savent que leurs « contenus » sont en concurrence directe avec les téléphones et les tâches domestiques de leurs spectateurs ! Vaughn retrouve sa verve filmique pour emballer quelques séquences d’action dont il a le secret même si, là encore, on est très loin de l’émotion qu’il était capable de transmettre à travers les ruptures de ton spontanées de ses précédents films. Argylle est tellement calibré et aseptisé qu’il en devient poussif et presque ringard. La prestation de Sam Rockwell vaudrait néanmoins presque à elle seule le détour, tant il incarne parfaitement l’esprit « Vaughn », en brouillant subtilement les pistes du premier et du second degré. On pourra aussi préférer revoir Des agents très spéciaux de Guy Ritchie qui, en raison de la présence d’Henry Cavill déjà dans le rôle d’un espion, force un peu la comparaison directe avec Argylle.

 

 © Jérôme Muslewski


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FINCH (2021)

Tom Hanks est l’un des derniers survivants de l’apocalypse, sillonnant une terre désertée avec un chien et un robot de son invention…

FINCH

 

2021 – USA

 

Réalisé par Miguel Sapochnik

 

Avec Tom Hanks, Caleb Landry Jones

 

THEMA FUTUR I ROBOTS

C’est d’abord sous le titre énigmatique de Bios que ce projet a commencé à faire le tour des studios. Les deux auteurs du scénario sont Craig Luck et Ivor Powell. Le premier est surtout connu pour ses travaux de technicien de l’image sur des films tels qu’Annihilation, Solo ou Doctor Strange, le second pour avoir participé à la production des premiers longs-métrages de Ridley Scott (Les Duellistes, Alien, Blade Runner). Ce script attire beaucoup de monde et c’est finalement Amblin Entertainment, la compagnie de Steven Spielberg, qui en acquiert les droits, Robert Zemeckis assurant le rôle de producteur exécutif. La double présence de Spielberg et Zemeckis en coulisses n’est sans doute pas étrangère à celle de leur acteur fétiche Tom Hanks en tête d’affiche, au sein d’un récit futuriste dont la mise en scène est finalement confiée à Miguel Sapochnik (Repo Men). Tourné au Nouveau-Mexique en 2019, le film est rebaptisé Finch et s’apprête à sortir en salles en octobre 2020. Mais la pandémie du Covid-19 survient sans crier gare, entrant bizarrement en correspondance avec le propos alarmiste du long-métrage (où il est question justement de catastrophe planétaire, de maladie et de confinement). Le distributeur Universal Pictures doit donc renoncer à une exploitation au cinéma. Finch sera finalement diffusé sur la plateforme Apple TV en novembre 2021.

Quinze ans après la gigantesque éruption solaire qui a détruit la couche d’ozone, la Terre n’est plus qu’un désert brûlant et hostile régulièrement ravagé par des phénomènes météorologiques violents. Finch Weinberg, ingénieur en robotique, est l’un des rares survivants du cataclysme. Isolé avec son chien Goodyear et son petit robot roulant Dewey dans un laboratoire de Saint-Louis qui appartenait à la société qui l’employait, il sillonne les alentours à bord de son camping-car spécialement customisé pour récupérer les quelques vivres encore disponibles dans le vaste dépotoir qu’est devenue la cité, engoncé dans une combinaison qui le protège des UV et des radiations. Le reste du temps, il s’affaire à son grand projet : la construction d’un robot humanoïde intelligent qui pourrait lui tenir compagnie et s’occuper de son chien en cas de malheur. Lorsqu’une monstrueuse tempête menace de dévaster leur repère, les membres de cette étrange « famille » humaine, canine et robotique, décident de prendre la route sans plus tarder…

Les rescapés de la fin du monde

Après des prémisses évoquant bon nombre de films post-apocalyptiques ayant déjà détaillé par le passé la difficile survie des rescapés de la fin du monde, Finch prend la tournure d’un road movie mélancolique au cours duquel la machine conçue par notre héros développe son apprentissage de la vie… tout en manifestant l’éveil d’une sorte de conscience. Craig Luck et Ivor Powell ont manifestement écrit leur script sous influence. L’incontournable Isaac Asimov est convoqué dès l’édiction des règles régissant le futur comportement de l’androïde. Silent Running, le space opera écologique de Douglas Trumbull, nous vient aussi à l’esprit, les deux films ayant en commun un homme solitaire se liant d’affection pour des robots humanisés. Rien n’empêche par ailleurs de voir chez Finch une relecture moderne de Gepetto. Ironiquement, Tom Hanks incarnera le fameux marionnettiste dans le Pinocchio que réalisera Robert Zemeckis l’année suivante. La prestation de Hanks est de toute évidence l’un des points forts de Finch, tout comme celle de Caleb Landry Jones qui prête sa voix et sa performance physique au robot vedette. Les effets visuels se révèlent d’ailleurs remarquables de réalisme. Le film a donc tout pour plaire, assumant la simplicité de son propos et une émotion à fleur de peau. Mais ce parti pris fixe aussi ses propres limites, dans la mesure où le scénario s’avère linéaire et prévisible. Sans doute manque-t-il à cette histoire un final digne de ce nom remettant en perspective la misanthropie du protagoniste. Un dernier acte abondant dans ce sens fut d’ailleurs tourné par Miguel Sapochnik puis finalement abandonné au profit d’une résolution plus minimaliste.

 

© Gilles Penso


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I’M YOUR MAN (2021)

Une scientifique accepte de participer à un test consistant à nouer une relation intime avec un robot conçu pour la satisfaire…

ICH BIN DEIN MENSCH

 

2021 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Maria Schrader

 

Avec Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller, Hans Löw, Wolfgang Hübsch, Annika Meier, Falilou Seck, Jürgen Tarrach, Henriette Richter-Röhl, Monika Oschek

 

THEMA ROBOTS

Réalisatrice du thriller La Girafe, du drame Vie amoureuse, du biopic Stefan Zweig : adieu l’Europe et de la série Unorthodox, Maria Schrader se lance avec I’m Your Man dans une comédie dramatique intimiste laissant entrevoir comment la robotique et l’intelligence artificielle pourraient s’immiscer dans nos vies futures. Afin d’obtenir des fonds pour ses recherches, la spécialiste des langues anciennes Alma Felser (Maren Eggert) accepte de participer à une étude d’un genre très particulier. Pendant trois semaines, elle devra vivre avec Tom (Dan Stevens), un robot humanoïde conçu pour être le partenaire idéal, grâce à une programmation s’adaptant parfaitement à son caractère et à ses besoins. Dès que le test commence, Alma regrette sa décision. Le ridicule de la situation lui saute en effet aux yeux. Tom est certes un homme artificiel très séduisant, plein d’attentions délicieuses, d’un caractère égal et enjoué, d’une force surhumaine et d’une intelligence hyperbolique. Mais comment nouer avec lui une quelconque relation sérieuse, fut-elle temporaire ?

I’m Your Man s’efforçant de développer avec le plus de réalisme possible un postulat de science-fiction pure, il était nécessaire d’éviter la moindre fausse note pour que le château de cartes ne s’écroule pas. En ce sens, la prestation de Dan Stevens se révèle remarquable. Non content de posséder le sex-appeal indispensable au bon fonctionnement de son personnage et d’être capable de parler parfaitement l’allemand avec une petite pointe d’accent, l’acteur britannique parvient à nous faire croire dès les premières secondes à sa nature d’androïde grâce à un jeu subtil équilibrant au millimètre près les gestes mécaniques, les sourires un peu forcés, les regards fixes et les intonations légèrement décalées. Face à cette prestation à la froideur savamment calculée, Maren Eggert peut laisser s’exprimer sa pleine humanité, avec tout ce qu’elle comporte de failles, de contradictions et d’émotions refoulées. Car son personnage nous apparaît de prime abord glacial, antipathique, égoïste, cette carapace austère masquant des fêlures profondément enfouies. Paradoxalement, c’est au contact du robot qu’elle va pouvoir progressivement se libérer de tout ce poids.

L’homme idéal

Sous ses allures de « comédie romantique avec un robot », avec ce motif toujours fascinant de la possibilité utopique d’une idylle entre un être de chair et de sang et une machine intelligente (décliné dans des œuvres aussi dissemblables que Blade Runner, Electric Dreams, Edward aux mains d’argent, Her ou Ex Machina), I’m Your Man pose en substance une question brûlante d’actualité. Dans une société où la technologie et les algorithmes nous permettent désormais d’avoir un accès immédiat et adapté à chacun de nos besoins, ne risquons-nous pas de perdre peu à peu notre humanité ? Notre nature ne repose-t-elle pas justement sur la quête de désirs inassouvis, la frustration, les chemins de traverse, les détours et les compromis dont est jalonné un parcours de vie ? Ces interrogations existentielles ne trouvent bien sûr aucune réponse définitive, chaque spectateur étant invité à tirer ses propres conclusions de cette fable à peine futuriste aux ramifications vertigineuses malgré son approche naturaliste et sa mise en forme volontairement dénuée d’artifices.

 

© Gilles Penso

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LE CERCUEIL VIVANT (1969)

Vincent Price et Christopher Lee partagent l’affiche de cette fausse adaptation d’Edgar Poe au scénario rocambolesque…

THE OBLONG BOX

 

1969 – GB

 

Réalisé par Gordon Hessler

 

Avec Vincent Price, Christopher Lee, Rupert Davies, Uta Levka, Sally Geeson, Alister Williamson, Peter Arne, Hilary Heath

 

THEMA TUEURS

Vincent Price et Edgar Poe sont des mots qui vont très bien ensemble, grâce aux somptueuses adaptations réalisées par Roger Corman au début des années 60. Pour continuer à capitaliser sur cette formule gagnante, la compagnie AIP a confié à sa branche britannique la production de ce Cercueil vivant, qui ne présente en réalité aucun rapport avec la nouvelle de Poe dont il est censé s’inspirer, malgré l’emploi d’un des thèmes de prédilection de l’auteur : l’enterré vivant. Revenus d’un long séjour en Afrique, les frères Markham s’installent aux abords de Londres. Julian (Vincent Price, donc) retrouve sa jeune fiancée Elizabeth (Hillary Dwyer, qui a tout de même 34 ans de moins que lui !), mais Edward (Alister Williamson), à demi-fou et défiguré par une malédiction, reste enfermé dans les combles de la maison. Pourquoi les sorciers africains lui ont-ils jeté un sort ? A ce stade, le mystère reste entier. A cette situation déjà complexe s’ajoute l’avocat de la famille, Trench (Peter Arne), qui met au point un stratagème pour délivrer Edward et empocher au passage une joie somme d’argent.

Son plan consiste à droguer Edward afin de le faire passer pour mort, puis à venir l’exhumer après son enterrement. Mais le fourbe compte laisser le malheureux six pieds sous terre. Comme si ça ne suffisait pas, le docteur Newhartt (Christopher Lee, affublé d’une étrange perruque grisonnante) vient encore compliquer les choses. Pour les besoins de ses expériences, ce dernier fait appel à des résurrectionnistes qui pillent les tombes, à la façon des tristement célèbres Burke et Hare. Par une heureuse coïncidence scénaristique, il hérite ainsi du corps d’Edward, qui finit par surgir hors de sa tombe, libéré des effets de la drogue. « Mon esprit est dérangé, mon visage détruit, on m’a tué et miraculeusement ressuscité, je suis une créature remarquable, docteur », affirme-t-il pour résumer une situation au sein de laquelle même les plus attentifs commencent à perdre le fil. Ivre de vengeance, le miraculé dissimule désormais son visage contrefait sous un masque rouge et accumule les cadavres sur son passage.

« Mon esprit est dérangé, mon visage détruit… »

Puisant son inspiration un peu partout, le scénario rocambolesque du Cercueil vivant ressemble à une foire d’empoigne décousue que le metteur en scène Gordon Hessler, appelé à la rescousse après la mort prématurée de son collègue Michael Reeves, s’efforce de dynamiser en dramatisant notamment à outrance chaque meurtre. Mais l’intrigue s’étirant souvent artificiellement, le futur réalisateur du Voyage fantastique de Sinbad se voit contraint de faire durer jusqu’à l’épuisement des séquences accessoires, comme la cérémonie vaudou du prologue, qui n’en finit plus, ou cette interminable démonstration de débauche et de beuverie dans une auberge où tout s’achève par une bagarre générale totalement superflue. La déception qu’engendre le film se mue en frustration dans la mesure les deux géants en tête d’affiche restent chacun cantonnés dans leurs scènes respectives à l’exception d’une brève rencontre escamotée. Vincent Price et Christopher Lee ne se côtoient donc que virtuellement dans ce Cercueil vivant anecdotique.

 

© Gilles Penso


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SLEEP (2023)

Jason Yu, protégé du réalisateur Bong Joon-ho, signe un premier long-métrage récompensé par le Grand Prix du festival de Gérardmer…

SLEEP

 

2023 – CORÉE

 

Réalisé par Jason Yu

 

Avec Lee Sun-kyun, Yu-mi Jung, Kim Gook Hee, Yoon Kyung-ho

 

THEMA FANTÔMES

Après avoir fait une première mondiale remarquée à Cannes dans la sélection de la Semaine de la Critique, Sleep est un film qui démarrait sous les meilleurs augures avant que l’on apprenne avec une grande tristesse, le 27 décembre 2023, la terrible nouvelle de la mort de Lee Sun-kyun. Star de premier plan dans son pays, diplômé de la prestigieuse université des arts de Corée, l’acteur bénéficiait d’une reconnaissance internationale pour ses collaborations avec Hong Sang-soo et pour son rôle dans Parasite, Palme d’or et Oscar du meilleur film étranger en 2020. Dans Sleep, l’acteur de 48 ans incarne un père de famille aimant, forcé d’affronter une série de difficultés qui mettent sa famille en péril et son couple à rude épreuve. Lee y est particulièrement touchant. Sa disparition affecte en plus de ses proches toute une famille de cinéma sud-coréenne et de nombreux fans autour du monde, inconsolables à juste titre. Bong Joon-ho ne tarit pas d’éloges au sujet de Jason Yu ho, qui a été son assistant sur Okja. Le réalisateur, bien qu’avant tout amateur de comédies (comme Sam Raimi), signe ici un premier film horrifique qui suscite l’intérêt par ses multiples degrés de lectures.

Soo-Jin (Yu-mi Jung, vue entre autres dans l’excellent film de zombies de Yeon Sang-Ho Dernier train pour Busan, sorti en 2016), est une jeune femme d’affaires séduisante et sûre d’elle. Elle forme avec son mari Hyun-su (Sun-kyun Lee), un couple bien décidé à rester soudé au-delà des épreuves de la vie, selon la formule consacrée « pour le meilleur et pour le pire ». Seulement le pire va arriver plus tôt que prévu. Enceinte, Soo-Jin voit d’abord son mari, acteur de profession, perdre confiance en lui à force d’enchaîner des rôles de figurant. Persuadée de son talent, elle ne doute pas le moins du monde de lui et l’encourage avec un tel enthousiasme que Hyun-su n’ose pas la décevoir. Ainsi, pensant la préserver, il commence à lui cacher que ce métier le met en proie au stress, cause probable de ses soudaines crises de somnambulisme. Hyun-su est en effet atteint de TCSP (Trouble du comportement en sommeil paradoxal) et ses crises se multiplient. Ce type de somnambulisme dit « à risque » pouvant conduire à des actes fatals, les jeunes mariés se voient dans l’obligation de sécuriser toute la maison et de cacher tout objet susceptible d’être dangereux. Malgré l’amour qui les soude et le fait que tout se passe bien dans la journée, Soo-Jin, en manque de sommeil, devient de plus en plus anxieuse. Aussi, lorsque leur bébé voit le jour, craignant de le mettre en danger suite aux faits divers sordides qu’elle a pu découvrir sur internet, les nerfs à vif, elle finit par craquer…

Le dernier film de Lee Sun-kyun

Après une première partie empreinte de réalisme, pour laquelle Jason Yu s’est beaucoup documenté, la tension monte d’un cran. Renvoyé de son travail, hospitalisé dans une clinique du sommeil, confié aux bons soins d’un médecin expérimenté qui le suit de près, Hyun-su se remet petit à petit de son trouble. Mais Soo-Jin n’est pas sereine pour autant. Alors qu’elle n’accordait jusque-là aucun crédit aux superstitions entendues, liées à la présence supposée d’un esprit fantôme qui voudrait prendre la place du somnambule auprès de sa femme, elle se laisse gagner par le doute, puis par l’inquiétude et finalement la terreur. Bientôt, la version la plus irrationnelle des faits s’impose à elle comme une évidence. Le couple va-t-il réussir à se sauver et rester fidèle à son serment de mariage qui promettait de toujours rester ensemble et de tout surmonter ? L’intrigue de Sleep s’inscrit dans les croyances les plus anciennes de la péninsule coréenne, et c’est en jouant sur plusieurs tableaux que le film tient haleine jusqu’au bout, servi par ses deux formidables interprètes. Si le suspense et l’horreur le sous-tendent, Sleep est aussi et surtout, de l’aveu même de son réalisateur, un film sur un couple et sur leur histoire d’amour. Le fait qu’il fasse soudain tragiquement écho à celui de l’acteur disparu (marié à la comédienne Jeon Hye-Jin dans la vie avec qui il avait deux enfants), le rend d’autant plus déchirant.


© Quélou Parente


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NIGHT SWIM (2024)

Une famille s’installe dans une nouvelle maison dont la piscine semble hantée par une force ancienne et maléfique…

NIGHT SWIM

 

2024 – USA

 

Réalisé par Bryce McGuire

 

Avec Wyatt Russell, Kerry Condon, Amélie Hoeferle, Gavin Warren, Jodi Long, Nancy Lenehan, Eddie Martinez, Elijah J. Roberts, Rahnuma Panthaky

 

THEMA FANTÔMES

Au départ, Night Swim est un court-métrage d’horreur de quatre minutes que Bryce McGuire écrit et co-réalise en 2014 avec Rod Blackhurst. On y voit une jeune femme, incarnée par Megalyn Echikunwoke, qui prend un bain nocturne dans une piscine puis croit apercevoir une inquiétante silhouette s’approchant d’elle inexorablement… Efficace et malin, ce petit bout d’essai ne révolutionne certes pas le genre mais fait son petit effet dès sa mise en ligne sur YouTube où son nombre de vues grandit de manière impressionnante. McGuire, qui connaît bien ses classiques, avoue avoir puisé son inspiration dans Les Dents de la mer, Poltergeist, Abyss, Christine, L’Étrange créature du lac noir et même dans plusieurs souvenirs d’enfance personnels. Vice-président exécutif de la compagnie de production Atomic Monster, Judson Scott pense flairer là une bonne affaire et conseille à son partenaire James Wan de jeter un coup d’œil à Night Swim. Séduit, le créateur des franchises Saw et Conjuring en achète les droits pour en tirer un long-métrage. Et c’est Bryce McGuire lui-même qui est invité à écrire et réaliser le film.

Après un prologue nous annonçant immédiatement la couleur – une fillette est attaquée un soir dans la piscine familiale par une force inconnue et visiblement diabolique -, nous découvrons la famille Waller. Ray (Wyatt Russell, le fils du célèbre Kurt, héros de la série Monarch : Legacy of Monsters) est une ancienne star du base-ball dont la carrière s’est brisée net à cause du développement d’une sclérose en plaque. Pour prendre un nouveau départ, il s’installe avec sa femme et ses deux enfants dans une nouvelle maison avec piscine… celle du prologue, bien sûr. L’équipe d’entretien qui est embauchée pour remettre le bassin en route découvre que la piscine tire son eau d’une source souterraine de la région. Ce phénomène naturel semble avoir un effet extrêmement bénéfique sur Ray. Plus il s’y baigne, plus son état de santé semble en effet s’améliorer. Mais il y a une terrible contrepartie à cette rémission…

Méfiez-vous de l’eau qui dort

Night Swim version longue démarre plutôt bien. Les personnages sont crédibles, solidement interprétés, et le capital sympathie de Wyatt Russell emporte l’adhésion. Mais si l’aspect « naturaliste » du récit s’amorce de manière cohérente, suscitant l’attachement des spectateurs pour cette poignée de protagonistes aux problématiques tangibles, le plongeon dans le surnaturel fait perdre au film toute sa substance. Car les mécanismes de la peur convoqués par Bryce McGuire ne fonctionnent pas, s’appuyant souvent sur des effets faciles, des gimmicks déjà vus et une certaine paresse que ne parvient pas à contrebalancer une mise en scène parfois inventive. McGuire est visiblement sous l’influence de son « parrain » James Wan dont il cherche à retrouver l’esprit (en se référant principalement aux atmosphères anxiogènes des Conjuring et Insidious), mais tout ce que le réalisateur échafaude finit par tomber à l’eau (oui, c’est le cas de le dire). Plus l’intrigue avance, moins on y croit, et le caractère « train fantôme » du long-métrage (la séquence d’inquiétude pendant la « pool party » qui doit tout aux Dents de la mer, le dernier acte qui s’inspire très largement de Shining, les nombreuses apparitions spectrales qu’on croirait surgies d’un épisode de Scooby-Doo) finit par devenir embarrassant. Finalement, Night Swim aurait sans doute dû se cantonner au format court.

 

© Gilles Penso


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12H01 : PRISONNIER DU TEMPS (1993)

Coincé dans une boucle temporelle, l’employé d’une compagnie énergétique tente d’empêcher l’assassinat d’une de ses collègues…

12:01

 

1993 – USA

 

Réalisé par Jack Sholder

 

Avec Jonathan Silverman, Helen Slater, Nicolas Surovy, Robin Bartlett, Jeremy Piven, Constance Marie, Glenn Morshower, Martin Landau, Paxton Whitehead

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Publiée en décembre 1973 dans « The Magazine of Fantasy & Science-Fiction », la nouvelle « 12:01 PM » de Richard Lupoff jongle habilement avec le concept de la boucle temporelle. Dix-sept ans plus tard, le jeune réalisateur Jonathan Heap en tire un court-métrage de trente minutes qui sera nommé aux Oscars et que l’écrivain appréciera grandement. Heap est logiquement pressenti pour diriger dans la foulée une version longue de cette histoire, destinée à Fox Télévision, mais finalement c’est Jack Sholder (Dément, La Revanche de Freddy, Hidden) qui hérite du projet. « Le réalisateur du court devait diriger le film, mais sa première expérience dans la mise en scène n’a pas été un succès, ce qui explique qu’on m’ait impliqué au dernier moment », explique Jack Sholder. « L’idée de réaliser un téléfilm ne m’enchantait pas. Le planning serré ne m’attirait pas non plus. Mais les producteurs étaient des amis et j’ai beaucoup apprécié le script. Voilà pourquoi j’ai accepté » (1). Sholder n’aura pas à regretter cette décision, 12h01 demeurant pour lui un excellent souvenir de tournage. Le film lui permet en outre de démontrer de fortes affinités avec un genre qu’il n’avait encore jamais abordé frontalement : la comédie. Car si 12h01 est un récit de science-fiction riche en rebondissements, en retournements de situation et en suspense, l’humour y occupe une place de choix.

Au-delà de son scénario et de sa mise en scène, cet excellent téléfilm s’appuie sur un casting de haut niveau. En tête d’affiche, le trop rare Jonathan Silverman nous enchante, dans le registre du doux-dingue maladroit et séducteur dont le tempo comique n’est pas sans rappeler certaines facéties d’un Jim Carrey ou d’un David Schwimmer. Silverman incarne Barry Thomas, prisonnier d’un travail routinier au service du personnel d’une grande compagnie d’énergie. Un beau matin, il flashe sur une collègue scientifique qu’il ne connaissait pas, Lisa Fredericks. C’est avec joie que nous découvrons Helen Slater dans le rôle de la jeune femme. Débarrassée de la cape et de la jupette de Supergirl, la comédienne nous offre l’une de ses prestations les plus mémorables, tout en finesse et en retenue. Comment ne pas non plus nous réjouir en retrouvant ce bon vieux Martin Landau dans le rôle du docteur Thadius Moxley, chef de projet d’un accélérateur de particules plus rapide que la lumière ? Alors que cette découverte scientifique est sujette à plusieurs controverses, Barry assiste avec horreur à l’assassinat de Lisa… puis se réveille le lendemain pour découvrir que la même journée est en train de se répéter inlassablement. Pourra-t-il la sauver et confondre les coupables ?

Qui a plagié qui ?

Mené à un rythme effréné ne nous laissant que peu de répit, 12h01 est drôle, touchant, palpitant (Sholder trouve le moyen d’intégrer dans le film une poursuite de voiture tournée en à peine huit heures, planning télévisé oblige) et n’a pas pris une ride. Contournant la censure imposée par le petit écran, le réalisateur redouble d’inventivité, filmant par exemple au ralenti une envolée de pétales de roses rouges pour suggérer le sang qui jaillit du corps d’Helen Slater frappée par les balles assassines. En découvrant ce téléfilm aujourd’hui injustement tombé dans l’oubli, d’aucuns ont cru y voir un plagiat d’Un jour sans fin, sorti sur les écrans cinq mois plus tôt. Richard Lupoff, l’auteur de la nouvelle « 12:01 PM », pense plutôt le contraire. « Jonathan Heap et moi-même avons été indignés et avons essayé de poursuivre les coquins qui nous avaient volés, mais hélas, l’establishment hollywoodien a serré les rangs », raconte-t-il avec rancœur. « Après six mois de réunions d’avocats et de stress émotionnel, nous avons décidé de laisser l’affaire derrière nous et de reprendre le cours de notre vie » (2). Aujourd’hui encore, il est difficile de savoir si Un jour sans fin s’est inspiré de la nouvelle de Lupoff ou si 12h01 a surfé sur le succès de la comédie d’Harold Ramis. Une chose est sûre : ces deux films sont des régals qui se redécouvrent à chaque fois avec autant de plaisir.

 

(1) Extrait d’une interview réalisée par Luis Alcaïde pour « L’Écran fantastique » de mai 1994.

(2) Extrait d’un témoignage de Richard Lupoff publié en janvier 1995.

 

 

© Gilles Penso


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LE GUERRIER D’ACIER (1996)

Mario Van Peebles se prend à la fois pour Terminator et pour Rambo dans cette série B d’action pétaradante…

SOLO

 

1996 – USA

 

Réalisé par Norberto Barba

 

Avec Mario Van Peebles, William Sadler, Adrien Brody, Barry Corbin, Demian Bichir, Jaime Gomez, Seidy Lopez, Abraham Verduzco, Joaquin Garrido, Jaime P. Gomez

 

THEMA ROBOTS

Après avoir réalisé plusieurs longs-métrages dans les années 90 (New Jack City, La Revanche de Jessie Lee, Panther), Mario Van Peebles se met en quête d’un film dont il serait simplement acteur à condition de se voir offrir un rôle complexe et inattendu. Le projet Solo semble tomber à point nommé. Il s’agit de l’adaptation d’un roman de Robert Mason, « Weapon », paru en 1989 et adapté par le scénariste David L. Corley. On se perd honnêtement en conjectures sur ce qui a pu attirer Van Peebles à la lecture du script, tant celui-ci accumule les balourdises et les clichés. Peut-être l’acteur souhaitait-il marcher sur les traces de Jean-Claude Van Damme et de Dolph Lundgren suite au succès d’Universal Soldier ? Toujours est-il que ce mélange contre-nature de Terminator, Rambo, Predator et Robocop est très drôle au second degré, ce qui n’était évidemment pas son intention initiale. Son réalisateur, Norbero Barba, n’aura mis en scène qu’un seul autre film pour le cinéma, le thriller d’action Sous le signe du tigre, consacrant le reste de sa carrière (bien fournie) à la télévision américaine. Il est pourtant l’un des seuls atouts sérieux du Guerrier d’acier, sa réalisation solide – à défaut d’être très originale – jouant en faveur de ce qui n’aurait pu être qu’un film bis fauché. Il faut dire aussi que Barba bénéficie d’un budget honorable de 19 millions de dollars et de décors extérieurs très photogéniques captés à Puerto Vallarta.

Van Peebles incarne ici Solo, un prototype de robot de combat fabriqué de toutes pièces par l’armée américaine. Quinze fois plus fort et dix fois plus rapide que n’importe quel être humain, il est envoyé en mission avec un commando en Amérique centrale pour combattre des insurgés. Mais voilà que notre machine de guerre développe soudain une conscience et refuse de tuer des innocents. Alors que ses concepteurs décident de le rapatrier pour le déprogrammer, Solo (qui a peut-être lu les romans d’Isaac Asimov) suit l’une de ses directives, qui consiste à s’auto-préserver en priorité, et prend la fuite. Le voilà parachuté au beau milieu de paisibles paysans martyrisés par les guérilleros (avec notamment un petit garçon qui admire ce modèle masculin invincible et une jeune fille qui fait les yeux doux à cet hypothétique amant en acier trempé). Notre androïde se mue alors en une sorte de Terminator gentil, un équivalent moderne du Golem se dressant contre l’oppresseur pour protéger les faibles, une espèce de fusion des sept mercenaires ou des sept samouraïs préparant les gentils villageois à affronter les vils envahisseurs.

Super Mario

Les trois têtes d’affiches du film campent des archétypes évacuant toute finesse. Le fier Mario joue donc la carte de l’interprétation minimaliste et monolithique, déclamant ses répliques sur un ton monocorde et ne perdant jamais une occasion d’exhiber ses pectoraux. Son ennemi juré est campé par William Sadler, le colonel belliqueux qui fait nerveusement craquer les vertèbres de son cou quand il est contrarié et bascule sans aucune logique dans la folie destructrice. Quant à Adrien Brody, encore méconnu du grand public, il incarne le savant sympathique un peu geek sur les bords qui s’attache à sa création envers et contre tous. Le Guerrier d’acier nous offre son lot raisonnable de poursuites d’hélicoptère, de fusillades dans la jungle, de combats au corps à corps et d’explosions, ainsi que des dialogues philosophiques de haute volée (« Vous êtes vivant », « Non, j’existe »), des flash-backs distrayants (le robot, aux traits encore squelettiques, demande à son créateur de lui donner le visage de Michael Jordan) et des moments relativement embarrassants (Solo qui s’entraîne à rire bruyamment dans la jungle). Sans surprise, le film ne fera pas d’éclat au box-office et viendra alimenter les rayons des vidéoclubs où rien ne le distinguera foncièrement des Atomic Cyborg, Robowar, Cyborg Cop, R.O.T.O.R., TC-2000 et autres Robot Killer.

 

© Gilles Penso


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