RUNNING MAN (1987)

Une libre adaptation d'un roman de Stephen King qui sert surtout à placer Arnold Schwarzenegger au cœur de séquences d'action exubérantes

RUNNING MAN

1987 – USA

Réalisé par Paul-Michael Glaser

Avec Arnold Schwarzenegger, Maria Conchita Alonzo, Yaphet Kotto, Richard Dawson

THEMA FUTUR I CINEMA ET TELEVISION I SAGA STEPHEN KING

A partir du milieu des années 80, l’univers de Stephen King quitte quelque peu le giron des adaptations fidèles qui lui firent honneur depuis le Carrie de Brian de Palma pour s’accommoder à toutes les sauces, comme en témoignent les séquelles quelque peu anecdotiques de Creepshow et des Vampires de Salem sorties sur les écrans en 1987. Dans ce cas, pourquoi ne pas s’appuyer sur un de ses romans les moins connus et en faire le véhicule d’une star de la trempe d’Arnold Schwarzenegger ? C’est ce qui arrive avec Running Man, adaptation du livre homonyme que King écrivit en une semaine seulement sous le pseudonyme de Richard Bachman et qui fut publié en 1982.

Eloigné des univers habituels de l’écrivain, ce récit dystopique et futuriste s’inscrit dans la lignée du George Orwell de “1984“ et cultive une certaine noirceur. Mais avec le sculptural interprète de Terminator en tête d’affiche, le ton change pour s’orienter vers un film d’action tout public. Conscients des ambitions basiques du projet, le scénariste Steven DeSouza (Commando) et le réalisateur Paul Michael Glaser (co-vedette de Starsky et Hutch) ne font pas vraiment dans la dentelle. Nous sommes en 2017. Schwarzenegger incarne le policier Ben Richards, arrêté pour insubordination et accusé à tort d’avoir pris part à un massacre lors d’une manifestation publique. Condamné à la réclusion dans un camp de travail, il s’évade et devient officiellement un ennemi de l’état. Le producteur de télévision Damon Killian (Richard Dawson) le remarque et décide aussitôt d’en faire le héros de son jeu télévisé « Running Man ». Le principe est simple : une course filmée en direct au cours de laquelle le « candidat » est pris en chasse par des tueurs armés jusqu’aux dents. 

Accusé de plagiat par Yves Boisset

Peu convaincant, évacuant toute tentative de crédibilité, truffé de rebondissements invraisemblables et affublé d’un happy end béat, Running Man mise tout sur l’action et se contente d’aligner les combats spectaculaires au cours desquels Schwarzenegger affronte toute une galerie de super-vilains colorés, du samouraï à l’homme à la tronçonneuse en passant par le tueur électrique et celui armé d’un lance-flammes (sans oublier la « punchline » de rigueur chaque fois qu’Arnold se débarrasse de l’un de ses assaillants). Cette relecture sommaire de RollerballLa Course à la Mort de l’An 2000 et Les Traqués de l’An 2000 oublie même au passage de développer un double sujet passionnant qu’elle ne fait qu’effleurer : la falsification des images dans le but de manipuler l’opinion publique et la télé-réalité muée en jeux du cirque modernes. S’il s’éloigne ouvertement du roman de King, le film de Paul Michael Glaser cherche l’inspiration ailleurs. De fait, Running Man prend vite les allures d’un plagiat à grand spectacle du remarquable Le Prix du Danger de Yves Boisset, dont il reprend fidèlement le principe et la majorité des situations. L’acteur Richard Dawson lui-même tente en vain d’imiter l’incroyable performance de Michel Piccoli dans le rôle du présentateur détestable. Face à de telles similitudes, Boisset intentera une action en justice et gagnera son procès après de longues années de bataille juridique.

 

© Gilles Penso

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PEUR BLEUE (1985)

Une histoire de loups-garous très modérément palpitante, inspirée d'un récit de Stephen King

SILVER BULLET

1985 – USA

Réalisé par Daniel Attias

Avec Gary Busey, Everett McGill, Corey Haim, Megan Follows, Robin Groves, Leon Russom,Terry O’Quinn, Bill Smitrovich

THEMA LOUPS-GAROUS SAGA STEPHEN KING

Après CujoDead ZoneFirestarter et Cat’s Eye, Dino de Laurentiis continue vaillamment à produire des adaptations inégales de l’œuvre de Stephen King. Les loups-garous ayant été remis au goût du jour par John Landis et Joe Dante, il se lance en 1985 dans celle du « Cycle du Loup-Garou » publié à peine deux ans plus tôt, et paré d’illustrations très suggestives de Berni Wrightson. La mise en scène est confiée à Daniel Attias, alors presque débutant, mais qui allait œuvrer par la suite pour quelques-unes des séries les plus prestigieuses de la télévision américaines, de 21 Jump Street à Six Feet Under en passant par Melrose PlaceLoïs et ClarkThe PracticeBuffyAlly McBealLes Sopranos et Alias. Le palmarès est impressionnant, mais ici Attias ne semble guère inspiré, affublant d’une réalisation banale un scénario somme toute très classique, qui abandonne la narration initiale étalée sur une année entière pour la concentrer sur deux mois.

Dans la petite ville de Tarkers Mills, la panique est à son comble lorsqu’une série de meurtres sanglants décime la population (notamment une décapitation en gros plan qui permet au film de démarrer sur des chapeaux de roue). Privé de l’usage de ses jambes, le jeune Marty Coslaw (Corey Haim) décide de mener sa propre enquête. Un soir, à bord d’un fauteuil roulant motorisé à essence que lui a fabriquée son oncle Red (Gary Busey), Marty découvre l’auteur des assassinats : un terrifiant loup-garou, auquel il échappe de justesse en lui plantant dans l’œil gauche une fusée de carnaval. Evidemment, personne ne croit aux racontars du garçon, sauf sa sœur Jane (Megan Follows) qui accepte de l’aider dans ses investigations. Pour savoir quel habitant de la petite ville est désormais borgne, elle prétexte une collecte de bouteilles vides, et finit par trouver le coupable, mettant son frère et elle-même en danger de mort. 

Forêts saturées de fumigènes et maquillages approximatifs

Narré par une voix off qui tente de retrouver l’esprit du roman initial mais tombe souvent comme un cheveu dans la soupe, le récit souffre beaucoup de l’insipidité de ses jeunes comédiens et de l’angle caricatural sous lequel sont traités la majorité des autochtones (bourrus, alcooliques et stupides pour la plupart). Seuls Gary Busey, en oncle sympathique, et Everett McGill, en révérend ambigu, tirent leur épingle du jeu. Le film alterne les séquences intéressantes (le cauchemar du curé dans lequel tous les paroissiens se muent en loups-garous) et les moments grotesques (la battue dans une forêt nocturne saturée de fumigènes). Les effets spéciaux de Carlo Rambaldi, fidèle collaborateur de De Laurentiis, s’efforcent de marcher sur la trace de ceux de Rick Baker dans Le Loup-Garou de Londres sans jamais leur arriver à la cheville. Les visages, les oreilles, les mains et les pieds s’étirent outre-mesure, certes, mais le latex est bien trop apparent pour convaincre. Et quand on sait combien Rambaldi s’estime supérieur techniquement et artistiquement à Baker, comme en témoignent de nombreuses déclarations dans la presse spécialisée, on ne peut s’empêcher de pointer du doigt les faiblesses de sa prestation. Peur Bleue pâlit donc de la comparaison avec les films de lycanthropes qui le précédèrent, et se clot sur un climax sans panache.

 

© Gilles Penso

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CAT’S EYE (1985)

Un film d'épouvante à sketches dont chaque histoire s'inspire d'une nouvelle de Stephen King

CAT’S EYE

1985 – USA

Réalisé par Lewis Teague

Avec James Woods, Robert Hays, Drew Barrymore, Alan King, James Naughton, Kenneth McMillan, Candy Clark, Tony Munafo

THEMA MAMMIFERES I DIABLE ET DEMONS I SAGA STEPHEN KING

Creepshow ayant connu un joli succès en 1983, l’idée d’un nouveau film à sketches inspiré d’histoires de Stephen King germa assez rapidement dans l’esprit du producteur Dino de Laurentiis. Lewis Teague, qui avait signé l’adaptation de Cujo, se retrouve sur le fauteuil du réalisateur, mais il s’acquitte sans génie de sa tâche, signant une mise en scène peu inventive assortie d’une musique synthétique pas très efficace signée Alan Silvestri. Le prologue multiplie les clins d’œils à l’univers de Stephen King. On y voit un chat poursuivi par un Saint-Bernard sosie de Cujo, puis passer devant une Plymouth Fury rouge vif qui répond au doux nom de Christine. Le félin achève sa course dans un camion de déménageurs et se retrouve en plein New York.

C’est là que démarre le premier sketch, « Quitters Inc. » Monsieur Morrison (James Woods) s’inscrit dans une clinique pour arrêter de fumer. Mais les méthodes de l’établissement s’avèrent assez expéditives. S’il rechute, ils captureront sa femme et la soumettront à des chocs électriques, dans une cage métallique qu’ils expérimentent d’abord avec le fameux chat S’il refume, ce sera au tour de sa fille. A la troisième entorse, sa femme sera violée. Et s’il s’écarte à nouveau du droit chemin, il sera assassiné, tout simplement ! L’acidité de la nouvelle originale, qui n’est pas sans évoquer les histoires à chute de Roald Dahl, n’est que pauvrement retranscrite ici. Restent une savoureuse séquence de soirée mondaine où Morrison a des hallucinations (des paquets de cigarettes géants sur pattes, la fumée qui sort par les oreilles des convives) au son de « Every Breath you Take » de Police, et ce gag où notre héros voit un extrait de Dead Zone à la télé, se demandant qui a pu écrire un tel navet ! 

Le gnome miniature

Le chat échappe finalement à ses tortionnaires, prend un ferry et se retrouve à Atlantic City, décor de la deuxième histoire, « The Ledge ». Echappé de Y’a-t-il un pilote dans l’avion ?, Robert Hays incarne un tennisman qui s’apprête à prendre la poudre d’escampette avec la femme d’un riche businessman lorsque ce dernier le fait enlever. Il lui offre alors un choix simple : soit il part en prison avec la drogue cachée dans son coffre, soit il accepte de parcourir toute la corniche de son vertigineux immeuble, au risque de chuter dans le vide. Le sketch repose dès lors sur un suspense mou et sur une chute prévisible. La dernière étape est la ville de Willmington. Le chat y arrive en train et est hébergé par Amanda (Drew Barrymore), qui le baptise « général ». Dans le mur de la chambre d’Amanda vit un gnome miniature, sans doute inspiré par le succès récent de Gremlins. Le masque mécanique bestial de la créature, œuvre de Carlo Rambaldi, n’est pas très subtil. En revanche, les effets spéciaux à base de décors surdimensionnés et de perspectives forcées sont très réussis, et permettent d’étonnantes interactions entre le gnome et la jeune actrice. « The General » est probablement le sketch le plus original et le plus intéressant des trois, d’autant que c’est le seul dans lequel le chat a un vrai rôle à jouer. Le bilan est donc très inégal, preuve que le succès de Creepshow était en grande partie dû à l’inventivité de George Romero et à ses choix artistiques.

 

© Gilles Penso

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SANTA & CIE (2017)

Le cinquième long-métrage d'Alain Chabat est un conte de Noël calibré à la fois pour le jeune public et pour les fans de la première heure des Nuls

SANTA & CIE

2017 – FRANCE

Réalisé par Alain Chabat

Avec Alain Chabat, Pio Marmaï, Golshifteh Farahani, Bruno Sanches, Louise Chabat, Audrey Tautou

THEMA CONTES 

Pour un réalisateur, il n’est pas toujours facile de se renouveler tout en restant fidèle à soi-même, de placer ses ambitions le plus haut possible sans confondre audace et prétention, de rendre hommage à tout un pan du cinéma hollywoodien en conservant malgré tout son originalité et sa spécificité. C’est à cet exercice d’équilibre délicat que s’est livré Alain Chabat avec Santa & Cie, un conte calibré pour les fêtes de Noël qui réserve son lot de surprises et parvient à séduire le public le plus large sans jamais chercher le nivellement par le bas. En soi, c’est déjà un petit exploit. Chabat s’octroie le rôle du Père Noël, pour que le film puisse bien sûr capitaliser sur sa popularité d’acteur/réalisateur mais aussi pour assumer son âge (58 ans au moment du tournage) qui lui donne désormais accès à des personnages chenus et vénérables.

 

Il parraine d’ailleurs en quelque sorte sa fille Louise, à qui il confie le rôle de toutes les lutines du Père Noël, les lutins mâles étant incarnés par Bruno Sanches. A eux deux, les jeunes comédiens incarnent pas moins de 92 000 petites créatures occupées à construire une infinité de jouets pour les enfants du monde entier, dans un gigantesque atelier délirant et multicolore qui n’est pas sans évoquer ceux des Oompas Loompas de Charlie et la Chocolaterie. Mais à quelques jours de Noël, c’est la catastrophe : tous les lutins tombent malades et s’écroulent comme un château de cartes. Paniqué, le Père Noël va devoir visiter notre monde pour trouver une quantité astronomique de vitamines C, seules capables de ranimer sa main d’œuvre. Mais ce bon vieux Santa ne connaît rien aux mœurs des humains, et comprend encore moins le comportement des enfants qu’il se contente de combler une nuit par an sans jamais les côtoyer. Autant dire que le choc s’annonce rude…

Comédie pure et fantastique décomplexé

Santa & Cie est le cinquième long-métrage de l’ex-chef des Nuls, et comme les précédents (Didier, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, RrrrrrSur la piste du Marsupilami) il témoigne d’une envie irrésistible de mêler la comédie pure au fantastique décomplexé avec une forte propension à s’imprégner de la culture de la bande dessinée. Le concept était un peu « casse-gueule », mais le miracle opère grâce à la justesse de ton que Chabat parvient à trouver, dirigeant tous ses comédiens (y compris lui-même) avec un maximum de naturalisme au lieu de chercher à appuyer artificiellement les effets comiques. Dans le rôle du couple contraint d’héberger ce Père Noël exaspérant, Pio Marmaï et Goshifeth Farahni excellent, leurs enfants incarnés par Tara Lugassi et Simon Aouizerate s’avérant désarmants d’authenticité et de drôlerie. Assumant pleinement son aspect « conte de fée », Santa & Cie bénéficie d’effets visuels particulièrement réussis (œuvre conjointe de quelques-unes des compagnies françaises les plus talentueuses du moment) et d’une bande originale orchestrale de Matthieu Gonet rendant plusieurs hommages énamourés au cinéma de la période Amblin (on pense souvent aux envolées de E.T. mises en musique par John Williams). Drôle, bienveillant, truffé de rebondissements, Santa & Cie n’est certes pas un grand film, mais c’est un divertissement tellement sincère qu’il est difficile de ne pas se laisser enchanter.

 

© Gilles Penso

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JUSTICE LEAGUE (2017)

L'équivalent DC des Avengers n'aura pas été l'apothéose espérée mais un patchwork maladroit et indécis

JUSTICE LEAGUE

2017 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Ben Affleck, Gal Gadot, Jason Momoa, Henry Cavill, Jeremy Irons, Amy Adams, J.K. Simon

THEMA SUPER-HEROS I SAGA SUPERMAN I DC COMICS I BATMAN I WONDER WOMAN

Si la franchise DC Comics acquise par Warner peine tant à rattraper l’avance colossale de sa concurrente Marvel/Disney, ce n’est pas tant à cause du déséquilibre quantitatif qu’à cause d’une incapacité manifeste à trouver le ton juste. Pire encore que le personnage de Spider-Man qui aura été rebooté trois fois d’affilée en à peine quinze ans, Batman et ses amis de la ligue de la justice n’en finissent plus de tenter de se redéfinir à l’écran jusqu’à totalement désarçonner le public. Après la trilogie Dark Knight de Christopher Nolan qui ressuscitait avec panache le personnage de l’homme chauve-souris laissé en bien piteux état dans les années 90 par Joel Schumacher, Warner changeait subitement de cap pour tout effacer et tout recommencer sur un ton différent, moins réaliste, plus science-fictionnel et plus tragique. A peine les spectateurs se remettaient-ils de cette nouvelle tonalité imposée par Man of Steel et Batman V Superman que la franchise bifurquait soudain dans une direction totalement autre, avec un éléphantesque Suicide Squad cherchant visiblement à conquérir les aficionados de Deadpool en cultivant une insolence artificielle et un caractère subversif trop calculé pour être honnête. Avec Wonder Woman, le juste équilibre semblait enfin avoir été trouvé entre l’aventure mythologique ample, le drame humain sur fond de Grande Guerre, les séquences d’action virtuoses et les touches d’humour parcimonieuses.

Mais voilà que Justice League casse tout en tentant une nouvelle rupture de ton. Puisque les super-héros doivent désormais faire équipe (pour répondre au succès des Avengers), autant les transformer en boute-en-train peu avares en bons mots et en blagues potaches. Dans Justice League, Batman multiplie ainsi les punchlines dignes du Arnold Schwarzenegger des années 80, Aquaman est un lourdaud qui jette des bouteilles d’alcool à la mer (lui, le protecteur des océans ?!) en lâchant des vannes graveleuses, Flash est l’archétype du geek insupportable dont tant de films hollywoodiens semblent vouloir s’encombrer et même Superman, tout juste revenu d’entre les morts, tente le calembour avec une nonchalance que nous ne lui connaissions pas. Comment s’attacher à de tels super-héros ? D’autant que le nœud de l’intrigue lui-même (un méchant tout-puissant qui veut régner sur le monde en réunissant trois boîtes magiques) nous laisse gentiment indifférents, tout comme les séquences régulières de combats/destructions/bandes démos numériques qui scandent le métrage. 

Fondamentalement incohérent

On sait que Justice League aurait dû être un autre film, que Zack Snyder dut quitter le tournage à cause d’un drame familial et que Warner fit retourner de nombreuses séquences et remonter l’ensemble du métrage en dépit du bon sens. Cet état de fait explique beaucoup de choses et nous pousse à nous interroger sur le résultat qu’aurait donné un film supervisé du début à la fin par le même cinéaste. En l’état, voilà un film pataud et fondamentalement incohérent qui ne sait pas sur quel pied danser, à l’image de la bande originale de Danny Elfman qui, sans raison logique à part une volonté démagogique de caresser le fan dans le sens du poil, mélange les nouveaux thèmes avec ceux du Superman de Richard Donner et ceux du Batman de Tim Burton.

 

© Gilles Penso

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ANNIHILATION (2018)

Une expédition de chercheuses s'enfonce dans une forêt soumise à un étrange phénomène climatique…

ANNIHILATION

2018 – USA / GB

Réalisé par Alex Garland

Avec Natalie Portman, Jennifer Jason Leigh, Gina Rodriguez, Oscar Isaac, Tessa Thompson

THEMA MUTATIONS

Œuvre complexe s’appuyant sur un argument de science-fiction pur et dur pour décrire le parcours initiatique d’une femme fragilisée, Annihilation adapte le roman homonyme de Jeff VanderMeer. Derrière la caméra, Alex Garland n’a rien perdu de la virtuosité et du raffinement dont il avait fait preuve en réalisant Ex Machina quatre ans plus tôt. Toute en retenue, Natalie Portman incarne Lena, chercheuse en biologie incapable de faire le deuil de son époux Kane (Oscar Isaac), parti au front pour une mission spéciale dont il n’est jamais revenu. Lorsqu’elle s’apprête enfin à tourner la page, par le biais symbolique d’une nouvelle couche de peinture sur les murs de son appartement, Kane revient. Désorienté, incapable d’expliquer d’où il vient, il semble entre la vie et la mort et doit être hospitalisé d’urgence. Pour essayer de comprendre le sort de son mari, Lena accepte de s’embarquer dans une expédition constituée de cinq femmes et menée par le docteur Ventress (Jennifer Jason Leigh). Leur mission : s’enfoncer dans une forêt touchée par un étrange phénomène climatique auquel on a donné le nom de « miroitement ». Ce dernier semble brouiller et mélanger les codes génétiques de toutes les espèces vivantes. D’où le surgissement de fleurs hybrides qui poussent toutes sur la même branche, d’un crocodile à dents de requin, d’antilopes diaphanes aux bois démesurés, de plantes en forme d’êtres humains, d’arbres de cristal gigantesques ou encore d’un ours au faciès abominable capable d’imiter la voix humaine. 

Remarquables, les effets visuels donnent corps à des visions surréalistes dignes des couvertures bigarrées des « Amazing Stories » et autres « Astounding Science-Fiction » des années 50. Tout le paradoxe d’Annihilation consiste ainsi à assumer pleinement le caractère pulp de son argument sans pour autant le traiter comme un film de SF traditionnel. On pense tour à tour à Sound of ThunderThe Thing, Prophecy, et certaines scènes poussent assez loin l’horreur visuelle (un ventre découpé pour laisser apparaître des intestins « vivants », un corps déchiqueté et fusionné avec une plante, un visage arraché en gros plan). Pourtant, la mise en scène de Garland reste distante et cultive un rythme lent, contemplatif, presque dépressif. La mutation étant au cœur de l’intrigue, elle contamine même l’atmosphère du film, qui devient quasiment « mutante » elle aussi.

L'inévitable métamorphose

Entre les lignes, cette odyssée fantastique pourrait tout aussi bien raconter la métamorphose inhérente à tout voyage intérieur (celui qui commence un parcours initiatique n’est pas le même que celui qui l’achève) mais aussi la propension à l’autodestruction de tout être vivant (chaque protagoniste du film est un être brisé qui semble devoir se détruire pour mieux se reconstruire). On peut regretter cette posture un peu systématique qui consiste à faire « bouder » tous les acteurs (Jennifer Jason Leigh en tête) et ce climax abusant des effets numériques au risque d’anéantir la suspension d’incrédulité du spectateur. Mais Annihilation demeure une proposition de science-fiction originale et fascinante, le type d’initiative qu’on aurait tendance à encourager envers et contre tout.

© Gilles Penso

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JUMANJI : BIENVENUE DANS LA JUNGLE (2017)

Une séquelle / remake du petit classique de Joe Johnston qui joue avec bonheur la carte de l'exotisme fantastique et de l'autodérision

JUMANJI : WELCOME TO THE JUNGLE

2017 – USA

Réalisé par Jake Kasdan

Avec Dwayne Johnson, Jack Black, Kevin Hart, Karen Gillan, Nick Jonas, Bobby Cannavale

THEMA MONDES PARALLELES ET MONDES VIRTUELS I EXOTISME FANTASTIQUE I MAMMIFERES

Une séquelle de Jumanji ? Voilà un projet qui, de prime abord, n’avait rien de particulièrement enthousiasmant. Le sympathique film d’aventures fantastiques concocté en 1995 par Joe Johnston avait déjà eu droit à une sorte de variante spatiale, Zathura, qui ne marqua pas excessivement les mémoires. Avec le spécialiste de la comédie potache Jake Kasdan (Bad Teacher, Sex Tape) derrière la caméra et le massif Dwayne Johnson en tête d’affiche, ce nouveau Jumanji n’augurait rien de bon, d’autant que sa mise en chantier deux ans à peine après la mort de Robin Williams fit grincer quelques dents. Autant être honnête : la surprise est excellente. Certes, Jumanji : Bienvenue dans la Jungle n’entrera pas dans les mémoires comme un chef d’œuvre du genre, mais l’aventure est trépidante, la mise en scène fougueuse et les comédiens hilarants dans le registre de l’auto-dérision décomplexée.

Dès l’entame, le film se joue des clichés pour mieux les détourner. Après un prologue situé à l’époque du premier film et propulsant un adolescent dans le monde parallèle du jeu de plateau Jumanji, Jake Kasdan nous présente ses quatre héros : des lycéens archétypaux jusqu’à la caricature dont le potentiel comique réside dans leur capacité à révéler par petites touches des travers bien réels. Nous voici donc en présence de la jolie blonde persuadée que le monde tourne autour d’elle et qui ne pense pas pouvoir vivre sans son téléphone, du geek chétif qui peine à développer une vie sociale digne de ce nom, de la marginale à la beauté discrète qui s’avère plus intelligente – mais aussi plus hautaine – que son entourage et du grand costaud sympathique mais franchement creux. Chacun des membres de ce quatuor hétéroclite ayant bravé le corps enseignant, tous se retrouvent en retenue dans une salle d’archives avec pour mission d’y trier de vieux magazines. C’est là qu’ils tombent sur une console de jeu d’un autre âge, jouent au jeu Jumanji et se retrouvent soudain aspirés dans une jungle virtuelle pleine de dangers.

Tous les gags sont permis

Le principe comique consiste alors à faire entrer nos ados dans la peau de héros qui ne leur ressemblent absolument pas physiquement. The Rock se moque ainsi de son propre physique exagérément athlétique, Karen Gillian (Nebula dans Les Gardiens de la Galaxie) incarne une sorte de Lara Croft délicieusement maladroite, Kevin Hart joue sur les clichés généralement attribués aux sidekicks noirs blagueurs et Jack Black révèle une féminité que nous ne lui connaissions pas ! Sur ce postulat, tous les gags sont permis, au sein d’une épopée truffée d’effets visuels spectaculaires, de créatures impressionnantes (des hippopotames géants, des rhinocéros albinos, un redoutable mamba, des jaguars féroces, un éléphant titanesque, un sinistre rapace) et de cascades impensables (la poursuite en hélicoptère dans le canyon, l’escalade à flanc de montagne sur une moto). Certes, tout ça ne vole pas très haut, mais la générosité du spectacle l’emporte sur toute réserve. Le grand public ne s’y trompe pas, réservant à cette séquelle un accueil triomphal. Ce sera la cinquième plus grosse recette au box-office de l’année 2017. 

 

© Gilles Penso

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HORROR KID : LES DÉMONS DU MAÏS (1984)

Pas particulièrement palpitante, cette adaptation de Stephen King lancera pourtant une franchise à l'étonnante longévité

CHILDREN OF THE CORN

1984 – USA

Réalisé par Fritz Kiersch

Avec R.G. Armstrong, Peter Horton, Linda Hamilton, John Franklin, Courtney Gains, Robby Kiger, Anne Marie McEvoy, Jonas Marlowe

THEMA ENFANTS I DIABLE ET DEMONS I SAGA DÉMONS DU MAÏS I STEPHEN KING

La nouvelle « Les Enfants du Maïs » a été publiée en 1978 dans le fameux recueil « Danse Macabre » (« Night Shift ») de Stephen King. Efficace et dotée d’une chute surprenante, elle ne constituait cependant pas le matériau idéal pour une adaptation cinématographique, dans la mesure où les péripéties développées dans sa vingtaine de pages avaient du mal à emplir une heure et demie de métrage. Mais après les succès publics de CarrieShiningCreepshowCujoDead Zone et Christine, le nom de Stephen King suffisait amplement à enclencher n’importe quel projet hollywoodien. Voici donc Les Démons du Maïs, premier long-métrage de Fritz Kiersch sorti en France au cinéma sous le titre Horror Kid.

Le film démarre sur des chapeaux de roue : dans un « diner » de Gatlin, Nebraska, des gamins massacrent tous les adultes en train de boire tranquillement leur café. Trois ans plus tard, Vicky et Burton (un Peter Horton surtout habitué au petit écran et une Linda Hamilton pré-Terminator), en partance pour la Californie, s’apprêtent à passer en voiture à proximité de la petite ville, ignorant tout de ce drame passé. Sur la route, le jeune couple est surpris par un enfant qui se tient brusquement debout devant eux. Incapables de l’éviter, nos héros le renversent mais découvrent bien vite que le malheureux a été égorgé. Ramenant le corps dans le coffre de leur voiture, ils découvrent avec stupéfaction que les enfants de la ville ont formé une secte religieuse fanatique, adorant avec ferveur « celui qui fait venir le maïs et qui règne sur le sillon ». A l’aube de leurs dix-neuf ans, tous sont sacrifiés, car les adultes sont impitoyablement exclus de ce cercle démoniaque. Seuls le petit Job (Robby Kiger) et sa sœur Sarah (Anne Marie McEvoy), capable de réaliser des dessins prémonitoires, semblent ne pas être frappés par cette folie collective. Capturée par les membres de la secte, Vicky s’apprête à être sacrifiée dans le champ de maïs pour apaiser la colère de leur dieu. Alors que Burton s’efforce par tous les moyens de sauver sa bien-aimée, la discorde commence à s’installer entre l’inquiétant Isaac (John Franklin), qui dirige le groupe d’une poigne de fer, et MalachaÏ (Courtney Gains), son robuste bras droit…

« Celui qui règne sur le sillon… »

Fritz Kiersch réalise là un baptême de metteur en scène plutôt honorable. Jusqu’alors assistant caméra et directeur de production, il parvient à doter son premier film d’un certain style, avec un jeu fréquent sur les avant-plans inquiétants. Le sujet lui-même, fidèlement calqué sur la nouvelle de King, est loin d’être inintéressant, mais les dialogues rédigés par le scénariste George Goldsmith sont tellement niais et les réactions des personnages si absurdes que tout effet tombe à plat. Le trucage hideux qui permet de visualiser l’apparition finale du démon (une solarisation typique des régies vidéo des années 80) n’aide pas à la crédibilité déjà bien entachée du film, ni même ce grand incendie bourré de trucages en animation ratés ou cette chute grotesque qui, elle, s’éloigne du texte initial. Le plus incroyable est que ce petit film d’horreur mal fichu ait donné naissance à six séquelles, réalisées entre 1992 et 2001.

 

© Gilles Penso

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FIRESTARTER (1984)

La fillette d'E.T. se transforme en fugitive pyromane dans cette adaptation mouvementée d'un roman de Stephen King

FIRESTARTER

1984 – USA

Réalisé par Mark Lester

Avec Drew Barrymore, Martin Sheen, David Keith, Freddie Jones, Heather Locklear, George C. Scott, Art Carney

THEMA POUVOIRS PARANORMAUX I SAGA STEPHEN KING

CarrieShining et Christine ayant connu de beaux succès publics et critiques, l’œuvre de Stephen King fut dès lors considérée à Hollywood comme une inestimable manne, un véritable vivier de blockbusters. D’où l’adaptation, dans la foulée des films pré-cités, du roman « Charlie » mettant en vedette une fillette douée de redoutables pouvoirs pyrokinétiques. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les producteurs de Firestarter choisirent comme tête d’affiche Drew Barrymore, portée aux nues deux ans plus tôt dans E.T., et confièrent la mise en scène à Mark Lester, auteur d’un Class 84 fort remarqué en son temps. Le scénario de Firestarter présente de nombreuses similitudes thématiques avec Furie et Scanners. Autour d’un récit structuré en flash-backs successifs, on y suit les expérimentations d’une mystérieuse compagnie nommée The Shop. Cette dernière réunit un certain nombre de cobayes humains dans le but de développer leurs pouvoirs paranormaux, l’objectif inavoué de cette expérience étant la mise au point d’un tout nouveau type d’arme dévastatrice.

A l’issue du test scientifique, tous les cobayes sont assassinés, à l’exception d’Andy et Victoria McGee qui parviennent à s’échapper et donnent naissance à la petite Charlene. Celle-ci révèle très tôt l’étrange capacité de contrôler le feu, voire de provoquer des incendies, et ce pouvoir semble sans cesse croissant. Alors qu’elle a huit ans, The Shop retrouve sa mère et la fait exécuter. Commence alors une longue traque pour Charlie et son père, qui possède lui-même des pouvoirs télépathiques et télékinétiques mais s’était juré de ne plus jamais s’en servir. Pour sauver sa peau et celle de sa fille, il va devoir transgresser sa promesse… 

Les flammes de l'enfer

L’un des grands atouts de Firestarter est son casting quatre étoiles, notamment du côté des « méchants » parmi lesquels on compte Martin Sheen, en politicien au brushing impeccable et à la duplicité dégoulinante, et George C. Scott, en très inquiétant exécuteur des basses besognes aux fortes tendances psychotiques. Le film se pare également d’étonnants effets visuels et pyrotechniques, lesquels crèvent l’écran dès la première grande scène d’action au cours de laquelle Charlie, sur le pas de sa porte, met le feu à une dizaine d’agents et de véhicules. Les explosions flamboyantes se déclenchent en tous sens, et annoncent avec quelque vingt ans d’avance l’un des moments forts d’X-Men 2.  Les flammes dévastatrices reprennent leur droit au cours des scènes d’expériences dans le laboratoire de The Shop (un mur de brique s’y enflamme carrément) et lors d’un climax explosif à souhait, dans lequel Charlie s’avère être à l’épreuve des balles. Au cours de ce spectaculaire dénouement, les rapprochements entre Firestarter et Carrie s’avèrent flagrants. Si Firestarter n’a pas connu le succès de ses aînés, c’est probablement à cause de la mise en scène sans relief de Mark Lester, incapable de rivaliser avec le génie visuel de Brian de Palma, Stanley Kubrick et John Carpenter. Du coup, les palpitantes péripéties du roman initial perdent ici de leur force, encombrées de surcroît d’une musique synthétique terriblement datée que signa le groupe Tangerine Dream.

© Gilles Penso

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DU SANG POUR DRACULA (1974)

Udo Kier campe un Dracula souffreteux et cadavérique en quête désespérée de sang de vierge…

BLOOD FOR DRACULA

1974 – ITALIE

Réalisé par Paul Morrissey

Avec Udo Kier, Joe D’Allesandro, Arno Juerging, Maxime McKenory, Vittorio De Sica, Roman Polanski

THEMA DRACULA I VAMPIRES

Réalisé juste après Chair pour Frankenstein, par le même metteur en scène et avec les mêmes acteurs principaux, Du Sang pour Dracula évacue quelque peu l’hystérie horrifico-parodique de son prédécesseur au profit de la satire douce-amère. Le plan d’ouverture du film, sur lequel défile le générique, donne d’emblée le ton : en gros plan, Udo Kier, à la beauté androgyne d’un David Bowie, se maquille pour donner un peu de vie à son visage terriblement pâle. Accompagné d’une mélancolique sonate au piano, il empourpre ses joues cadavériques, rougit ses lèvres blafardes et noircit ses cheveux grisonnants. Car ce Dracula est moribond, sur le point de succomber à une terrible maladie s’il ne trouve pas rapidement du sang de vierge à se mettre sous la dent. Or la denrée est devenue rare, en ces temps corrompus, et le voilà contraint de quitter son château transylvanien, avec son serviteur, pour un petit village italien, là où les mœurs dictées par une forte tradition catholique sauront probablement lui fournir le précieux liquide qui seul saura le guérir. Il s’installe donc chez une riche famille bourgeoise, constituée d’un noble, de sa femme et de leurs quatre filles, profitant de sa haute lignée pour mieux les berner. Hélas, le corps de la plupart des donzelles a déjà exulté sous les assauts répétés du beau serviteur de la famille (Joe d’Allesandro), volontiers enclin à initier les belles, pas farouches pour un sou, aux plaisirs de la chair.

Le véritable point commun entre Du Sang pour Dracula et Chair pour Frankenstein apparaît alors : une relecture désenchantée des mythes classiques de l’épouvante via un érotisme sans retenue et un traitement volontiers excessif de l’aspect horrifique. Ainsi, chaque fois que le malheureux comte vampire mord à belles dents le cou d’une jeune fille déjà déflorée, le voilà pris de crises violentes. Il hurle alors, s’agite en tous sens, et vomit des litres de sang dans la baignoire ou les WC les plus proches, avec force borborygmes peu ragoûtants. Le voilà alors contraint de lécher le sol, maculé du sang de la seule demoiselle restée vierge… Nous sommes bien loin de l’aplomb hautain de Christopher Lee ou de l’assurance théâtrale de Bela Lugosi. Ce Dracula est le plus pathétique et le plus souffreteux de tous, et l’on aurait volontiers tendance à le prendre en pitié.

Démembrement à coups de hache

Au moment du dénouement, l’excès et l’outrance du film précédent reprennent le dessus, car le serviteur zélé, ayant découvert les véritables intentions de Dracula, le poursuit à travers la vaste demeure, le démembre à grands coups de hache puis lui enfonce un pieu dans le cœur, débarrassant une bonne fois pour toute la population du chétif vampire, et inversant aux yeux du spectateur les rôles de monstre et de victime habituellement établis en pareil contexte. Cette très belle variante sur un mythe pourtant éculé nous laisse rêveur sur ce que Paul Morrissey et son équipe aurait pu faire s’ils s’étaient attaqués à d’autres grands classiques de l’épouvante.

 

© Gilles Penso

 

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