TWISTERS (2024)

Dans cette suite tardive du film de Jan De Bont, une nouvelle équipe de chasseurs de tornades brave tous les dangers…

TWISTERS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Lee Isaac Chung

 

Avec Daisy Edgar-Jones, Glen Powell, Anthony Ramos, Maura Tierney, Harry Hadden-Paton, Sasha Lane, Brandon Perea

 

THEMA CATASTROPHES

Parmi les suites que personne n’attendait, Twisters se pose bien là, même si les premiers résultats au box-office le positionnent déjà comme un des grands succès de l’année 2024. Le recul aidant, on constate que le film original de 1996 bénéficie d’une côte de popularité jusque-là insoupçonnée, comme en témoignent de nombreux commentaires sur la toile. La nostalgie commençant à faire son œuvre, Twister semble même aujourd’hui trouver une place aux côtés des classiques des années 90 tels que Jurassic Park ou Forrest Gump. Alors qu’il fut critiqué à l’époque pour son scénario schématique et ses personnages unidimensionnels, ces défauts sont peut-être aussi ses atouts : il ne faut en effet pas confondre « simplisme » et « simplicité ». Le scénario de Michael Crichton introduisait ses protagonistes et ses enjeux au développement prévisible dans les dix premières minutes, pour mieux se focaliser sur ses formidables scènes d’action. Et si Jan de Bont est tombé en disgrâce depuis, il offrait à ses acteurs un espace pour faire exister des personnages certes taillés d’un seul bloc mais profondément charismatiques et sympathiques, au milieu d’un tournage à la logistique complexe. Pourquoi ce retour sur le film original ? Parce que Lee Isaac Chung, réalisateur indépendant signant comme tant d’autres avant lui un pacte avec le diable Hollywoodien, a visiblement pris le temps lui aussi de le revoir et l’analyser pour mieux en reproduire la recette.

L’accroche sur l’affiche « Par les producteurs de Jurassic World » rappelle à quel point l’industrie du cinéma a cyniquement admis sa propension à capitaliser encore et encore sur des franchises familières. Sans surprise donc, Twisters a été écrit avec un photocopieur Xerox : même introduction établissant le trauma de l’héroïne, rivalité entre deux équipes et intensité des tornades allant crescendo jusqu’à la fameuse F5, avec en guise de fil rouge la mise au point d’appareils permettant de neutraliser les tornades par un procédé scientifique improbable mais suffisamment crédible dans le contexte du film. Mais ce qui permet de dépasser le statut de simple remake sans âme, c’est le charisme indéniable des acteurs. Daisy Edgar-Jones incarne une émule d’Helen Hunt (jusqu’à porter la même tenue pantalon kaki/débardeur blanc en guise de clin d’œil)) mais devient cette fois plus clairement le personnage principal. Anthony Ramos, transfuge de Broadway (il faisait partie du cast original du phénomène Hamilton), ne parvient toujours pas à crever l’écran en évitant néanmoins l’embarras de son emploi de figurant de luxe dans Transformers – Rise of the Beasts. Mais la « révélation » ici, c’est Glen Powell (Top Gun : Maverick et la rom-com Anyone but you), incarnant l’archétype du cowboy du Midwest. Débordant d’arrogance et se mettant lui-même en scène au travers de sa chaine YouTube, il ne rate jamais une occasion de vendre des T-shirts et autres objets à son effigie. Flirtant habilement avec le ridicule et l’auto-parodie, le playboy de l’année 2024 imprègne le film d’un humour et d’une décontraction bienvenus. On appréciera également que l’inévitable romance ne vienne jamais détourner l’attention de l’attraction principale : les tornades !

Let’s twist again !

Nanti d’un budget confortable de 200 millions de dollars, Twisters tient toutes ses promesses en termes de spectacle visuel mais aussi acoustique, le mixage son poussant tous les potards jusqu’à 11 dès la première scène. Les impeccables effets spéciaux numériques sont à nouveau l’œuvre d’ILM et il va sans dire que la technologie a bien sûr évolué, ce qui pourrait d’ailleurs constituer un petit bémol par rapport à l’original : de la même manière que Spielberg avait su compenser les limitations techniques de son requin mécanique par l’inventivité de la mise en place de chacune de ses apparitions pour Les Dents de la mer, Jan De Bont créait une ambiance et adoptait une approche spécifique pour chacune de ses cinq tornades. Tout étant virtuellement possible aujourd’hui, on pourra déplorer une certaine banalisation des SFX et, pour faire un parallèle « olé-olé » (mais justifié car la métaphore était au cœur du film de De Bont!) avec le cinéma X, une réalisation plus « gonzo », apportant moins d’importance et de temps aux préliminaires. Pour autant, Twisters ne ressemble jamais à un film de 2024 et donne même l’impression de regarder un inédit de la fin du siècle dernier, un sentiment renforcé par le fait que Lee Isac Chung ait décidé de tourner sur pellicule pour retrouver la lumière et l’aspect de la photo de l’original. Twisters n’innove peut-être pas mais ne déçoit jamais non plus. Et si la majorité des grosses productions peinent aujourd’hui à remplir les salles obscures et à laisser une empreinte dans la mémoire collective allant jusqu’à questionner l’avenir même des cinémas et du Cinéma, le succès assez inattendu de cette suite tardive nous indique peut-être qu’en cette décennie marquée par l’incertitude (une pandémie, la polarisation politique et sociale, des guerres, …rien que ça), offrir un « simple » divertissement populaire pour toute la famille est aussi un acte d’utilité économique et publique pour le 7ème Art. Alors, déposez vos cerveaux à l’entrée et à vos popcorns !

 

 © Jérôme Muslewski


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MAXXXINE (2024)

Au milieu des années 80, l’héroïne de X tente de percer à Hollywood tandis qu’un tueur en série satanique sème la terreur dans la ville…

MAXXXINE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Ti West

 

Avec Mia Goth, Elizabeth Debicki, Moses Sumney, Giancarlo Esposito, Kevin Bacon, Michelle Monaghan, Bobby Cannavale, Lily Collins, Simon Prast

 

THEMA TUEURS I SAGA X

En réalisant coup sur coup X et Pearl, Ti West n’imaginait pas l’impact de ce diptyque sur le public. Farouchement attaché à son statut de cinéaste indépendant, cet amoureux du cinéma de genre s’est toujours distingué par une approche de l’horreur à la fois singulière et respectueuse de ses aînés. Face à l’enthousiasme soulevé par ses deux petits derniers, il décide de leur donner une suite. « Quand nous avons réalisé les deux premiers, personne ne savait ce qu’on était en train de faire », explique le réalisateur. « Pour MaXXXine, j’étais conscient des attentes du public, mais j’ai essayé de ne pas m’en préoccuper pour éviter de me sentir dépassé. Cela dit, les trois films sont exactement comme je les ai imaginés et tournés » (1). Si le fil conducteur est d’abord narratif (MaXXXine prolonge directement les événements racontés dans X, qui lui-même se situe cinq décennies après Pearl), le véritable point commun entre les trois films est leur description sans fard d’une quête désespérée de célébrité, quel qu’en soit le prix. « Ce qui lie mes personnages les uns aux autres, c’est une même ambition : celle de faire des films ou d’avoir la vie qu’on voit dans les films » confirme West (2). D’où la citation de Bette Davis qui s’affiche plein écran en tout début de métrage : « Dans ce métier, tant qu’on n’est pas considéré comme un monstre, on n’est pas une star. »

Le « monstre » en question, c’est Maxine Minx (Mia Goth), seule survivante du massacre qui eut lieu en 1979 pendant le tournage d’un film X dans la campagne texane. Six ans plus tard, l’actrice souhaite sortir du ghetto du cinéma porno pour percer à Hollywood. Choisir d’inscrire ce troisième opus en 1985 n’est pas innocent. Si l’on sait Ti West très amateur de la décennie qui l’a vue naître (et à laquelle il rendait déjà un vibrant hommage dans House of the Devil), le mitan des eighties est une période charnière qui voit se développer de manière massive le format VHS (et donc une nouvelle manière de consommer le cinéma, désormais à domicile). 85 fut aussi une année marquée par de grandes manifestations de ligues catholiques indignées contre les représentations du sexe et de la violence à l’écran et par les exactions à Los Angeles d’un tueur en série surnommé « night stalker » (« le traqueur de la nuit ») par les médias. C’est au beau milieu de ce contexte bien réel (images d’archive à l’appui) que se développe le scénario de MaXXXine. Ti West brouille alors volontairement les frontières entre la réalité et la fiction. Car la comédienne en quête de célébrité, qui s’apprête à jouer dans la séquelle d’un film d’horreur à succès, se retrouve bientôt elle-même cernée par les meurtres sanglants du « night stalker »…

Wild West

En localisant l’action de ce troisième film dans la Mecque du cinéma, Ti West élargit son scope et revoit ses ambitions à la hausse. Plus lucide sur ce qu’il fait et sur ce que les spectateurs attendent de ce chapitre, il multiplie les références cinéphiliques frontales. Au cours d’une discussion avec un ami tenancier de vidéoclub, Maxine évoque ainsi les acteurs célèbres qui ont fait leurs débuts dans un film d’horreur. Ironiquement, Kevin Bacon, qui incarne ici un détective privé délicieusement détestable, en fait partie, puisqu’il démarra sa carrière avec Vendredi 13. Son look dans MaXXXine se réfère par ailleurs ouvertement à celui de Jack Nicholson dans Chinatown. Le film évoque aussi Marilyn Chambers (l’héroïne de Rage de David Cronenberg), St Elmo’s Fire, Psychose (via une surprenante séquence de mise en abyme), et rend un hommage direct à Mario Bava à travers ce tueur tout de cuir vêtu qui semble échappé de Six femmes pour l’assassin. Cet enchevêtrement de clins d’œil, couplé à une augmentation substantielle du budget mis à disposition de West, fait de MaXXXine un film plus complexe, plus sophistiqué, mais aussi – c’est le revers de la médaille – moins « pur » dans sa narration et dans sa mise en forme que X et Pearl, comme s’il péchait par excès. Bref, MaXXXine en fait sans doute un peu trop. Mais comment ne pas se laisser griser par cette générosité et par cette passion sincère qui continue d’animer le cinéaste ? Comme toujours, Mia Goth crève l’écran, détournant l’image de la « final girl » prude, sage et vertueuse popularisée par Jamie Lee Curtis dans Halloween pour en camper une variante beaucoup plus « trash ». Son personnage semble décidément vouloir donner raison à Bette Davis : être une star, c’est aussi être un monstre !

 

(1) et (2) Extraits d’un entretien paru dans « Trois Couleurs » en juillet 2024

 

© Gilles Penso


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ACOLYTE (THE) (2024)

Cent ans avant l’avènement de l’Empire, une série de meurtres ensanglante l’ordre Jedi. Un maître respecté est chargé de mener l’enquête…

STAR WARS : THE ACOLYTE

 

2024 – USA

 

Créée par Leslye Headland

 

Avec Amandla Stenberg, Lee Jung-jae, Charlie Barnett, Dafne Keen, Rebecca Henderson, Jodie Turner-Smith, Carrie-Anne Moss, Manny Jacinto

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

À force de trop tirer sur la corde, on risque toujours de la faire céder. Au cinéma, la sortie de chaque nouvel opus de la saga Star Wars était vécue par tout le monde comme un événement planétaire, jusqu’à ce que Disney décide de passer à la vitesse supérieure en saturant les écrans de films au risque d’émousser l’intérêt du spectateur. D’où l’échec de Solo, dont le défaut majeur fut de sortir en salles cinq mois à peine après Les Derniers Jedi. Pour alimenter la plateforme Disney +, la compagnie de Mickey pèche à nouveau par surcharge en déployant tous azimuts une quantité impressionnante de déclinaisons télévisées de l’univers créé par George Lucas, alternant les shows qualitatifs (The Mandalorian, Andor, Ahsoka) et ceux beaucoup plus anecdotiques (Le Livre de Boba Fett, Obi-Wan Kenobi). En l’espace de cinq ans, six séries « live » se seront ainsi succédées autour de la mythologie de Star Wars, avec comme risque évident une certaine lassitude du côté du public. C’est donc sans grand enthousiasme – pour ne pas dire avec une indifférence polie – que nous vîmes débarquer The Acolyte. Imaginée par Leslye Headland, créatrice notamment de la série Poupée Russe avec Natasha Lyonne, cette nouvelle itération se situe un siècle avant l’avènement de l’Empire, donc très en amont des événements narrés dans La Menace fantôme.

Poussant très loin le concept de la « prequel » popularisé par George Lucas, The Acolyte s’intéresse à Osha (Amandla Stenberg), ancienne Padawan de maître Sol (Lee Jung-jae) qui a quitté l’Ordre Jedi en raison d’un « trouble intérieur » concernant son lien avec la Force. Elle mène dès lors une vie simple loin des préoccupations des Jedi. Mais soudain, du jour au lendemain, elle est arrêtée et s’apprête à être traduite en justice. Une jeune femme qui correspond trait pour trait à son signalement vient en effet d’assassiner une chevalière Jedi pourtant très puissante devant plusieurs témoins. Or Osha nie en bloc. Ment-elle ? Est-elle frappée d’amnésie ? Quelqu’un la manipule-t-il ? L’explication est encore plus triviale. C’est généralement la solution de dernier recours des séries TV ou des bandes dessinées lorsqu’elles sont en panne d’inspiration : le jumeau maléfique ! Et oui, Osha a une sœur qu’elle croyait morte, Mae, et qui semble avoir vendu son âme au diable, ou plutôt au côté obscur de la Force. Les deux guerrières, yin et yang du monde des détenteurs de la Force, s’apprêtent donc à s’affronter tandis que dans l’ombre ricane un super-vilain à la voix métallique, sorte d’ancêtre casqué de Dark Vador…

Les acolytes anonymes

The Acolyte montre clairement les limites de la méthode Disney appliquée à l’univers Star Wars. La mise en scène anonyme, les épisodes qui tirent à ligne sans développer d’intrigue digne de ce nom et les personnages sans saveur auraient même tendance à nous faire revoir à la hausse les shows consacrés à Obi-Wan et Boba Fett, ce qui n’est pas peu dire. Même la direction artistique – qui est habituellement le point fort de la saga, quelles que soient ses déclinaisons – surprend ici par son manque d’audace et d’idées nouvelles. Pas de décor marquant, de vaisseau mémorable, de créature surprenante, bref c’est le minimum syndical. La série ose certes quelques écarts violents inattendus, n’hésitant pas à tuer plusieurs personnages clés dont on imaginait une longévité plus importante, sans pour autant renforcer les enjeux dramatiques ni l’implication des téléspectateurs, qui attendent désespérément que les choses décollent enfin. Or elles ne décolleront jamais. Les maigres cliffhangers en fin d’épisode cherchent maladroitement à attiser la curiosité du public qui, pour sa grande majorité, aura lâché l’affaire depuis bien longtemps. Bref, cette variante anecdotique sans charme ni personnalité s’oublie aussitôt après son visionnage et n’apporte rien de bien consistant à la galaxie Star Warss.

 

© Gilles Penso


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SANS UN BRUIT : JOUR 1 (2024)

Ce troisième épisode nous raconte les origines de l’invasion des monstres en pleine ville de New York…

A QUIET PLACE : DAY ONE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Michael Sarnoski

 

Avec Lupita Nyong’o, Joseph Quinn, Alex Wolff, Djimon Hounsou, Eliane Umuhire, Takunda Khumalo, Alfie Todd, Avy-Berry Worrall, Ronnie Le Drew, Benjamin Wong

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA SANS UN BRUIT

Au départ, c’est Jeff Nichols qui devait réaliser cet épisode « prequel », troisième opus de la franchise initiée en 2018. Dès 2020, l’auteur de Take Shelter et Midnight Special se met au travail sur une histoire développée par John Krasinski. Mais Nichols préfère finalement se désister pour s’impliquer dans un autre projet du studio Paramount. Après avoir envisagé plusieurs réalisateurs prestigieux, Krasinski et ses co-producteurs arrêtent leur choix sur un cinéaste indépendant, Michael Sarnoski, séduits par son étonnant Pig avec Nicholas Cage. « J’ai souhaité m’orienter vers une histoire très intime, et John Krasinski m’a beaucoup soutenu dans cette voie », raconte Sarnoski. « Il m’a laissé énormément de liberté. Il n’essayait pas de faire un autre épisode de Sans un bruit “à la façon de John“. Il voulait vraiment ouvrir ce monde et y laisser s’exprimer d’autres voix » (1). Sarnoski écrit et réalise donc le film lui-même en s’entourant de plusieurs de ses collaborateurs réguliers, comme le directeur de la photographie Pat Scola, le compositeur Alexis Grapsas et l’acteur Alex Wolff. Si le prologue de Sans un bruit 2 nous donnait déjà un aperçu du début de l’invasion des monstres au milieu de la population, Sans un bruit : jour 1 prend le même parti mais change de cadre. Après la petite ville américaine, place à l’une des cités les plus denses et les plus bruyantes du monde : New York.

Un texte en ouverture nous dit d’ailleurs que le niveau sonore moyen de New York est de 90 décibels, soit l’équivalent d’un hurlement continu, ce qui ne manque pas d’ironie lorsqu’on sait que la clef de la survie des personnages sera le silence. La protagoniste de cet opus est Samira (Lupita Nyong’o, héroïne de Us et Black Panther : Wakanda Forever), une femme atteinte d’un cancer en phase terminale qui vit dans une maison de repos avec son chat et d’autres patients. Même si c’est à contrecœur, elle accepte de participer à une sortie de groupe pour assister à un spectacle à Manhattan. Là, le drame ne tarde pas à survenir sous forme d’une multitude d’objets lumineux tombés du ciel. En un clin d’œil, une nuée de créatures voraces et indestructibles envahit les rues et attaque tout ce qui fait du bruit. Alors que le chaos s’empare de la population, le titre du film apparaît enfin, après treize minutes d’exposition. La ferme rurale de Sans un bruit et l’usine abandonnée de Sans un bruit 2 cèdent désormais la place à la « Grosse Pomme », siège de visions impressionnantes et quasi-surréalistes comme ces panoramas de la cité entièrement dévastée ou le gigantesque exode de la population errant comme une horde de zombies au milieu des carcasses fumantes de véhicules réduits en bouillie.

Après la chute de New York

Ironiquement, presqu’aucune séquence du film n’a réellement été tournée à New York, les rues de la ville, ses bâtiments et son métro ayant été reconstitués avec beaucoup de minutie à Londres. Si le cadre de l’action s’est considérablement élargi par rapport aux deux premiers films, l’intrigue se révèle paradoxalement plus minimaliste. À la préservation de la cellule familiale, cœur des enjeux des deux films précédents, Michael Sarnoski préfère la faible étincelle qui naît entre deux parfaits inconnus : Samira, celle qui n’attend plus rien de l’existence et se raccroche pourtant désespérément à son instinct de survie, et Eric (Joseph Quinn, alias Eddie Munson dans Stranger Things), l’homme qui assume pleinement son manque de courage et son incapacité à affronter seul la menace. Cette dynamique nouvelle induit une approche mélancolique. Face à la fin du monde, on s’agrippe faute de mieux à des souvenirs d’enfance, à une pizzeria de quartier désormais dévastée, aux touches d’un piano qu’on ne peut plus qu’effleurer en silence… Là réside le renouveau d’une franchise qui aurait pu se contenter d’exploiter tranquillement des recettes éprouvées – travers dans lequel tombait un peu Krasinsiki lui-même dans Sans un bruit 2. Pour autant, Sarnoski ne fait pas l’économie de séquences de suspense éprouvantes, de destructions spectaculaires et de mises à mort brutales. Djimon Hounsou vient même compléter le casting pour assurer un lien avec le film précédent. Rafraîchissant, ce troisième épisode possède un supplément d’âme particulièrement appréciable.

 

(1) Extrait d’un entretien paru dans « The Hollywood News » en juin 2024

 

© Gilles Penso


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STING (2024)

Non, rien à voir avec le chanteur de Police… Ce « sting » là est le dard d’une araignée géante d’origine extra-terrestre !

STING

 

2024 – USA

 

Réalisé par Kiah Roache-Turner

 

Avec Jermaine Fowler, Ryan Corr, Alyla Browne, Noni Hazlehurst, Robyn Nevin, Penelope Mitchell, Danny Kim, Silvia Colloca, Tony J Black, Rowland Holmes

 

THEMA ARAIGNÉES

Il est intéressant de constater à quel point Vermines et Sting, qui partent pourtant du même postulat – un jeune protagoniste recueille en secret une araignée qui échappe à tout contrôle et sème la mort à tous les étages dans son immeuble -, puissent être aussi dissemblables. Sortis sur les écrans à quelques mois d’écart, les films de Sébastien Vaniček et Kiah Roache-Turner sont en effet aux antipodes malgré leur point de départ quasiment identique. Signant là son premier film américain, l’Australien Roache-Turner assume totalement ses influences. « Parmi mes sources d’inspiration, il y a “Le Hobbit“ qui était mon livre préféré quand j’étais enfant, avec toute cette séquence dans laquelle ils combattent les araignées », raconte-t-il. « Bilbo a une petite épée qui s’appelle Sting et avec laquelle il les tue. C’est de là que vient le nom du film. J’ai aussi été très influencé par “Ça“ de Stephen King, qui est mon auteur favori. Attention spoiler : à la fin ce n’est pas un clown tueur mais une araignée géante venue de l’espace ! » (1). Voilà qui permet de mieux comprendre la nature du monstre de son long-métrage. Écrit pendant la pandémie du Covid, le scénario de Sting porte aussi les stigmates de cette période inédite, confinant ses personnages dans un lieu clos, obligeant les familles et les voisins à cohabiter 24 heures sur 24, pour le meilleur et parfois pour le pire.

Les deux personnages centraux de Sting sont une fille de 12 ans prénommée Charlotte (sans doute en hommage au roman pour enfants « La Toile de Charlotte » qui met en scène une araignée amicale) et son beau-père Ethan. Le film ne cesse d’alterner leurs points de vue, offrant ainsi aux spectateurs deux pôles d’identification complémentaires – et parfois opposés selon les péripéties. L’intégralité du récit se déroule dans un petit immeuble décrépit de New York. Les différents étages abritent une grand-mère sénile, une grand-tante acariâtre, une mère obnubilée par son travail, une voisine dépressive, un biologiste réservé et un bébé objet de toutes les attentions. Au sein de ce microcosme, Ethan rêve de devenir un dessinateur de bandes-dessinées à succès mais doit jouer les hommes à tout faire dans l’immeuble pour gagner sa vie, tandis que Charlotte se faufile dans les conduits du bâtiment pour tromper son ennui. C’est au fil d’une de ses escapades qu’elle trouve une petite araignée qu’elle surnomme « sting » et qu’elle cache dans un bocal. Ce qu’elle ne sait pas – contrairement aux spectateurs qui ont une longueur d’avance sur elle -, c’est que cette petite bête vient d’arriver de l’espace à bord d’une sorte d’astéroïde lumineux. L’arachnide se met bientôt à grossir à la vitesse grand V et à révéler un appétit insatiable…

« Il ne faut pas se lier d’amitié avec un truc qui a plus de quatre pattes ! »

Cultivant un humour qui semble hérité des films d’horreur des années 80 destinés au public adolescent, Sting offre au personnage de Frank, un exterminateur de nuisibles sous influence manifeste d’Arachnophobie, les répliques les plus absurdes, notamment : « Il ne faut pas se lier d’amitié avec un truc qui a plus de quatre pattes. » Au-delà de ses traits d’humour, le film joue efficacement sur la peur viscérale des araignées, troquant à mi-parcours l’image de synthèse (employée pour montrer la vilaine bête lorsque sa taille est encore raisonnable) contre des marionnettes animatroniques redoutablement efficaces conçues par les petits génies de Weta Workshop, sous la supervision du vétéran Richard Taylor (Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, justement). Pour faire bonne mesure, les effets gore et les excès sanglants sont aussi de la partie. Si l’intrigue elle-même reste très basique, Kiah Roache-Turner s’efforce de creuser certains de ses personnages en décrivant notamment les relations complexes qui peuvent se nouer entre une petite fille rebelle en mal d’affection et un beau-père frustré qui cherche à bien faire malgré ses maladresses. Très soigné dans sa mise en forme, Sting bénéficie aussi d’une jolie photographie signée Brad Shield (directeur photo de seconde équipe sur Avengers, Spider-Man Homecoming, Godzilla vs. Kong et un paquet d’autres blockbusters). Sting n’a rien de bien transcendant, certes, mais s’offre au public comme une série B très honorable et pétrie de bonnes intentions.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Film Festival Today » en avril 2024

 

© Gilles Penso


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LES MEILLEURS FILMS FANTASTIQUES DE TOUS LES TEMPS

Quels sont les meilleurs films fantastiques, d'horreur et de science-fiction depuis les années 1920 jusqu'à nos jours ? Voici votre sélection…

Cliquez sur les posters pour lire les critiques

1920 : Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Viene

1921 : La Charrette fantôme de Victor Sjöström

1923 : Les Dix Commandements de Cecil B. De Mille

1924 : Les Nibelungen de Fritz Lang

1925 : Le Monde perdu d’Arthur O. Hoyt

1927 : Metropolis de Fritz Lang

1928 : La Chute de la maison Usher de Jean Epstein

1929 : La Femme sur la Lune de Fritz Lang

1930 : L’Amour en l’an 2000 de David Butler

1931 : Frankenstein de James Whale

1932 : Les Chasses du comte Zaroff d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel

1933 : King Kong d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper

1934 : La Mort prend des vacances de Mitchell Leisen

1935 : La Fiancée de Frankenstein de James Whale

1936 : Les Poupées du diable de Tod Browning

1937 : Les Horizons perdus de Frank Capra

1938 : J’accuse d’Abel Gance

1940 : Le Dictateur de Charlie Chaplin

1941 : Docteur Jekyll et Mister Hyde de Victor Fleming

1942 : La Féline de Jacques Tourneur

1943 : Vaudou de Jacques Tourneur

1944 : C’est arrivé demain de René Clair

1945 : Au cœur de la nuit de Cavalcanti, Dearden, Hamer et Crichton

1946 : La Belle et la Bête de Jean Cocteau

1947 : L’Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz

1948 : Le Portrait de Jennie de William Dieterle

1949 : La Beauté du diable de René Clair

1950 : Destination Lune d’Irving Pichel

1951 : Le Jour où la Terre s’arrêta de Robert Wise

1952 : Les Belles de nuit de René Clair

1953 : La Guerre des mondes de Byron Haskin

1954 : Godzilla d’Ishiro Honda

1955 : Tarantula de Jack Arnold

1956 : Planète interdite de Fred Mc Leod Wilcox

1957 : L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold

1958 : Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher

1959 : Le Monde, la chair et le diable de Ranald MacDougall

1960 : Psychose d’Alfred Hitchcock

1961 : Les Innocents de Jack Clayton

1962 : Carnival of Souls de Herk Harvey

1963 : La Maison du diable de Robert Wise

1964 : Docteur Folamour de Stanley Kubrick

1965 : Répulsion de Roman Polanski

1966 : Le Voyage fantastique de Richard Fleischer

1967 : Le Bal des vampires de Roman Polanski

1968 : La Planète des singes de Franklin J. Schafner

1969 : Danger planète inconnue de Robert Parrish

1970 : L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento

1971 : Orange mécanique de Stanley Kubrick

1972 : Silent Running de Douglas Trumbull

1973 : L’Exorciste de William Friedkin

1974 : Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper

1975 : Les Dents de la mer de Steven Spielberg

1976 : Carrie au bal du diable de Brian de Palma

1977 : La Guerre des étoiles de George Lucas

1978 : Zombie de George A. Romero

1979 : Alien, le huitième passager de Ridley Scott

1980 : Shining de Stanley Kubrick

1981 : Evil Dead de Sam Raimi

1982 : The Thing de John Carpenter

1983 : Christine de John Carpenter

1984 : Terminator de James Cameron

1985 : Retour vers le futur de Robert Zemeckis

1986 : La Mouche de David Cronenberg

1987 : Predator de John McTiernan

1988 : Qui veut la peau de Roger Rabbit de Robert Zemeckis

1989 : Abyss de James Cameron

1990 : Total Recall de Paul Verhoeven

1991 : Terminator 2 : le jugement dernier de James Cameron

1992 : Braindead de Peter Jackson

1993 : Jurassic Park de Steven Spielberg

1994 : The Crow d’Alex Proyas

1995 : Seven de David Fincher

1996 : Fantômes contre fantômes de Peter Jackson

1997 : Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol

1998 : Dark City d’Alex Proyas

1999 : Matrix d’Andy et Larry Wachowski

2000 : Pitch Black de David Twohy

2001 : La Communauté de l’anneau de Peter Jackson

2002 : 28 jours plus tard de Danny Boyle

2003 : Haute tension d’Alexandre Aja

2004 : L’Armée des morts de Zack Snyder

2005 : La Guerre des mondes de Steven Spielberg

2006 : Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

2007 : The Mist de Frank Darabont

2008 : Watchmen – Les Gardiens de Zack Snyder

2009 : District 9 de Neill Blomkamp

2010 : Inception de Christopher Nolan

2012 : Cloud Atlas de Andy Wachowski, Lana Wachowski et Tom Tykwer

2013 : Gravity d’Alfonso Cuaron

2014 : Ex Machina d’Alex Garland

2015 : Mad Max Fury Road de George Miller

2016 : Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho

2017 : Get Out de Jordan Peele

2018 : Hérédité d’Ari Aster

2019: Midsommar d’Ari Aster

2020 : Tenet de Christopher Nolan

2021 : Dune de Denis Villeneuve

2022 : Everything Everywhere All At Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert

2023 : Godzilla Minus One de Takashi Yamazaki

 

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DONALD SUTHERLAND EN 18 FILMS FANTASTIQUES

Hommage à l'un des plus grands acteurs de sa génération, disparu le 20 juin 2024…

PUBLIÉ LE 22JUIN 2024

L’élégance, la classe, le charisme… On n’en finirait plus d’égrener les vertus de Donald Sutherland, l’un des acteurs les plus impressionnants de sa génération. Né le 17 juillet 1935, il a touché à tous les styles et tous les genres, toujours avec la même présence qui justifiait souvent à elle seule le déplacement des spectateurs. Un film avec Donald Sutherland, ça ne se ratait pas ! Pour lui rendre hommage, voici une sélection de 18 films fantastiques qu’il illumina de son aura si particulière.

1964 : Le Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini

1965 : Le Train des épouvantes de Freddie Francis

1965 : Fanatic de Silvio Narizzano

1973 : Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg

1978 : L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman

1992 : Buffy, tueuse de vampires de Fran Rubel Kuzui

1994 : Les Maîtres du monde de Stuart Orme

1995 : Alerte ! de Wolfgang Petersen

1998 : Le Témoin du mal de Gregory Hoblit

1999 : Virus de John Bruno

2000 : Space Cowboys de Clint Eastwood

2004 : Salem de Mickael Salomon

2004 : Frankenstein de Kevin Connor

2005 : American Haunting de Courtney Solomon

2012 : Hunger Games de Gary Ross

2014 : The Calling de Jason Stone

2019 : Ad Astra de James Gray

2022 : Moonfall de Roland Emmerich

 

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ATLAS (2024)

Jennifer Lopez affronte un redoutable androïde terroriste dans un monde futuriste où l’intelligence artificielle s’est implantée partout…

ATLAS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Brad Peyton

 

Avec Jennifer Lopez, Simu Liu, Sterling K. Brown, Gregory James Cohan, Abraham Popoola, Lana Parrilla, Mark Strong, Briella Guiza, Adia Smith-Eriksson

 

THEMA ROBOTS I FUTUR

Brad Peyton n’est pas réputé pour son sens de la finesse. Plus proche de l’habile pyrotechnicien que du metteur en scène au sens noble du terme, il orchestra les feux d’artifices délirants de Voyage au centre de la Terre 2, San Andreas et Rampage pour Dwayne Johnson. Le savoir à la tête d’Atlas, qui marque le grand retour de Jennifer Lopez dans un film de science-fiction, 24 ans après The Cell, avait donc de quoi laisser perplexe. Ce spécialiste de l’action musclée primitive allait-il pouvoir rendre justice au scénario de Leo Sardarian et Aron Eli Coleite s’attachant aux relations complexes nouées entre les humains et les intelligences artificielles ? Rien n’était moins sûr. Atlas se déroule une centaine d’années dans le futur. Harlan (Simu Liu, le héros de Shang-Chi), un androïde rebelle, a soulevé les machines contre les humains, provoquant une guerre aux terribles répercussions. Plusieurs millions de morts plus tard, le robot psychopathe est vaincu mais parvient à s’enfuir sur une lointaine planète. Jennifer Lopez incarne Atlas Shepherd, fille de la scientifique qui conçut Harlan. Brillante analyste ayant développé une méfiance bien compréhensible à l’égard de l’intelligence artificielle, elle accepte de se joindre à une mission militaire qui a pour objectif la capture du terroriste humanoïde. Or rien ne va se passer comme prévu…

Il n’est pas difficile de déceler les sources d’inspiration d’Atlas. Les premiers titres qui nous viennent logiquement à l’esprit sont Blade Runner et Terminator. Brad Peyton assume totalement, incapable de nier son admiration pour le cinéma de SF des années 80. L’entrée en scène d’un « mecha » qu’Atlas va être contrainte de piloter pendant la grande majorité du film évoque d’autres classiques du genre. On pense notamment au « power loader » d’Aliens et aux « AMP suits » d’Avatar, des exosquelettes robotiques qui sont entrés dans la légende. Le cinéaste avoue aussi s’être laissé influencer par le jeu « Titanfall » et même par Robot Jox de Stuart Gordon. Malgré tout, Atlas parvient à ne pas totalement crouler sous les poids de ses multiples références. Pour y parvenir, le film s’efforce de développer des péripéties qui lui soient propres tout en prenant les allures d’un « survival ». Car l’infortunée Atlas se retrouve bientôt seule dans un environnement particulièrement hostile, contrainte de se lier à une machine si elle veut avoir une chance d’en sortir vivante.

Bad Robot

« C’était mon premier film presque entièrement tourné sur fond vert », raconte Jennifer Lopez. « J’ai passé près de sept semaines dans cet exosquelette, donc toute seule, sans aucun autre acteur. C’était une manière de jouer différente de mes précédents projets » (1). À la fois actrice principale et productrice d’Atlas, elle semble effectivement s’investir corps et âme dans un tournage qu’on imagine complexe. L’efficacité du film s’appuie beaucoup sur sa performance. L’aventure prend la forme inattendue d’une sorte de voyage initiatique, d’une introspection au cours de laquelle, entre deux bastons explosives menées avec beaucoup de virtuosité, notre protagoniste s’interroge sur ses propres sentiments refoulés et sur son rapport d’amour/haine vis-à-vis de l’intelligence artificielle. En ce sens, Atlas dénote agréablement par rapport aux films précédents de Payton qui ne cherchaient jamais à dépasser leur simple statut d’attractions foraines. Dommage cependant que le film ne pousse pas plus loin la réflexion sur ce sujet brûlant d’actualité et ne cherche jamais à gratter au-delà de la couche purement récréative de son intrigue. Il aurait pourtant été passionnant d’explorer de plus près les motivations de ce robot supra-intelligent qui cherche à éradiquer la grande majorité de la population terrienne non par soif de pouvoir mais parce que c’est la seule solution, selon lui, pour sauver la race humaine. Un supplément d’âme et un peu plus d’audace n’auraient pas nui à cet Atlas qui, en l’état, s’apprécie sans déplaisir mais ne marquera pas les mémoires.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur TF1 info en mai 2024.

 

© Gilles Penso


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SOUS LA SEINE (2024)

Parisiennes, parisiens, vous êtes priés d’évacuer de toute urgence les quais et les berges : un requin géant se faufile entre les péniches !

SOUS LA SEINE

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par Xavier Gens

 

Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Ustun, Aurélia Petit, Marvin Dubart, Daouda Keita, Ibrahima Ba, Anne Marivin, Stéphane Jacquot

 

THEMA MONSTRES MARINS

Xavier Gens n’est plus à un défi près. Un premier long-métrage choc qui marche sur les traces de Tobe Hooper (Frontière(s)), de l’action musclée et survitaminée (Hitman, Farang), un récit post-apocalyptique nihiliste (The Divide), de l’horreur surnaturelle (The Crucifixion), une fable marine aux confins des univers de Lovecraft (Cold Skin)… Alors pourquoi pas une version parisienne des Dents de la mer ? Le projet est amené par les producteurs Édouard Duprey et Sébastien Auscher, mais pour pouvoir financer une telle entreprise, il faut « pactiser avec le diable », autrement dit accepter une diffusion directe sur la plateforme Netflix sans passer par la case cinéma. Xavier Gens n’est pas dupe. Réunir près de 20 millions d’euros pour un tel film via un circuit de distribution classique aurait été impossible. Si le concept peut faire sourire (« un requin sous la Tour Eiffel »), le cinéaste n’entend pas s’inscrire dans la lignée de Sharknado. « J’avais envie de prendre ce genre de films au premier degré », explique-t-il. « Je me suis servi d’un pitch de série Z un peu nanardesque, qui peut être casse-gueule, pour pouvoir raconter un film qui fait part de mes obsessions et de mes convictions écologiques, qui propose une ironie dramatique sur la réalité » (1). Car depuis le classique de Spielberg, les requins n’ont plus si mauvaise presse et font partie d’un écosystème qu’il est urgent de préserver.

Le scénario de Sous la Seine s’inscrit donc dans une prise de conscience environnementale. C’est d’ailleurs dans l’épouvantable vortex de déchets en plastique du Pacifique Nord que démarre le film, siège du trauma initial de Sophia, l’héroïne campée par Bérénice Bejo. L’équipe de plongeurs dont elle fait partie est décimée par un squale à la croissance accélérée et au comportement anormalement agressif. Nous la retrouvons trois ans plus tard, désormais guide dans un aquarium parisien et toujours très marquée par le drame (elle vit seule, déprime en revoyant les vidéos du bon vieux temps et se nourrit de bonbons Haribo). Comme la formule établie par Herman Melville dans « Moby Dick » a fait ses preuves, Sophia va subitement se retrouver confrontée à son ennemi juré dans la mesure où le monstre marin a encore muté et se love désormais sous la Seine, prêt à bondir sur la première proie qui croisera ses mâchoires. Un malheur n’arrivant jamais seul, la ville de Paris s’apprête à accueillir pour la première fois les championnats du monde de triathlon, autrement dit des centaines de nageurs prêts à se transformer en amuse-gueule sous les yeux du public…

Bête de Seine

L’audace d’un tel projet, l’ampleur de ses ambitions artistiques et techniques et les moyens mis à sa disposition (autorisant un large déploiement d’effets spéciaux numériques et animatroniques) forcent le respect et permettent de passer outre ses personnages gentiment archétypaux, ses répliques qui ne sonnent pas toujours très justes et ses rebondissements un peu abracadabrants. C’est surtout là que se mesure l’écart abyssal entre l’accueil reçu par un tel film sur sa terre natale et outre-Atlantique. Alors que les critiques américains louent le caractère résolument divertissant de Sous la Seine, leurs homologues français s’offusquent violemment et crient au nanar. Bien sûr, le huitième long-métrage de Xavier Gens n’a rien d’un chef d’œuvre et le Bruce de Steven Spielberg peut tranquillement dormir sur ses deux ouïes. Mais pourquoi ne pas accepter cette distrayante série B pour ce qu’elle est ? Côté acteurs, donnons une mention spéciale à Anne Marivin, génialement détestable en maire de Paris à mi-chemin entre Murray Hamilton dans Les Dents de la mer et Anne Hidalgo (dont nous serions curieux de connaître la réaction face à cette caricature pas très flatteuse). Quant au climax, il prend des proportions dantesques impensables en rejouant les cartes de l’équilibre alimentaire de la planète.

 

(1) Extrait d’un entretien diffusé sur BFM en juin 2024

 

© Gilles Penso


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FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX (2024)

Anya Taylor-Joy et Chris Hemsworth s’affrontent dans cette « prequel » emplie de fureur, de folie et de barbarie…

FURIOSA – A MAD MAX SAGA

 

2024 – AUSTRALIE / USA

 

Réalisé par George Miller

 

Avec Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Alya Browne, George Shevtsov, Lachy Hulme, John Howard, Angus Sampson, Charlee Fraser

 

THEMA FUTUR I SAGA MAD MAX

Pour pouvoir raconter l’histoire de Mad Max Fury Road de la manière la plus cohérente possible, George Miller avait déjà écrit en détail l’enfance et le passé du personnage de Furiosa incarné par Charlize Theron. Non content de griffonner quelques notes sur un carnet, le cinéaste avait poussé la démarche jusqu’à rédiger un scénario complet garni d’illustrations. Lorsque Fury Road souleva l’enthousiasme que l’on sait en 2015, tout était donc en place pour un nouvel opus de la saga Mad Max s’attardant cette fois-ci sur les événements survenus dans la vie de Furiosa avant sa rencontre avec Max. Le film aurait logiquement dû se tourner dans la foulée, mais des démêlées juridiques entre Miller et le studio Warner compliquèrent les choses Neuf ans séparent donc Fury Road de Furiosa. Pour incarner l’enfant devenue guerrière, il eut semblé judicieux de solliciter à nouveau Charlize Theron. « J’ai réfléchi à la question et j’ai commencé à me dire qu’on pourrait peut-être la rajeunir numériquement », raconte le réalisateur. « Ensuite, j’ai vu de grands réalisateurs, Ang Lee et Martin Scorsese, mettre en scène Gemini Man et The Irishman. J’ai alors constaté que le procédé n’était pas encore tout à fait au point » (1). Pour choisir une version plus jeune du personnage, Miller opte finalement pour une actrice qui l’a impressionné dans Last Night in Soho : Anya Taylor-Joy.

Furiosa : une saga Mad Max offre une nouvelle fois à George Miller l’occasion de décliner un sujet qui lui tient particulièrement à cœur – Trois mille ans à t’attendre le prouvait avec panache – : la transmission des histoires. Au-delà du leitmotiv des « Warboys » qui demandent à leurs congénères d’être témoins de leurs exploits et sacrifices (« soyez témoins », donc soyez en mesure de raconter plus tard ce que vous avez vu), ce motif prend corps à travers chacun des actes exubérants du fou de guerre Dementus. Sous les traits d’un Chris Hemsworth presque méconnaissable, ce dictateur grotesque décide en effet de s’affubler d’un nouveau qualificatif chaque fois que les événements évoluent, pour que l’histoire se souvienne de lui sous différentes facettes. Sa volonté de se draper d’un statut de « mythe » semble dicter le moindre de ses actes. Sans oublier cet étonnant personnage d’« History Man », un homme couvert d’inscriptions et de tatouages qui joue le rôle de mémoire vivante, d’encyclopédie ambulante capable de tout définir, de tout mémoriser et de tout raconter. Nous ne sommes pas loin des « hommes-livres » de Fahrenheit 451.

Les raconteurs d'histoires

Mais chez George Miller, la narration ne passe pas forcément par les mots. Si Dementus déverse sans cesse des flots de monologues emphatiques, sa némésis Furiosa se révèle très économe côté répliques (elle n’en prononce qu’une trentaine dans tout le film). Le cinéaste préfère s’attarder sur les regards d’Anya Taylor-Joy, surlignés par un maquillage et un éclairage qui nous ramènent quasiment à l’époque des films noirs avec Joan Crawford, et la montrer dans le feu de l’action. À ce titre, Furiosa redouble une nouvelle fois d’énergie, de démesure et de folie, ponctuant son intrigue de séquences de poursuites toutes plus inventives et ébouriffantes les unes que les autres. C’est à bout de souffle que nous laissent chacune de ces scènes virtuoses et ultra-immersives, déchaînement de fureur mécanique et de bestialité qui ramène presque les hommes à l’ère préhistorique, celle des instincts de survie les plus basiques et les plus primitifs. Or la préhistoire, période charnière s’il en est, précède justement l’ère de la transmission des récits par l’écriture. C’est donc au cœur de ce paradoxe mêlant l’avarie de mots et la grandiloquence des discours que Miller construit cette « origin story » au rythme tellement soutenu que ses 2h30 de métrage nous semblent défiler en un éclair…

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Empire » en 2024.

 

© Gilles Penso


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