PREDATOR : KILLER OF KILLERS (2025)

Dans ce somptueux long-métrage animé, les Predators se mettent en quête d’adversaires à trois époques distinctes de l’histoire de l’humanité…

PREDATOR : KILLER OF KILLERS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dan Trachtenberg et Joshua Wassung

 

Avec les voix de Michael Biehn, Doug Cockle, Rick Gonzalez, Damien C. Hass, Lauren Holt, Lindsay LaVanchy, Jeff Leach, Cherami Leigh, Alessa Luz Martinez

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA PREDATOR

Motivé par l’accueil très chaleureux réservé à Prey, un apport original à la franchise Predator nous ramenant plusieurs siècles dans le passé, le réalisateur Dan Trachtenberg se voit offrir par 20th Century Studio une carte blanche afin de prolonger la saga à sa manière. Une suite nommée Predator : Badlands est donc initiée et tournée en Nouvelle-Zélande entre août et octobre 2024. Mais avant la sortie de cet opus futuriste, Trachtenberg écrit et met en scène – avec le support du coréalisateur Joshua Wassung, pilier de la compagnie The Third Floor – une variante animée qu’il baptise Predator : Killer of Killers. S’ils citent Akira de Katsuhiro Otomo parmi leurs influences, Trachtenberg et Wassung puisent surtout leur inspiration esthétique dans la série Arcane, au point qu’ils débauchent plusieurs artistes du célèbre show produit par Riot Games et Fortiche Production pour venir rejoindre leurs rangs. Conformément au concept développé dans Prey, ce long-métrage d’animation part du principe que les redoutables chasseurs extra-terrestres n’ont pas attendu le vingtième siècle pour visiter notre planète et se mettre en quête d’adversaires à leur hauteur. D’où une structure narrative séparée en plusieurs chapitres correspondant à trois périodes distinctes de l’histoire de l’humanité.

Le chapitre « Le Bouclier », situé en 841, suit le destin d’Ursa, surnommée la « Valkyrie des mers du Sud ». Redoutable guerrière viking, elle poursuit une quête de vengeance contre Zoltan, un barbare qui l’a jadis contrainte, enfant, à tuer son propre père. Mais au cœur du champ de bataille, un monstre surgit – que les combattants prennent pour Grendel, le démon du Beowulf. Ce qu’ils affrontent est en réalité un Predator colossal. Dans « Le Sabre », l’action se déplace au Japon de 1609. Deux jeunes frères sont forcés par leur père de s’affronter pour décider lequel deviendra samouraï. Vingt ans plus tard, l’un a hérité de l’armure familiale, l’autre laboure les champs. Leur rivalité, longtemps enfouie, ressurgit violemment… jusqu’à ce qu’un Predator vienne redistribuer les cartes. Puis « La Balle » nous transporte en Floride, en 1941. Le jeune Torres, tout juste appelé au front, embarque sur un porte-avions avec l’espoir de devenir pilote. Tandis que les combats aériens s’intensifient au-dessus du Pacifique, un vaisseau inconnu surgit et attaque les chasseurs en vol. Poussé par le feu de l’action, Torres s’empare d’un avion et se lance à son tour dans la mêlée…

Le bouclier, le sabre et la balle

Honnêtement, on ne savait pas trop quoi attendre de cette itération de la franchise initiée par John McTiernan et 1987, souvent mise à mal par de nombreuses variantes dispensables. Mais Predator : Killer of Killers séduit immédiatement par ses partis pris visuels et narratifs. À contre-courant de ce qui se pratique habituellement en 3D, l’animation rejette volontairement la fluidité et les flous de mouvement au profit de positions clés très brutes, en accord avec la rugosité des univers décrits et la simplicité des enjeux dramatiques. Ces choix graphiques – que Trachtenberg et Wassung définissent comme des « concept arts animés » – donnent souvent le sentiment de voir des peintures prendre vie. L’approche n’est pas fondamentalement nouvelle, puisqu’elle s’inscrit dans une tendance de contre-courant initiée notamment par Spider-Man New Generation, consistant à entrer en rupture avec l’homogénéisation formatée des films en images de synthèse. Il n’empêche que le rendu visuel du film est somptueux, évoquant tour à tour les tableaux de Theodor Kittelsen, les estampes japonaises ou les peintures de Norman Rockwell. Dans ce cadre s’inscrivent de prodigieux morceaux de bravoure, comme le chassé-croisé sur le lac glacé où gisent des épaves de drakkars, la poursuite sur les toits japonais ou le dogfight au-dessus de la mer. Mais la beauté des images n’adoucit en rien la brutalité de l’action : les combats sont sanglants, les mises à mort sèches. On décapite, on empale, on mutile, bref la violence est frontale et assumée. Aucun doute, le film s’adresse à un public adulte. Cerise sur le gâteau, l’imagerie liée aux Predators, à leur planète, à leur technologie et à leur bestiaire s’enrichit généreusement, tandis que l’épilogue se construit autour du motif de la barrière de la langue, un thème cher à John McTiernan. La boucle est donc bouclée.

 

© Gilles Penso

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THE UGLY STEPSISTER (2025)

Pour séduire un prince qu’elle rêve d’épouser, une jeune femme est prête à tous les sacrifices, quitte à altérer douloureusement son corps…

DEN STYGGE STESØSTEREN

 

2025 – NORVÈGE / POLOGNE / DANEMARK / SUÈDE

 

Réalisé par Emilie Blichfeldt

 

Avec Lea Myren, Ane Dahl Torp, Thea Sofie Loch Næss, Flo Fagerli, Isac Calmroth, Malte Gårdinger, Ralph Carlsson, Isac Aspberg, Albin Weidenbladh, Oksana Czerkasyna

 

THEMA CONTES

Emilie Blichfeldt commence à développer The Ugly Stepsister alors qu’elle travaille sur son projet de fin d’études à l’École de cinéma de Norvège. À l’origine, son scénario met en scène une femme dotée d’une vulve parlante qui lui confie sa solitude ! Une version féminine de Lui et moi, en quelque sorte. Mais finalement, Blichfeldt s’appuie sur Aschenputtel, la version sombre du conte de Cendrillon écrite par les frères Grimm, et en imagine une relecture dérangeante. Peu familière du principe du « body horror », elle découvre en 2015 Crash de David Cronenberg, une véritable révélation qui va guider ses partis pris esthétiques, puis complète sa culture du genre avec les œuvres de Dario Argento et de Lucio Fulci. Grave de Julia Ducournau et la filmographie érotique du cinéaste polonais Walerian Borowczyk viennent s’ajouter à ce tissu d’influences. Le scénario de The Ugly Stepsister puise également dans l’expérience personnelle de la réalisatrice, marquée par ses propres troubles liés à l’image de soi. La cinéaste sait bien que le personnage de Cendrillon incarne l’idéal féminin vu sous un angle patriarcal. Douce, modeste, effacée, belle, elle subit sans se rebeller, attendant qu’un homme puissant vienne la « sauver » en l’épousant. Avec The Ugly Stepsister, Emilie Blichfeldt décide de se confronter frontalement à ces symboliques pour réaliser une sorte d’anti-conte d’une férocité acerbe.

Elvira (Lea Myren) et Alma (Flo Fagerli) sont des sœurs dont la mère veuve, Rebekka (Ane Dahl Torp), a épousé Otto (Ralph Carlsson), un homme plus âgé, dans l’espoir d’obtenir richesse et privilèges. Par le biais de ce mariage, Rebekka devient la belle-mère de la jeune Agnès (Thea Sofie Loch Næss). Mais Otto meurt avant même de consommer sa nuit de noces. La famille recomposée apprend alors qu’il était sans le sou, qu’il avait épousé Rebekka pour sa richesse et qu’Agnès méprisait ces « pièces rapportées » à cause de leur statut inférieur. Inquiète pour les finances du ménage, Rebekka décide de marier coûte que coûte Elvira au prince Julian (Isac Calmorth), quitte à repousser le financement des obsèques d’Otto. Mais Rebekka est consciente que sa fille est laide et n’a que peu de chances de séduire Julian, surtout si la belle Agnès doit rivaliser pour attirer son attention. Pour rendre Elvira plus désirable, Rebekka la soumet alors à une série de chirurgies plastiques douloureuses et primitives pratiquées par le très réputé « docteur Esthétique » (Adam Lundgren), tandis que la jeune femme décide d’avaler un ver solitaire pour perdre du poids…

L’inversion des rôles

C’est un raccord dans l’axe – presqu’un « jump cut » – qui marque visuellement le point de non-retour du destin d’Elvira et le basculement du scénario. Après plusieurs hésitations, la « belle sœur laide » accepte de soumettre son corps à une « cure d’amaigrissement » qu’on devine dangereuse, pour ne pas dire malsaine. Le cadrage se resserre d’un coup. L’engrenage est enclenché. Sans fard ni entrave, Emilie Blichfeldt se préoccupe bien peu de la bienséance, quitte à montrer des fesses, des pénis et des coulées de sperme en gros plan pour décrire une sexualité brute. L’influence de Cronenberg se ressent à travers les maquillages spéciaux remarquables de Thomas Foldberg (Le Dernier voyage du Demeter, Alien Romulus) qui mettent à mal les corps avec un réalisme douloureux. Les scènes chirurgicales sont orchestrées par un médecin qui rappelle les frères Mantle de Faux semblant, les mutilations font écho à celles de Crash, tandis que le ténia qui se love dans l’anatomie d’Elvira nous évoque les monstres parasites de Frissons. Sans oublier la vision récurrente du cadavre du père, dans un état de décomposition de plus en plus avancée. L’inversion à mi-parcours des rôles de la protagoniste et de l’antagoniste n’est pas la moindre des singularités du film. La belle Agnes/Cendrillon devient souillon, la laide Elvira devient désirable, et les codes s’inversent en même temps que l’empathie du spectateur. Assumant les éléments les plus magiques du conte (la citrouille, les souris, l’intervention féerique) pour mieux les dynamiter, Emilie Blichfeldt invite donc les spectateurs à interroger leurs rapports à la beauté et aux normes à travers ce film choc volontairement provocateur, dont les thématiques ne sont pas sans rappeler celles de The Substance.

 

© Gilles Penso

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FOUNTAIN OF YOUTH (2025)

Un chasseur de trésors embarque sa sœur, son neveu et une petite équipe de chercheurs sur les traces de la légendaire Fontaine de Jouvence…

FOUNTAIN OF YOUTH

 

2025 – USA

 

Réalisé par Guy Ritchie

 

Avec John Krasinski, Natalie Portman, Eiza Gonzalez, Domhnall Gleeson, Arian Moayed, Laz Alonso, Carmen Ejogo, Stanley Tucci, Benjamin Chivers

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Un film d’aventures exotico-fantastique avec Josh Krasinski et Natalie Portman sous la direction de Guy Ritchie ? Sur le papier, l’initiative était prometteuse. À l’écran, c’est une autre histoire. Car de toute évidence le réalisateur d’Arnaques, crimes et botaniques ou de Snatch n’a plus du tout la même niaque qu’autrefois. Notre homme est manifestement plus enclin à entrer dans les moules confortables du blockbuster familial (souvenons-nous de son laborieux Aladdin) qu’à bousculer les conventions filmiques comme il le fit en début de carrière. Quant à Krasinski (l’homme derrière la saga Sans un bruit) et Portman (qu’on ne présente plus), ils touchent leur chèque généreux en assurant le service minimum, bien conscients que ce téléfilm est formaté pour une plateforme de streaming, autrement dit qu’il s’adresse à un public peu exigeant à qui l’on offre le sentiment d’une satisfaction aussi immédiate (des têtes d’affiche, de l’action, des effets spéciaux, de l’humour, du dépaysement) qu’éphémère. De toute évidence, Fountain of Youth est un film qui se regarde distraitement puis s’oublie aussitôt. Dommage tout de même de voir un si beau potentiel et un tel budget (180 millions de dollars, tout de même) sacrifiés sur l’autel du « fast food filmique ».

Krasinski incarne ici Luke Purdue, un ancien archéologue déchu qui mène une vie de hors-la-loi rythmée par quelques coups d’éclat. En Thaïlande, il dérobe un mystérieux tableau à une organisation criminelle, déjouant au passage les plans de la troublante Esme (Eiza Gonzalez) et de ses sbires, bien décidés à mettre la main sur la toile. De retour à Londres, il débarque à l’improviste chez sa sœur Charlotte (Natalie Portman), conservatrice de musée en pleine procédure de divorce. Mais ce n’est pas pour renouer les liens familiaux : Luke s’empare d’un autre tableau dans le musée de Charlotte et l’entraîne dans une fuite aussi précipitée que périlleuse, épaulé par ses acolytes Murphy (Laz Alonso) et Deb (Carmen Ejogo). Sous le feu des questions de l’inspecteur d’Interpol Jamal Abbas (Arian Moayed), Charlotte perd son poste. Furieuse, elle confronte son frère dans sa planque, où elle rencontre Owen Carver (Domhnall Gleeson), magnat sans scrupules atteint d’un cancer incurable. Ce dernier finance l’expédition clandestine de Luke : une chasse au trésor ambitieuse sur les traces de leur défunt père, lui aussi explorateur. Leur objectif ? Retrouver la mythique Fontaine de Jouvence.

Les fables de la Fontaine

Il ne faut pas chercher bien loin pour comprendre quelles sont les sources d’inspiration de Fountain of Youth. Pour concocter son récit, James Vanderbilt puise tranquillement dans la franchise Indiana Jones et dans le Da Vinci Code. Capable du meilleur (Zodiac) comme du pire (Independence Day : Resurgence), le scénariste fait ici preuve d’une manifeste paresse d’écriture qui, au-delà d’un permanent effet de déjà-vu (qui culmine avec le plagiat pur et simple du climax d’Indiana Jones et la dernière croisade), démontre une fâcheuse tendance à prendre son public pour un imbécile. La preuve : une manie bizarre de répéter sans cesse les mêmes informations (combien de fois nous dit-on que Luke et Charlotte sont frères et sœur, que le mantra de leur père était de « préférer le voyage au butin », que leur commanditaire est gravement malade ?), comme si les spectateurs des films « à domicile » devaient être plus stimulés que les autres de peur qu’ils perdent le fil d’une intrigue pourtant filiforme. Ritchie tente bien de caviarder son film de séquences mouvementées pour faire bonne mesure (poursuites, cavalcades, fusillades, explosions), et montre un indéniable savoir-faire en ce domaine. Mais rien non plus que nous n’ayons déjà vu ailleurs. Et comme en outre la bande originale de Christopher Benstead est une véritable souffrance pour les oreilles, voilà qui ne facilite guère notre implication. Un coup dans l’eau, donc, malgré des prémisses pleines de promesses.

 

© Gilles Penso

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MISSION: IMPOSSIBLE – THE FINAL RECKONING (2025)

Dans cette suite directe du précédent volet, Ethan Hunt joue contre la montre pour empêcher un holocauste nucléaire…

MISSION : IMPOSSIBLE – THE FINAL RECKONING

 

2025 – USA

 

Réalisé par Christopher McQuarrie

 

Avec Tom Cruise, Hayley Atwell, Ving Rhames, Simon Pegg, Esai Morales, Henry Czarny, Pom Klementieff, Rolf Saxon, Angela Bassett

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA MISSION IMPOSSIBLE

Ce huitième chapitre des aventures d’Ethan Hunt a la particularité de former un dyptique avec Mission : Impossible – Dead Reckoning, partie 1 sorti en 2023. Pourtant, suite à des résultats au box-office en deçà des attentes, la Paramount a pris la décision de ne pas l’intituler « partie 2 », lui préférant ce Final Reckoning, qui évitera à la fois de décourager les spectateurs ayant fait l’impasse sur le précédent et en attirera d’autres en suggérant qu’il pourrait s’agir de l’ultime volet de la saga initiée en 1996, en jouant même sur l’éventualité d’une fin tragique pour notre héros casse-cou. Après tout, même James Bond a fini par tirer sa révérence… The Final Reckoning entend donc reprendre les affaires là où nous les avions laissées deux ans auparavant. Hélas, ce qui aurait dû permettre de commencer sur les chapeaux de roue s’avère en fait un frein à l’action : afin de ne perdre personne en route, on nous offre d’entrée de jeu un résumé en bonne et due forme, à la façon d’un épisode de série TV (les fameux « previously on »). Dans le film précédent, nous déplorions l’aspect trop didactique des dialogues. Le reproche vaut toujours et les choses ont même empiré puisque McQuarrie ajoute cette fois de réguliers flashbacks (de tous les films, sauf le second) en mode « best of Tom Cruise ». Plus ennuyeux encore, cette exposition parvient à simplifier les enjeux présumés complexes du déjà très long épisode précédent, à savoir : Ethan Hunt a mis la main sur les deux morceaux d’une clé permettant d’accéder au code original de l’Entité (l’Intelligence artificielle qui menace la survie de l’humanité), laquelle se trouve dans l’épave d’un sous-marin nucléaire gisant au fond de l’océan arctique. Beaucoup de bruit pour rien sur le plan dramatique ! La mission dEthan Hunt, « sil laccepte », consiste donc à récupérer le disque dur contenant lEntité puis den décharger le contenu dans un serveur situé en Afrique du Sud le programme sera à jamais prisonnier hors-ligne.

Bien sûr, le chemin sera parsemé d’embûches, et si McQuarrie avait réussi dans Rogue Nation et Fallout à écrire des scènes d’action aussi imaginatives que spectaculaires, il s’applique avant tout ici à relier les points d’un dessin dont on devine très vite les contours, maitrisant parfaitement le concept de la loi de Murphy afin que les complications et retournements de situation surviennent toujours au moment opportun, créant par là-même un suspense très artificiel. Une critique applicable en particulier au morceau de bravoure sous-marin à mi-parcours : à moins d’être ablutophobe, difficile en effet de craindre pour la vie d’Ethan Hunt, d’autant que les qualités d’apnéiste de son interprète sont amenuisées par des coupes régulières au montage et que la scène, tournée dans un décor immergé en studio, ne se distingue pas forcément de ce qu’on a pu voir par exemple dans Demain ne meurt jamais. Pire encore, la fameuse scène du biplan, sur laquelle reposait toute la promotion de Final Reckoning, est certes absolument dingue à l’écran (le format IMAX ajoute beaucoup au spectacle) mais… elle semble appartenir à un autre film : tranchant sur le plan visuel avec tout ce qui a précédé, qui se voulait sombre et claustrophobe, voilà que le climax nous emmène virevolter dans un ciel azur sans nuages au-dessus de paysages verdoyants paradisiaques détournant presque l’attention de l’action, d’autant que l’on a plutôt l’impression d’assister à un show aérien et quEthan Hunt semble s’escamoter au profit de la star Tom Cruise. Une entame de la suspension d’incrédulité accentuée par toutes les vidéos promos qui inondaient la toile plusieurs mois avant la sortie du film et dans lesquelles l’acteur aux mâchoires de fer, à trop vouloir montrer qu’il conservait tout son « cool », même accroché à une aile d’avion, a fini par quelque peu démystifier lui-même ses propres exploits.

 MI-8 : MI-figue, MI-raisin

S’agissant présumément du dernier Mission Impossible en raison de son titre quelque peu roublard, McQuarrie et Cruise cherchent à orchestrer le point d’orgue de la saga et convient tous les anciens à la fête. On retrouve ainsi Angela Bassett, promue ici au rang de présidente des États-Unis (une prédiction ratée de l’élection de Kamala Harris ?), mais après Henry Czerny, le retour d’un autre personnage très secondaire du film original laisse quelque peu perplexe. Cette volonté de raccrocher tous les wagons s’avère encore une fois aussi artificielle qu’inutile pour un film déjà (trop) long. Paradoxalement, McQuarrie développe certains personnages qui n’en demandaient pas tant, alors qu’aucune mention n’est faite d’Ilsa (Rebecca Ferguson), disparue dans l’épisode précédent et remplacée au pied levé par Grace (Haley Atwell) dans le cœur d’Ethan Hunt, sans que cela ne surprenne grand-monde. Même le méchant Gabriel (Essai Morales) passe la majeure partie du temps sur la touche et ne semble avoir été retenu que pour offrir un adversaire à Ethan Hunt lors de la scène finale. Étrange également que le fait qu’il ait tout de même tué la première petite amie de ce dernier ne semble plus vraiment être au centre de leur antagonisme. Où est passé le scénariste rigoureux de Usual Suspects, Way of the Gun ou Jack Reacher ? Et que dire de ces tunnels de dialogue où chaque personnage se livre chacun son tour à une petit monologue théâtral et prophétique, même en présence d’une bombe menaçant d’exploser d’une seconde à l’autre ? Quant à McQuarrie-réalisateur, il opère là encore des choix surprenants en rappelant parfois l’ambiance des adaptations des romans de Tom Clancy (la franchise Jack Ryan) mais en reprenant aussi une esthétique évoquant les productions Bruckheimer, voir notamment ces images apocalyptiques de missiles nucléaires fondant sur les monuments iconiques des grandes capitales que Michael Bay n’aurait pas reniées, mais aussi les scènes dans le centre de contrôle de l’armée ou ces plans de porte-avion américain. The Final Reckoning ne retrouve jamais l’équilibre subtil entre grand spectacle et scénario au cordeau qui faisait tout le sel de Rogue Nation et Fallout. On regrettera particulièrement la pirouette commerciale consistant à avoir scindé l’histoire en deux, là où un seul film délesté de certains dialogues et personnages secondaires se serait avéré plus dense et digeste. McQuarrie continue de servir l’image et l’ego de son acteur/producteur, au détriment de l’intégrité du film. Il était question à l’origine que chaque film soit réalisé par un réalisateur différent qui apporterait sa sensibilité et son style, mais Tom Cruise en aura finalement décidé autrement. Il est pourtant probablement temps d’apporter un regard neuf sur la franchise, qui pourrait commencer à ressembler à une variante de Fast & Furious par certains aspects, en particulier la place un brin vaniteuse que s’y s’accorde leur star principale.

 

 © Jérôme Muslewski

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FEAR STREET : PROM QUEEN (2025)

Déconnecté de la trilogie précédente, ce quatrième opus de la saga inspirée par l’écrivain R.L. Stine transforme un bal de fin d’année en bain de sang…

FEAR STREET : PROM QUEEN

 

2025 – USA

 

Réalisé par Matt Palmer

 

Avec India Fowler, Suzanna Son, Fina Strazza, Katherine Waterston, Lili Taylor, Chris Klein, Ariana Greenblatt, David Iacono, Darrin Baker, Ella Rubin

 

THEMA TUEURS I SAGA FEAR STREET

Diffusée sur la plateforme Netflix en 2021, la trilogie Fear Street connut un succès très honorable et sut satisfaire les amateurs du genre malgré un certain nombre de facilités et de clichés. Inspirés librement d’une série d’ouvrages de R.L. Stine (l’écrivain derrière la franchise Chair de poule), ces trois films réalisés par Leigh Janiak se laissaient volontiers inspirer par Scream et Vendredi 13 pour bâtir leur propre univers, centré autour d’une malédiction frappant la petite ville de Shadyside en trois périodes distinctes : 1666, 1978 et 1994. L’idée d’un quatrième opus germe rapidement mais tarde à se concrétiser. Contrairement au triptyque initial, ce nouvel épisode est envisagé comme un film autonome dont l’intrigue serait déconnectée de ses prédécesseurs. Initialement envisagée pour diriger le film, Chloe Okuno (signataire du drame horrifique Le Voyeur) cède finalement la place à Matt Palmer (réalisateur du thriller Calibre). Ce dernier co-écrit Fear Street : Prom Queen avec Donald McLeary et se laisse largement inspirer – comme l’indique assez explicitement le titre du film – par Le Bal de l’horreur de Paul Lynch.

En 1988, la classe de terminale du lycée de Shadyside se prépare pour le bal de promo. Lori Granger (India Fowler) se porte candidate au titre de reine du bal face à un groupe très populaire surnommé « la meute », menée par l’arrogante Tiffany Falconer (Fina Serazza) et ses amies Melissa McKendrick (Ella Rubin), Debbie Winters (Rebecca Ablack) et Linda Harper (Ilan O’Driscoll). Lori est mise à l’écart par les autres élèves à cause de rumeurs selon lesquelles sa mère aurait tué son père, bien qu’elle ait été déclarée innocente. La vice-principale Brekenridge (Lili Taylor) espère que le bal permettra de redorer l’image de Shadyside, ternie par sa mauvaise réputation. Mais la veille du bal, l’une des candidates est sauvagement assassinée par un tueur caché derrière un masque et une capuche écarlate. Lorsque s’ouvrent les festivités, la tension monte entre les potentielles reines du bal. Mais le vrai danger se tapit ailleurs. Le tueur s’est en effet dissimulé dans les couloirs du lycée et s’apprête à frapper de nouveau…

Fan des années 80

Précédé d’une campagne marketing maligne reproduisant le look des vieilles jaquettes VHS des années 80 ou détournant plusieurs posters célèbres (Carrie, Halloween, Le Bal de l’horreur), Fear Street : Prom Queen assume pleinement sa volonté de s’engouffrer dans la nostalgie eighties portée aux nues par Stranger Things. Tous les lieux communs attendus sont convoqués. La bande originale au synthétiseur est donc ponctuée de tubes de l’époque (chantés par Billy Idol, Judas Priest, Bananarama, Eurythmics, Laura Branigan, Duran Duran ou Grandmaster Flash) et le film s’encombre d’une surabondance de références pop (Phantasm II et Appel d’urgence sont projetés dans le cinéma local, on loue la cassette vidéo de Génération perdue, on tapisse les murs de photos de Patrick Swayze, Johnny Depp ou Prince). La palme revient à la meilleure amie de l’héroïne, un personnage parfaitement improbable qui lit le magazine Fangoria, bricole des effets spéciaux et décore sa chambre avec un poster de L’Enfer des zombies. A trop se concentrer sur ce jeu d’accumulation, le film peine à construire une intrigue intéressante. Car ces petites rivalités mesquines entre futures reines du bal stéréotypées sont évidemment d’un intérêt tout relatif. Fort heureusement, les séquences de meurtres ne lésinent pas sur le gore excessif à l’ancienne, quelques moments de suspense fonctionnent bien et les ultimes rebondissements sont très récréatifs. Mais le spectateur aguerri a déjà l’impression d’avoir déjà vu tout ça un millier de fois. Le postmodernisme a ses limites. Fear Street : Prom Queen le prouve à chaque minute.

 

© Gilles Penso

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DESTINATION FINALE : BLOODLINES (2025)

Chassez la mort, et elle revient au galop ! Voici donc le sixième opus d’une saga qu’on croyait terminée, et qui ressuscite ici avec perte et fracas…

FINAL DESTINATION : BLOODLINES

2025 – USA

Réalisé par Zach Lipvosky et Adam B. Stein

Avec Kaitlyn Santa Juana, Teo Briones, Rya Kihlstedt, Richard Harmon, Owen Patrick Joyner, Anna Lore, Alex Zahara, April Telek, Tinpo Lee, Tony Todd

THEMA MORT I CATASTROPHES I SAGA DESTINATION FINALE

 

Quatorze années se sont écoulées depuis Destination finale 5, et de nombreuses pistes de suites ont entretemps été formulées puis abandonnées. Continuer à faire fructifier la franchise restait une priorité pour New Line Cinema, encore fallait-il trouver la bonne idée. Le très inégal Jon Watts (à la tête des Spider-Man du Marvel Cinematic Universe et de la sympathique série Skeleton Crew) étant embarqué dans ce sixième opus tardif en tant que coproducteur et coscénariste, on ne savait trop quoi penser de la teneur du projet. Mais le nom des deux réalisateurs finalement sélectionnés – après une longue phase de sélection – se révélait plutôt rassurant. Zach Lipvosky et Adam B. Stein nous ont en effet offert le très recommandable Freaks en 2018. Cela dit, comment surprendre encore le public habitué à une franchise aussi codifiée ? Autant dire que l’exercice n’était pas simple, pour ne pas dire périlleux. D’un autre côté, trop s’éloigner de la formule aurait pu être considéré comme un acte de trahison par les aficionados de la saga. En quête du juste équilibre, les scénaristes et les cinéastes se sont creusé les méninges pour finalement trouver une solution plutôt habile. Car si la mécanique ne change pas – la Mort vient faucher ceux qu’elle a ratés la première fois en orchestrant de diaboliques réactions en chaîne propres à hérisser les poils des spectateurs -, son inscription dans le scénario change un peu la donne.

Le prologue du film, spectaculaire comme il se doit, parvient encore à nous époustoufler en jouant la carte du vertige, quelque part à mi-chemin entre le naufrage de Titanic et la scène de la caravane suspendue du Monde perdu. Dès cette entame, située à la fin des années 60, nous comprenons que le concept a été réadapté. La suite des péripéties, qui nous ramène à l’époque contemporaine, prend un tour différent puisque, comme l’indique le sous-titre Bloodlines, il est question ici d’hérédité, ou plutôt de très lourd héritage familial. Une fois n’est pas coutume, les héros ne sont donc pas des amis liés par un destin funeste mais des parents, des enfants et des cousins aux liens distendus bientôt embarqués dans une galère dont la Camarde tient les rênes. Et comme personne ne semble croire à cette malédiction familiale, à part la protagoniste incarnée par Kaitlyn Santa Juana, le phénomène d’identification fonctionne à plein régime, notamment dans cette séquence tendue au cours de laquelle elle tente d’anticiper sur les relations de cause à effet qui pourraient provoquer à tout moment un trépas violent dans une rue tranquille…

La mort dans le sang

Le film construit dès lors ses séquences de suspense à partir de tout et n’importe quoi : deux enfants qui jouent au football sur le trottoir, une enceinte qui vibre, une porte à tambour, la moindre étincelle, la plus petite pièce de monnaie… Et ça marche ! Les codes du film d’horreur (généreux en effets gore) et du cinéma catastrophe (avec force explosions et destructions massives) s’entrechoquent une fois de plus avec fracas. Au détour du jeu de massacre, c’est non sans émotion que nous retrouvons Tony Todd pour un dernier tour de piste avant que l’inoubliable interprète de Candyman tire sa révérence. Son personnage s’enrichit et se redéfinit ici de manière inattendue. « Pour briser le cycle, il faut mourir » dit-il, alors très malade, saisissant pleinement la cruelle ironie de cette réplique avant d’ajouter : « La vie est précieuse, profitez de chaque seconde ». Todd s’éteindra quelques mois après la fin du tournage du film, qui lui est dédié. Soutenu par une très belle musique orchestrale de Tim Wynn (déjà à l’œuvre sur Freaks), partagé entre l’humour noir, l’horreur et la chronique familiale, Destination finale : Bloodlines trouve en ce domaine l’équilibre qui faisait cruellement défaut à The Monkey d’Osgood Perkins. Bref, voici sans doute l’un des opus les plus réjouissants de cette longue série initiée par James Wong et Glen Morgan 25 ans plus tôt.

 

© Gilles Penso

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LILO ET STITCH (2025)

C’était à craindre : ce remake « live » du film d’animation ultra-populaire de 2002 manque singulièrement de personnalité et de surprise…

LILO & STITCH

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dean Fleischer Camp

 

Avec Maia Kealoha, Sydney Agudong, Zach Galifanakis, Billy Magnussen, Tia Carrere, Courtney B. Vance, Kaipo Dudoit, Amy Hill, Jason Scott Lee, Chris Sanders

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Chaque fois qu’un film d’animation Disney passe le cap d’une relecture « live », la légitimité d’une telle entreprise laisse perplexe. L’argument financier est évidemment la motivation première de ce type d’initiative, quoique l’échec cuisant du Blanche Neige de Mark Waters au box-office laisse entendre qu’il ne suffit pas de capitaliser sur des propriétés intellectuelles connues du public et de les resservir avec d’autres sauces pour forcément remplir les tiroir-caisse. Trois familles de films se dégagent de ce flot de remakes réinventant les grands classiques dans l’espoir d’attirer de nouveaux spectateurs : les réadaptations libres et personnelles portées par des cinéastes désireux d’apporter leur patte personnelle (Peter et Eliott, Dumbo), les « origin stories » revisitant certains personnages célèbres depuis leurs débuts (Cruella, Maléfique) et les remakes fidèles. Lilo et Stitch entre confortablement dans cette troisième catégorie, ce qui est d’autant plus dommage que le concept initial offrait des opportunités artistiques infinies, pour peu qu’on se donne la peine de réadapter le sujet original – clairement conçu pour le médium animé, avec la pureté de ses traits, la simplicité de son animation et la beauté de ses couleurs pastel – pour le transposer dans un univers en prises de vues réelles.

Pour raconter Lilo et Stitch au milieu d’acteurs en chair et en os, la solution la plus logique et la plus efficace aurait sans doute été de reprendre le mètre étalon en la matière, autrement dit E.T. : l’inscription du récit dans un contexte réaliste, avec des personnages crédibles et attachants, prélude au surgissement dans un second temps de la créature extra-terrestre et de l’impact de sa présence sur les protagonistes. La campagne marketing du film valorisant son tournage à Hawaï avec des acteurs locaux pour plus d’authenticité, cette approche tombait sous le sens. Mais ce remake choisit l’imitation structurelle de son modèle et démarre donc son intrigue dans l’espace, au beau milieu du conseil intergalactique présidant aux destinées du savant fou Jumba et de sa création démoniaque, l’expérience 626. Pour réadapter cette séquence, la production fait le choix logique de l’image de synthèse. Mais le design, la modélisation, le rendu et l’animation des personnages nous semblent d’un autre âge, comme échappés d’un Pixar ou d’un Dreamworks des années 2000. Lorsque le film se déplace ensuite sur Terre, le décalage abyssal entre les scènes « humaines » et ce prologue animé en 3D saute aux yeux, comme s’il s’agissait de deux films distincts. Et lorsque les personnages animés – Stitch, Jumba et Pleakley – surgissent au milieu des acteurs, le grand écart esthétique se creuse davantage.

Lilo et les Minimoys

Car voilà bien le problème majeur de ce Lilo et Stitch : son incapacité à opérer des choix artistiques cohérents. Ce n’est pourtant pas la première fois que des créatures numériques cartoonesques côtoient des humains à l’écran. Mais pour que le rendu tienne la route, encore faut-il que les premiers soient intégrés de manière fluide dans l’action – à la manière du Rocket Racoon des Gardiens de la galaxie par exemple. Or ici, nos deux chasseurs extra-terrestres s’agitent de manière saccadée comme s’ils parodiaient la frénésie du Bob Razowski de Monstres et compagnie ou du Tilt des 1001 pattes. L’harmonie de ce traitement avec le cadre naturaliste dans lequel se situe l’intrigue est donc sérieusement mise à mal (on se croirait par moments dans le dernier opus d’Arthur et les Minimoys !). Stitch s’en sort mieux, grâce à une animation plus fluide, un travail de texture remarquable (son museau humide et sa fourrure bleue sont très réalistes) et surtout une interaction parfaite avec la petite Maia Kealoha, géniale trouvaille de casting qui est probablement la meilleure surprise du film. Mais l’abatage savoureux de cette star en herbe ne suffit pas à nous convaincre pleinement, les scénaristes et le réalisateur Dean Fleischer Camp – pourtant signataire d’un très sympathique Marcel le coquillage (avec ses chaussures) – renonçant tant à choisir la tonalité du film qu’ils affublent le film d’une infinité d’épilogues, surlignant lourdement tout ce que les spectateurs sont pourtant suffisamment intelligents pour comprendre ou imaginer seuls. Bilan ? Un film honnêtement très agréable mais un peu vain, comme la grande majorité des versions « live action » du patrimoine animé de Disney.

 

© Gilles Penso

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MINECRAFT – LE FILM (2025)

Jack Black, Jason Momoa et leurs compagnons s’agitent dans cette adaptation d’un des jeux vidéo les plus populaires au monde…

A MINECRAFT MOVIE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Jared Hess

 

Avec Jack Black, Jason Momoa, Sebastian Hansen, Emma Myers, Danielle Brooks, Jennifer Coolidge, Rachel House

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLELES

L’industrie vidéo-ludique se posant en concurrente directe du 7ème art tout en se payant de belles synergies commerciales avec celui-ci, les adaptations de jeux sont devenues un genre à part entière, pour le pire… et le moins pire. En généralisant, on pourrait affirmer que les films se situant DANS l’univers du jeu peinent à impliquer le spectateur (le Super Mario Bros de 1993, Assassin’s Creed, Uncharted, Five Nights at Freddy’s), alors que ceux qui jouent la carte du « merveilleux » en commençant dans le monde réel avant de projeter leurs protagonistes dans un monde virtuel favorisent l’identification et la suspension d’incrédulité du spectateur. Une approche qui fonctionne parfaitement dans Tron, Matrix, Jumanji – Bienvenue dans la jungle, La Grande aventure Lego ou l’adaptation animée de Super Mario Bros (bien que la plupart de ces titres ne soient pas des adaptations de jeux existants), et que les scénaristes de Minecraft – le film ont salutairement choisi d’adopter ici face à l’absence totale d’enjeux dramatiques du matériau d’origine. Ainsi, sans jamais chercher à expliquer le pourquoi du comment puisqu’il est entendu que le spectateur sait ce qu’il est venu voir, le film introduit dès les cinq premières minutes le monde de Minecraft, dans lequel tout se construit et se détruit tout aussi facilement. L’argument narratif n’a de toutes façons que peu d’intérêt ici, la première demi-heure d’exposition enfilant les poncifs des films d’aventures familiaux des années 80 et 90 comme des perles – jusqu’aux inévitables enfants orphelins ayant du mal à trouver leur place dans une nouvelle ville – tout en émulant la structure et le ton de Jumanji – Bienvenue dans la jungle, dont l’efficacité de la mise en place s’avérait exemplaire. Mais copier n’étant pas jouer, Minecraft – le film est-il un divertissement aussi recommandable que son modèle ?

Hollywood ne s’avouant jamais vaincue face à la difficulté d’accoucher d’un scénario acceptable pour une propriété intellectuelle chèrement acquise, il aura fallu plus de dix ans de développement avant que Minecraft – le film ne débarque sur nos écrans. Dès 2014, Shawn Levy, à qui l’ont devait alors notamment le très réussi La Nuit au musée (qui empruntait déjà au Jumanji original), fut engagé mais, ne parvenant pas à s’entendre sur un scénario digne de ce nom, s’en alla réaliser Free Guy, une distrayante variation sur le thème de Un Jour sans fin appliquée… aux codes du jeu vidéo justement. C’est Jared Hess, acclamé (notamment par Spielberg, rien que ça) pour sa comédie Napoleon Dynamite, qui conduira le projet Minecraft à terme, aidé par ses complices de toujours au scénario : Chris Bowman et Hubbel Palmer. On notera également la présence de deux autres scribes au générique : Neil Widener et Chris Galetta. Tout ce beau monde pour accoucher de ça ? On peut légitimement penser que les deux premiers ont exposé les grandes lignes de l’ « intrigue » et que les suivants ont participé à l’élaboration des gags et des personnages. Car au-delà de la direction artistique et de l’animation de personnages en images de synthèse anguleux franchement réussies, chapeautées par le superviseur des effets spéciaux Grant Major (Fantômes contre fantômes, la trilogie Le Seigneur des Anneaux, King Kong), Minecraft – le film repose entièrement sur les épaules de ses interprètes principaux : Jack Black et l’étonnant Jason Momoa.

Black micmac

Étonnamment, Jack Black devait à l’origine se contenter de prêter sa voix à un cochon. Ayant déjà travaillé avec Jared Hess sur Nacho Libre, il accepta le premier rôle après le désistement de Matt Berry, initialement envisagé. La popularité de Black sur les réseaux sociaux a façonné un personnage à part entière : ses grimaces, ses chorégraphies et acrobaties (dis)gracieuses et ses chansons délirantes sont devenues sa marque de fabrique. Son évolution artistique semble même emprunter le chemin inverse de celles des clowns tristes Robin Williams et Jim Carrey, qui  sont passés de l’excentricité à la plus grande gravité (via la dépression). Jack Black, lui, semble avoir complètement abandonné toute envie de jouer la comédie et s’amuse de la façon la plus régressive qui soit. Selon que vous aimiez le comédien ou pas, le film s’apparente à un one-man show survolté ou à une torture ininterrompue, le summum étant atteint avec trois chansons parfaitement absurdes. Quant à Jason Momoa, peinant encore à s’imposer comme un nom « bankable » malgré les deux Aquaman et Fast & Furious X et semblant jouer ici le Dwayne Johnson de seconde classe, il crée la surprise en s’avérant être un substitut méritant, jouant comme s’il se fichait désormais de son image, s’amusant visiblement à jouer le raté sympathique. Bien sûr, la partition comique joue la même note tout le long du film, mais le montage ne laisse pas de gras sur les improvisations et nous emmène vite d’une péripétie à l’autre. On peut déplorer néanmoins l’absence totale d’enjeux dramatiques. Minecraft – le film annonce-t-il une certaine idée du cinéma de divertissement à l’ère Tiktok ? La plateforme a d’ailleurs contribué à la promotion du film par le biais du « chicken jokey challenge », consistant à se filmer dans les salles obscures en hurlant et en lançant du popcorn lors d’une scène précise. On aura le droit de désapprouver… Reste qu’il serait malhonnête de reprocher à Minecraft – le film ce qu’il n’a jamais prétendu être, à savoir un film enlevé et subtil : il s’agit d’un divertissement familial complètement potache et absurde et c’est déjà bien plus qu’il n’avait le droit de l’être !

 

 © Jérôme Muslewski

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MICKEY 17 (2025)

Dans le futur, les humains les plus bas dans l’échelle sociale peuvent devenir des individus facilement sacrifiables grâce au clonage…

MICKEY 17

2025 – USA

Réalisé par Bong Joon Ho

Avec Robert Pattinson, Naomi Ackie, Mark Ruffalo, Toni Collette, Steven Yeun, Patsy Ferran, Cameron Britton, Daniel Henshall, Steve Park, Anamaria Vartolomei

THEMA DOUBLES I FUTUR I EXTRA-TERRESTRES

 

Après le carton international de Parasite, multi-oscarisé et salué partout pour son audace, tout le monde attend Bong Joon Ho au tournant. Le cinéaste décide alors de revenir à la science-fiction futuriste, comme à l’époque de Snowpiercer, en se penchant sur le roman Mickey7 d’Edward Ashton, dont il acquiert les droits d’adaptation avant même sa publication en 2022. « Le concept lié à la capacité d’imprimer des êtres humains est fascinant dans le roman, mais je voulais le ramener sur terre et le rendre plus quotidien et plus proche de notre vie de tous les jours », explique le cinéaste. « Au centre du récit se trouve le personnage de Mickey. Dans le roman, il s’agit d’une sorte d’historien, d’intellectuel, mais je voulais en faire un ouvrier, un être simple, aimable, gentil et un peu triste. » (1) Bong Joon Ho remanie donc l’intrigue du manuscrit d’Ashton et écrit une première mouture du scénario en 2021. Dans le rôle principal, il n’a qu’un seul nom en tête : Robert Pattinson. L’acteur voit là l’opportunité de pouvoir incarner plusieurs variantes du même personnage et accepte aussitôt. Avec la bénédiction du réalisateur, Pattinson propose un certain nombre de modifications du scénario pour ajuster son interprétation. Quant à sa référence principale, en termes de jeu, elle se révèle plutôt surprenante : Jim Carrey dans Dumb et Dumber !

Nous sommes en 2050. Endetté jusqu’au cou auprès d’un mafieux impitoyable qui rêve de le réduire en pièces, sans attache, ni diplôme, ni qualification, Mickey est au fond du trou. Il choisit alors de fuir la Terre pour rejoindre la colonie de Niflheim, où il postule pour devenir un homme « remplaçable ». Là-bas, les désespérés comme lui peuvent accepter des missions à très haut risque, avec une probabilité de survie quasi nulle. Leur mémoire et leurs données biologiques sont toutefois sauvegardées sur un disque dur. À chaque décès, leur corps est réimprimé à l’identique à partir de déchets organiques recyclés, et leur cerveau redémarre. « Il va falloir vous habituer à mourir, c’est votre travail », lui résume sa recruteuse. Mickey devient alors un véritable rat de laboratoire, cobaye humain pour toutes sortes d’expériences. Ses morts sont souvent violentes et spectaculaires… puis il revient à la vie, prêt pour une nouvelle mission.

Meurs un autre jour

Quel que soit le genre qu’il aborde, Bong Joon Ho aime greffer dans ses intrigues un sous-texte social et une réflexion sur la condition humaine. Dans Mickey 17, il pousse le bouchon assez loin, décrivant le sort d’un « sous-homme » tellement bas sur l’échelle sociale qu’il est « jetable » au sens propre. Ce n’est qu’« un bout de viande sorti de l’imprimante », pour reprendre les termes du commandant en chef de la colonie qu’incarne Mark Ruffalo. La vie de Mickey n’a pas plus de valeur que celle d’un mannequin de crash test, puisque la technologie permet de le remplacer. Comment imaginer meilleure métaphore d’un prolétariat dont les individus sont anonymes et interchangeables ? Au-delà des questionnements éthiques soulevés par le scénario s’ajoutent ceux liés au clonage et à la duplication, avec à la clé la description d’une société fasciste ouvertement eugéniste et obsédée par l’idée de race supérieure. Véritable « film à tiroirs » dont chaque rebondissement ouvre de nouvelles portes et d’autres pistes narratives, Mickey 17 convoque aussi l’imagerie du massacre des bisons perpétré dans l’Amérique du 19ème siècle, en la transposant sur une autre planète, pour aborder les problématiques de la condition animale et de son exploitation par l’homme, qui étaient déjà le moteur des enjeux d’Okja. Certes, les impressionnantes créatures invertébrées qui pullulent sur la colonie et le rôle que va tenter de jouer Mickey auprès d’elles évoquent beaucoup Nausicaä de la vallée du vent d’Hayao Miyazaki. Le sentiment de déjà vu n’atténue pas pour autant l’impact de ce film imprévisible et vertigineux, dont la richesse foisonnante converge vers une idée aussi simple que forte : chaque vie compte.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Poc Culture en février 2025

 

© Gilles Penso

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NOVOCAINE (2025)

Un homme insensible à la douleur à cause d’une maladie génétique rare se retrouve confronté à trois gangsters violents…

NOVOCAINE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dan Berk et Robert Olsen

 

Avec Jack Quaid, Amber Midthunder, Ray Nicholson, Jacob Batalon, Betty Gabriel, Matt Walsh, Conrad Kemp, Evan Hengst, Craig Jackson, Lou Beatty Jr.

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Dan Berk et Robert Olsen travaillent conjointement depuis les années 2010. Ensemble, ils ont signé le thriller Body, le film de vampires Stake Land II, la comédie horrifique Villains et l’aventure de science-fiction Une obsession venue d’ailleurs. Avec Novocaïne, ils passent à la vitesse supérieure en entrant dans la cour des grands, puisque les droits de leur cinquième long-métrage sont acquis par le studio Paramount, ce qui leur permet d’accéder à un budget confortable de 18 millions de dollars. Reprenant un principe voisin de celui du film indien Mard Ko Dard Nahi Hota de Vasan Bala, sorti en 2018, le scénario de Novocaïne est l’œuvre de Lars Jacobson (The Mother). Pour le rôle principal du film, Berk et Olsen n’ont qu’un seul nom en tête : Jack Quaid, sur la foi de sa prestation dans la série The Boys. « Le concept du film est cool, mais il fallait un acteur capable d’équilibrer le poids de la comédie et du drame », expliquent-ils. « Comme notre personnage ne ressent pas la douleur, Jack a dû réapprendre à encaisser les coups. Quand on fait mine d’être frappé dans un film, on grimace à cause de la douleur. Ici, il reçoit des coups mais ne les ressent pas. Comment peut-on être frappé sans réagir ? C’est une ligne difficile à suivre, physiquement et visuellement. C’était très excitant de voir tout cela se concrétiser. » (1)

Quaid incarne ici Nathan Caine, un homme introverti qui travaille comme directeur adjoint dans une banque à San Diego. Nathan a une particularité physique très rare : une insensibilité totale à la douleur due à une maladie génétique. Il doit donc prendre mille précautions quotidiennes pour éviter de se blesser sans s’en rendre compte. Lorsque sa collègue Sherry Margrave (Amber Midthunder) s’intéresse à lui, il hésite en raison de son état et de son manque d’expérience avec les femmes. Mais il finit par franchir le pas. Le lendemain matin, la veille de Noël, après une nuit torride qui laisse Nathan sur un nuage, trois voleurs déguisés en pères Noël et menés par le brutal Simon (Ray Nicholson) dévalisent la banque et prennent Sherry en otage. Soudain mû par un courage qu’il ne se connaissait pas, Nathan vole une voiture de police et se lance à leurs trousses, profitant de son insensibilité à la douleur pour se muer en une sorte de super-justicier…

Même pas mal !

Au départ, pour être honnête, on ne voit pas très bien comment le scénario va pouvoir tirer parti de la particularité physique de son héros pour tenir sur la longueur. Pour y parvenir, Novocaïne n’y va pas par quatre chemins et mue l’anomalie congénitale en un super-pouvoir (ou une capacité quasi-paranormale) permettant à son héros non seulement de ne pas ressentir la douleur mais aussi de passer outre les blessures de plus en plus spectaculaires que son corps subit. Partant de ce principe, les réalisateurs multiplient les scènes d’action inventives (le combat invraisemblable contre le tatoueur), les situations comiques absurdes (la confrontation dans une maison truffée de pièges digne de Maman j’ai raté l’avion) et les moments de suspense intenses (notamment au moment du climax). Très riche en rebondissements, l’intrigue empêche habilement les spectateurs de deviner où elle se dirige et comment tout ça va finir. Drôle, original, violent, mouvementé, Novocaïne souffre tout de même des tonnes d’incohérences qui le jalonnent et de son manque d’ambition narrative. Nous aurions en effet aimé que le scénario sache mieux exploiter son concept fou au-delà de son potentiel purement récréatif. Pour autant, avouons qu’on y passe un excellent moment. D’autant que nous n’avons pas tous les jours l’occasion de voir le fils de Dennis Quaid et celui de Jack Nicholson se coller des bourre-pifs !

 

(1) Extrait d’une interview parue dans JoBlo en décembre 2024

 

© Gilles Penso

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