FILMS FANTASTIQUES : LE TOP FLOP 2023

C'est la fin de l'année, et donc l'heure des bilans. Quels furent les meilleurs films fantastiques / d'horreur / de science-fiction de 2023 ? Et les pires ? Voici une sélection bien sûr très subjective…

PUBLIÉ LE 30 DÉCEMBRE 2023

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CHICKEN RUN : LA MENACE NUGGETS (2023)

23 ans après leur première aventure, les poules conçues par les créateurs de Wallace et Gromit font leur grand retour…

CHICKEN RUN: DAWN OF THE NUGGETS

 

2023 – GB / USA

 

Réalisé par Sam Fell

 

Avec les voix de Zachary Levi, Thandiwe Newton, Bella Ramsey, Romesh Ranganathan, David Bradley, Daniel Mays, Jane Horrocks, Imelda Staunton

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Sorti en 2000, Chicken Run est le premier long-métrage du studio Aardman et son plus gros succès. L’idée d’une suite naît très tôt dans l’esprit des trublions britanniques mais tarde à se concrétiser. Entretemps, ils développent les aventures sur petit et grand écran de Shaun le mouton et Wallace et Gromit ainsi que d’autres projets joyeusement délirants comme Souris City, Cro Man ou Les Pirates ! Bons à rien mauvais en tout. Ce n’est qu’au printemps 2018 qu’est annoncée officiellement la suite de Chicken Run, produite conjointement par Aardman, Pathé Films et StudioCanal (Dreamworks ayant entretemps cessé son partenariat avec le studio anglais). Signe des temps, le film ne sortira pas en salles mais sera directement diffusé sur Netflix. Si Peter Lord et Nick Park, réalisateurs du premier opus, sont toujours présents au poste de producteurs exécutifs, ils cèdent le fauteuil du réalisateur à Sam Fell, un spécialiste de l’animation qui dirigea Souris City, La Légende de Despereaux et L’Étrange pouvoir de Norman. Le scénariste du film original, Karey Kirkpatrick, est toujours de la partie, épaulé cette fois-ci par John O’Farrell et Rachel Tunnard. Les interprètes vocaux des deux personnages principaux, Mel Gibson et Julia Sawalha, sont un temps envisagés pour reprendre leurs rôles, mais ils sont finalement remplacés par des acteurs plus jeunes : Zachary Levi et Thandiwe Newton.

Si le premier Chicken Run réinventait sous un angle parodique le principe narratif de La Grande évasion dans un univers de basse-cour, le scénario de Chicken Run : la menace nuggets en inverse le processus. Ici, il ne s’agit pas de s’échapper d’un environnement pénitentiaire mais d’y pénétrer. Lorsque le film commence, le coq Rocky et la poule Ginger vivent paisiblement sur une petite île en compagnie de toute la volaille qui s’est évadé du poulailler de la sinistre Mrs Tweedy. C’est dans cet environnement paradisiaque que naît Molly, la fille du couple vedette. Lorsqu’elle grandit, la turbulente progéniture décide d’aller voir ce qui se passe au-delà de l’île, malgré l’interdiction de ses parents. Molly part donc explorer le monde extérieur et s’embarque à l’intérieur d’un des camions de « Fun Land », qu’elle croit être un parc d’attractions où les poules passent leur temps à s’amuser. Mais il s’agit en réalité d’un poulailler industriel qui a vocation de transformer toutes ses « pensionnaires » en nuggets…

Prises de bec

Dès les premières minutes du film, force est de constater que le charme ne s’est pas dissipé avec les années. La bonne vieille stop-motion à l’ancienne, les figurines en plastiline et les décors miniatures ont même tendance à se bonifier avec le temps. De fait, ce Chicken Run donne presque l’impression d’avoir été réalisé dans la foulée du premier, tant l’esprit, le grain de folie et la mise en forme quasi-artisanale sont similaires. L’usage plus intensif des images de synthèse en renfort de l’animation traditionnelle est d’ailleurs suffisamment discret pour se fondre dans la masse. Même si Peter Lord et Nick Park ne sont plus aux commandes, la patte Aardman est toujours là, avec cet humour « so british » pince-sans-rire, ces dialogues absurdes, ces séquences de poursuites et d’action délicieusement outrancières et cet inimitable sens du timing. Au fil de son scénario, Chicken Run : la menace nuggets s’amuse à pasticher Mission impossible et la saga James Bond, cette fabrique de nuggets ayant tout du repaire ultra-sécurisé d’un super-vilain façon docteur No ou Blofeld. On pense aussi au Pinocchio de Disney, à travers ce parc d’attractions faussement idyllique qui attire notre jeune héroïne désobéissante en l’entraînant vers sa perte. Rien n’empêche d’ailleurs d’y voir aussi une parabole de l’abrutissement des masses par des programmes de divertissement stupides annihilant la capacité de jugement en entretenant un état de béatitude permanent. Bref, voilà une nouvelle réussite à mettre à l’actif des joyeux drilles d’Aardman, l’un des studios d’animation les plus inventifs et les plus décomplexés de sa génération.

 

© Gilles Penso


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FILMS FANTASTIQUES DE NOËL : NOTRE SÉLECTION 2023

Quels films fantastiques voir ou revoir en cette soirée de Noël 2023 ? Voici 36 possibilités. Il y en aura pour tous les goûts !

PUBLIÉ LE 20 DÉCEMBRE 2023

Les soirées de Noël se suivent et ne se ressemblent pas. Mais une tradition ne changera jamais : les films de Noël. Chacun a ses préférences, bien sûr, et pour les fantasticophiles le choix est varié. Pour accompagner les incontournables Piège de cristal, Maman j’ai raté l’avion et Le Père Noël est une ordure, voici une sélection parfaitement subjective de 36 films. Cette compilation festive brasse volontairement large, selon que vous souhaitiez une programmation familiale, enjouée, inquiétante ou horrifique. Des robots, des serial killers, des petits monstres, des elfes, des rennes, des fantômes, des jouets bizarres, des calendriers piégés, des sapins psychopathes, il devrait y en avoir pour tous les goûts… 

 

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LE MONDE APRÈS NOUS (2023)

Que vaut le thriller apocalyptique produit par Barack et Michelle Obama avec Julia Roberts, Mahershala Ali et Ethan Hawke en tête d’affiche ?

LEAVE THE WORLD BEHIND

 

2023 – USA

 

Réalisé par Sam Esmail

 

Avec Julia Roberts, Mahershala Ali, Ethan Hawke, Myha’la, Farrah Mackenzie, Charlie Evans, Kevin Bacon

 

THEMA CATASTROPHES

« Le Monde après nous » est le troisième roman de Rumaan Alam, un huis-clos oppressant écrit avant la pandémie du Covid-19 et anticipant pourtant avec beaucoup d’acuité la peur panique et la paranoïa exacerbées par le confinement planétaire de 2020. Lorsqu’il découvre ce manuscrit avant sa publication, Sam Esmail tombe sous le charme. Créateur des séries Homecoming et Mr. Robot, notre homme compte passer au long-métrage et voit dans ce livre un énorme potentiel cinématographique. La première actrice qu’il a en tête est Julia Roberts, qu’il connaît bien grâce à Homecoming et qui s’engage immédiatement, non seulement en tant que comédienne mais aussi à la production. Pour soutenir le projet, elle pense à deux personnes de poids qu’elle compte parmi ses amis personnels : Barack et Michelle Obama. L’ex-président des Etats-Unis et son épouse ayant monté une structure de production et déjà initié quelques films politiquement et socialement engagés (Fatherwood, Worth, Rustin), ils donnent à leur tour leur feu vert. Voilà comment cet effet boule de neige permet au Monde après nous de se concrétiser et de réunir son budget de 25 millions de dollars. Prévu pour partager l’affiche avec Julia Roberts, Denzel Washington doit finalement se désister et cède sa place à Mahershala Ali. Ethan Hawke complète ce casting décidément très attrayant. Le sujet du film ne l’est pas moins.

Tout commence de manière simple, presque banale. Amanda et Clay (Roberts et Hawke), un couple newyorkais sans histoire, décide de quitter la ville pour des vacances improvisées dans une luxueuse maison de campagne à Long Island, avec leurs enfants Rose et Archie. Amanda travaille dans la publicité et cette coupure dans son quotidien lui semble vitale. Surtout que, comme elle l’exprime clairement dès l’entame du film, elle déteste les gens ! Cette misanthropie n’est pas partagée par Clay, un professeur plutôt enclin à apprécier son prochain, mais l’idée d’un week-end de dernière minute le séduit. Les voilà donc tous les quatre partis sur la route, prêts à débarquer dans ce havre de paix provisoire que l’annonce du Airbnb présente en ces termes : « Entrez dans notre splendide maison et laissez le monde derrière vous. » Sur place, ni le Wi-fi ni la télévision ne semblent vouloir fonctionner. Ce petit désagrément pourrait être dérisoire. Mais si c’était le début de la fin ? Et qui sont ces étranges George (Mahershala Ali) et Ruth (Myha’la) qui frappent à leur porte en pleine nuit ?

C’était mieux avant ?

Pas à pas, en prenant son temps, Sam Esmail parvient à construire un climat anxiogène fait de petits riens et de détails qui, une fois assemblés, suscitent un malaise tenace. La mise en scène sait se faire virtuose, jouer avec les plans-séquence et les prises de vues aériennes vertigineuses soit pour saisir en continuité une banalité apparente (la découverte de la maison par Amanda), soit pour collecter de spectaculaires morceaux de bravoure qui font brutalement basculer le film dans le genre catastrophe (ravivant le souvenir de quelques séquences mémorables empruntées à la série Lost, à Prédictions ou au cinéma de M. Night Shyamalan de manière plus générale). L’univers de Jordan Peele nous vient aussi à l’esprit. Et tandis que la nature reprend peu à peu ses droits (symbolisée par des cerfs qui s’obstinent à empiéter sur le territoire des humains), Esmail égrène tout ce que la civilisation porte en elle d’angoisses et de travers : dépendance addictive à la technologie, fracture sociale, racisme, crises géopolitiques, guerres, terrorisme, menace d’effondrement global… Sans doute le film aurait-il gagné à resserrer sa narration pour renforcer son efficacité (le sujet n’avait pas nécessairement besoin de se déployer pendant 2h20). Il eut également été préférable d’éviter certains monologues trop écrits pour sonner juste (Amanda qui discours sur sa propre misanthropie, George qui explique en détail les raisons possibles de la catastrophe qui s’abat sur eux) ainsi qu’une ou deux scènes disons embarrassantes (la « danse da la paix »). Il n’empêche que cet exercice de style reste fascinant et s’achève sur un épilogue aigre-doux qui utilise la série Friends à la fois comme vecteur nostalgique d’un passé heureux imaginaire et comme plaidoyer contre la dématérialisation – de la part d’un film Netflix, voilà qui ne manque pas d’ironie !

 

© Gilles Penso


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UN STUPÉFIANT NOËL (2023)

Éric Judor et Ragnar le Breton inversent leurs corps dans cette comédie aux gros sabots qui détourne les codes des contes de Noël…

UN STUPÉFIANT NOËL

 

2023 – FRANCE

 

Réalisé par Arthur Sanigou

 

Avec Eric Judor, Matthias Quiviger, Lison Daniel, Alex Lutz, Paul Deby, Jonas Dinal, Kim Higelin, Théodore Le Blanc, Catherine Hosmalin, François Vincentelli

 

THEMA CONTES

Réalisateur de sketches pour l’émission « Clique » et d’un téléfilm parodique pour Canal + (La Vengeance au triple galop), Arthur Sanigou se lance avec Un stupéfiant Noël dans une comédie déjantée conçue pour égayer les programmes de fin d’année sur la plateforme d’Amazon Prime. Le concept ? Faire partager le haut de l’affiche à un acteur comique populaire (Éric Judor) et à un humoriste/sportif apprenti-comédien (Matthias Quiviger plus connu sous son sobriquet de « Ragnar le Breton ») pour les plonger au cœur d’une aventure fantastique s’appuyant sur un concept saugrenu. Quiviger incarne Greg, un policier spécialisé dans les opérations musclées qui sacrifie sans cesse sa vie de famille à cause de son métier. Ce Noël encore, il va devoir laisser tomber sa petite fille pour une opération d’infiltration dans un gang de trafiquants de drogue. Facétieux, le Père Noël (Guy Lecluyse) décide alors d’intervenir en exauçant le vœu de la fillette : faire ressembler son père à Richard Silestone (Éric Judor), héros d’une série télévisée américaine sirupeuse et bourrée de clichés. Soudain, les deux personnages échangent leurs corps et se retrouvent chacun plongé dans l’univers de l’autre. Leur seul moyen d’entrer en contact est une montre talkie-walkie qui émet le même bruit que les communicateurs de Star Trek

L’effet comique principalement recherché dans ce Stupéfiant Noël est donc le décalage. Son principe même veut que deux protagonistes aux antipodes (le flic brutal dur à cuire et le père de famille gentiment niais) inversent leur rôle et vivent chacun la vie de l’autre. Par conséquent, les situations de « poisson hors de l’eau » s’accumulent abondamment : Judor qui prépare de la drogue en croyant être sollicité pour ses talents de pâtissier, Quiviger qui prend des cours de patinage artistique… Voilà pour le moteur principal du film. À l’unisson, les « vedettes invitées » jouent elles aussi ce jeu permanent du décalage, notamment Monsieur Poulpe en « gros bras » aussi maladroit que Pierre Richard, Alex Lutz en vieux milliardaire américain, Bruno Sanches en ancien militaire passablement dérangé ou Philippe Lacheau en assistant gaffeur du Père Noël.

Vis ma vie

Pour fonctionner pleinement, il aurait déjà fallu que le film puisse s’appuyer sur des performances d’acteur solides. Or si Éric Judor sait nous dérider avec son look improbable (moustache, grosse mèche et bronzage excessif) et son jeu puéril devenu une véritable marque de fabrique, Matthias Quiviger a bien du mal à faire exister son personnage. Car il ne suffit pas d’être un humoriste des réseaux sociaux spécialisé dans les paires de baffes pour être un comédien digne de ce nom. La mise en scène elle-même ne fait pas beaucoup d’éclats, jouant la carte prudente du fonctionnel, sauf peut-être au moment du climax qui, par la grâce d’un montage très habile, alterne une bataille mouvementée contre les trafiquants et une chorégraphie sur glace endiablée aux accents d’un morceau de hard rock. Le problème majeur du film reste son scénario pataud qui ne sait que faire de son postulat absurde et laisse donc traîner en longueur chaque scène supposément comique dans l’espoir d’atteindre le plus vite possible les 90 minutes réglementaires. Les dialogues sont médiocres, la caricature est le mot d’ordre général, bref, voilà clairement une fausse bonne idée qui aurait sans doute pu donner lieu à un sketch amusant mais certainement pas un long-métrage digne de ce nom.

 

© Gilles Penso


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GODZILLA MINUS ONE (2023)

Le titan radioactif déploie toute sa rage destructrice dans cet épisode remarquable à mi-chemin entre le drame d’après-guerre et le film catastrophe…

GOJIRA MAINASU WAN

 

2023 – JAPON

 

Réalisé par Takashi Yamazaki

 

Avec Ryunosuke Kamiki, Minami Hamabe, Yuki Yamada, Munetaka Aoki, Hidetaka Yoshioka, Sakura Ando, Kuranosuke Sasaki

 

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA

Quel bonheur d’entrer dans une salle de cinéma, de voir les lumières s’éteindre et de contempler le logo Toho qui brille au beau milieu de l’écran, porteur de promesses indicibles pour l’amateur de grands monstres japonais de la première heure ! La dernière fois que les cinéastes nippons avaient ressuscité en live le plus célèbre des dinosaures/dragons atomiques, c’était en 2016 avec Godzilla Résurgence. L’envie ne leur manquait certes pas de poursuivre sur leur lancée, mais le contrat qui liait la Toho au studio américain Legendary Pictures prévoyait d’abord de laisser la place aux variantes hollywoodiennes (en l’occurrence Godzilla II : Roi des monstres et Godzilla vs. Kong). Le créneau étant momentanément libre, un nouveau Godzilla japonais peut enfin revenir sur les écrans, confié cette fois-ci à Takashi Yamazaki, sur la foi de son drame guerrier The Great War of Archimedes sorti en 2019. Fasciné par la deuxième guerre mondiale (comme en témoignent plusieurs de ses films), Yamazaki écrit un scénario qui se situe au lendemain du conflit. « Le Japon de l’après-guerre a tout perdu », raconte-t-il. « Le film dépeint une existence qui suscite un désespoir sans précédent. Le titre Godzilla Minus One a été choisi dans cette optique. Pour illustrer cela, l’équipe et moi-même avons travaillé ensemble pour que lorsque surgit Godzilla, il donne l’impression que la peur elle-même marche vers nous. Je pense que ce film est l’aboutissement de tous les films que j’ai réalisés jusqu’à présent. » (1)

Le héros de Godzilla Minus One est Koichi (Ryunosuke Kamiki), un jeune pilote kamikaze destiné à perdre la vie au combat. Le sujet travaille visiblement le cinéaste, puisqu’il est aussi au cœur de Kamikaze : le dernier assaut sorti en 2013. Sauf que dans le cas présent, notre aviateur refuse d’assumer sa responsabilité, simulant une avarie technique pour éviter de mourir dans le crash de son appareil. Cette décision va désormais le hanter et former le nœud dramatique principal du scénario. De retour dans un Tokyo dévasté où tout est à reconstruire, il n’est plus qu’un étranger qu’on regarde avec suspicion. Comment un kamikaze peut-il rentrer sain et sauf de la guerre ? A-t-il vraiment accompli son devoir ? La culpabilité que traîne désormais Koichi se matérialise à l’écran sous la plus monstrueuse des formes. Car lorsque Godzilla jaillit des eaux pour semer la terreur et la destruction, c’est clairement une métaphore de la mauvaise conscience du héros qui prend corps. Et pour faire la paix avec lui-même, il va lui falloir affronter la bête, quitte à y laisser la vie pour de bon cette fois.

Les sacrifiés

Ce militaire en perdition, la jeune femme qu’il recueille à contrecœur dans un logement de fortune et le bébé qu’ils adoptent pour ne pas l’abandonner forment bientôt une famille dysfonctionnelle et déséquilibrée dont les tourments, au sein d’un Japon en miettes qui panse comme il peut ses blessures physiques et morales, sont palpables, crédibles, terriblement réalistes. Voir surgir Godzilla dans un tel contexte est d’autant plus surprenant. Car une fois n’est pas coutume, les personnages humains nous touchent tant que le film pourrait quasiment se passer de monstre et d’élément fantastique sans cesser pour autant d’intéresser ses spectateurs. Godzilla Minue One joue alors le grand écart entre l’intimisme et le gigantisme, trouvant le juste équilibre qui lui confère toute sa singularité et toute sa saveur. Le monstre lui-même n’a jamais été aussi terrifiant. Véritable machine à détruire, à rugir, à piétiner et à désintégrer (l’allumage progressif de ses plaques dorsales, prélude au redoutable « crachat thermique », provoque à chaque fois des frissons irrépressibles), il s’inscrit dans des séquences de suspense et d’action vertigineuses qui paient à la fois leur tribut au Godzilla original mais aussi aux Dents de la mer et à Godzilla, Mothra et King Ghidorah, l’un des opus préférés de Takashi Yamazaki. Godzilla Minus One célèbre donc avec panache le grand retour du titan radioactif, au moment où la Toho s’apprête justement à célébrer le 70ème anniversaire de sa naissance.

 

(1) Extrait d’un communiqué de presse publié en juillet 2023

 

© Gilles Penso


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GUEULES NOIRES (2023)

Un groupe de mineurs s’enfonce au fin fond de galeries inexplorées et réveille une chose inquiétante en sommeil depuis très longtemps…

GUEULES NOIRES

 

2023 – FRANCE

 

Réalisé par Mathieu Turi

 

Avec Samuel Le Bihan, Amir El Kacem, Thomas Solivérès, Jean-Hugues Anglade, Diego Martin, Marc Riso, Bruno Sanches, Philippe Torreton, Antoine Basler

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Après Hostile et Méandre, deux incursions très réussies dans le domaine de la science-fiction, Mathieu Turi continue de creuser bravement le sillon du genre fantastique en se focalisant cette fois-ci sur un petit groupe de protagonistes exclusivement masculins – marquant de fait une rupture avec les deux films précédents qui adoptaient chacun le point de vue d’un personnage féminin. À l’origine de Gueules noires, il y a l’envie de combiner les codes du cinéma d’horreur et ceux du film d’aventures à l’ancienne, avec à la clef la découverte sous terre d’artefacts anciens qui réveillent une malédiction vieille de plusieurs milliers d’années. Désireux d’inscrire son récit dans un contexte français, le réalisateur évacue donc les décors antiques situés dans des pays exotiques lointains. D’où l’idée de s’intéresser au monde des mineurs de charbon, à une époque où l’industrialisation commence progressivement à gagner du terrain. Mathieu Turi n’étant pas du genre à faire les choses à moitié, il tient à offrir aux spectateurs la vision la plus réaliste possible de ce milieu ouvrier des années 50, quitte à transporter son équipe sur des sites authentiques du nord de la France, à évacuer tout usage du fond vert et à ne pas recourir au tournage en studio. Si Gueules noires sent la poussière, le calcaire, la pierre, l’humidité et le charbon, c’est parce que les galeries dans lesquelles se promènent les caméras du film sont bien réelles.

Plusieurs séquences qui avancent progressivement dans le temps s’enchâssent les unes dans les autres avant que l’intrigue à proprement parler puisse commencer, histoire de planter le décor et de mettre en place une atmosphère très particulière, partagée entre l’ultra-réalisme et une certaine féerie. Le prologue situé en 1855 nous offre l’image d’Épinal de mineurs à l’ancienne qui détectent les éventuelles fuites de gaz à l’aide d’un pénitent aux allures de sorcier vaudou. Leur destin qu’on imagine funeste ne s’éclairera que bien plus tard. Le film nous transporte ensuite en 1956, d’abord au Maroc où sont recrutés sans ménagement de futurs mineurs destinés à creuser les galeries du Nord de la France, ensuite sur « l’île du diable », une zone de charbonnage extrêmement dangereuse menée avec fermeté par Fouassier (Philippe Torreton, dont le jeu rugueux et naturaliste ajoute une couche de crédibilité supplémentaire au film). Parmi les hommes qu’il coordonne, Roland (Samuel Le Bihan) est l’un des plus expérimentés. Vétéran de la guerre, il mène chaque jour avec poigne une équipe hétéroclite de mineurs qui ne contestent jamais son autorité. Cette routine quotidienne va s’enrayer suite à l’arrivée de deux nouveaux venus : Amir (Amir El Kacem), qui débarque tout juste du Maroc et ne connaît encore rien à la mine, et surtout le professeur Berthier (Jean-Hugues Anglade), qui se soulage de quelques pots de vin pour s’embarquer avec ce petit groupe mille mètres sous terre, à la recherche d’un trésor archéologique mystérieux…

Mauvaise mine

Il ne faut pas longtemps pour détecter les sources d’inspiration majeures de Mathieu Turi. Si ce groupe d’hommes isolés en proie à une créature inconnue nous évoque rapidement les héros de The Thing, la mécanique de sept personnages en huis-clos agressés l’un après l’autre par une entité cachée dans l’ombre nous ramène illico à Alien. Mais si le réalisateur connaît ses classiques (et les assume sans détour), Gueules noires ne joue jamais la carte de la référence, du clin d’œil ou du post-modernisme cinéphilique. Bien campé sur ses positions, le film embrasse son contexte minier réaliste et n’en démord pas. La mise en forme impeccable du film, la photographie soignée d’Alain Duplantier (qui compose habilement avec les lampes portées par les personnages) et les décors bien réels concourent à captiver très tôt les spectateurs et à les embarquer dans cette mission claustrophobique (avec le personnage d’Amir comme pôle d’identification idéal). Le basculement dans le surnaturel est frontal et brutal, porté par des effets spéciaux à l’ancienne qui possèdent la qualité tactile dont sont encore dépourvues certaines images de synthèse (et qui fleurent bon le latex et l’animatronique des années 80, bien sûr !). En ce sens, Mathieu Turi nous offre ce que nous espérions, avec une indiscutable générosité. On pourra regretter qu’à ce stade de la narration le scientifique campé par Jean-Hugues Anglade (une sorte de professeur Tournesol exalté à contre-courant total des autres protagonistes) se sente obligé de surexpliquer à grand renfort de commentaires et de citations la mythologie qui sous-tend l’intrigue. Lever autant le voile sur le mystère n’était peut-être pas nécessaire, et nous n’aurions pas été contre un peu plus d’incertitudes. Après tout, H.P. Lovecraft – auquel le film se réfère ouvertement – n’était-il pas le roi de l’indicible ? À cette réserve près, comment ne pas saluer l’audace sans cesse renouvelée d’un cinéaste qui ne cesse film après film de déclarer sa flamme au genre fantastique ?

 

© Gilles Penso


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FIVE NIGHTS AT FREDDY’S (2023)

Un gardien de nuit est chargé de veiller sur une pizzera désaffectée dans laquelle se dressent d’inquiétantes figurines animatroniques…

FIVE NIGHTS AT FREDDY’S

 

2023 – USA

 

Réalisé par Emma Tammi

 

Avec John Hutcherson, Piper Rubio, Elizabeth Lail, Mary Stuart Masterson, Matthew Lillard, Kat Conner Sterling, David Lind, Christian Stokes, Joseph Poliquin

 

THEMA OBJETS VIVANTS

C’est le 8 août 2014 que sort la première mouture du jeu vidéo « Five Nights at Freddy’s » imaginé par Scott Cawthon, gros succès de « survival horror » qui donnera naissance à plusieurs suites. Dès l’année 2015, le cinéma s’intéresse à une adaptation du jeu par l’entremise du studio Warner Bros. C’est alors Gil Kenan (Monster House, Poltergeist version 2015) qui est envisagé à la mise en scène. Mais la production prend du retard, le projet n’avance pas et Kenan se retire. En 2017, la compagnie Blumhouse prend le relais et propose la réalisation à Chris Columbus (Harry Potter, Percy Jackson). Les préparatifs continuent à traîner, laissant le temps à un projet concurrent de sortir sur les écrans : Willy’s Wonderland. Ce film dingue réalisé par Kevin Lewis, avec Nicolas Cage en tête d’affiche, n’est pas une adaptation officielle de « Five Nights at Freddy’s » mais reprend une grande partie de son concept, oscillant entre l’horreur et la comédie et générant un petit culte autour de son grain de folie joyeusement absurde. De fait, lorsque Five Night at Freddy’s finit enfin par se concrétiser, sous la direction de la réalisatrice Emma Tammi, le film sent déjà un peu le réchauffé et le déjà vu.

Five Nights at Freddy’s s’intéresse à Mike Schmidt (John Hutcherson), agent de sécurité dans un centre commercial qui perd son emploi après avoir agressé un père négligent qu’il avait pris pour un kidnappeur. Son comportement violent est justifié par un traumatisme d’enfance qui nous sera révélé en cours d’intrigue. Son conseiller d’orientation professionnelle propose à Mike un emploi de gardien de nuit chez Freddy Fazbear’s Pizzeria, un centre de divertissement familial autrefois prospère mais aujourd’hui abandonné. D’abord réticent, Mike finit par accepter l’offre lorsque les services sociaux menacent de lui retirer la garde de sa jeune sœur Abby (Piper Rubio) et de la confier à leur sinistre tante Jane (Mary Stuart Masterson) qui souhaite toucher les mensualités liées à la garde de la fillette. Ce boulot de gardien de nuit chez Freddy’s ne semble pas particulièrement compliqué. Mais dans les coulisses se cachent plusieurs mascottes aux allures de grands animaux en peluche animatroniques qui ne demandent qu’à revenir à la vie…

Animatronics Attack

Totalement délirant, le concept du film est résumé à mi-parcours par Mike en ces termes : « Des enfants fantômes qui possèdent des robots géants ! » Nous sommes donc légitimement en droit d’espérer un film d’horreur excessif s’octroyant une pleine liberté de ton. Or Five Nights at Freddy’s a du mal à trouver sa tonalité. Malgré le caractère absurde des monstres, les mécanismes de peur sont ici traités au premier degré et s’avèrent pour la plupart totalement inefficaces. Comme en outre le film met la pédale douce sur le gore et ne fait pas spécialement rire, on se perd en conjectures sur le public visé. Car Emma Tammi se prend très au sérieux, s’attachant à décrire en détail les états d’âme, les traumas, les émotions et les sentiments de ses protagonistes. Certes, John Hutcherson (que nous avions découvert enfant dans Zathura puis adolescent dans Voyage au centre de la Terre) se révèle convaincant sous la défroque de ce loser insomniaque à la dérive, et la relation complexe qu’il entretient avec sa jeune sœur a quelque chose de touchant. Mais ce travail de caractérisation semble totalement inapproprié dans un tel film, d’autant que d’autres personnages (comme la femme-flic incarnée par Elizabeth Lail) n’ont aucune épaisseur et se comportent au mépris de toute logique. On ne sait donc pas vraiment sur quel pied danser et comment appréhender ce film bancal. Willy’s Wonderland avait au moins le mérite d’opter pour un parti pris, si invraisemblable soit-il. Five Night at Freddy’s finit donc par nous laisser indifférents, malgré le travail intéressant réalisé par les artistes de l’atelier Jim Henson sur les créatures animatroniques.

 

© Gilles Penso


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THE POD GENERATION (2023)

Dans le futur, les femmes n’auront plus besoin d’être enceintes ou d’accoucher pour avoir un bébé : on n’arrête plus le progrès !

THE POD GENERATION

 

2023 – BELGIQUE / FRANCE / GB

 

Réalisé par Sophie Bathes

 

Avec Emilia Clarke, Chiwetel Ejiofor, Vinette Robinson, Veerle Dejaeger, Lamara Stridjhaftig, Emma De Poot, Kyoung Her, Karel Van Cutsem, David Beelen

 

THEMA FUTUR I MÉDECINE EN FOLIE

Après avoir réalisé la comédie fantastique Âmes en stock (avec Paul Giamatti) et une version personnelle de Madame Bovary (avec Mia Wasikowska), Sophie Barthes s’intéresse au rapport complexe à la maternité qu’entretient un couple de new-yorkais dans un monde futur très proche du nôtre. Ce troisième long-métrage, une co-production entre la Belgique, la France et le Royaume Uni, met en scène Emilia Clarke (la « reine des dragons » de Game of Thrones) et Chiwetel Ejiofor (le héros de 12 Years a Slave). Par sa nature même, c’est déjà un film atypique. Dans la cité d’anticipation de The Pod Generation, les assistants virtuels sont partout, commentant nos gestes et nos humeurs, prodiguant sans cesse des conseils, préparant les repas et les loisirs de chacun. La productivité des salariés est désormais mesurée par des algorithmes, les thérapeutes ne sont plus des humains, les forêts sont majoritairement holographiques, l’air frais se consomme dans les bars, l’éducation n’est plus financée par le gouvernement et – petite nouveauté qui va bouleverser bien des habitudes – on peut désormais se passer de grossesse et d’accouchement pour faire des bébés !

« Confiez-nous la phase la plus contraignante et profitez de vos bébés » affirme avec jovialité le patron de la toute puissante entreprise Pegazus qui commercialise les pods, des œufs synthétiques connectés qui abritent les embryons pendant neuf mois jusqu’à leur naissance. Toutes les campagnes marketing de Pegazus vantent les mérites d’une société où la femme pourra enfin continuer à s’épanouir professionnellement sans avoir à subir les inconvénients d’une grossesse. Rachel (Emilia Clarke), pleinement intégrée dans une entreprise où elle ne cesse de démontrer son efficacité, est fortement tentée par l’option du pod mais n’ose pas en parler à son mari Alvy (Chiwetel Ejiofor). Car ce dernier est en parfait décalage avec la tournure qu’est en train de prendre le monde. Il est botaniste, s’intéresse à la terre, aux plantes, aux feuilles et aux arbres. Lorsqu’elle apprend quel est le métier d’Alvy, la DRH de Rachel fait la grimace avant d’avancer : « je suppose donc que vous êtes la source principale des revenus du foyer ? » Dans cette société moderne où l’intelligence artificielle est partout, l’amour de la nature n’est pas un atout mais plutôt un vestige obsolète du passé. Comment Alvy réagira-t-il en apprenant que Rachel s’est inscrite sur une liste d’attente chez Pegazus et vient d’être admise pour acquérir son précieux pod ?

Contre-nature

Parfaitement dans l’air du temps, The Pod Generation soulève les problématiques de son temps. « Le progrès ne rend personne superflu, il nous complète » s’entend ainsi dire une salariée qui s’inquiète de voir des machines intelligentes se substituer peu à peu à ses collègues. Sophie Barthes s’efforce de filmer cet univers aseptisé avec un maximum de naturalisme, sans jamais insister sur les éléments de science-fiction qui sont donc intégrés comme des composantes banales de l’environnement et de l’intrigue. Mais il est évident que ce futur proche est une dictature douce et sans douleur, un totalitarisme insidieux qui ne dit pas son nom. La déshumanisation s’y installe tranquillement, derrière les sourires commerciaux des grands patrons qui prétendent ne vouloir que le bien de leurs semblables. The Pod Generation s’appuie sur la performance très convaincante de ses acteurs principaux qui se prêtent au jeu comme dans une comédie dramatique « traditionnelle » et renforcent la crédibilité de cet avenir décidément très plausible. Dommage que le scénario peine à exploiter pleinement ses prémices fascinantes. L’hymne à la nature finit par se révéler trop démonstratif et la résolution déçoit par sa simplicité et son absence de prise de risques. Il manque clairement au film un dernier acte digne de ce nom, et l’on en vient à se demander si un tel sujet n’aurait pas eu plus d’impact sur un format plus court… dans un épisode de Black Mirror par exemple.

 

© Gilles Penso


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LE RÈGNE ANIMAL (2023)

Un film d’anticipation révolutionnaire à fleur de peau, de plumes et d’écailles, où se mêlent fantastique, poésie, philosophie et utopie…

LE RÈGNE ANIMAL

 

2023 – FRANCE

 

Réalisé par Thomas Cailley

 

Avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos, Tom Mercier, Billie Blain, Xavier Aubert, Saadia Bentaïeb, Gabriel Caballero, Iliana Khelifa, Paul Muguruza

 

THEMA MUTATIONS

Le réalisateur et auteur Thomas Cailley s’était déjà distingué en 2014 avec son film Les Combattants dans lequel Madeleine (Adèle Haenel) anticipait la fin du monde civilisé et nous touchait avec un mélange de candeur et de déterminisme. Inspirée par les méthodes de survie de l’armée, se préparant à sauver l’espèce humaine de façon paramilitaire, elle entrainait dans sa quête et sa retraite marginale Arnaud (Kévin Azaïs), plus amoureux que convaincu. Si ce film teinté d’humour ironisait sur la vacuité de l’opération, il suscitait notre empathie avec une jeunesse pessimiste, impuissante à faire face à l’héritage d’un monde civilisé sur le déclin. Neuf ans plus tard, Le Règne animal s’inscrit dans le même registre, à ceci près que la jeunesse n’est pas seule avec ses angoisses tandis que le monde voit apparaître un nouveau phénomène : la mutation lente d’êtres humains de tous âges en créatures forcées de s’adapter à leur condition au prix de multiples difficultés et souffrances, autant physiques que psychologiques. Par son sujet, son traitement dénué de manichéisme et son mélange des genres, ce film est aussi révolutionnaire que l’a été le premier X-Men de Bryan Singer lorsqu’il a marqué l’an 2000 en ouvrant la voie aux films de super-héros jusqu’alors réduits aux Superman et aux séries TV. Si X-Men, au delà de la brillance de son scénario, a pu se concrétiser grâce aux avancées du numérique, Le Règne animal fait la part belle aux maquillages spéciaux avec un rapport à l’image plus organique que futuriste.

En compagnie d’Émile (Paul Kircher), son ado réticent à partir dans le sud, François (Romain Duris), un père toujours amoureux de sa femme, est déterminé à réunir sa famille malgré la « maladie » de celle-ci qui la transforme en « créature ». La communauté scientifique tente de comprendre et de s’adapter à ce mystérieux phénomène qui soulève aussi rejets, hostilités, peurs et dégoûts par ceux qui choisissent la chasse et l’élimination. Car ces créatures d’un genre nouveau, chacune avec ses spécificités, sont inadaptées dans de nombreux environnements et par conséquent causent des dégâts. L’idée est donc de les regrouper dans un centre spécialisé à des fins de recherche. Quand un accident de la route les libère d’un sort d’animaux de laboratoire, ces créatures avides de liberté se réfugient dans la forêt. Si Les Combattants nous plongeait au cœur de paysages vosgiens, Le Règne animal nous transporte dans le sud-ouest de la France, et particulièrement parmi les fougères des forêts des Landes de Gascogne, ce qui n’a rien d’anodin puisqu’elles abritent entre autres une réserve naturelle, paradis pour la biodiversité. À pas de loups s’introduit, à travers ces transformations de l’espèce humaine, une question qui n’a rien de saugrenue si l’on en juge par la longue évolution des espèces : et si la survie et l’équilibre de la planète bleue tenaient à la fusion de l’homme avec cette nature qu’il agresse, exploite et mutile plus que de raison depuis l’avènement de l’ère industrielle et le 19°siècle ?

La course pour la survie

Car en biologie, l’Homme n’appartient-il pas à la famille des vertébrés du règne animal ? Le buisson de l’évolution ne nous démontre-t-il pas que si l’Homme est capable d’établir ces classifications, repères temporaires, c’est pour mieux prendre humblement conscience de sa place et de ses responsabilités dans l’évolution du vivant ? Le film, qui n’a rien de moralisateur, ne répond à aucune question, mais il choisit de nous faire éprouver des sensations, tout en nous glissant insidieusement des idées comme lors de cette belle séquence de course-poursuite dans un champ de maïs industriel jusqu’à la forêt, dernier rempart protecteur de… l’humanité ? Car c’est bien de ça qu’il est question tout au long du film : entre jugements et harcèlements des uns, compréhension et tendresse des autres, où nous situons-nous dans cette course pour la survie ? C’est encore une question que se pose Julia (Adèle Exarchopoulos), le personnage de gendarme qui, tout en obéissant aux ordres dictés par sa fonction, observe ce monde et cette famille en mutation d’un regard bienveillant et compatissant. Les marques de tendresse et les pointes d’humour portées par ce casting 5 étoiles sont distillées tout au long de ce splendide film à l’émotion à fleur de peau, de plumes et d’écailles…

 

© Quélou


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