POPEYE THE SLAYER MAN (2025)

Après Popeye’s Revenge, le célèbre marin mangeur d’épinards est le « héros » de cet autre film d’horreur tout aussi improbable…

POPEYE THE SLAYER MAN

 

2025 – USA

 

Réalisé par Robert Michael Ryan

 

Avec Jason Robert Stephens, Sean Michael Conway, Elena Juliano, Angela Relucio, Sarah Nicklin, Mabel Thomas, Marie-Louise Boisnier, Scott Swope, Steven McCormack

 

THEMA TUEURS I MUTATIONS

Pauvre Popeye ! À peine le sympathique marin imaginé par E.C. Segar en 1919 (puis animé par les frères Fleischer à partir de 1933) tombe-t-il dans le domaine public que des trublions s’emparent de lui pour le transformer en émule de Freddy Krueger ou Jason Voorhees. Coup sur coup, deux films d’horreur aux budgets minuscules lui donnent ainsi la vedette : Popeye’s Revenge de William Stead et Popeye the Slayer Man de Robert Michael Ryan (en attendant a comédie noire britannique Shiver Me Timbers de Paul Stephen Mann). Cette seconde itération est signée par un habitué des micro-productions de genre, puisque nous lui devons Dark Revelations et Ouija Witch. Aussi improbable que ça puisse paraître, cinq personnes – dont le réalisateur – sont créditées au scénario. Ce n’est pourtant pas l’élément le plus saillant de ce tout petit film capitalisant plus sur l’effet de décalage (un personnage de comic strip comique se mue en tueur psychopathe) que sur la profondeur de son récit. Le script s’efforce malgré tout d’inventer un passé, une famille et des motivations à ce monstre fumeur de pipe et mangeur d’épinards. Mais à cette backstory près, Popeye the Slayer Man et Popeye’s Revenge pourraient quasiment s’appréhender comme deux épisodes d’une même série, tant les agissements du croquemitaine borgne et son allure générale se révèlent proches.

Nous sommes dans la petite ville d’Anchor Bay. Pour son projet d’études, Dexter (Sean Michael Conway), un jeune homme curieux et un brin rêveur, décide de tourner un documentaire sur une vieille rumeur locale : celle du « Sailor Man », une silhouette inquiétante qui hanterait les docks abandonnés depuis vingt ans, à la recherche d’un passé englouti. Armé de plusieurs caméras et accompagné de la discrète Olivia (Elena Juliano), pour qui il a du mal cacher son béguin, il embarque ses amis Lisa (Marie-Louise Boisnier), Katie (Mabel Thomas) et Seth (Jeff Thomas) dans l’aventure. Mais le temps leur est compté : un promoteur sans scrupules s’apprête en effet à raser les docks pour y ériger un projet immobilier. Le tournage doit se faire à toute vitesse avant que la démolition commence. La petite troupe entre donc par effraction dans les lieux, au milieu de la nuit, installe les caméras et commence à fouiller tous les recoins. Le « Sailor Man » existe-t-il vraiment ? Ils ne vont pas tarder à le découvrir à leurs dépens…

Nom d’une pipe !

Si le concept est parfaitement absurde (l’usine aurait fermé à cause d’une intoxication aux épinards contaminés qui sont à l’origine de la mutation de Popeye !), le ton du film reste très sérieux. Certes, quelques clins d’œil affleurent, comme l’apparition furtive d’une poupée de Winnie l’ourson (en référence manifeste à Winnie the Pooh : Blood and Honey), mais le film suit tranquillement la voie classique du slasher, avec les clichés de mise, notamment le vieil autochtone éméché qui met en garde les héros contre le croquemitaine et leur conseille de se tenir à distance des lieux où il sévit (conseil qu’ils s’empressent bien sûr de ne pas écouter). Raisonnablement efficace, la mise en scène joue régulièrement avec le motif visuel de l’ombre de Popeye, se dessinant en contre-jour à l’arrière-plan pour menacer les protagonistes. Si la routine est de mise (les personnages s’isolent dans l’ombre et sont assassinés à un rythme régulier), le film nous égaie grâce à son recours immodéré à des effets spéciaux gore « old school » excessif. Éviscérations, membres arrachés, têtes écrasées, scalp en gros plan, c’est une véritable orgie de latex et de faux sang. Plus original que son prédécesseur (qui se contentait de calquer son postulat sur celui de Vendredi 13), Popeye the Slayer Man s’apprécie donc sans ennui et s’achemine vers une fin très ouverte. Bientôt une suite ?

 

© Gilles Penso

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THE MONKEY (2025)

Deux frères jumeaux héritent d’un jouet très curieux : un petit singe qui, dès qu’il joue du tambour, entraîne une mort violente…

THE MONKEY

 

2025 – USA

 

Réalisé par Osgood Perkins

 

Avec Theo James, Tatiana Maslany, Christian Convery, Colin O’Brien, Elijah Wood, Rohan Campbell, Sarah Levy, Osgood Perkins, Tess Degenstein, Danica Dreyer

 

THEMA JOUETS I SAGA STEPHEN KING

Découverte par les amateurs de Stephen King dans les pages du magazine Gallery au tout début des années 1980 avant sa réédition dans le recueil Brume, la nouvelle Le Singe est un petit concentré d’épouvante extrêmement efficace qui repose sur un concept simple: un jouet en forme de petit singe provoque la mort chaque fois qu’il frappe dans ses cymbales. En 1984, une adaptation officieuse à tout petit budget en fut tirée sous le titre Le Singe du diable. Mais il restait certainement une transposition de plus grande envergure à mettre en chantier. Grand spécialiste de King (Les Évadés, La Ligne verte), Frank Darabont acquiert les droits de la nouvelle pour en tirer un film dans la foulée de The Mist. Mais le projet n’aboutit pas. Il faudra presque attendre deux décennies pour que The Monkey se concrétise enfin, sous les bons auspices du producteur James Wan (The Conjuring) et du réalisateur Osgood Perkins (Longlegs). Savoir ces deux hommes à la tête du film est à priori de bon augure, si ce n’est que Perkins adopte deux partis pris surprenants : remplacer les cymbales du singe par un tambour (Disney possédant apparemment les droits du look original du jouet depuis Toy Story 3) et surtout traiter le récit au second degré. « J’ai pris un paquet de libertés », avoue-t-il ouvertement. « Les producteurs avaient un scénario beaucoup trop sérieux. Je leur ai dit que ça ne me convenait pas. La Mort vous va si bien fut l’un de mes références principales – ce genre d’horreur cartoonesque qui éclabousse. » (1)

Élevés par leur mère depuis que leur père a disparu sans laisser de trace, les frères jumeaux Hal et Bill Shelburn vivent une sorte de rivalité permanente, l’un étant sans cesse le souffre-douleur de l’autre, ce qui provoque un certain nombre d’humiliations pour le pauvre Hal, notamment dans l’école qu’ils fréquent tous les deux. Hal finit même par nourrir des envies de meurtres à l’encontre de son frère. Un jour, ils découvrent dans un placard contenant des affaires de leur père un carton portant une indication énigmatique : « tournez la clé et regardez ce qui arrive ». À l’intérieur se trouve un singe mécanique équipé d’un tambour. Par curiosité, ils tournent la clé mais rien ne se passe. Le soir-même, alors qu’il dînent dans un restaurant japonais avec leur baby-sitter, le singe se déclenche tout seul et commence à jouer du tambour avec frénésie. Aussitôt, le massacre commence…

Singeries

La tonalité choisie par Osgood Perkins est déstabilisante. Le montage est bourré d’ellipses provoquant des effets comiques efficaces et le gore éclabousse généreusement l’écran, à l’issue de réactions en chaîne qui ne sont pas sans évoquer la saga Destination finale. Cette approche au second degré est un choix d’autant plus assumé que le réalisateur s’auto-proclamme « spécialiste des morts insensées et spectaculaires ». Son père Anthony Perkins est en effet décédé du sida en 1992 et sa mère Berry Berenson était l’une des passagères du premier avion ayant heurté le World Trade Center en 2001. Au-delà de l’envie d’aborder le thème du jouet possédé sur un ton plus léger que les Annabelle et autres The Boy, le recours à l’humour noir aurait-il donc des vertus cathartiques, permettant à Osgood de tourner en dérision l’absurdité, l’inutilité et le caractère aléatoire de la mort ? Sans doute. Mais un tel parti pris n’est pas sans revers. En tournant le dos au potentiel effrayant du concept initial et en le tordant dans tous les sens pour y greffer des rebondissements invraisemblables, The Monkey finit par muer son histoire en simple défouloir sans âme. Pire : le sort des personnages nous importe peu puisqu’ils ne sollicitent aucune empathie chez les spectateurs. C’est tout de même un comble pour un scénario bâtissant son suspense sur la possibilité que chacun d’entre eux puisse trépasser à tout moment. Malgré les commentaires enthousiastes de Stephen King, louant les audaces du film, nous ne pouvons donc nous empêcher de sentir qu’Osgood Perkins est complètement passé à côté de son sujet.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Empire en janvier 2025

 

© Gilles Penso

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THE ELECTRIC STATE (2025)

Millie Bobby Brown et Chris Pratt errent dans un monde alternatif où les humains et les robots ne sont plus autorisés à cohabiter…

THE ELECTRIC STATE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Anthony et Joe Russo

 

Avec Millie Bobby Brown, Chris Pratt, Ke Huy Quan, Stanley Tuddi, Woody Norman, Giancarlo Esposito, Jason Alexander, Martin Klebba, Martin Hinkle, Michael Trucco

 

THEMA ROBOTS

Ce titanesque blockbuster de science-fiction, l’un des longs-métrages les plus coûteux de l’histoire du cinéma au moment de sa mise en production (320 millions de dollars de budget), s’inspire d’un roman graphique de Simon Stålenhag paru en 2018. Anthony et Joe Russo, les chouchous du studio Marvel depuis 2014 (Captain America : le soldat de l’hiver, Captain America : Civil War, Avengers : Infinity War, Avengers : Endgame), font l’acquisition des droits du livre un an avant sa publication et envisagent d’en produire l’adaptation en cédant la place du réalisateur à Andres Muschietti (Ça). Universal est alors positionné pour distribuer le film en salles. Mais la concrétisation de The Electric State prend plus de temps que prévu, poussant Muschietti à se retirer pour partir réaliser The Flash. C’est finalement Netflix qui récupère les droits du film en 2022. Les frères Russo prennent en charge eux-mêmes la mise en scène et truffent chaque séquence d’effets visuels et d’images de synthèse à très grande échelle conçus par une myriade de compagnies prestigieuses dont Digital Domain et Industrial Light & Magic. D’où une post-production à rallonge. Le but est manifestement d’en mettre plein la vue aux spectateurs, même si le film ne sera apprécié que sur les petits écrans.

The Electric State est une uchronie. Dans ce monde alternatif, les années 1990 ont été marquées par une guerre dévastatrice entre les humains et les robots, déclenchée lorsque les machines ont réclamé des droits et une autonomie. Les humains ont fini par triompher grâce à l’invention du neurotransmetteur, une technologie permettant aux combattants de piloter à distance des robots guerriers sans risquer eux-mêmes d’être blessés ou tués. Après cette victoire, la paix est revenue dans le monde. La technologie du neurotransmetteur offre désormais à chacun un don d’ubiquité, du moins la possibilité de faire agir à distance un double robotisé tout en restant tranquillement confiné. C’est dans ce contexte que Michelle (Millie Bobby Brown), une jeune fille rebelle ayant perdu son frère et ses parents dans un accident de voiture, vit désormais au sein d’une famille d’accueil. Un soir, sa vie prend un tournant inattendu lorsqu’elle reçoit la visite d’un étrange robot au look cartoonesque qui semble la connaître personnellement. Or les interactions entre les humains et les robots sont strictement interdites depuis la guerre…

Robots sauvages

L’ambition visuelle de The Electric State est indiscutable. Les séquences d’action rivalisent de générosité et d’hypertrophie, les frères Russo enchaînant les tableaux visuels dignes des couvertures de romans de SF pulp à l’ancienne : le robot géant qui traverse le désert en portant un van sur son épaule, les vastes paysages jonchés d’immenses carcasses mécaniques déchues, l’énorme machine bipède qui balance des voitures contre la façade d’un immeuble ou encore cette galerie marchante où grouillent des robots grotesques qui semblent inspirés par les personnages des comic strips des années 20 et 30. Mais l’effet de déjà-vu n’est pas exclu pour autant. Le film puise beaucoup chez Terminator (jusqu’à en reprendre certains effets sonores), A.I. (avec ses robots charognards faits de bric et de broc) et Ready Player One (les combattants commandés à distance par des employés derrière des casques virtuels). Cette dernière influence est renforcée par la bande originale d’Alan Silvestri. D’autre part, si le casting du film est attrayant, chacun semble rester sagement dans sa zone de confort. Millie Bobby Brown est fidèle à son image de jeune héroïne forçant l’adversité avec détermination et anticonformisme, Chris Pratt cabotine dans son registre habituel d’anti-héros sympathique sous influence d’Harrison Ford (il reprend même le look de Han Solo), Giancarlo Esposito joue comme toujours le salaud charismatique… Bref, rien de bien nouveau. The Electric State nous laisse en définitive une impression très mitigée, celle d’un spectacle grandiose qui se donne les moyens de ses ambitions mais peine à sortir du lot. C’est un refrain connu chez Netflix.

 

© Gilles Penso

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CREATION OF THE GODS 2 : DEMON FORCE (2025)

Un second volet encore plus spectaculaire que le premier, gorgé de rythme, d’action, de batailles grandioses et de créatures monstrueuses…

FENG CHEN 2: ZHAN HUO XI QI

2025 – CHINE

Réalisé par Wuershan

Avec Huang Bo, Yosh Yu, Nashi, Chen Muchi, Xuejian Li, Kris Philips, Naran, Hsing-Kuo Wu, Swanson Han, Yafan Wu, Yu Xia, Kun Chen

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE

 

Après Creation of the Gods I : Kingdom of the Storms, le second volet de la trilogie fantastique de Wuershan s’avère encore plus maîtrisé et fluide que le premier opus au niveau du rythme et de l’action ! La narration est entraînée par la dynamique de la réalisation, tandis que nous sommes déjà familiarisés avec l’univers et les personnages. Les crimes du prince tyrannique King Yin Shou (Fei Xiang), responsable de la déchéance du royaume des Shang, vont engendrer la chute des déités qui protégeaient la dynastie ancestrale. Sa concubine, possédée par l’envoutante femme renard Su Daji (Naran), prête à sauver la vie de son protégé au péril de la sienne, continue de répondre aux désirs de puissance de son royal complice. Creation of the Gods 2 : Demon Force affirme son statut de grande fresque d’heroic-fantasy et d’épopée fantastique pour marquer résolument l’Histoire du cinéma asiatique et s’exporter à l’international sur le marché des blockbusters américains.

On y retrouve tous les codes classiques qui font le merveilleux et le romantisme de films comme Excalibur de John Boorman ou Ladyhawke de Richard Donner, les intrigues par-delà la vie et la mort de Conan, ou celles des Histoires de fantômes chinois produites par Tsui Hark : magie, mythologie, légendes, sur fond de véracités historiques concernant la succession des dynasties, des royaumes et des empires. La philosophie confucéenne n’est pas exclue avec l’importance de la loyauté familiale et du respect hiérarchique, ainsi que toutes les références inspirantes et éblouissantes aux films de sabre de l’âge d’or, et à des œuvres plus personnelles comme Les Cendres du temps de Wong Kar Waï, ou encore Tigre et Dragon d’Ang Lee. On assiste donc à un florilège de citations bien choisies qui enchanteront les amateurs du genre, ainsi qu’à des scènes de batailles grandioses, et à un art de la démesure destiné à nous éblouir, et qui fait mouche, à grands renforts de créatures géantes et monstrueuses.

Une des plus grandes fresques du cinéma fantastique

Ce spectacle, qui existe également en 4DX, et que l’on compare à la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, bénéficie d’un succès phénoménal au box-office. S’il est vrai que la représentation d’un des héros du film, ressuscité sous la forme d’un personnage tricéphale (bleu), n’est pas la trouvaille la plus enthousiasmante de l’histoire, on ne boudera pas notre plaisir pour autant, et on retiendra plutôt avec bonheur les performances physiques et les ballets chorégraphiques dignes des plus grandes scènes de kung fu du cinéma hongkongais. Notons en particulier la prestation, la beauté et le talent des acteurs Yosh Yu et Nashi (originaire de Mongolie intérieure comme Wuershan), qui forcent l’admiration dans les rôles respectifs de Ji Fa, et de Deng Chanyu, la farouche guerrière Shang. Peut-on apprécier le film sans avoir vu le premier volet ? Assurément. Autant il était difficile de suivre tous les enjeux du premier film avec son nombre toujours croissant de personnages, autant ici il est plus facile de s’immerger dans cette bataille à mort pour la reconquête par les humains d’un paradis perdu. Ce film-événement réunit tout ce que l’on peut aimer dans le wu xia pian, le merveilleux et la fantasy. Il réjouira les amateurs du genre, mais aussi le grand public et les familles en quête d’un divertissement spectaculaire de qualité.  

© Quélou Parente

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PRESENCE (2024)

Une famille dysfonctionnelle s’installe dans une nouvelle maison en espérant soigner ses fêlures. Mais quelque chose les observe…

PRESENCE

2024 – USA

Réalisé par Steven Soderbergh

Avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Eddy Maday, West Mulholland, Julia Fox, Benny Elledge, Daniel Danielson, Jared Wiseman, Robert M. Jimenez

THEMA FANTÔMES

 

De longs plans-séquence dans une maison hantée ? Voilà qui nous rappelle The Silent House de Gustavo Hernandez. Si ce n’est que la caméra en mouvement adopte ici le point de vue subjectif d’un fantôme observant les habitants en silence, ce qui semble rapprocher le postulat de Presence de celui de A Ghost Story, voire de Here (même si chez Zemeckis ce « spectre spectateur » n’était suggéré que de manière abstraite). L’idée de Presence est née dans l’esprit de Steven Soderbergh après avoir appris que la maison qu’il avait acquise avec son épouse était présumée hantée par l’esprit de la précédente locataire. Dans le traitement de dix pages qu’il écrit, le principe du regard du fantôme matérialisé par les mouvements de la caméra est déjà établi. Lorsqu’il soumet le fruit de ses réflexions au scénariste David Koepp (avec qui il avait collaboré sur le thriller Kimi), ce dernier est immédiatement emballé. Après tout, n’avait-il pas déjà brillamment abordé un thème voisin dans Hypnose ? Presence étant un projet très personnel, Soderbergh assure lui-même le montage et les prises de vues, obtenues avec une caméra numérique légère montée sur un petit stabilisateur. Le film est mis en boîte en trois semaines seulement, dans un décor unique, avec un budget de deux millions de dollars, afin d’en limiter les risques et de garder un contrôle total sur le résultat final.

La présence qui donne son nom au film nous accompagne entre les murs d’une grande maison de banlieue avant même que les protagonistes entrent en scène, histoire de nous familiariser avec le langage filmique que va adopter Soderbergh mais aussi de nous rendre nous-même témoins des événements. Comme le spectre, nous sommes des spectateurs/voyeurs, nous apprêtant à nous immiscer dans l’intimité des nouveaux arrivants en gardant nos distances. Bientôt débarque l’agent immobilier, suivi de près par la famille Payne : la mère Rebecca (Lucy Liu), le père Chris (Chris Sullivan), le frère aîné Tyler (Eddy Maday) et la sœur cadette Chloe (Callina Liang). Après quelques hésitations, ils décident de prendre possession des lieux. Mais tout n’est pas au beau fixe chez les Payne. Rebecca est obsédée par son travail et a commis des fraudes financières qui entament profondément la confiance de son époux. Tyler est un champion de natation arrogant qui fait l’admiration de sa mère. Quant à Chloe, elle pleure encore la mort de sa meilleure amie Nadia. Un peu délaissée, ultrasensible, Chloe sera la première à sentir cette présence surnaturelle qui glisse entre les murs…

Esprit voyeur

Soderbergh opte pour une mise en forme très primaire, collant de très près à son concept sans s’embarrasser de fioritures. La caméra reste donc la plupart du temps lointaine, en captant les actions au grand-angle, tandis que chaque plan-séquence s’interrompt par un écran noir silencieux avant d’enchaîner sur le suivant, comme si la première version brute du film sortie de la salle de montage était celle finalement choisie pour le résultat définitif. L’idée est intéressante, même si les mouvements de cette présence nous semblent bien trop humains pour être attribués à un être de l’au-delà. La vue subjective monte et descend les escaliers, se cache derrière les portes ou les placards, évite les meubles pour se frayer un chemin, bref ressemble à ce qu’elle est vraiment : le fruit du travail minutieux d’un réalisateur/cameraman chargé de tout filmer dans le décor en évitant de se casser la figure ! En effet, rien ne justifie que ce fantôme s’embarrasse des contraintes physiques et matérielles de ce bas-monde… à moins qu’il ne s’agisse des réflexes hérités de son ancienne vie ? La relative froideur du dispositif s’atténue progressivement, en grande partie grâce au naturel des quatre acteurs principaux et au lyrisme de la très belle musique de Zack Ryan qui casse un peu l’austérité du film. Au moment climax, lorsque la caméra décide de se rapprocher drastiquement des acteurs tandis que la situation est en train de basculer, un malaise soudain nous étreint. Car nous voilà impuissants face au drame qui se noue, tellement identifiés à cet esprit muet que nous aimerions qu’il agisse pour nous, qu’il prenne les choses en main, qu’il se comporte enfin en poltergeist digne de ce nom. La sensation est loin d’être inintéressante, même si Presence – pour audacieux et original qu’il soit – ne nous aura finalement convaincus qu’à moitié.

© Gilles Penso

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THE GORGE (2025)

Miles Teller et Anya Taylor-Joy incarnent deux tireurs d’élites chargés de surveiller un ravin au fond duquel se terrent de mystérieuses créatures…

THE GORGE

2025 – USA

Réalisé par Scott Derrickson

Avec Miles Teller, Anya Taylor-Joy, Sigourney Weaver, Sope Dirisu, William Houston, Kodna Holdbrook-Smith, James Marlowe, Julianna Kurokowa

THEMA MUTATIONS

 

C’est Zach Dean, scénariste de The Tomorrow War, qui est à l’origine de The Gorge. Son script, écrit spontanément sans commande spécifique d’un studio, fait le tour des maisons de production hollywoodiennes et finit par entrer dans la fameuse « Black List », celle des scénarios ultra-prometteurs n’ayant pas encore trouvé acquéreur. Ce sont finalement Skydance Media et Apple Original Film qui décident de s’associer pour financer le film, dont les hautes ambitions nécessitent un budget conséquent. Aussi à l’aise avec les production modestes (Sinister, Black Phone) qu’avec les blockbusters (Doctor Strange), Scott Derrickson se voit confier la mise en scène de ce long-métrage hybride. The Gorge présente en effet la particularité de se situer aux confluents de plusieurs genres : la science-fiction, l’horreur, l’action, l’espionnage, le thriller et la romance. Pour les rôles principaux, la production penche pour Miles Teller (Les Quatre Fantastiques) et Anya Taylor-Joy (Furiosa : une saga Mad Max). En lisant le scénario, les deux acteurs ont la surprise d’y découvrir des clins d’œil à deux des rôles qui les rendirent populaires. L’un y joue en effet de la batterie, comme dans Whiplash, et l’autre se lance dans des parties d’échecs, comme dans Le Jeu de la dame. « Bizarrement, c’était dans le scénario depuis le tout début, avant même que nous soyons attachés à ce projet », révèle Teller (1). « On a trouvé ça un peu exagéré et on a essayé de faire retirer ces scènes », ajoute Taylor-Joy. « Mais ils nous ont répondu que ces choses aidaient les personnages à faire connaissance » (2). Le double clin d’œil subsiste donc à l’écran.

The Gorge met en scène deux snipers qui sont chargés à distance d’une mission identique : tenir leur position pendant un an, chacun d’un côté opposé d’une gorge abyssale, sans aucun contact avec l’extérieur ni avec leur homologue d’en face. Levi Kane (Miles Teller), ex-sniper de la Marine reconverti en mercenaire, hérite de la tour ouest. Drasa (Anya Taylor-Joy), espionne lituanienne au service du Kremlin, garde l’est. Chacun d’eux lutte contre ses propres démons comme il peut. Tandis que Levi est hanté par les fantômes des cibles qu’il a abattues, Drasa est obsédée à l’idée que son père, rongé par un cancer, ait décidé d’écourter ses souffrances pour rejoindre sa défunte épouse le jour de la Saint-Valentin. À son arrivée, Levi relève son prédécesseur qui lui apprend qu’en plus des tours, des tourelles automatiques surveillent la zone, des antennes masquent l’endroit du reste du monde et des mines tapissent les parois. Pourquoi tant de précautions ? Parce qu’en bas, dans les ténèbres, quelque chose de monstrueux rôde…

La peur qui rôde

Si la situation de départ est très intrigante, Scott Derrickson ne peut s’empêcher de céder à un certain nombre de facilités, bardant cette romance à distance de clichés, concoctant des séquences de suspense difficilement crédibles (même avec la meilleure volonté du monde), expédiant en deux coups de cuiller à pot son climax et son épilogue. Sans compter ce recours toujours un peu paresseux aux films d’archives (une vieille bobine qui traine au bon endroit, un fichier vidéo immédiatement accessible dans un ordinateur sans âge) pour tout expliquer (un gimmick sans doute hérité de Sinister). Pourtant, le film reste miraculeusement captivant grâce à la force de son concept, à ses acteurs épatants (dont l’alchimie à l’écran est indiscutable) et au design hallucinant du monde infernal qui s’est développé au fin fond de la gorge. Ces créatures impensables, mêlant la morphologie des hommes, des arbres, des insectes et des reptiles, nous évoquent tour à tour les monstruosités de The Thing, les aberrations biologiques d’Annihilation ou les abominations des écrits de Lovecraft, tandis que le décor infernal dans lequel grouillent ces erreurs de la nature s’inspire des œuvres du peintre surréaliste polonais Zdzislaw Beksinski. Malgré ses invraisemblances et ses raccourcis, The Gorge reste donc une très agréable surprise, sa diffusion sur la plateforme Apple TV + ayant été très chaleureusement accueillie.

(1) et (2) Extraits d’interviews parues dans Entertainment Weekly en février 2025

© Gilles Penso

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AMAZON RACHÈTE 007 : QUELLES CONSÉQUENCES ?

Jeff Bezos se paie la franchise James Bond. Voilà de quoi secouer et agiter les fans de l'espion imaginé par Ian Fleming…

PUBLIÉ LE 22 FÉVRIER 2025

James Bond a troqué son permis de tuer pour un abonnement Amazon. En février 2025, Amazon a acquis le contrôle créatif de la franchise 007 (après le rachat de MGM en mai 2021 pour 8,45 milliards de dollars), marquant la fin d’une ère où les producteurs historiques, Michael G. Wilson et Barbara Broccoli, tenaient fermement les rênes. Après près de 60 ans de service, tous deux ont annoncé leur retrait pour se consacrer à des projets personnels. Les Bondophiles que nous sommes ont légitimement accueilli la nouvelle avec beaucoup de perplexité. Comment ne pas redouter que l’essence même de l’espion qu’on aimait soit dénaturée par une surabondance de contenus (spin-off et produits dérivés en pagaille) ? Les critiques pointent du doigt quelques précédents peu probants, comme la série Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, jugée décevante par une partie du public. Le scénariste John Logan lui-même (Skyfall, Spectre) a exprimé ses inquiétudes dans une tribune, appelant Amazon à ne pas « secouer ni agiter » l’agent secret. Beaucoup ont tôt fait de comparer Jeff Bezos à Blofeld (il y a certes un petit air de ressemblance, reconnaissons-le), architecte tout-puissant de la mort annoncée de l’agent 007. Rien n’empêche cependant d’avoir une approche optimiste et de voir dans ce rachat une opportunité de revitaliser la franchise en explorant de nouvelles directions créatives, avec des ressources financières et technologiques accrues. Après tout, n’avions-nous pas abandonné notre agent secret préféré dans un bien triste état à la fin de Mourir peut attendre ? Sans doute est-il temps de le ressusciter…

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POPEYE’S REVENGE (2025)

Le sympathique marin fumeur de pipe et mangeur d’épinards se transforme en croquemitaine assoiffé de sang dans ce slasher improbable…

POPEYE’S REVENGE

 

2025 – GB

 

Réalisé par William Stead

 

Avec Emily Mogilner, Connor Powles, Danielle Ronald, Steven Murphy, Kelly Rian Sanson, Max Arlott, Bruno Cryan, Kathi DeCouto, Kyle Jordan, Oliver Mason

 

THEMA TUEURS

En 2025, Popeye tombe dans le domaine public. Aussitôt, tout devient possible, y compris les projets les plus improbables. Coup sur coup, trois films d’horreur détournant l’imagerie du marin imaginé par E.C. Segar sont ainsi mis en chantier. Précédant de peu Shiver Me Timbers et Popeye the Slayer Man débarque donc Popeye’s Revenge, initié par la petite compagnie de production ITN qui n’en est pas à son coup d’essai en ce domaine. Ils produisirent en effet Winnie the Pooh : Blood and Honey en 2023, dont le petit succès motiva la réalisation d’une suite mais aussi d’autres slashers se réappropriant des personnages pour enfants, comme Cinderella’s Curse, Mouse of Horrors, Bambi : The Reckoning ou Le Cauchemar de Peter Pan. Écrit par Harry Boxley (Piglet’s Return) et réalisé par William Stead (Children of the Night), Popeye’s Revenge réinvente complètement l’histoire du matelot féru d’épinards. Le dessin animé aux traits naïfs qui introduit le film nous apprend qu’il est né sous le prénom de Johnny. A cause de son physique étrange (notamment des avant-bras disproportionnés), l’enfant suscite les moqueries de ses camarades et finit par en tuer un dans un accès de colère incontrôlable. La population locale encercle alors sa maison et y met le feu, tandis que le tout jeune Johnny/Popeye se noie dans le lac voisin.

Quinze ans plus tard, alors que cette histoire est considérée par beaucoup comme une légende urbaine, trois réalisateurs de vidéos pour les réseaux sociaux débarquent dans la région pour relancer leur nombre en baisse de followers. Le nouvel épisode de « The Haunted Houses of Evils » sera donc consacré à Popeye. Or ce dernier, devenu un tueur désaxé au visage à moitié brûlé, surgit bientôt pour massacrer le trio. Après cette entrée en matière saignante, le film nous présente Tara (Emily Mogilner), dont la mère vient d’hériter de la maison de Popeye. La jeune fille sollicite six amis pour partir retaper les lieux dans l’espoir d’en faire une attraction pour touristes. Le groupe s’installe donc sur place, la plupart ne pensant qu’à boire, fricoter et passer du bon temps, évidemment. On sent bien que Popeye’s Revenge cherche à marcher sur les traces de Vendredi 13, dont il reprend l’idée de l’enfant difforme noyé dans un lac qui revient à l’âge adulte pour massacrer un groupe de jeunes venus séjourner dans les bois voisins. L’idée du brouillard surnaturel qui charrie avec lui une ancienne malédiction semble quant à elle empruntée à Fog, tandis que la backstory qui entoure le passé du personnage évoque celle de Freddy Krueger.

Sang d’ancre

Bref, nous voilà en terrain connu, et de ce point de vue Popeye’s Revenge ne cherche pas à réinventer la roue. Les protagonistes sont donc bardés de stéréotypes (les bimbos écervelés, la fille plus futée que les autres, le playboy, l’idiot maladroit) et s’isolent à tour de rôle dans des coins sinistres pour se muer en chair à saucisse sous les coups répétés du croquemitaine psychopathe. Étonnamment, malgré l’absurdité de son concept (un slasher avec Popeye quand même !), le film se prend très au sérieux, les acteurs essaient de jouer avec conviction, le scénario s’efforce même de s’intéresser à leurs problèmes personnels et à leurs états d’âme. Les mises à mort restent inventives, avec une mention spéciale pour le garçon qui se retrouve avec une ancre plantée dans le sexe, puis la colonne vertébrale extirpée à mains nues et enfin la tête arrachée ! Il nous semble même déceler au détour d’un autre meurtre un hommage à L’Enfer des zombies. Recyclant de manière ludique l’imagerie classique du personnage tel qu’il fut popularisé dans les dessins animés des frères Fleischer (les gros bras, la pipe, les boites d’épinard), le film bénéficie d’une mise en forme très soignée, notamment une belle photo qui capitalise sur les effets de brume prise dans les faisceaux lumineux. Pas de quoi crier au génie, bien sûr, mais nous sommes un cran au-dessus du peu palpitant Winnie the Pooh : Blood and Honey.

 

© Gilles Penso

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COMPANION (2025)

Trois couples se retrouvent dans une cabane au milieu des bois. La situation semble paisible, mais les choses ne tardent pas à dégénérer…

COMPANION

 

2025 – USA

 

Réalisé par Drew Hancock

 

Avec Sophie Thatcher, Jack Quaid, Lukas Gage, Megan Suri, Harvey Guillen, Rupert Friend, Jaboukie Young-White, Matt McCarthy, Marc Menchaca

 

THEMA ROBOTS

Après avoir marqué les esprits grâce à son premier long-métrage Barbare, Zach Cregger envisage de mettre en scène Companion, écrit par son ami Drew Hancock, scénariste et réalisateur pour la télévision depuis une vingtaine d’années. Réflexion faite, Cregger préfère produire le film et laisser à Hancock le soin de le diriger lui-même. Et si Companion n’a finalement aucun lien direct avec Barbare, un point commun les unit tout de même : dans les deux cas, mieux vaut ne rien savoir du film avant de le regarder pour préserver les multiples surprises que réserve le scénario. On se perd d’ailleurs en conjectures sur la nature de Companion. Est-ce un thriller ? Un film noir ? Un film d’horreur ? Un film de science-fiction ? Une comédie ? C’est volontairement que ce premier long-métrage échappe à toutes les étiquettes, même si l’intention initiale de Drew Hancock était de se lancer dans un pur film de genre. C’est au fur et à mesure de l’écriture que la juste tonalité s’est imposée, quitte à balayer les codes traditionnels ou du moins à les réorganiser sous un jour inhabituel. « Je vois surtout le film comme un drame relationnel », explique l’auteur/réalisateur. « C’est le cœur de l’intrigue. C’est l’histoire d’une rupture, celle d’une femme qui fait face à une relation toxique et tire sa force de la découverte de soi. » (1)

Le film met en scène Sophie Thatcher (Heretic) et Jack Quaid (The Boys) dans le rôle d’Iris et Josh, un couple qui part en week-end dans une maison isolée au bord d’un lac pour y rencontrer leur amie Kat, le couple Eli et Patrick, ainsi que Sergey, le petit ami de Kat qui est propriétaire de la maison. Voilà pour le point de départ. La tonalité est légère, détendue, guillerette même, ce qui n’empêche pas certaines tensions sous-jacentes d’affleurer. Nous n’en dirons pas plus sur l’intrigue, mais ce qui suit risque de révéler quelques points clés. Pour éviter tout spoiler, mieux vaut donc passer au paragraphe suivant. De nombreux indices liés à la véritable nature d’Iris jalonnent le récit dès l’entame, mais ce n’est qu’au bout de 24 minutes de métrage que son statut de robot est ouvertement révélé. Là où l’on aurait pu attendre un schéma narratif classique dénonçant les travers de l’intelligence artificielle et les dangers encours par l’humanité face à un androïde qui deviendrait autonome et prendrait des initiatives, Hancock a la bonne idée d’inverser le processus pour placer la thématique sur un autre plan. Son questionnement est donc le suivant : et si, à force d’être assistés par des machines intelligentes, nous en devenions les esclavagistes, quitte à développer de nouveaux comportements abusifs et immoraux sous prétexte que nous en sommes les « maîtres » ?

Imprévisible

L’atout majeur de Companion est sa capacité à sans cesse rebondir d’une péripétie à l’autre sans jamais laisser aux spectateurs la possibilité de savoir où les emmènera cette intrigue décidément insaisissable. La première surprise est loin d’être la plus importante, dans la mesure où la campagne marketing du film – y compris son poster – a largement laissé deviner au public « le pot-aux-roses ». C’est la suite qui est intéressante, car elle est révélatrice des comportements, des faiblesses et des bassesses, tout en nous interrogeant sur notre propre humanité. Précise, fine mais jamais excessivement maniérée (ç’aurait pu être l’un de ses travers), la mise en scène de Drew Hancock sert à merveille ce récit rocambolesque et laisse toute la latitude nécessaire aux acteurs pour s’exprimer pleinement. À ce titre, les prestations savoureuses de Sophie Thatcher et Jack Quaid emportent immédiatement le morceau et permettent aux spectateurs de s’attacher à eux pour mieux être désarçonnés quelques séquences plus tard. Companion réussit même à éviter le piège dans lequel tombait Barbare lors de son dernier acte – un climax grandguignolesque et peu crédible – pour conserver jusqu’au bout sa cohérence et sa fraîcheur.

 

(1) Extrait d’un entretien publié sur FlickDirect en février 2025

 

© Gilles Penso

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CAPTAIN AMERICA : BRAVE NEW WORLD (2025)

28 ans après Air Force One, Harrison Ford redevient président des États-Unis tandis que le nouveau Captain America tente d’empêcher un conflit mondial…

CAPTAIN AMERICA BRAVE NEW WORLD

 

2025 – USA

 

Réalisé par Julius Onah

 

Avec Anthony Mackie, Harrison Ford, Danny Ramirez, Shira Haas, Carl Lumbly, Tim Blake Nelson, Giancarlo Esposito, Xosha Roquemore

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I MARVEL CINEMATIC UNIVERSE I CAPTAIN AMERICA

À partir de 2021, année au cours de laquelle le studio Marvel entama la diffusion de ses propres séries sur la plateforme Disney +, un lien étroit s’est tissé entre les aventures télévisées et cinématographiques des super-héros de la « Maison des idées ». Pour ceux qui n’étaient pas familiers avec les shows Marvel du petit écran, certaines pièces du puzzle de ce gigantesque univers étendu commençaient à manquer. Sans avoir vu Wandavision, il n’était pas simple de saisir les motivations de la Sorcière Rouge dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness. Pour comprendre qui était le super-vilain de Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, mieux valait avoir vu Loki. Ceux qui avaient raté Ms. Marvel ne pouvaient pas connaître la jeune Kamala Khan de The Marvels. Captain America : Brave New World suit la même logique mais pousse le bouchon un peu plus loin. En effet, à moins d’avoir suivi les six épisodes de Falcon et le Soldat de l’hiver, difficile d’accepter que le super-soldat à la bannière étoilée ait changé de visage pour prendre celui de Sam Wilson, alias Anthony Mackie. Marvel pousse ainsi à la consommation, tout en reprenant le principe feuilletonnant que Stan Lee avait instauré dans les années 60 en incitant les lecteurs à lire toutes les séries des comics Marvel via une multitude de crossovers.

Captain America est donc désormais équipé non seulement d’un bouclier mais aussi d’ailes quasi-supersoniques et de tout un arsenal qui permet de compenser l’absence de super-pouvoirs. Il est également flanqué d’un sidekick censé nous faire rire et nous émouvoir (un double objectif pas vraiment atteint, avouons-le tout de suite) en la personne de Joaquin Torres (Danny Ramirez) qui devient par conséquent le nouveau Faucon. Cette redistribution des cartes implique aussi l’autre tête d’affiche du film, Harrison Ford, qui entre dans la peau de l’ex-général Ross devenu président des États-Unis. Ford remplace le regretté William Hurt, qui jouait Ross dans L’Incroyable Hulk de Louis Leterrier. Captain America : Brave New World tisse aussi des liens avec Les Éternels via la gigantesque statue céleste à moitié-immergée dans l’océan Indien qui devient ici l’objet de toutes les convoitises, jusqu’à ce qu’un incident international menace de déclencher un conflit mondial. Pas moins de cinq scénaristes sont sollicités pour essayer de mettre un peu d’ordre dans ce chaos et construire une intrigue cohérente. Hélas, l’union ne fait pas toujours la force, et il faut bien reconnaître que le script de ce quatrième Captain America estampillé Marvel n’est pas son point le plus fort. Un certain nombre de rebondissements fonctionnent, certes, mais le gros de l’intrigue, sa structure déséquilibrée et ses longs tunnels de dialogues laissent perplexes.

Service minimum

Étant donné que Julius Onah (The Cloverfield Paradox) assure le service minimum côté mise en scène, en s’appuyant beaucoup sur les animatiques des équipes des effets visuels pour toutes les séquences d’action, il nous semble voir un film techniquement maîtrisé mais sans style ni parti pris. Les combats, séquences de voltige, cascades, fusillades, explosions saturent donc l’écran avec générosité mais nous laissent un peu indifférents. Dans un registre voisin, Captain America : Le Soldat de l’hiver ou Captain America : Civil War nous convainquaient beaucoup plus. Quant à la bagarre musclée entre Sam Wilson et le Hulk rouge, vendue comme le clou du spectacle sur tous les posters et dans toutes les bandes annonce, elle ne manque certes pas de brutalité mais tourne court beaucoup trop vite et s’achève en queue de poisson. L’élément sans doute le plus intéressant du film – même s’il est très sous-exploité – est le « syndrome de l’imposteur » dont souffre Wilson, toujours inquiet à l’idée de ne pas se montrer à la hauteur de l’héritage que lui a légué Steve Rogers. Anthony Mackie n’a rien perdu de son charisme et assume le rôle avec beaucoup de prestance. Harrison Ford, lui, redevient président des USA 28 ans après Air Force One, mais sous un jour plus grincheux et plus renfrogné, dans l’esprit des rôles que l’ex-Indiana Jones a tendance à jouer en pilote automatique depuis qu’il a atteint l’âge vénérable de 80 ans. Voilà donc un épisode raisonnablement divertissant mais pas particulièrement palpitant. C’est le lot de beaucoup de films Marvel, hélas.

 

© Gilles Penso

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