MEGALOPOLIS (2024)

Le film le plus fou de Francis Ford Coppola réunit un casting hétéroclite dans une Amérique alternative aux allures de Rome antique…

MEGALOPOLIS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Francis Ford Coppola

 

Avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, Jon Voight, Laurence Fishburne, James Remar, Talia Shire, Dustin Hoffman

 

THEMA POLITIQUE FICTION

Francis Ford Coppola aurait pu abandonner des dizaines de fois, décréter qu’il y eut plus d’un signe l’intimant à passer à autre chose, se concentrer sur des projets plus sûrs et plus rémunérateurs. Mais Megalopolis s’est mué en obsession. Coûte que coûte, il fallait que ce film se concrétise. La première version du scénario date du début des années 1980. Après le spectaculaire échec au box-office de Coup de cœur, qu’il avait financé de sa poche, Coppola doit d’abord éponger ses dettes. Ce n’est qu’en 2001 que Megalopolis redémarre. Cette fois-ci, ce sont les attentats du 11 septembre qui stoppent tout. Quand le cinéaste relance les hostilités en 2019, il se heurte cette fois-ci à la pandémie du Covid-19. Coppola n’étant pas du genre à baisser les bras, il laisse passer la crise et puise dans ses deniers personnels les 120 millions de dollars exigés par le budget. La démarche pourrait sembler presque suicidaire, étant donné le caractère résolument non-commercial de l’œuvre. Mais quand on se lance dans un film comme Megalopolis, la pulsion créatrice l’emporte sur la logique du tiroir-caisse. Coppola est mû par un désir ardent : établir un parallèle entre la chute de Rome et l’avenir des États-Unis, en transposant dans un monde parallèle contemporain les événements de la conspiration des Catilinaires survenus en 63 avant J.C.

Dans New Rome, version alternative de New York, l’architecte César Catilina (Adam Driver) s’oppose à Franklyn Cicero (Giancarlo Esposito), le maire archi-conservateur de la ville. Inventeur visionnaire, César a développé le Megalon, un matériau bio-adaptatif révolutionnaire qu’il est convaincu de pouvoir utiliser pour changer le monde. Son rêve est désormais de bâtir Megalopolis, une cité utopique futuriste.  Or Cicero trouve ces idées fantasques et dangereuses. Il lance donc une campagne de diffamation contre César, l’accusant d’être responsable de la mort mystérieuse de sa femme. C’est le moment que choisit Wow Platinum (Aubrey Plaza), animatrice télé arriviste et maîtresse de César, pour séduire puis épouser le banquier millionnaire Hamilton Crassus III (Jon Voight). Entretemps, Julia (Nathalie Emmanuel), la fille du maire, engagée au départ pour espionner César, finit par tomber sous son charme et découvre qu’il a le pouvoir de stopper le temps. Elle sera une alliée de poids pour concrétiser le projet de Megalopolis, malgré les manigances du vil Clodio Pulcher (Shia LaBeouf), le cousin jaloux de César…

Boulimie créative

La science-fiction est donc ici convoquée pour aborder sous un angle allégorique les travers de notre société, sans pour autant que Coppola joue le jeu trop frontal de la satire politique. Redoublant d’idées de mise en scène, submergé par une boulimie créative qui n’est pas sans rappeler certaines fulgurances de Coup de cœur ou de Dracula, le père du Parrain et d’Apocalypse Now gorge son écran de trouvailles poétiques et symboliques, osant marier le cinéma du 21ème siècle transfiguré par les effets numériques avec celui des pionniers du cinéma muet. Mégalopolis évoque d’ailleurs beaucoup Metropolis, la forte similitude entre les titres des deux films n’étant probablement pas fortuite. Le surréalisme surgit partout, de ces immenses statues antiques qui s’effondrent mollement dans les rues à cette main qui surgit des nuages pour attraper la pleine Lune, en passant par les ombres immenses qui s’agitent sur les façades des bâtiments ou le bureau du maire qui s’enfonce dans le sable comme un navire qui sombre… Le temps étant l’un des motifs récurrents du film – César le décrit comme une sorte de ruban qui nous entoure en reliant le passé et le futur -, le cinéaste semble vouloir boucler la boucle en se référant à son tout premier long-métrage, Dementia 13, le temps d’une image macabre sous-marine. Ce retour en arrière positionnerait-il Megalopolis comme une œuvre-testament ? Il s’agit en tout cas d’un film-somme, d’un rêve de longue date enfin sorti des limbes, envers et contre tous. Et si les critiques se jetèrent sur sa carcasse comme des loups affamés lors de sa présentation au Festival de Cannes, gageons qu’il sera réévalué et fera même date dans l’histoire du cinéma. Combien de fois dans une vie assiste-t-on à un tel spectacle sur grand écran ?

 

© Gilles Penso


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L’APPARTEMENT 7A (2024)

Que s’est-il passé avant les événements racontés par Roman Polanski dans Rosemary’s Baby ? Voici la réponse…

APARTMENT 7A

 

2024 – USA

 

Réalisé par Natalie Erika James

 

Avec Julia Garner, Dianne West, Kevin McNally, Jim Sturgess, Marli Siu, Rosy McEwen, Andrew Buchan, Anton Blake Horowitz, Raphael Sowole, Tina Gray

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

S’attaquer à un classique aussi « sacré » que Rosemary’s Baby était un redoutable challenge. Bien conscients du risque, les producteurs John Krasinski et Michael Bay, via leurs compagnies respectives Sunday Night Productions et Platinum Dunes, décident de s’appuyer sur la sensibilité de la réalisatrice Natalie Erika James, signataire d’un très efficace Relic en 2020. Pour éviter toute comparaison avec l’œuvre originale – et peut-être aussi pour se défaire du nom de Roman Polanski devenu embarrassant -, cette prequel opte pour un titre énigmatique qui ne parlera qu’aux connaisseurs et cherche à prendre ses distances. « L’une de nos principales considérations était de s’assurer qu’il y ait une séparation et que les créateurs du film original ne soient pas impliqués dans celui-ci », confirme Natalie Erika James. « Nous avons donc essayé de faire référence au livre d’Ira Levin autant que possible et de l’utiliser comme source principale. Mais en même temps, Rosemary’s Baby est tellement emblématique que la comparaison est en quelque sorte inévitable. » (1) Pas de « fan service » ni de guest-star échappée du premier film, donc, dans cet Appartement 7A qui s’attache à raconter le parcours de Terry Ginoffrio, une jeune femme ayant habité l’immeuble Bramford avant Rosemary et son époux. Chez Polanski, ce personnage apparaissait brièvement sous les traits de l’actrice Victoria Vetri. Ici, il prend le visage de Julia Garner.

Nous sommes dans le New York de 1965. Après une mauvaise chute au beau milieu d’un spectacle qui l’a laissée blessée à la jambe, Terry court les auditions sans succès, accumule les factures et carbure à l’anti-douleur. Elle qui rêvait d’une carrière de star à Broadway, la voilà affublée d’une humiliante réputation, celle de « la fille qui est tombée ». Un jour, alors qu’elle est prise d’un malaise dans la rue, la jeune danseuse est recueillie par un couple de gens âgés, Minnie et Roman Castevet (Dianne Wiest et Kevin McNally). Ces derniers possèdent un appartement inoccupé dans le prestigieux immeuble Bramford et lui proposent de l’héberger gratuitement. Mieux : ils connaissent personnellement le très influent producteur Alan Marchand (Jim Sturgess), qui vit dans le même immeuble, et lui glissent deux mots pour que Terry rejoigne la troupe de son prochain spectacle. Tous les rêves de la jeune femme semblent donc sur le point de se réaliser. Mais ce cadeau est bien sûr empoisonné et l’ombre de Faust plane bientôt sur ces revirements de situation trop beaux pour ne pas cacher quelque chose de diabolique…

Les diaboliques

La mise en scène au cordeau de Natalie Erika James et l’interprétation impeccable de sa petite troupe d’acteurs emportent l’adhésion dès les premières minutes. Difficile de ne pas entrer en empathie avec cette danseuse sur qui le destin semble d’abord vouloir s’acharner. Absent de l’intrigue pendant une bonne demi-heure, le surnaturel ne surgit que par petites touches oniriques. Les choses basculent au cours d’un cauchemar que la réalisatrice a l’excellente idée de muer en show musical déviant. Mais le public des années 2020 étant sans doute plus impatient et moins curieux que celui des sixties, L’Appartement 7A finit par sacrifier à quelques effets un peu surlignés (justifiés par les hallucinations et les rêves tourmentés de la protagoniste). Tout ne se joue donc pas entre les lignes. Ici, le diable et son rejeton jouent à cache-cache avec les spectateurs au lieu de rester logés dans son imagination comme chez Polanski. Ainsi, peu à peu, le film qui partait si bien tombe dans les travers qu’il semblait vouloir éviter, oublie l’épure et ne laisse plus de place au doute… Fort heureusement, Natalie Erika James parvient à redresser la barre au cours d’un climax glaçant qui nous renvoie cette fois-ci frontalement – et ouvertement – non seulement à Rosemary’s Baby mais aussi au Locataire. Après avoir été présenté en avant-première au Fantastic Fest en 2024, L’Appartement 7A a débarqué directement sur la plateforme de streaming de Paramount + et en VOD. C’est dommage. Une sortie en salles n’aurait pas été de refus.

 

(1) Extrait d’une interview paru dans Hollywood Reporter en septembre 2024

 

© Gilles Penso


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SUBSERVIENCE (2024)

Megan Fox incarne un robot docile qui fait le ménage, prépare des petits plats, s’occupe des enfants… et prend d’inquiétantes initiatives !

SUBSERVIENCE

 

2024 – USA

 

Réalisé par S.K. Dale

 

Avec Megan Fox, Michele Morrone, Madeline Zima, Matilada Firth, Jude Greenstein, Andrew Whipp, Atanas Srebrev, Manal El-Feitury, Antoni Davidov, JR Esposito

 

THEMA ROBOTS

Sex-symbol des années 2010, Megan Fox fit tourner la tête du public adolescent dans Transformers, Jennifer’s Body ou encore Jonah Hex, puis multiplia les apparitions sur les grands et les petits écrans tout en exposant régulièrement son impeccable silhouette dans les pages glacées de divers magazines de charme. En approchant de la quarantaine, la comédienne tient à varier les plaisirs. Si sa plastique reste irréprochable, ses rôles se veulent plus complexes. D’où sa prestation dans le thriller oppressant Till Death dirigé par S.K. Dale en 2021. Heureuse de cette expérience, elle renoue avec le cinéaste à l’occasion de Subservience dans laquelle Dale lui demande d’incarner un robot faussement docile (le titre pourrait se traduire par « soumission » ou « asservissement »). « Je connaissais plusieurs des points forts de Megan grâce à notre expérience passée, et j’ai pensé à ce qu’elle pouvait apporter au film », raconte le réalisateur « Dès le début, elle a proposé de faire bouger son personnage comme une ballerine, avec des gestes lents et précis. L’idée était excellente, et nous avons essayé de trouver le juste équilibre entre une prestation robotique inhumaine et l’expression d’un certain nombre d’émotions discrètes dans les scènes intimes. » (1) De fait, l’efficacité de Subservience repose beaucoup sur le travail de la comédienne, impeccable dans la peau de cet androïde trop parfait pour ne pas être suspect.

Le film se déroule dans un futur très proche où les robots côtoient de près les êtres humains. Mais nous ne sommes ni dans I, Robot, ni dans Alita : Battle Angel. Le monde décrit dans le film est donc ultraréaliste, très proche de ce que nous connaissons déjà. Les machines équipées d’une intelligence artificielle imitent à la perfection leurs créateurs et les secondent dans diverses tâches manuelles, occupant les chantiers de construction, les hôpitaux ou les jardins d’enfants. Le jour où son épouse (Madeline Zima) est victime d’une crise cardiaque qui la cloue sur un lit d’hôpital dans l’attente d’une greffe du cœur, Nick (Michele Morrone), contremaître dans le bâtiment et père de deux enfants, fait l’acquisition d’un robot humanoïde (Megan Fox) pour l’aider dans ses tâches domestiques. Modèle dernier cri de chez Kobol Industries, cette assistante est baptisée Alice par la fille de Nick et se montre particulièrement efficace. « Mon seul désir est de répondre à vos besoins » dit-elle à son propriétaire. Mais que veut-elle vraiment dire par là ? N’est-elle pas en train de développer des sentiments troubles, des initiatives imprévues et des projets funestes ?

Une nounou d’enfer

Subservience emprunte à priori des sentiers déjà balisés en détournant des motifs traités dans des œuvres aussi disparates que Megan, La Main sur le berceau ou même l’obscur Maid Droid. Si le film de Dale tire son épingle du jeu, c’est parce qu’il s’efforce d’aborder son sujet de la manière la plus crédible possible, inscrivant son intrigue dans un contexte social tangible, abordant frontalement la problématique de la main d’œuvre menacée d’être remplacée par des robots pour gagner en rentabilité. « C’est notre monde, maintenant », dit ainsi le patron de Nick qui s’apprête à licencier tous ses ouvriers au profit d’automates plus performants. Si Megan Fox crève l’écran dans son rôle de Mary Poppins au sourire éclatant, Michele Morrone livre à ses côtés une prestation naturaliste qui renforce beaucoup l’impact du film et ses nombreux moments de tension. Lorsqu’il s’éloigne du cadre intime et familial pour offrir aux spectateurs un climax explosif, Subservience finit par céder aux lieux communs hérités de Terminator, Hardware ou même Jeu d’enfant. Ce n’est certes pas la partie la plus subtile du film, mais elle ouvre une porte inquiétante sur les dérives à plus grande échelle d’une robotisation massive devenue incontrôlable. Ce sujet est d’autant plus d’actualité qu’au moment de la post-production de Subservience, Hollywood fut soudain frappé par une grève sans précédent des scénaristes et des acteurs, inquiets de voir l’intelligence artificielle risquer de menacer leurs emplois. La réalité s’apprêterait-elle à dépasser la (science)fiction ?

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Screen Rant en septembre 2024.

 

© Gilles Penso


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BLINK TWICE (2024)

Deux serveuses sont invitées par un milliardaire sur une île privée pour un séjour beaucoup moins paradisiaque qu’il n’en a l’air…

BLINK TWICE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Zoë Kravitz

 

Avec Naomi Ackie, Channing Tatum, Alia Shawkat, Christian Slater, Simon Rex, Adria Arjona, Haley Joel Osment, Liz Caribel, Geena Davis, Kyle McLachlan

 

THEMA TUEURS

Blink Twice marque les premiers pas derrière la caméra de Zoë Kravitz, qui est parvenu à se faire un nom indépendamment de son père grâce à ses activités d’actrice. On l’a aperçue dans des films tels que Mad Max Fury Road, Les Animaux fantastiques ou encore The Batman (où elle incarnait Catwoman face à Robert Pattinson). C’est en 2017 que l’apprentie réalisatrice commence à écrire ce film, qui porte d’abord comme titre Pussy Island (« l’île des chattes »). Mais face aux réactions extrêmement négatives de la puissante Motion Picture Association of America et de ceux à qui elle soumet l’idée (principalement des femmes, à sa grande surprise), elle opte finalement pour le plus sage et énigmatique Blink Twice (autrement dit « clignez deux fois des yeux »). Pour autant, le film entend bien conserver la dureté de son propos, camouflée sous une apparence faussement festive et détendue. MGM décide alors d’afficher un message d’avertissement dans toutes les salles de cinéma qui projettent le film aux Etats-Unis et au Royaume Uni : « Blink Twice est un thriller psychologique sur l’abus de pouvoir. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre de fiction, ce film contient des thèmes matures et des représentations de la violence, y compris de la violence sexuelle ». Nous voilà prévenus.

En tête d’affiche, Naomi Ackie incarne Frida, qui gagne sa vie comme serveuse dans les soirées de cocktail et se passionne pour le « nail art », avec une prédilection pour les ongles ornés de motifs en formes d’animaux. Un soir, alors qu’elle sert les boissons lors d’un événement très select, elle semble taper dans l’œil du milliardaire Slater King (Channing Tatum), un magnat de la technologie qui lui propose de se joindre à lui et à un groupe d’amis sur l’île privée dont il a fait l’acquisition. Frida emmène avec elle sa collègue Jess (Alia Shawkat) et découvre un lieu paradisiaque. Les chambres sont somptueuses, les repas succulents, l’alcool coule à flot et tous les convives participent avec un enthousiasme communicatif à ces vacances raffinées et luxueuses. Mais petit à petit, le doute commence à s’immiscer. Toute cette euphorie béate n’est-elle pas un peu excessive ? Cette île digne du jardin d’Eden ne cacherait-elle pas un terrible secret ?

L’île mystérieuse

Au-delà de ses rôles principaux, Zoë Kravitz réunit en arrière-plan une impressionnante galerie d’acteurs populaires, de Christian Slater à Haley Joel Osment en passant par Kyle McLachlan et Geena Davis. La sollicitation de ces anciennes stars ne vise pas seulement à accumuler les noms connus mais contribue surtout à l’atmosphère singulière du film, à la fois réconfortante (ces visages familiers ont quelque chose de rassurant) et décalée (leur présence collégiale nous semble insolite). Or la réalisatrice cherche justement l’effet de rupture, opposant un cadre idyllique et un malaise croissant, cherchant même par moments à tutoyer le cinéma de David Lynch (en particulier à travers cette femme de ménage indienne au comportement incompréhensible). Les pièces du puzzle mettent du temps à s’assembler, tandis que la tonalité du film glisse progressivement de la légèreté insouciante vers l’inquiétude sourde puis la peur panique. Kravitz démontre là un indiscutable savoir-faire, gérant avec virtuosité l’étrangeté et le suspense jusqu’à la terrible révélation. Channing Tatum porte une grande partie de l’impact de Blink Twice sur ses épaules, révélant ici un charisme que peu de ses rôles précédents laissaient affleurer. On pourra regretter la facilité d’un épilogue qui, sous prétexte de cultiver une situation ironique, oublie toute crédibilité. Mais à cette réserve près, voilà un galop d’essai très concluant.

 

© Gilles Penso


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UGLIES (2024)

Dans le futur, tous les adolescents qui atteignent l’âge de 16 ans se voient offrir une opération chirurgicale qui les rend parfaits…

UGLIES

 

2024 – USA

 

Réalisé par McG

 

Avec Joey King, Brianne Tju, Keith Powers, Chase Stokes, Laverne Cox, Charmin Lee, Jay DeVon Johnson, Jan Luis Castellanos, Sarah Vattano, Ashton Essex Bright

 

THEMA FUTUR

Au départ, « Uglies » est une série de romans pour ados en cinq tomes lancée en 2005 par l’écrivain Scott Westerfeld. Situé dans une société dystopique, le récit évoque beaucoup celui de la nouvelle « The Beautiful People » de Charles Beaumont, publiée en 1952 et adaptée dans l’un des épisodes de La Quatrième dimension (« Portrait d’une jeune femme amoureuse » d’Abner Biberman). On y découvrait un monde futuriste dans lequel tous les gens, une fois arrivés à l’âge adulte, voyaient leur corps modifié de manière chirurgicale afin d’atteindre la perfection physique. « Uglies » part du même principe et séduit une frange importante du lectorat adolescent, notamment la jeune Joey King qui s’apprête alors à faire ses premiers pas à l’écran. Devenue une actrice reconnue puis une productrice exécutive (notamment grâce aux séries TV The Act, We Were the Lucky Ones et Hamster et Gretel), elle décide de faire porter le premier roman à l’écran et d’en interpréter le rôle principal (même si elle a alors 25 ans, soit dix ans de plus que l’héroïne Tally Youngblood). Ce rêve d’adolescence se concrétisera grâce à Netflix et au réalisateur McG, devenu un habitué de la plateforme de streaming depuis son diptyque The Babysitter et The Babysitter : Killer Queen.

Nous sommes donc dans le futur. Après avoir épuisé toutes ses ressources naturelles, le monde a sombré dans le chaos. Pour maintenir l’humanité en vie, les scientifiques créent des orchidées génétiquement modifiées qui constituent une nouvelle source d’énergie, puis mettent en place une procédure chirurgicale pour que chaque jeune citoyen, arrivé à l’âge de 16 ans, atteigne la perfection physique. Ceux qu’on surnomme les « Uglies » (« les moches ») deviennent donc des « Pretties » (« beaux »). Si les premiers vivent dans des cités universitaires où la plupart des enseignements visent à les préparer à cette opération qui les fait tous rêver, les seconds semblent passer leur temps à festoyer de l’autre côté de la mer, dans la baie idyllique de Garbo. Une fois ce postulat posé, le scénario s’intéresse plus particulièrement à Tally (Joey King) et Peris (Chase Stokes), deux amis inséparables qui se préparent pour le grand changement. Mais une fois que Peris (plus âgé de trois mois que Tally) se fait opérer, son comportement change radicalement. Notre jeune héroïne commence alors à se méfier. Et si la beauté parfaite promise à tous ses semblables cachait quelque chose ?

Moi, moche et méfiant

Il n’est pas simple d’adhérer au concept un peu absurde du film, qui laisse légitimement perplexe dans la mesure où il est énoncé en ces termes : pour résoudre les conflits dans le monde, tout le monde doit être beau. Cette idée bizarre, beaucoup plus subtilement amenée dans la nouvelle de Charles Beaumont, freine d’emblée les capacités du spectateur à entrer dans le film. Pour autant, ce pourrait être l’occasion de discourir sur la dictature de la beauté et sur les vertus de la marginalité face à l’uniformisation de la jeunesse qui est formatée pour juger sur les apparences. Mais ici encore, la subtilité n’est pas de mise et les dialogues se contentent d’enfoncer des portes ouvertes : « Je ne veux pas être libre, je veux être jolie ! » crie l’héroïne, tandis que le dictatorial docteur Cable (Laverne Cox) déclare que « la liberté de penser est un cancer ». La satire sociale n’ira pas plus loin, le scénario servant surtout de prétexte à enchaîner des séquences d’action dignes d’un parc d’attraction (principalement des courses en skateboard volant). Certes, le travail des effets visuels reste admirable (les cités futuristes, les panoramas post-apocalyptiques, les nuées de vaisseaux volants), mais sans intrigue suffisamment solide ni de mise en scène un tant soit peu inspirée, comment se laisser porter par le film ? L’approche minimaliste de La Quatrième dimension avait finalement beaucoup plus d’impact. À la réflexion, McG n’aura connu que deux véritables coups d’éclat dans sa carrière cinématographique : Charlie’s Angels et Terminator Renaissance. Le reste n’est hélas que poudre aux yeux trop vide de sens pour convaincre. La fin ouverte de Uglies nous prépare malgré tout à une suite qu’on imagine tirée du second volume de la saga littéraire de Scott Westerfeld.

 

© Gilles Penso


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BEETLEJUICE BEETLEJUICE (2024)

On prend les mêmes et on recommence ! 36 ans plus tard, Tim Burton ressuscite le fantôme exorciste à qui il doit presque tout…

BEETLEJUICE BEETLEJUICE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Tim Burton

 

Avec Michael Keaton, Winona Ryder, Catherine O’Hara, Justin Theroux, Jenna Ortega, Monica Bellucci, Willem Dafoe

 

THEMA FANTÔMES I SAGA TIM BURTON

Quel bonheur de voir Tim Burton retrouver le grain de folie de ses débuts, se laisser aller à tous les excès, multiplier les idées visuelles excentriques, balayer le tout-numérique qui plombait des films comme Alice au pays des merveilles au profit de bricolages à l’ancienne (maquillages spéciaux, marionnettes, stop-motion), bref se faire plaisir avec une bonne humeur communicative. Certes, une telle démarche nostalgique n’est pas sans revers. Le « fan service » abonde fatalement dans Beetlejuice Beetlejuice, tout comme une inévitable impression de déjà-vu et une tendance à complexifier l’intrigue pour donner aux spectateurs le sentiment qu’ils ne se contentent pas de voir un remake du premier Beetlejuice. Pour autant, le film assume pleinement son statut de séquelle tardive en refusant de n’être qu’une resucée du passé. Beetlejuice Beetlejuice jette donc un pont entre le Tim Burton des années 80 et celui des années 2020, mêlant une partie du casting du film original (auquel s’adjoint brièvement ce bon vieux Danny DeVito) aux nouveaux membres de la famille cinématographique du réalisateur, notamment Jenna Ortega (héroïne de la série Mercredi) et Monica Bellucci (sa compagne/muse du moment).

Michael Keaton est plus déchaîné que jamais (son maquillage nous donnant l’étrange sentiment qu’il n’a presque pas pris de ride), Catherine O’Hara reprend avec emphase son personnage d’artiste conceptuelle vaniteuse et Winona Ryder nous offre le portrait torturé de l’ancienne adolescente gothique perdue entre une mère envahissante, une fille distante et un petit-ami superficiel. Quant à Jeffrey Jones, devenu « problématique » après ses démêlées avec la justice, Burton s’en débarrasse de manière hilarante et caricaturale sans pour autant effacer le personnage de son scénario, en une pirouette narrative et artistique franchement culottée. Du côté des nouveaux-venus, Bellucci assure dans le rôle d’une variante inquiétante de la fiancée de Frankenstein, ancien démon recousu à la va vite et couturé de cicatrices grossières, comme la Sally de L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Burton ne lui donne certes pas grand-chose à exprimer – ses dialogues se comptent sur les doigts de la main – mais sa présence physique reste saisissante. Jenna Ortega est parfaite elle aussi dans le rôle de la fille délaissée, même si les personnages d’adolescentes marginales commencent singulièrement à coller à la peau de la jeune actrice qui gagnerait à changer un peu de registre.

Fantômes en fête

Cette petite galerie de protagonistes volontiers excessif – qu’accompagnent Justin Theroux et Willem Dafoe, tous deux en très grande forme – s’anime joyeusement dans ce film qui joua longtemps l’Arlésienne, au point qu’on n’y croyait plus. Annoncé à de nombreuses reprises depuis le début des années 2000, ce second Beetlejuice se concrétisa en grande partie grâce à la série Mercredi, au cours de laquelle Burton retrouva une joie de mettre en scène et une fraîcheur qui visiblement lui faisaient défaut depuis quelques années. Plusieurs conditions s’avéraient indispensables au lancement de cette suite, notamment le retour de Keaton et Ryder mais aussi la conservation d’un caractère politiquement incorrect. Pas question d’un Betelgueuse édulcoré et assagi qui réfrènerait ses propos graveleux et son comportement libidineux. Trop heureux de pouvoir à nouveau se lâcher, Michael Keaton décide d’éviter les répétitions avant les prises pour pouvoir tout donner dès que les caméras se mettent à tourner. Burton lui-même jette aux yeux – et aux oreilles – des spectateurs tout ce qu’il aime, multipliant les hommages (il cite Opération peur, Psychose et Carrie) et concoctant de nouvelles séquences musicales hallucinantes, comme s’il voulait que son vingtième long-métrage soit un véritable feu d’artifice, un retour aux sources doublé d’un nouveau départ. Une seconde jeunesse ? Pourquoi pas.

 

© Gilles Penso


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Saga TIM BURTON

Tim Burton est un cas tout à fait à part dans l’histoire d’Hollywood. Bien qu’il ait travaillé avec les plus grands studios de la capitale mondiale du cinéma (Warner, Disney, 20th Century Fox, Paramount, Columbia), il n’est jamais entré dans le rang, refusant le conformisme pour affirmer haut et fort sa singularité. Avec lui les marginaux, les inadaptés, les asociaux et les exclus sont devenus de nouveaux héros, quittant l’ombre où ils se terraient pour occuper le haut de l’affiche. Chez Tim Burton les super-héros sont des êtres névrosés et schizophrènes, les vivants hantent les morts, Halloween est plus joyeux que Noël et les monstres sont bien plus attachants que les êtres « normaux ». On ne compte plus le nombre d’adolescents complexés qui, face à la relecture du monde proposée par Burton, ont osé exprimer leur différence, la brandissant même fièrement comme un étendard. Jack Skellington, Edward aux Mains d’Argent et Beetlejuice sont devenus les figures de proue de ce mouvement anticonformiste, comme jadis Dracula et le Monstre de Frankenstein permirent au jeune Tim Burton de sortir de ses névroses pour construire sa propre personnalité. Si son cinéma touche autant, c’est sans doute aussi parce qu’il est très personnel, nombre de ses protagonistes n’étant qu’un reflet à peine déformé de lui-même. Même les femmes de sa vie hantent son œuvre, muses aux mille visages qui, tour à tour femme-vampire, Martienne languide, complice d’un serial-killer ou sorcière hydrocéphale, donnent corps à son imagination débridée. Voici la liste de tous les longs-métrages mis en scènes par Tim Burton. Et profitons-en pour rappeler que non, ce n’est pas lui le réalisateur de L’Étrange Noël de Monsieur Jack.

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THE DELIVERANCE (2024)

Une mère qui peine à élever seule ses trois enfants se retrouve brutalement confrontée à une entité démoniaque…

THE DELIVERANCE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Lee Daniels

 

Avec Andra Day, Glenn Close, Anthony B. Jenkins, Caleb McLaughlin, Demi Singleton, Aunjanue Ellis-Taylor, Mo’Nique, Omar Epps, Miss Lawrence

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

« L’histoire qui suit est inspirée de faits réels », nous dit le texte plein écran qui introduit The Deliverance. L’argument de l’authenticité est bien connu des amateurs de films d’horreur depuis Psychose, Massacre à la tronçonneuse, Amityville ou plus récemment la saga Conjuring, et chacun sait que les scénaristes prennent généralement toutes les libertés qu’autorise la « licence artistique » pour se rapproprier les faits, surtout lorsqu’il s’agit de phénomènes paranormaux. L’affaire qui nous intéresse ici est celle de la famille Ammons, survenue dans l’Indiana en 2011 et très médiatisée à l’époque. Ce cas troublant de possession démoniaque donna lieu à un documentaire en 2019, The Demon House de Zak Bagans, et servit donc de source d’inspiration majeure au scénario de The Deliverance, écrit à quatre mains par David Coggeshall (Prey, Esther 2) et Elijah Bynum (Chaudes nuits d’été, One Dollar). Assez curieusement, la mise en scène est assurée par Lee Daniels, qui sort ici de sa zone de confort pour se frotter à un univers qu’il n’avait jamais encore abordé. Voir le réalisateur de Precious, The Paperboy et Le Majordome s’aventurer sur le terrain de L’Exorciste peut légitimement surprendre, mais notre homme reste fidèle à la sensibilité que nous lui connaissons en s’éloignant volontairement des canons du genre.

À fleur de peau, dans un rôle difficile et plutôt ingrat, la chanteuse et actrice Andra Day incarne Ebony Jackson, une mère séparée qui peine à joindre les deux bouts. Sans misérabilisme mais avec une crudité bien peu hollywoodienne, Lee Daniels nous décrit ses difficultés à gérer trois enfants, ses relations très conflictuelles avec sa mère (une Glenn Close étonnante, qui n’hésite pas à se métamorphoser physiquement pour entrer dans la peau de ce personnage trouble) ainsi que le fantôme d’un alcoolisme destructeur qui ne cesse de la hanter. The Deliverance prend donc d’abord les allures d’un drame social et psychologique. De profondes blessures dont nous ne comprenons pas encore les tenants et les aboutissants sont visiblement encore à vif. Tout le monde semble donc à cran dès l’entame du film, d’autant que l’aide à l’enfance a dans sa ligne de mire cette mère au casier judiciaire déjà garni. Les acteurs de la tragédie étant en place, le surnaturel peut s’inviter…

House of the Devil

C’est en douceur que s’installe la bizarrerie. Les mouches se mettent à envahir la nouvelle maison des Jackson de manière de plus en plus insistante, le cadet de la famille, Andre (Anthony B. Jenkins), est pris de crises de somnambulisme étranges puis se met à parler à un ami imaginaire… Comme tout est traité avec beaucoup de naturalisme, porté par une direction d’acteurs impeccable et l’établissement d’une atmosphère hyperréaliste, nous sommes tout disposés à y croire. Mais lorsque le paranormal surgit enfin de manière frontale, après plus d’une heure de métrage, le château de cartes finit par s’effondrer dans la mesure où le film ne parvient pas à proposer à ses spectateurs autre chose qu’une relecture de ce qu’ils connaissent déjà. Et le fait de citer L’Exorciste dans les dialogues (comme pour en évacuer la référence d’un revers de main) n’empêche pas The Deliverance de marcher très sagement dans ses pas (voix gutturales, transformations physiques, lévitations, télékinésie, jets de vomi, eau bénite, crucifix, toute la panoplie est là). Or à ce jeu, William Friedkin reste et restera sans doute imbattable. Nous comprenons aisément pourquoi Lee Daniels s’est laissé attirer par les failles de cette mère qui cherche désespérément à garder le contrôle de sa vie, tout comme nous saisissons l’envie de faire de l’entité diabolique la métaphore du démon qui ronge cette anti-héroïne brutale et impulsive. Hélas, la démonstration perd toute efficacité au moment où le cinéaste fonce la tête la première dans les lieux communs du film de possession au lieu de conserver sa singularité et son supplément d’âme. The Deliverance n’est donc qu’une demi-réussite, bien en deçà de ce que sa première partie laissait espérer.

 

© Gilles Penso


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BORDERLANDS (2024)

Dans un monde futuriste fantaisiste, une chasseuse de prime se met en quête d’une jeune fille kidnappée sur une planète lointaine…

BORDERLANDS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Eli Roth

 

Avec Cate Blanchett, Kevin Hart, Edgar Ramirez, Jamie Lee Curtis, Ariana Greenblatt, Florian Munteanu, Janina Gavankar, Jack Black, Benjamin Byron Davis

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SPACE OPERA I FUTUR

Situé dans une sorte de Far West rétro-futuriste et post-apocalyptique, le jeu vidéo « Borderland », sous haute influence de l’univers de Mad Max, est développé par Gearbox Software et lancé sur le marché en octobre 2009. D’autres opus suivront avant qu’Hollywood ne se penche sur la possibilité d’une adaptation sur grand écran. En 2015, le réalisateur Leigh Whannell (qui vient de faire ses débuts derrière la caméra avec Insidious 3) envisage d’en tirer un film qui serait produit par Avi et Ari Arad pour Lionsgate Films. Mais comme souvent à Hollywood, le projet traîne et ses instigateurs finissent par lâcher l’affaire. Les choses ne redémarrent qu’en 2020 avec une toute nouvelle équipe. Cette fois-ci, c’est Eli Roth (Hostel, The Green Inferno) qui tient la barre, sur un scénario qu’il co-écrit avec Joe Crombie. Armé d’un budget confortable de 120 millions de dollars, Roth part tourner à Budapest entre avril et juin 2021, alors que la pandémie du Covid-19 bat son plein. En découvrant le premier montage, le studio s’affole face à son extrême violence et aux multiples mutilations et autres explosions de têtes que Roth déploie généreusement à l’écran. Lionsgate envisageait d’exploiter Borderlands auprès d’un large public et ne sait plus trop quoi faire de ce défouloir gore très éloigné de ses attentes. Le film reste donc sur une étagère pendant deux ans, Eli Roth part diriger Thanksgiving et le réalisateur Tim Miller (Deadpool) est appelé à la rescousse pour tourner tout un tas de nouvelles séquences en 2023.

Borderlands est donc le fruit contre-nature de nombreux compromis s’efforçant de concilier des orientations artistiques contradictoires. D’où un scénario chaotique qui semble ne pas trop savoir sur quel pied danser. Cate Blanchett, qui retrouve Eli Roth après La Prophétie de l’horloge, y joue Lilith, une chasseuse de prime aigrie et dure à cuire. Contactée par Atlas (Edgar Ramirez), un magnat tout-puissant, elle accepte la mission d’aller récupérer sa fille Tina (Ariana Greenblatt) sur la planète Pandora, un désert/dépotoir hanté par des monstres bizarres, des mutants dégénérés et toutes sortes d’habitants interlopes. Sur place, Lilith est aidée par un robot facétieux, Claptrap, qui parle avec la voix de Joe Black (lui aussi transfuge de La Prophétie de l’horloge) et semble avoir été mystérieusement programmé pour l’assister. Bien sûr, la mission ne va pas du tout se passer comme prévu et va révéler son lot de surprises et de retournements de situation.

Un fourre-tout foutraque

Honnêtement, Borderlands n’est pas la catastrophe artistique ultime, comme on a pu le lire un peu partout. Le film est généreux, débridé, impétueux, et propose quelques designs originaux et une poignée d’idées visuelles intéressantes. Pour autant, on ne peut pas dire que cette intrigue fourre-tout soit follement passionnante. L’un des problèmes majeurs de ce space opera foutraque est le choix de ses personnages, tous plus irritants les uns que les autres. Comment s’intéresser au sort de cette gamine pénible, de ce robot énervant, de ce gros nounours psychopathe et de ce soldat insipide ? Cate Blanchett elle-même, protagoniste central auquel nous sommes censés nous identifier, joue les mercenaires patibulaires avec à peu près autant de crédibilité que Pamela Anderson dans Barb Wire. Elle excellait pourtant dans des rôles du même acabit pour Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal ou Thor Ragnarok. Mais ici, elle semble jouer en mode pilote automatique sans croire une seule seconde à ce qu’elle fait. Borderlands se cherche donc maladroitement, regroupant des anti-héros en quête manifeste de l’alchimie des Gardiens de la galaxie ou de The Suicide Squad, ne reculant devant aucun gag éculé (le casque à la Dark Vador qui empêche de respirer correctement comme dans La Folle histoire de l’espace) ou scatologique (les jets d’urine, le robot qui défèque du plomb) et ne convainc finalement personne. Son échec spectaculaire au box-office tend à prouver qu’il s’agissait de toute évidence d’une fausse bonne idée.

 

© Gilles Penso


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QUADRANT (2024)

Pour aider certains patients à vaincre leurs phobies, deux scientifiques ont mis au point un casque de réalité virtuelle, mais l’expérience tourne mal…

QUADRANT

 

2024 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Shannon Barnes, Emma Reinagel, Christian Carrigan, Lexi Lore, Kaylene Snarsky, Rickard Claeson, Kaylee Banhidy

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I TUEURS I MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

Quadrant fait partie de ces projets qui jouèrent longtemps l’arlésienne chez le producteur Charles Band. Le film est d’abord annoncé dans les années 80, alors que la compagnie Empire (Re-Animator, From Beyond) est encore debout. Suite à sa faillite, Quadrant disparaît des radars puis refait surface au milieu des années 90. Band déclare alors que le film sera produit par sa société Full Moon Entertainment. Linda Hassani, qui avait signé Dark Angel : The Ascent, est envisagée comme réalisatrice et une sortie est prévue en 1995. Mais c’est un nouveau faux départ. Ce n’est finalement qu’en 2024 que le projet se concrétise, dirigé par Band lui-même et annoncé comme le 400ème long-métrage de chez Full Moon. En réalité, seul le titre a été conservé, le concept s’appuyant désormais sur un scénario de C. Courtney Joyner (Puppet Master III, Doctor Mordrid, La Peur qui rode). Filmé en 5 jours à Cleveland, avec quatre acteurs principaux et deux décors, Quadrant permet à Band de poursuivre ses expériences avec les images générées par intelligence artificielle, expériences qu’il avait amorcées à l’occasion de AIMEE : the Visitor. « Beaucoup de gens sont effrayés par l’IA, mais pour moi c’est juste un outil », confesse-t-il sur le site de Full Moon Pictures. « Elle possède une sorte de réalité bizarre et effrayante que l’on ne retrouve pas dans les images de synthèse. »

Le « Quadrant » du titre est l’invention de deux scientifiques, Harry (Rickard Claeson) et Meg (Emma Reinagel), qui prend la forme d’un casque de réalité virtuelle. Une fois qu’un patient s’y connecte, son esprit le transporte dans un monde reconstitué par une intelligence artificielle où toutes ses phobies prennent corps. Au fil des séances, ceux qui se soumettent à l’expérience du « Quadrant » apprennent à vaincre et à contrôler leurs peurs les plus intimes. Robert (Christian Carrigan) essaie ainsi de lutter contre les horribles cauchemars récurrents qui le hantent, dans lesquels il est harcelé par des hordes de créatures démoniaques. Erin (Shannon Barnes), de son côté, est une jeune femme obsédée par Jack l’éventreur, au point que ses immersions dans le « Quadrant » la transportent systématiquement dans le Londres du 19ème siècle, altérant peu à peu son comportement. Elle finit en effet par se transformer elle-même en tueur de prostituées dans cet univers virtuel. Plus problématique : ses pulsions sanguinaires semblent la poursuivre une fois qu’elle retourne dans le monde réel…

Programmée pour tuer

Le concept de Quadrant est original et offre d’intéressantes possibilités scénaristiques. Mais les choix artistiques opérés par Band – et dictés on s’en doute par des contraintes économiques – gâchent ce beau potentiel. Les décors et les personnages 3D générés par AI sont en effet désarmants de maladresses – malgré quelques créatures monstrueuses intéressantes – et les incrustations des comédiens dans ces environnements artificiels sont absolument affreuses. Certes, ces images sont censées être factices puisque générées par un algorithme, mais un rendu visuel aussi médiocre est honnêtement inacceptable en 2024. Le design « futuriste » du casque lui-même laisse perplexe : au lieu de la miniaturisation qu’on pourrait imaginer, nous avons ici affaire à une sorte de haut d’un scaphandre qui semble échappé d’un roman de Jules Verne. Les scènes situées dans le monde réel sont clairement plus réussies, grâce à des acteurs qui jouent le jeu avec conviction et donnent de leur personne. Charles Band ne lésine ni avec la nudité ni avec les effusions de sang, conforme à la recette habituelle du cinéma d’exploitation dont il se réclame ouvertement. Dommage que le résultat final semble si bâclé, car le postulat de Quadrant aurait pu en faire une jolie petite surprise, au lieu de cette série B anecdotique sans doute vouée à l’oubli.

 

© Gilles Penso


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