WALKING DEAD (THE) (2010-2022)

Cette adaptation à succès d’un célèbre comic book nous offre un aperçu glaçant de la fin du monde et réinvente le mythe du mort-vivant…

THE WALKING DEAD

 

2010/2022 – USA

 

Créée par Frank Darabont

 

Avec Andrew Lincoln, Norman Reedus, Melissa McBride, Lauren Cohan, Danai Guira, Christian Serratos, Josh McDermitt, Seth Gilliam, Jeffrey Dean Morgan

 

THEMA ZOMBIES I SAGA WALKING DEAD

L’apocalypse zombie, comme toute catastrophe à grande échelle, est le meilleur moyen de révéler les personnalités et les failles de chacun. C’est sans conteste la force première de cette série à la longévité impressionnante, s’appuyant sur un comic book créé en 2003 par Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard. Frank Darabont ouvre les hostilités avec une première saison qui, aujourd’hui encore, reste un modèle du genre. Familier du cinéma d’horreur dont il fut toujours un ardent défenseur, le réalisateur des Évadés et de La Ligne verte (qui fut aussi, on l’oublie souvent, scénariste de Freddy 3, Le Blob et La Mouche 2) paie respectueusement son tribut à La Nuit des morts-vivants et à Zombie de George Romero, auxquels The Walking Dead doit tout, pour brosser le portrait intimiste d’une poignée de survivants sans cesse confrontés à des choix moraux qui définissent leurs traits de caractère et poussent sans cesse les spectateurs à s’interroger sur ce qu’ils feraient eux-mêmes en pareille situation. Il n’était pas simple de réinventer ce sous-genre surexposé sur les écrans depuis le succès de 28 jours plus tard et L’Armée des morts. Si la série ne se réfrène jamais sur les effets gore et les maquillages spectaculaires (confiés aux bons soins de Greg Nicotero et Howard Berger), son axe dramatique majeur reste l’humain et sa réaction face à l’anéantissement du monde.

Car plus la série avance, plus il devient évident que le plus dangereux des monstres n’est pas le zombie lui-même (ou « walker », « rôdeur », « mordeur », « errant », « putréfié », les surnoms ne manquent pas) mais l’humain revenu à l’état bestial. Tuer ou être tué devient vite le leitmotiv d’une terre dévastée où même les plus vertueux basculent dans la sauvagerie et où l’enfer, comme le craignait Jean-Paul Sartre, ce sont surtout les autres. Mais c’est aussi dans cette terrible adversité que certaines brutes épaisses peuvent révéler d’insoupçonnables trésors d’humanité. En ce sens, la trajectoire du personnage de Darryl, rapidement devenu le chouchou de la série, se révèle fascinant. Et puisque la loi du plus fort règne sur cette Terre où la technologie s’est peu à peu effacée, les codes du western s’invitent souvent dans The Walking Dead. Rick, le héros à travers lequel sont vécues la grande majorité des péripéties, s’érige donc en shérif dont il conserve précieusement l’uniforme en début de série.

L’enfer des zombies

À travers leur longue errance, les protagonistes de The Walking Dead (dont le groupe ne cesse de se reconfigurer au fil des morts violentes et des nouvelles rencontres) vivent à la fois un cauchemar éveillé et un voyage initiatique dont l’enjeu majeur reste leur survie physique mais aussi mentale. Car s’ils cèdent à la tentation de basculer dans des excès qui les muent en ce contre quoi ils luttent, ils finiront eux-mêmes par devenir les « walking deads », les morts qui marchent. La série parvient miraculeusement à se renouveler de saison en saison, élargissant son scope à mesure que l’humanité se réorganise en clans tour à tour pacifiques, belliqueux ou dictatoriaux. Après le climax explosif de sa huitième année, la série joue un peu artificiellement les prolongations, alternant le meilleur et le moins bon en essayant de varier les plaisirs. Sans doute aurait-il fallu savoir s’arrêter plus tôt pour éviter de s’achever sur une note mitigée. The Walking Dead demeure malgré tout un moment de télévision très intense. Grand pourvoyeuse de spin-off, la série donnera naissance à Fear the Walking Dead (2015), World Beyond (2020), Tales of the Walking Dead (2022), Dead City (2023), Daryl Dixon (2023) et The Ones Who Live (2024).

 

 

© Gilles Penso


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MOON KNIGHT (2022)

Oscar Isaac incarne les deux facettes d’un super-héros atypique dont les origines trouvent leurs racines dans la mythologie égyptienne…

MOON KNIGHT

 

2022 – USA

 

Créée par Jeremy Slater

 

Avec Oscar Isaac, May Calamawy, Karim El Hakim, F. Murray Abraham, Ethan Hawke, Ann Akinjirin, David Ganly, Khalid Abdalla, Gaspard Ulliel

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

C’est en 1975 que les lecteurs des comic books Marvel découvrent Moon Knight (« Le Chevalier de la Lune » dans les premières traductions françaises), sous la plume de Doug Moench et le crayon de Don Perlin. D’abord personnage secondaire d’une aventure de « Werewolf by Night », ce super-mercenaire sous haute influence de Batman est suffisamment populaire pour avoir droit à sa propre série en 1980, à l’occasion de laquelle ses origines (jugées un peu trop « triviales ») sont entièrement réécrites. Son passage à l’écran est envisagé dans la seconde saison de Blade, en tant que guest-star partageant momentanément l’affiche avec le chasseur de vampires incarné par Sticky Fingaz. Mais la série est annulée en septembre 2006. Le « Chevalier de la Lune » va donc devoir attendre la création du Marvel Studio et le lancement des mini-séries destinées à la plateforme Disney + pour enfin faire ses premiers pas à la télévision. C’est Jeremy Slater, créateur des séries L’Exorciste et Umbrella Academy, qui est chargé de développer Moon Knight, la réalisation étant confiée à Mohamed Diab (Les Femmes du bus 678, Clash, Amira) et aux duettistes Justin Benson et Aaron Moorhead (déjà à l’œuvre sur Loki). Quant au rôle principal, il est confié à Oscar Isaac, déjà familier avec l’univers Marvel puisqu’il joue le super-vilain de X-Men Apocalypse et prête sa voix à Miguel O’Hara dans Spider-Man New Generation et ses suites.

Isaac incarne Steven Grant, modeste employé d’une boutique de souvenirs au British Museum de Londres. Passionné par l’Égypte ancienne, cet homme réservé et maladroit est souvent victime de trous de mémoire qui le plongent dans des situations embarrassantes. Il n’est pas rare qu’il se réveille dans des endroits totalement inconnus sans savoir ce qu’il a fait au cours des dernières heures. Serait-il victime de crises de somnambulisme ? À moins que la schizophrénie ne le guette, ce que laisse imaginer cette voix mystérieuse qui résonne parfois dans sa tête. En réalité, Steven souffre d’un trouble dissociatif de l’identité. Sa seconde personnalité est Marc Spector, un mercenaire américain embarqué dans une mission compliquée qui implique les dieux égyptiens. Partageant malgré eux le même corps, Steven et Marc vont devoir collaborer pour affronter l’inquiétant Arthur Harrow (Ethan Hawke), épauler l’intrépide Layla El-Faouly (May Calamawy) et maîtriser les super-pouvoirs dont les dote Khonshu, le dieu de la Lune…

Le Chevalier de la Lune

Habitué aux grands écarts artistiques, aux métamorphoses et aux registres extrêmement variés, Oscar Isaac semblait taillé sur mesure pour incarner un homme aux personnalités multiples. L’acteur accentue la différence en dotant Steven d’un accent anglais volontairement excessif et d’une affectation qui contraste avec la rigidité et la détermination de Marc. La mise en scène joue habilement avec les reflets (dans les miroirs, dans l’eau, dans les surfaces brillantes) pour permettre aux deux personnages de dialoguer entre eux. Les séquences d’archéologie au fin fond de sites égyptiens souterrains évoquent bien sûr Les Aventuriers de l’arche perdue et, par rebond, La Momie de Stephen Sommers. May Calamawy n’est d’ailleurs pas sans nous rappeler Rachel Weisz avec qui elle présente une certaine ressemblance. La série déborde donc d’idées originales, de rebondissements surprenants, de créatures mythologiques (parmi lesquelles un chacal monstrueux, mélange du chien de la terreur de S.O.S. fantômes et de la créature hybride de Lectures diaboliques) et de personnages colorés (l’antagoniste illuminé campé par Ethan Hawke, le trafiquant véreux que joue Gaspar Ulliel). Revers de la médaille, ce foisonnement a tendance à éparpiller les enjeux de la série dont l’intrigue part un peu dans tous les sens. Une narration plus resserrée aurait sans doute offert à Moon Knight la possibilité de dépasser son simple statut de série sympathique et divertissante pour lui permettre de marquer plus durablement les esprits.

 

© Gilles Penso

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HAWKEYE (2021)

L’archer des Avengers est contraint de faire équipe avec une jeune admiratrice pour affronter une foule de gangsters armés jusqu’aux dents…

HAWKEYE

 

2021 – USA

 

Créée par Jonathan Igla

 

Avec Jeremy Renner, Hailee Steinfeld, Tony Dalton, Alaqua Cox, Vera Farmiga, Florence Pugh, Linca Cardellini, Ben Sakamoto, Ava Russo, Cade Woodward

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Après les événements survenus dans Avengers Endgame, le studio Marvel envisage de consacrer plusieurs longs-métrages à certains super-héros populaires de « l’écurie » n’ayant pas encore eu lieu à leur aventure solo. Les deux premiers envisagés sont la veuve noire Natasha Romanoff et l’archer Clint Barton. Les acteurs principaux directement concernés donnent leur accord. Si Black Widow se concrétise bien sur grand écran (parallèlement à une diffusion sur la plateforme Disney +, ce qui entraînera des poursuites judiciaires initiées par Scarlett Johansson invoquant le non-respect du contrat initialement établi), Hawkeye devient pour sa part une mini-série directement destinée à la plateforme de streaming, ce que Jeremy Renner accepte au grand soulagement du producteur Kevin Feige (deux procès d’affilée, ça ferait désordre dans le monde merveilleux de Walt Disney). Alors que Black Widow tirait à la ligne en déployant laborieusement une intrigue bien peu palpitante revenant aux origines du personnage (l’option du flash-back étant la seule viable suite à la mort de l’héroïne), Hawkeye installe son intrigue dans la continuité directe d’Avengers Endgame et s’articule volontairement autour de péripéties « terre-à-terre » mieux adaptées à la personnalité de « l’œil de faucon ».

Après le combat homérique des Avengers contre Thanos, Clint Barton a décidé de prendre sa retraite et s’apprête à passer Noël en famille. Mais ses plans se retrouvent bouleversés lorsque Kate Bishop, une jeune virtuose du tir à l’arc qui s’improvise justicière, entre en possession de son ancien de costume de Ronin (à l’époque où il agissait comme un redoutable tueur sur gages sans état d’âme) et se retrouve donc avec tous les anciens ennemis de Hawkeye aux trousses. Pour l’empêcher de tomber entre leurs griffes, Barton doit donc prolonger son séjour à New York et faire équipe à contrecœur avec cette apprentie-super-héroïne contre une armada de tueurs, deux guerrières redoutables et un super-vilain – bien connu des amateurs de Marvel – qui tire toutes les ficelles et reste caché dans l’ombre jusqu’au dernier épisode…

L’étrange Noël de Monsieur Hawk

Il faut bien avouer que l’intrigue élaborée par le scénariste Jonathan Igla nous laisse gentiment indifférents. Opposer le super-héros à de simples gangsters (répondant au nom ridicule de « gang des survêts »), lui coller dans les pattes une jeune admiratrice et un gentil toutou, faire converger toutes les péripéties vers un enjeu dérisoire et pétri de bons sentiments (Clint retrouvera-t-il à temps sa famille pour fêter Noël ?), tout ça n’a rien de particulièrement palpitant. Jeremy Renner semble d’ailleurs ne pas trop savoir lui-même ce qu’il fait là, traînant son visage de chien battu pendant toute la série, tandis que l’excellente Vera Farmiga (Bates Motel, Esther) est réduite à camper un personnage archétypal et sans nuances. C’est finalement la jeune Hailee Steinfeld qui s’en sort le mieux, plutôt convaincante dans la peau de la justicière néophyte. Que retenir au final de Hawkeye ? Quelques combats bien orchestrés, un épisode final joyeusement mouvementé où se déploient les flèches-gadgets les plus improbables, une savoureuse fausse comédie musicale consacrée aux exploits des Avengers… et c’est à peu près tout. Cette mini-série reste donc très anecdotique, d’autant qu’elle bâcle l’apparition du « boss final » que le scénario expédie le temps d’un épilogue bien décevant.

 

© Gilles Penso


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LOKI (2021-2023)

Le demi-frère de Thor a droit à sa propre série TV et s’embarque dans une odyssée vertigineuse à travers les univers parallèles…

LOKI

 

2021/2023 – USA

 

Créée par Michael Waldron

 

Avec Tom Hiddleston, Sophia Di Martino, Owen Wilson, Gubu Mbatha-Raw, Wunmi Mosaku, Eugene Cordero, Tara Strong, Sasha Lane, Jack Veal, DeObia Oparel

 

THEMA SUPER-HÉROS I VOYAGES DANS LE TEMPS I MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les séries Marvel se suivent mais ne se ressemblent pas. Après les mondes virtuels télévisuels créés par la sorcière rouge dans WandaVision et les luttes anti-terroristes musclées de Falcon et le Soldat de l’hiver, place aux facéties surnaturelles du frère turbulent de Thor. L’idée reste toujours de donner la vedette aux « seconds rôles » de l’univers Marvel en leur offrant à chaque fois un récit taillé sur mesure. Alors qu’il vient de voler le Tesseract pendant les événements décrits dans Avengers Endgame, Loki s’échappe en tout début de série mais tombe immédiatement sous la coupe du TVA : Time Variance Authority en anglais, Tribunal des Variations Anachroniques en français, donc rien à voir bien sûr avec notre taxe sur la valeur ajoutée. Il s’agit d’une organisation qui existe hors des limites de l’espace-temps et surveille de près les perturbations de la ligne temporelle. Le prologue de la série nous transporte ainsi dans une bureaucratie absurde et rétro-futuriste digne de Terry Gilliam. Un dessin animé didactique (mélange de celui de Jurassic Park et des croquis de Doc Brown dans Retour vers le futur 2) mettant en vedette une montre parlante nous permet de comprendre à quoi nous avons affaire. Dès qu’un individu s’éloigne de sa ligne de temps, il se mue en variant et bouleverse le continuum spatio-temporel. Les agents du TVA interviennent alors.

Le dieu de la malice qui vient d’être appréhendé est donc un variant que le Tribunal des Variations Anachroniques a décidé d’effacer de l’existence. Mais un autre variant est en train de voyager dans le temps en semant la mort et la désolation. Notre Loki alternatif se voit donc offrir une seconde chance, à condition qu’il pourchasse et capture ce criminel insaisissable. Il semble être le choix idéal pour cette mission, dans la mesure où le variant hors-la-loi se révèle être une autre version de lui-même ! Voilà qui s’annonce prometteur et pour le moins original. Encore faut-il adhérer à ce concept scénaristique farfelu et aux innombrables règles qui le régissent, édictées méthodiquement tout au long de la série à l’attention de Loki (et par rebond aux téléspectateurs bien sûr). Généralement, ce type d’exposition à rallonge n’est pas bon signe, signe que les scénaristes sont contraints de détailler par le menu leurs mécanismes narratifs de peur qu’ils ne soient pas assez limpides. La série s’efforce certes de nous distraire, de nous amuser, de nous surprendre, de nous émouvoir même parfois, mais comment se laisser captiver par ce récit sans queue ni tête qui ne cesse de se remettre en question pour l’amour du coup de théâtre et du retournement de situation ?

Avec ou sans TVA ?

Il y avait pourtant une intrigue passionnante à bâtir autour du destin, du choix et du libre-arbitre, mais ces thèmes ne sont que survolés au hasard d’une poignée de répliques distraitement échangées par les personnages. Les choses s’améliorent avec la seconde saison, en grande partie grâce à l’arrivée des réalisateurs Aaron Moorhead et Justin Benson qui, malgré la grosse machinerie Disney/Marvel, parviennent à imposer leur style personnel en jouant avec les paradoxes temporels déjà au cœur de plusieurs de leurs propres films (Resolution, The Endless, Synchronic). Sous leur impulsion, le suspense, l’action et l’humour s’équilibrent mieux, sans pour autant sauver totalement les meubles, malgré la présence toujours très réjouissante de Ke Huy Quan et malgré le concours de cabotinage amusant dans lequel ne cessent de lancer Tom Hiddleston et Owen Wilson. Le problème majeur de Loki est le manque de tangibilité de ses enjeux dramatiques. L’existence même du monde tel que nous le connaissons est menacée, mais puisque tout semble pouvoir se faire et se défaire, à quoi bon s’inquiéter ? La série s’entache aussi de quelques choix douteux, comme ce placement de produit insistant qui donne parfois le sentiment que les épisodes sont des spots de pub géants pour McDonald’s !

 

© Gilles Penso

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FALCON ET LE SOLDAT DE L’HIVER (2021)

Les deux anciens partenaires de Captain America font équipe pour stopper les agissements d’un groupe terroriste doté de super-pouvoirs…

THE FALCON AND THE WINTER SOLDIER

 

2021 – USA

 

Créée par Malcolm Spellman

 

Avec Anthony Mackie, Sebastian Stan, Emily VanCamp, Wyatt Russell, Erin Kellyman, Daniel Brühl

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Si WandaVision s’amusait à détourner les codes des sitcoms américaines pour plonger plusieurs personnages de Marvel dans une aventure décalée à contre-courant des attentes du public, Falcon et le soldat de l’hiver entre dans le rang en proposant une approche moins excentrique et plus conventionnelle. D’ailleurs, cette série devait initialement précéder WandaVision dans le calendrier des diffusions sur la chaîne Disney +. On sent bien ici la volonté de compenser la lourde perte de Captain America à la fin d’Avengers Endgame en donnant la vedette à ses deux co-équipiers, autrement dit le soldat « bionique » Bucky Barnes et l’homme-oiseau Sam Wilson, toujours incarnés par leurs interprètes sur grand écran, autrement dit Anthony Mackie et Sebastian Stan. Tous deux se lancent dans une enquête liée aux agissements violents des « Flag Smashers », un groupe terroriste qui possède des capacités physiques hors du commun et qui cherche à faire revenir le monde à son état initial, c’est-à-dire avant que « l’éclipse » provoquée par Thanos ne change la donne. Leurs pouvoirs leur viennent du sérum du super-soldat qui donna jadis naissance à Captain America. Comment l’ont-ils obtenu ? Comment les arrêter avant qu’ils ne plongent le monde dans le chaos ? Telles sont les réponses auxquelles vont devoir répondre nos deux justiciers…

Le concept de Falcon et le soldat de l’hiver semble vouloir emprunter ses gimmicks à la tradition des buddy movies, dont deux des mètres étalons majeurs demeurent L’Arme fatale et 48 heures. Le refrain est connu : obliger deux êtres que tout oppose (le caractère, le passé, les méthodes et même la couleur de peau) à faire équipe en s’efforçant de gommer leurs différences. Pour qu’une telle mécanique fonctionne à plein régime, un savant dosage d’action et d’humour s’avère généralement nécessaire. Or si du côté de l’aventure musclée il n’y a rien à redire (les poursuites en plein vol, les bagarres sur des poids-lourds lancés à vive allure, les échauffourées en pleine rue sont toutes menées de main de maître en s’appuyant sur des effets visuels souvent époustouflants), l’aspect comique de la série est sans conteste son point faible. Les piques que ne cessent de se lancer les deux héros sonnent souvent faux et tombent à plat, à cause d’une écriture faiblarde et d’acteurs qui n’ont pas l’air de beaucoup y croire. De ce côté, la série cherche visiblement la bonne tonalité, puisque ces tentatives timides de traits d’humour restent isolées, comme imposées à la dernière minute au sein d’un récit qui se prend par ailleurs très au sérieux.

Un nouveau Captain America ?

L’influence majeure de ce show créé par Malcolm Spellman semble surtout être le diptyque que les frères Russo ont consacré à Captain America (Le Soldat de l’hiver et Civil War) mais aussi les deux Dark Knight de Christopher Nolan. Il y a certes pires sources d’inspiration, mais une fois de plus la série semble ne pas trop savoir sur quel pied danser, alternant les rebondissements rocambolesques peu crédibles (tout ce qui tourne autour du Baron Zemo est parfaitement invraisemblable), les pics de violence inattendus et le discours social surligné sans nuance. Le salut aurait pu venir du personnage incarné par Wyatt – le fils de Kurt – Russell, un nouveau Captain America imposé par le gouvernement pour que le peuple retrouve confiance en un héros arborant fièrement la bannière étoilée. Cet ancien militaire couvert de distinctions et reconverti dans le football semble prêt à tout pour se montrer digne de son prestigieux prédécesseur. Mais de telles responsabilités ne sont-elles pas trop lourdes à porter pour un seul homme ? L’un des tournants dramatiques les plus brutaux (et les plus intéressants) de la série prouve que non. Mais cet enjeu n’est pas exploité jusqu’au bout, laissant finalement les téléspectateurs sur leur faim.

 

© Gilles Penso


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WANDAVISION (2021)

La Sorcière Rouge et l’androïde créé par Ultron revisitent les classiques de la télévision américaine dans cette série au concept très curieux…

WANDAVISION

 

2021 – USA

 

Créée par Jac Schaeffer

 

Avec Elizabeth Olsen, Paul Bettany, Teyonah Parris, Kat Dennings, Randall Park, Kathryn Hahn, Josh Stamberg, Evan Peters, Jett Klyne, Julian Hilliard

 

THEMA SUPER-HÉROS I CINÉMA ET TÉLÉVISION I SAGA MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Si l’univers Marvel avait su se décliner avec un certain succès sur la plateforme Netflix grâce à des séries de la trempe de Daredevil, Jessica Jones et Luke Cage, la maison des Avengers possède en 2021 sa propre major, Marvel Studios, et un nouveau canal de diffusion sur mesure, Disney+. Pour marquer le coup et lancer officiellement la phase IV du Marvel Cinematic Universe sur les petits écrans avant son prolongement au cinéma, il fallait frapper fort. Choisir comme personnage principal de ce nouveau show Wanda Maximoff, alias la Sorcière Rouge, une anti-héroïne tragique, incontrôlable et incroyablement puissante, laissait imaginer un programme spectaculaire et explosif se hissant à la hauteur des films du MCU tout en s’inscrivant immédiatement après les événements décrits dans Avengers Endgame. Or WandaVision nous prend totalement par surprise avec son concept fou et culotté. Image au format 4/3, situations comiques, rires enregistrés, coupures publicitaires : la série prend la forme inattendue d’une parodie frontale des sitcoms les plus populaires de la télévision américaine depuis la fin des années 50. I Love Lucy, The Dick Van Dyke Show, Ma sorcière bien aimée, The Brady Bunch, Sacrée famille, Malcolm ou Modern Family sont tour à tour revisités sous l’angle du pastiche. Voilà un parti pris pour le moins surprenant.

Mais WandaVision ne s’arrête pas là. Parfois, le temps de furtives parenthèses déstabilisantes, la bizarrerie s’invite de manière inquiétante dans l’univers aseptisé des sitcoms et le rire s’interrompt – l’un des personnages est soudain pris d’un malaise, un objet anachronique fait son apparition, une interférence radio énigmatique se fait entendre – avant que la comédie reprenne son cours comme si de rien n’était. Ces basculements insidieux de l’euphorie vers le malaise ne sont pas sans rappeler le court-métrage culte Too Many Cooks de Casper Kelly ou même le David Lynch de Blue Velvet qui cachait sous le gazon en Technicolor des jolies banlieues américaines des insectes s’entredévorant et des mafieux malsains. Tout finit par s’expliquer en cours de route, le scénario à tiroirs de WandaVision ouvrant une brèche qui permet aux téléspectateurs d’appréhender soudain le récit sous forme d’une double narration parallèle, avec en filigrane ce qui ressemble à un hommage à Pleasantville et au Truman Show.

Un poison nommé Wanda

Dans le rôle du couple modèle naïf que forment Wanda et Vision, Elizabeth Olsen et Paul Bettany démontrent un fort potentiel comique, la série n’hésitant pas au fil de ses épisodes à cligner de l’œil tous azimuts (l’épisode spécial Halloween dans lequel les héros portent des costumes reprenant fidèlement la coupe excessive et les couleurs flashy de leurs modèles tels qu’ils furent dessinés dans les années 60 par Jack Kirby et John Buscema, ou encore l’intervention d’Evan Peters qui incarnait Quicksilver dans la saga X-Men). Mais le drame finit par s’immiscer dans ce monde trop aseptisé pour être vrai, le poison qui s’insinue dans l’âme tourmentée de Wanda contaminant bientôt tout son entourage. Dommage que le dernier acte de cette série en neuf épisodes finisse par gâcher la fête, s’affublant de multiples rebondissements qui amenuisent la force du concept premier, avec l’intervention d’un nouvel antagoniste franchement grotesque qu’on croirait issu d’un sous-Harry Potter. À cette réserve près, WandaVision reste une excellente surprise, pavant la voie des événements décrits dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness.

 

© Gilles Penso


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MONARCH : LEGACY OF MONSTERS (2023)

Le Godzilla américain et ses monstrueux homologues se réunissent dans cette série ambitieuse à cheval entre plusieurs époques…

MONARCH : LEGACY OF MONSTERS

 

2023 – USA

 

Créée par Chris Black et Matt Fraction

 

Avec Anna Sawai, Kiersey Clemons, Ren Watabe, Mari Yamamoto, Anders Holm, John Goodman, Joe Tippett, Kurt Russell, Wyatt Russell, Elisa Lasowski

 

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA I MONSTERVERSE

En 2021, Godzilla vs. Kong remporte un succès très honorable, confortant les studios Legendary et Warner Bros dans la viabilité de la saga « Monsterverse » amorcée avec le Godzilla de Gareth Edwards. Plusieurs déclinaisons sont donc envisagées, non seulement au cinéma mais également sur les petits écrans (l’idée étant de faire fructifier tous azimuts la franchise à la manière du Marvel Cinematic Universe). Si la première variante télévisée de cet univers est la série animée Skull Island (diffusée sur Netflix), la seconde sera en prises de vues réelles, selon la volonté des cadres de Legendary qui trouvent cette fois-ci un autre diffuseur : Apple TV. Le récit de Monarch : Legacy of Monsters s’articule sur plusieurs temporalités qui s’entremêlent. L’une est liée aux événements qui suivent directement l’attaque du Roi des Monstres dans le Godzilla de 2014 (le « jour G »). Les autres nous ramènent au milieu des années 50, puis font de réguliers vas et viens du passé vers le futur (y compris dans les années 70 le temps d’un détour par les péripéties décrites dans Kong : Skull Island). Les pièces d’un complexe puzzle narratif s’assemblent ainsi peu à peu, sous la supervision de Chris Black (Star Trek Enterprise) et Matt Fraction (Hawkeye), les deux créateurs de la série.

Tout en évoquant la création de l’énigmatique organisation Monarch dans les années 40, le script s’intéresse plus particulièrement à trois jeunes protagonistes héritant bien malgré eux des travaux secrets d’un aîné bien plus insaisissable qu’il ne semblait l’être. Il s’agit de Cate et Kentaro Randa (Anna Sawai et Ren Watabe), rapidement rejoints par une génie de l’informatique au passé trouble (Kiersey Clemons) et par un ancien militaire roublard, Lee Shaw. L’une des excellentes idées du show est d’avoir confié le rôle de ce dernier à deux acteurs qui affichent un indéniable air de famille (et pour cause, l’un est le père de l’autre !), en l’occurrence Kurt et Wyatt Russell. L’un incarne donc Lee dans les années 50 et l’autre en 2015. Leurs ressemblances physiques et la similitude de leurs mimiques emportent le morceau, même si Kurt semble beaucoup trop jeune pour le rôle dans la mesure où son personnage est censé avoir 90 ans. Le scénario finit par nous expliquer cette bizarrerie au détour d’un de ses nombreux rebondissements rocambolesques.

L’attaque des Titans

Pour des raisons qu’on imagine budgétaires mais aussi narratives, Monarch se révèle beaucoup plus axé sur les personnages humains que sur les monstres, ce qui peut se révéler frustrant pour les amateurs de grosses bébêtes mais présente au moins le mérite de gommer les scories de Godzilla II : Roi des monstres et de Godzilla vs. Kong qui, à trop vouloir en mettre plein la vue aux spectateurs, se muaient en spectacles de foire sans âme. Le cœur des enjeux dramatiques de Monarch se joue donc à échelle humaine et sur plusieurs époques. Pour parcimonieuses qu’elles soient, les apparitions des titans ne déçoivent pas, le bestiaire s’enrichissant de créatures nouvelles aux morphologies surprenantes (les nuées d’insectes géants, le monstre des glaces, le dragon de la forêt, le sanglier mutant et bien sûr Godzilla en personne). De manière intéressante, la série décrit un monde qui doit désormais s’accommoder avec la présence potentielle de monstres géants, d’où des publicités vantant les mérites de bunkers souterrains personnalisés, une signalétique dans les rues des grandes villes indiquant où se réfugier en cas d’attaque de titan ou encore des quartiers de San Francisco entièrement détruits et mués en « zones rouges » sous surveillance militaire. Sans doute pourra-t-on reprocher à Monarch le manque de finesse de son écriture et les nombreuses invraisemblances qui jalonnent son parcours scénaristique, mais le show reste divertissant et permet de créer des liens intéressants entre les divers événements narrés dans les films précédents de la franchise.

 

© Gilles Penso

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MERCREDI (2023)

La fille ainée de la famille Addams se réincarne sous les traits de Jenna Ortega dans cette série orchestrée par Tim Burton…

WEDNESDAY

 

2023 – USA

 

Créée par Alfred Gough et Miles Millar

 

Avec Jenna Ortega, Gwendoline Christie, Jamie McShane, Riki Lindhome, Christina Ricci, Hunter Doohan, Catherine Zeta-Jones, Luis Guzman, Isaac Ordenez

 

THEMA FREAKS I POUVOIRS PARANORMAUX I MAINS VIVANTES I LOUPS-GAROUS

Un jour où l’autre, il allait bien falloir que Tim Burton se frotte aux créations de Charles Addams, tant les univers gothico-morbido-fantastiques des deux hommes semblaient en phase. Au début des années 90, alors qu’une version cinéma de La Famille Addams se prépare, Burton est logiquement pressenti au poste de réalisateur. Mais Batman le défi occupe alors tout son temps, le poussant à céder sa place à Barry Sonnenfeld, qui signera aussi Les Valeurs de la famille Addams. Lorsque vingt ans plus tard Universal fait l’acquisition des droits des personnages de Charles Addams, Tim Burton revient en piste avec l’idée d’en tirer un long-métrage en stop-motion. Hélas, le projet avorte. Burton prend sa revanche avec Frankenweenie, et le film La Famille Addams sera au bout du compte animé en images de synthèse sous la direction de Greg Tiernan et Conrad Vernon. Jamais deux sans trois, dit-on. La rencontre entre Burton et Addams se fera finalement par le biais d’une série télévisée centrée sur la fille aînée de la célèbre famille, incarnée jadis par Lisa Loring sur le petit écran et par l’inoubliable Christina Ricci dans les films de Sonnenfeld. Tim Burton produit Mercredi avec Alfred Gough, Miles Millar et Gail Berman et réalise lui-même plusieurs épisodes, dont le pilote.

L’idée la plus judicieuse est d’avoir confié le rôle de cette nouvelle Mercredi à Jenna Ortega. Héroïne de la série pour enfants Harley : le cadet de mes soucis, diffusée sur Disney Channel, la jeune actrice avait amorcé un virage vers le cinéma d’horreur avec le cinquième Scream, The Baby Sitter : Killer Queen et X. La voilà donc parfaitement dans son élément, entrant dans la peau d’une de ces adolescentes gothiques taciturnes si chères à Tim Burton (dans la lignée de la Lydia de Beetlejuice ou de la Sally de L’Étrange Noël de Monsieur Jack). Morticia, Gomez, Pugsley, Fester et Lurch sont respectivement incarnés par Catherine Zeta-Jones, Luis Guzman, Isaac Ordonez, Fred Armisen et George Burcea, mais tous restent à l’arrière-plan pour laisser la vedette à Mercredi. Après avoir été renvoyée une énième fois d’un établissement scolaire, la jeune fille intègre l’académie Nevermore, une école privée pour étudiants « marginaux » – autrement dit dotés de capacités surnaturelles, ce qui n’est pas sans évoquer Miss Peregrine et les enfants particuliers. En cherchant à résoudre le mystère d’un meurtre dans la région, elle s’apprête à se heurter à des dangers insoupçonnés…

Chair de poule

Burton est donc parvenu à se réapproprier le monde de Charles Addams pour l’intégrer à sa propre imagerie, convoquant logiquement Danny Elfman pour composer le thème principal de la série (le reste de la musique étant l’œuvre de Chris Bacon). La fameuse chanson de Vic Mizzy brille hélas par son absence, même si un double claquement de doigts lui rend hommage de manière récurrente au fil de l’intrigue. Autre clin d’œil appréciable : la présence de Christina Ricci dans le rôle d’une des enseignantes de Nervermore (dont le nom est bien sûr une allusion à Edgar Poe). Il faut aussi louer la prestation de Victor Dorobantu dans le rôle (pas simple) de La Chose, qu’il dote miraculeusement d’une foule d’expressions. Calibrée pour un public adolescent en quête de gentils frissons, Mercredi évoque très souvent la franchise Harry Potter, avec laquelle elle entretient de nombreux points communs, mais aussi la saga littéraire « Chair de poule » de R.L. Stine, dont elle partage la même approche horrifique « soft ». Généreuse à défaut d’être très subtile, la série regorge de rebondissements, de retournements de situation, de coups de théâtre, de créatures fantasmagoriques et de phénomènes paranormaux, dotant même la jeune héroïne de pouvoirs que nous ne lui connaissions pas jusqu’alors : des visions furtives surgissant pendant un contact physique (à la manière de celles de John Smith dans Dead Zone). Le succès sera au rendez-vous, preuve que l’équation Burton + Addams était une vraie bonne idée.

 

© Gilles Penso

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SENSE 8 (2015-2018)

Dans cette série de science-fiction qui se déploie aux quatre coins du monde, les Wachowski étudient les mystères de l’émotion humaine…

SENSE 8

 

2015/2018 – USA

 

Créée par Lana et Lilly Wachowski, J. Michael Straczynski

 

Avec Aml Ameen, Bae Doona, Jamie Clayton, Tina Desai, Tuppence Middleton, Max Riemelt, Miguel Angel Silvestre, Brian J. Smith, Freema Agyeman, Alfonso Herrera

 

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX

Passer des salles de cinéma au petit écran était le pari risqué des Wachowski (Bound, Matrix, Cloud Atlas, Jupiter le destin de l’univers). C’est pourtant le saut qu’effectuent les cinéastes en présentant Sense 8 sur la plateforme Netflix, une fresque en deux saisons et vingt-quatre épisodes qui nous entraîne tout autour du monde, de Mexico à San Francisco en passant par Chicago, Londres, Nairobi, Berlin, Mumbai et Séoul. À travers ce récit globe-trotter, nous découvrons huit personnages, huit personnalités, huit cultures différentes, huit histoires… qui n’en deviennent qu’une. Tout commence dans une église abandonnée. Avant de se suicider, une femme nommée Angelica (Daryl Hannah) active une connexion entre huit personnes éparpillées aux quatre coins du monde. Ces huit individus que rien de liait jusqu’alors sont Capheus (Aml Ameen), Sun (Bae Doona), Nomi (Jamie Clayton), Kala (Tina Desai), Riley (Tuppence Middleton), Wolfgang (Max Riemelt), Lito (Miguel Angel Silvestre) et Will (Brian J. Smith). Chacun d’entre eux essaie de vivre son quotidien tout en essayant de comprendre comment et pourquoi il est connecté avec les sept autres. Si Angelica s’est donnée la mort, c’est pour éviter d’être capturée par un homme inquiétant surnommé « Whispers » au service de l’occulte Organisation de Préservation Biologique…

Sense 8, c’est donc l’histoire de huit personnes reliées les unes aux autres par quelque chose qu’elles cherchent à comprendre. Alors qu’elles apprennent au fil de l’intrigue à vivre en partageant leurs émotions et les moments clés de leur vie, elles comprennent qu’elles peuvent se parler, s’écouter, s’entraider. Petit à petit, ces protagonistes interconnectés vont découvrir pourquoi ils sont reliés et, fatalement, quel danger les menace. Ce mystère est mené habilement tout au long des épisodes, chacun prenant le temps d’introduire les différents personnages et leur vie individuelle avant de les relier progressivement, nous offrant des scènes magnifiques et sensuelles, des moments partagés qui prennent peu à peu de l’ampleur pour nous amener vers un final grandiose. Par bien des aspects, Sense 8 nous rappelle Cloud Atlas qui lui aussi, à sa manière, liait des individualités à priori sans rapport les unes avec les autres.

L’empire des sens

En dehors de l’aspect science-fictionnel de son postulat, Sense 8 est une fresque sur l’humanité doublée d’un excellent divertissement tour à tour palpitant, drôle, romantique, magique… avec une jolie morale : quelle que soit leur ethnie, leur sexualité, leur lieu de vie, leur histoire, les hommes au bout du compte sont tous semblables. Car ce qui nous rend humains, ce sont nos émotions. Au passage, les Wachowski abordent plusieurs thématiques qui leur sont chères, notamment la question de l’identité sexuelle, la notion de genre mais aussi plusieurs problématiques sociétales et politiques. Même si la seconde saison s’achève sur un cliffhanger appelant une suite, Netflix décide de ne pas renouveler la série. Face à la levée de boucliers des téléspectateurs, un épisode final spécial de deux heures et demi permettra en 2018 d’offrir à Sense 8 une conclusion digne de ce nom. Saluée par la critique et multi-récompensée, cette série hors du commun est une nouvelle pierre au curieux édifice artistique bâti par les Wachowski depuis le début de leur carrière.

 

© Catheolia

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BOYS (THE) (2019-2023)

Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur les super-héros : leur véritable nature n’a rien de très reluisant, bien au contraire !

THE BOYS

 

2019/2023 – USA

 

Créée par Eric Kripke

 

Avec Karl Urban, Jack Quaid, Antony Starr, Erin Moriarty, Jessie T. Usher, Laz Alonso, Chace Crawford, Tomer Capone, Karen Fukuhara, Nathan Mitchell

 

THEMA SUPER-HÉROS

On croyait avoir tout lu, tout vu et tout entendu sur les super-héros. Le thème ayant été accommodé à toutes les sauces et décliné tous azimuts, il avait peu de chance de nous surprendre encore. Jusqu’à ce que The Boys débarque sur les petits écrans et remette les compteurs à zéro. Désormais, il n’est plus possible d’appréhender les super-justiciers costumés comme autrefois. Pour autant, The Boys n’est pas arrivé de nulle part. Au départ, il s’agit d’une bande dessinée écrite par Garth Ennis dont la publication commence en 2006. Violente, subversive, trash et satirique, cette série de comics détourne les codes habituels des aventures super-héroïques en prolongeant la démarche adoptée par « The Watchmen » – qui consistait déjà à faire tomber de leur piédestal les émules de Superman et Wonder Woman – pour la pousser plus loin… beaucoup plus loin ! Le projet d’une adaptation « live » de cette BD pour les besoins d’une série TV était en soi attrayant, mais il semblait évident que le matériau original risquait de perdre beaucoup de son irrévérence et de ses excès au passage. Or il n’en est rien. Développée par Eric Kripke (Supernatural, Timeless) après qu’un long-métrage réalisé par Adam McKay fut un temps envisagé, la version télévisée de The Boys n’édulcore en rien le propos des comics de Garth Ennis, bien au contraire.

Comme la BD qui l’inspire, The Boys se déroule dans le même monde que le nôtre, à une différence près : plusieurs individus sont dotés de super-pouvoirs et s’affirment aux yeux du public comme des héros. Chacun d’entre eux travaille pour la puissante société Vought qui les commercialise, contrôle leur image et vante leurs exploits imaginaires à travers une série de médias (films, séries TV, réseaux sociaux). En réalité, ces super-justiciers n’ont rien de particulièrement héroïque. Nous ne sommes pas chez Marvel ou DC, et leurs pouvoirs ne leur donnent aucune responsabilité. Au contraire, ils sont mégalomanes, abusifs, gâtés, irresponsables, voire meurtriers. Leur cote de popularité importe bien plus que la justesse de leurs actes. Héros de blockbusters, vitrrines de gros annonceurs publicitaires, portes parole de la propagande gouvernementale lorsque c’est nécessaire, ils ne sont que le produit de la société de consommation qui les a créés. Mais bientôt, un groupe de mercenaires mené par le brutal Billy Butcher décide de faire tomber Vought et ses superstars réunies sous forme d’une équipe, « Les Sept », variante dégénérée des Avengers ou de la Justice League.

Les caprices des dieux

L’amateur de comic books s’amusera à reconnaître des imitations à peine déguisées de Superman, Wonder Woman, Aquaman ou Flash. Le plus terrifiant de tous ces « héros » est Homelander (Le Protecteur), un être tout-puissant qui, sous ses allures de super-soldat à mi-chemin entre le Man of Steel de DC et le Captain America de Marvel, le sourire éclatant, le regard rassurant et le cheveu blond bien peigné, cache des tendances psychopathes incontrôlables. Il se prend pour un dieu capricieux, supérieur à tous les autres êtres de la planète, incapable de distinguer le bien du mal tout en prétendant bien sûr le contraire. Antony Starr, son interprète, entre tant dans la peau du personnage que chacune de ses apparitions provoque un malaise durable. Butcher, lui, a pris les traits de Karl Urban, dont le charisme et l’impressionnante présence physique emportent immédiatement le morceau. Mais le véritable protagoniste de The Boys est Hughie, un sympathique jeune homme qui prend fait et cause pour les « mauvais garçons » le jour où l’un des membres des Sept tue accidentellement sa petite amie. Dans les albums dessinés par Darick Robertson, le personnage avait les traits de l’acteur Simon Pegg. Si en 2019 ce dernier est désormais trop vieux pour jouer le personnage, il accepte d’incarner son père, le rôle d’Hughie étant confié à l’excellent Jack Quaid. Le casting est sans conteste l’un des points forts de The Boys. La série est provocatrice, amorale, gore, mais ce n’est pas un simple jeu de sale gosse conçu pour choquer gratuitement. Ses super-héros au-dessus des lois (mais ce pourraient tout aussi bien être des footballers ou des rock stars) servent en réalité de prétexte à une dénonciation sans fards des travers et des turpitudes de notre société.

 

© Gilles Penso


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