LE RETOUR DE FLESH GORDON (1990)

Le héros spatial parodique né en 1974 revient tardivement bander ses muscles dans cette séquelle graveleuse et déjantée…

FLESH GORDON MEETS THE COSMIC CHEERLEADERS

 

1990 – CANADA

 

Réalisé par Howard Ziehm

 

Avec Vince Murdocco, Robyn Kelly, Tony Travis, William Dennis Hunt, Morgan Fox, Bruce Scott, Maureen Webb, Stevie-Lyn Ray, Sharon Rowley, Blaire Kashino

 

THEMA SPACE OPERA

En 1974, Flesh Gordon détournait avec irrévérence le célèbre serial Flash Gordon, pastichant son sous-texte sexuel latent avec peu de moyens mais beaucoup d’idées (et un beau déferlement d’effets spéciaux conçus par quelques ténors de la profession alors en début de carrière). Face au succès de ce premier opus devenu instantanément culte, le producteur et réalisateur Howard Ziehm songe à lui donner une suite. À la fin des années 1970, il développe donc un projet baptisé The Further Adventures of Flesh Gordon (« Les nouvelles aventures de Flesh Gordon »), qu’il coécrit avec Carol Chassen. Cette fois, il vise une classification R (moins restrictive que le X du premier opus), espérant élargir son public. Mais le budget estimé dépasse vite les 1,5 million de dollars proposés par American International Pictures. Il faudra attendre les années 80 pour que le projet revive. Grâce à l’intervention du producteur canadien Maurice Smith, le film change de nom – Flesh Gordon Meets the Cosmic Cheerleaders (« Flesh Gordon rencontre les pom-pom girls cosmiques ») – et obtient enfin un financement solide, ainsi qu’une distribution internationale. Près de 17 ans après le premier opus, Ziehm peut enfin donner corps à sa suite. Si William Dennis Hunt reprend son rôle de dictateur maléfique, le reste du casting change intégralement. Et c’est le champion d’arts martiaux Vince Murdocco qui endosse le rôle-titre.

Des années après avoir libéré la planète Porno du joug de l’empereur Wang, Flesh Gordon est devenu vedette de cinéma et reproduit dans des films minables ses exploits passés. Alors qu’un accident interrompt l’un des tournages auxquels il participe, Flesh est kidnappé par quatre pom-pom girls à bord d’un vaisseau spatial et emmené sur une étrange planète récemment entrée dans le système solaire. Ces jeunes femmes, membres de la « Society of Cheerleaders to Rehabilitate Erections Worldwide », expliquent qu’elles ont besoin de son essence sexuelle vitale, car leur planète est frappée par un fléau d’impuissance. Pour secourir Flesh, Dale Ardor (Robyn Kelly) fait appel au Dr E. Jackull (Tony Travis), qui les conduit à bord de son vaisseau vers cette mystérieuse planète. Flesh est libéré, mais Dale est aussitôt capturé par la « Présence maléfique », un super-vilain redoutable qui projette de remplacer son propre pénis impuissant par celui de Flesh !

Des seins animés

Volontairement kitsch, ringard et stupide, Le Retour de Flesh Gordon assume tant sa bêtise et sa nullité qu’il en devient sympathique, presque recommandable. Le film a le mérite de ne pas nous tromper sur la marchandise avec ses gags à répétitions : un vaisseau spatial en forme de sein géant, un savant qui rêve de créer des poitrines démesurées, un système de pilotage à base de tétons qu’il faut lécher, un parachute en forme de soutien-gorge géant… Les créatures, conçues cette fois-ci par Jim Towler, se partagent entre des marionnettes (notamment un King Kong incontinent et un poulpe lubrique), et de nouvelles figurines en stop-motion. Parmi celles-ci, on note un extra-terrestre bipède aux yeux exorbités et un pénis sur pattes, animés tous deux par Lauritz Larson (qui donne parfois le sentiment d’être atteint de la maladie de Parkinson tant les mouvements des bestioles en question sont saccadés !). Quand ils n’ont pas des formes mammaires, les vaisseaux spatiaux sont phalliques (comme le démontre cet aberrant défilé d’engins volants pendant le générique de début), et les héros eux-mêmes n’échappent pas à ce festival d’absurdités. Flesh Gordon est donc un bellâtre en costume de carnaval victime de majorettes spatiales nymphomanes, sa fiancée Dale ressemble à une femme fatale des films noirs des années 40 jusqu’à ce qu’elle perde son apparente dignité et finisse par être jetée en pâture au poulpe cité plus haut, le docteur Jackull est un savant obsédé non seulement par les mamelles mais aussi par les poules… Bref, aucun excès n’est interdit. Une grosse partie de l’inventivité du premier Flesh Gordon s’est hélas envolé à l’occasion de cette séquelle tardive qui subira une salve de critiques assassines mais connaîtra un petit succès grâce à sa distribution en VHS puis en DVD.

 

© Gilles Penso

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LA LÉGENDE D’OCHI (2025)

Sur une île isolée d’Europe de l’est, une jeune fille découvre une petite créature sauvage et décide de la ramener à sa mère, envers et contre tous…

THE LEGEND OF OCHI

 

2025 – USA

 

Réalisé par Isaiah Saxon

 

Avec Helena Zengel, Willem Dafoe, Emily Watson, Finn Wolfhard, Razvan Stoica, Carol Bors, Andrei Antoniu Anghel, David Andrei Baltatu, Eduard Mihail Oaencea

 

THEMA CONTES I PETITS MONSTRES 

La Légende d’Ochi est le premier long-métrage d’Isaiah Saxon, figure atypique venue du monde des clips musicaux, où il a signé des œuvres marquantes pour Björk (« Wanderlust »), Grizzly Bear (« Knife ») ou encore Panda Bear (« Boys Latin »). Ses réalisations audacieuses mêlent marionnettes, animation et effets pratiques, dans l’esprit d’artisans comme Spike Jonze ou Michel Gondry. « J’ai passé une bonne décennie à écrire des films irréalisables, parce que mon objectif était de toucher les enfants », confie le cinéaste. « S’adresser à eux demande des moyens considérables, ce qui pousse les studios à privilégier des valeurs sûres : des franchises célèbres, des licences déjà établies, et des budgets colossaux. Autant dire qu’aucun de ces critères ne favorise l’émergence d’un jeune réalisateur aux idées étranges. Dans ce contexte, j’ai passé des années à écrire des scénarios bien trop coûteux pour l’étape où j’en étais dans ma carrière » (1) Tout change quand A24, studio habitué aux œuvres horrifiques et indépendantes, se laisse séduire par le projet de La Légende d’Ochi. Saxon envoie le scénario à Willem Dafoe, qui accepte en 48 heures. Suivront Emily Watson et la jeune Helena Zengel, révélée dans System Crasher. Pour boucler le financement, l’auteur/réalisateur approche les frères Russo, via ses amis Daniel Kwan et Daniel Scheinert, qui collaborèrent avec eux sur Everything Everywhere All at Once. Grâce à eux, AGBO injecte des fonds d’amorçage et le film entre en production.

Nous sommes sur l’île imaginaire de Carpathia, une terre rude peuplée de communautés agricoles isolées. Les anciens racontent qu’il ne faut jamais s’aventurer dans les bois après la tombée de la nuit à cause des Ochi, des créatures mystérieuses aux couleurs vives, proches du singe, qui poussent des cris aigus et échappent depuis toujours à la compréhension humaine. Maxim (Willem Dafoe), patriarche excentrique et autoritaire, dirige une milice d’enfants armés pour les traquer, sous prétexte de protéger les siens. Mais sa fille, Yuri (Helena Zengel), ne partage ni sa violence ni sa vision du monde. Solitaire et sensible, la jeune fille peine à trouver sa place dans une famille où son père privilégie clairement ses apprentis guerriers. Un soir, lors d’un repérage dans la forêt, elle découvre un bébé Ochi, piégé et blessé. Au lieu de l’achever, elle le soigne en cachette, touchée par sa vulnérabilité. Très vite, un lien unique se noue entre eux, fondé sur une langue étrange faite de sons perçants qu’elle apprend à comprendre. Décidée à le rendre à sa mère, Yuri s’aventure au-delà des frontières du connu, bravant la colère de son père, la traque de ses frères d’armes et les secrets enfouis de sa propre histoire…

L’appel de la forêt

Il y a du E.T. et du Gremlins dans cette histoire, indubitablement, mais contrairement à nombre de ses confrères emportés par un élan nostalgique, Isaiah Saxon ne cherche jamais à reproduire l’atmosphère ou les effets de styles du cinéma d’Amblin des années 80. Le style de son film est plus brut, plus sauvage, plus instinctif, beaucoup moins lisse que les contes familiaux habituels. Cette singularité est d’ailleurs parfaitement saisie par la bande originale du film signée David Longstreth. De fait, même si la petite créature vedette en évoque d’autres (le Mogwaï de Gremlins, le Grogu du Mandalorian), le lien qui se resserre entre elle et la jeune héroïne échappe aux canons du genre. Le film s’appuie beaucoup sur la qualité de ses effets spéciaux (combinant l’animatronique à l’ancienne et les effets numériques) pour mieux rendre crédible cet univers hybride partagé entre le réalisme « terrien » (cette communauté rurale qui patauge dans la boue en écoutant de vieilles chansons à la radio) et la fantasmagorie féerique (le repaire des créatures simiesques, sorte de relecture de l’île du crâne de King Kong reconstituée dans de magnifiques extérieurs roumains dont le chef opérateur Evan Prosofsky capte habilement la somptueuse photogénie). La Légende d’Ochi présente donc le grand mérite d’éviter les sentiers battus. Revers de la médaille : sa tonalité est tellement indéfinissable qu’elle peut jouer en sa défaveur, trop étrange pour séduire pleinement les jeunes spectateurs et pas assez adulte pour convaincre totalement les autres. Mais un film qui cherche à échapper aux diktats imposés par les « deal memos » des grands studios est toujours à marquer d’une pierre blanche.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Filmmaker en avril 2025.

 

© Gilles Penso

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GINGERDEAD MAN 2 (2008)

Le bonhomme en pain d’épice psychopathe revient à la vie dans cette suite parodique qui permet à Charles Band de se moquer de lui-même…

GINGERDEAD MAN 2 : PASSION OF THE CRUST

 

2008 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Kevan Moezzi, Kelsey Sanders, Joseph Porter, Frank Nicotero, Jon Southwell, Jacob Witkin, Michelle Bauer, Bruce Dent, Emily Button, Parker Young

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND I GINGERDEAD MAN

Scénariste du premier Gingerdead Man, William Butler se voit offrir par Charles Band l’opportunité de réaliser le second opus. Même s’il s’est éloigné entretemps des productions Full Moon pour développer avec un certain succès ses propres projets (les films d’horreur Madhouse et La Prison hantée, les scénarios des opus 4 et 5 de la franchise Le Retour des morts-vivants), Butler accepte sans hésiter. « Certains considéraient que ce retour chez Full Moon était une sorte de régression, mais pas moi », explique-t-il. « Si Charlie Band – qui m’a mis un toit sur la tête, m’a aidé à obtenir ma carte d’adhésion au syndicat des acteurs professionnels et m’a traité comme un roi pendant dix ans — me demande un projet, je le fais ! Je lui ai donc dit que j’étais partant, mais seulement s’il me laissait faire ce que je voulais, évidemment dans les limites du budget. Alors il m’a demandé ce que j’avais en tête, et j’ai dit que je voulais crucifier le Gingerdead Man. Sa réponse a été : “c’est du génie ! Fais-le !” » (1) Le prologue du film prend la forme d’un conte de fées déviant : un livre enchanté s’ouvre et la voix-off narre avec emphase les événements du premier film — l’histoire déjà absurde d’un tueur en série réincarné en bonhomme en pain d’épices. Une fois ce préambule expédié avec humour, le véritable spectacle peut commencer sur fond de « Run, Run, Run » d’Aimee-Lynn Chadwick, hymne rock qui accompagne une série d’affiches de faux nanars.

L’intrigue s’installe dans les studios Cheatum, autrefois fief du légendaire Rupert Cheatum, roi autoproclamé de la série B, aujourd’hui repris par son fils Kelvin, incarné par Kevan Moezzi. Ce dernier s’acharne à achever le tournage de Tiny Terrors 9 : Purgatory of the Petite, un film d’horreur fauché dans lequel une espèce de prêtre sataniste invoque cinq petits monstres, parmi lesquels un robot, un bébé monstre et une sorte de pénis monstrueux ! Au milieu des marionnettes défaillantes, des acteurs désabusés et des décors brinquebalants, nous voilà donc en pleine satire méta hilarante, dans laquelle Charles Band tourne littéralement sa propre carrière en dérision. Une bagarre éclate d’ailleurs sur le plateau à cause des conditions chiches dans lesquelles est réalisé ce film sur lequel quasiment personne n’est payé, tandis que le jeune producteur espère continuer à faire fructifier ses franchises et gagner de l’argent avec des jouets dérivés de ses films. C’est dans ce chaos que débarquent Tommy (Joseph Porter), un fan de cinéma en phase terminale, et son aide-soignante Heather (Kelsey Saunders), qui l’emmène visiter le studio. Or une assistante gironde (Michelle Bauer) vient apporter des biscuits pour toute l’équipe, y compris le Gingerdead Man qui, allez savoir pourquoi, a atterri dans sa boîte. Désireux d’intégrer un corps humain, le cookie diabolique se lance bientôt dans un rituel sanglant…

La dernière tentation du biscuit

« Gingerdead Man 2 aurait dû commencer par un avertissement du genre : “L’histoire que vous allez voir est inspirée de faits réels, seuls les noms ont été changés pour protéger les innocents” », raconte le créateur d’effets spéciaux Michael Deak. « Mis à part les marionnettes qui s’animent et les meurtres, c’est plus proche de la réalité que de la fiction. Certaines répliques viennent directement de notre expérience. » (2) Cette orientation autoparodique permet de varier les plaisirs sur un concept qui, dès le premier opus, semblait avoir déjà atteint ses propres limites. Le film bénéficie d’une mise en forme étonnamment soignée, et surtout du retour de Richard Band à la musique. Sa partition orchestrale et virevoltante confère une ampleur inattendue aux événements les plus absurdes. Autre retour bienvenu, celui de John Carl Buechler aux effets spéciaux – et devant la caméra cette fois, puisqu’il incarne le réalisateur dépassé de Tiny Terrors 9. Autour de lui, on retrouve plusieurs visages familiers du métier (Greg Nicotero, John Vulich, Michael Deak), venus jouer leur propre rôle. Même le réalisateur David DeCoteau passe une tête, introduit par un fan en ces termes : « Ses films sont connus pour leurs sensations fortes, leur concept d’horreur gothique originaux et leur homoérotisme subtil ! » Le « vrai » petit monstre se mêle aux « faux » – les marionnettes invraisemblables – dans un jeu de mise en abyme osé, tant le biscuit maléfique ressemble à ce qu’il est : un bout de caoutchouc sommairement animé par des techniciens hors champ. Les meurtres eux, versent dans le gore cartoonesque : œil pendouillant, fer à friser dans les fesses… jusqu’au moment où le cookie prend les commandes d’un robot pour attaquer ses victimes à coups de rayons laser ! Bref, c’est du grand n’importe quoi parfaitement assumé. Le climax achève de faire basculer le film dans le délire pur en parodiant La Passion du Christ de Mel Gibson, crucifixion et couronne d’épine à l’appui !

 

(1) et (2) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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FOUNTAIN OF YOUTH (2025)

Un chasseur de trésors embarque sa sœur, son neveu et une petite équipe de chercheurs sur les traces de la légendaire Fontaine de Jouvence…

FOUNTAIN OF YOUTH

 

2025 – USA

 

Réalisé par Guy Ritchie

 

Avec John Krasinski, Natalie Portman, Eiza Gonzalez, Domhnall Gleeson, Arian Moayed, Laz Alonso, Carmen Ejogo, Stanley Tucci, Benjamin Chivers

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Un film d’aventures exotico-fantastique avec Josh Krasinski et Natalie Portman sous la direction de Guy Ritchie ? Sur le papier, l’initiative était prometteuse. À l’écran, c’est une autre histoire. Car de toute évidence le réalisateur d’Arnaques, crimes et botaniques ou de Snatch n’a plus du tout la même niaque qu’autrefois. Notre homme est manifestement plus enclin à entrer dans les moules confortables du blockbuster familial (souvenons-nous de son laborieux Aladdin) qu’à bousculer les conventions filmiques comme il le fit en début de carrière. Quant à Krasinski (l’homme derrière la saga Sans un bruit) et Portman (qu’on ne présente plus), ils touchent leur chèque généreux en assurant le service minimum, bien conscients que ce téléfilm est formaté pour une plateforme de streaming, autrement dit qu’il s’adresse à un public peu exigeant à qui l’on offre le sentiment d’une satisfaction aussi immédiate (des têtes d’affiche, de l’action, des effets spéciaux, de l’humour, du dépaysement) qu’éphémère. De toute évidence, Fountain of Youth est un film qui se regarde distraitement puis s’oublie aussitôt. Dommage tout de même de voir un si beau potentiel et un tel budget (180 millions de dollars, tout de même) sacrifiés sur l’autel du « fast food filmique ».

Krasinski incarne ici Luke Purdue, un ancien archéologue déchu qui mène une vie de hors-la-loi rythmée par quelques coups d’éclat. En Thaïlande, il dérobe un mystérieux tableau à une organisation criminelle, déjouant au passage les plans de la troublante Esme (Eiza Gonzalez) et de ses sbires, bien décidés à mettre la main sur la toile. De retour à Londres, il débarque à l’improviste chez sa sœur Charlotte (Natalie Portman), conservatrice de musée en pleine procédure de divorce. Mais ce n’est pas pour renouer les liens familiaux : Luke s’empare d’un autre tableau dans le musée de Charlotte et l’entraîne dans une fuite aussi précipitée que périlleuse, épaulé par ses acolytes Murphy (Laz Alonso) et Deb (Carmen Ejogo). Sous le feu des questions de l’inspecteur d’Interpol Jamal Abbas (Arian Moayed), Charlotte perd son poste. Furieuse, elle confronte son frère dans sa planque, où elle rencontre Owen Carver (Domhnall Gleeson), magnat sans scrupules atteint d’un cancer incurable. Ce dernier finance l’expédition clandestine de Luke : une chasse au trésor ambitieuse sur les traces de leur défunt père, lui aussi explorateur. Leur objectif ? Retrouver la mythique Fontaine de Jouvence.

Les fables de la Fontaine

Il ne faut pas chercher bien loin pour comprendre quelles sont les sources d’inspiration de Fountain of Youth. Pour concocter son récit, James Vanderbilt puise tranquillement dans la franchise Indiana Jones et dans le Da Vinci Code. Capable du meilleur (Zodiac) comme du pire (Independence Day : Resurgence), le scénariste fait ici preuve d’une manifeste paresse d’écriture qui, au-delà d’un permanent effet de déjà-vu (qui culmine avec le plagiat pur et simple du climax d’Indiana Jones et la dernière croisade), démontre une fâcheuse tendance à prendre son public pour un imbécile. La preuve : une manie bizarre de répéter sans cesse les mêmes informations (combien de fois nous dit-on que Luke et Charlotte sont frères et sœur, que le mantra de leur père était de « préférer le voyage au butin », que leur commanditaire est gravement malade ?), comme si les spectateurs des films « à domicile » devaient être plus stimulés que les autres de peur qu’ils perdent le fil d’une intrigue pourtant filiforme. Ritchie tente bien de caviarder son film de séquences mouvementées pour faire bonne mesure (poursuites, cavalcades, fusillades, explosions), et montre un indéniable savoir-faire en ce domaine. Mais rien non plus que nous n’ayons déjà vu ailleurs. Et comme en outre la bande originale de Christopher Benstead est une véritable souffrance pour les oreilles, voilà qui ne facilite guère notre implication. Un coup dans l’eau, donc, malgré des prémisses pleines de promesses.

 

© Gilles Penso

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DOCTEUR JEKYLL ET LES FEMMES (1981)

Udo Kier incarne le célèbre médecin aux deux visages dans cette version sulfureuse et décadente du mythe créé par Robert Louis Stevenson…

DOCTEUR JEKYLL ET LES FEMMES

 

1981 – FRANCE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Walerian Borowczyk

 

Avec Udo Kier, Marina Pierro, Patrick Magee, Clement Harari, Howard Vernon, Gérard Zalcberg, Jean Mylonas, Eugene Braun Munk, Louis Colla, Catherine Coste

 

THEMA JEKYLL ET HYDE

Udo Kier fut tour à tour le docteur aux méthodes contre-nature de Chair pour Frankenstein et le vampire souffreteux de Du sang pour Dracula, sous la direction de Paul Morrissey. Pour faire bonne mesure, il endosse cette fois-ci la blouse du docteur Jekyll, dans cette variante tout aussi déviante du mythe classique, même si Walerian Borowczyk préfère au gore et aux effets de style du cinéma d’exploitation une exploration plus insidieuse et « ouatée » des travers humains. C’est en découvrant la comédie Sir Henry at Rawlinson End de Steve Roberts (1980) que Borowczyk choisit de solliciter l’acteur Patrick Magee (inoubliable dans Orange mécanique), et le directeur de la photographie Martin Bell. Mais le rythme de travail extrêmement lent de ce dernier ne convainc pas le réalisateur, qui le remplace au bout de trois jours par Noël Véry, l’homme qui mit en images pour lui Contes immoraux et Collections privées. Le titre souhaité par Borowczyk, Le Cas étrange du Dr. Jekyll et Miss Osbourne, mettait en avant la perspective duale du récit. C’est pourtant sous le titre Docteur Jekyll et les femmes, imposé par le distributeur UGC, que le film sortira en salle, au grand regret du réalisateur.

Dans le Londres du XIXe siècle, le haut du panier de la société londonienne se rend aux fiançailles du Dr Henry Jekyll (Udo Kier) et de Miss Fanny Osbourne (Marina Pierro). Les robes de soirées et les costumes élégants froufroutent dans une ambiance feutrée, la mère du fiancé esquisse une valse au piano en déclenchant des petites applaudissements polis, une jeune fille en ballerines offre à l’assistance quelques jolis entrechats. Bref, tout est propre et convenable. Pendant le dîner, la discussion s’anime un peu lorsque le docteur Lanyon (Howard Vernon) dénigre les théories scientifiques de Jekyll autour de la médecine transcendantale, qu’il juge fallacieuses. Soudain, les convives apprennent qu’une fillette a été violemment agressée dans la rue, à deux pas de chez Jekyll, par un inconnu qui l’a presque battue à mort et a tenté de la violer. Qui serait capable de telles horreurs ? Or l’obsédé sexuel responsable de cette agression s’est introduit dans la fête, transformant les fiançailles en un tourbillon cauchemardesque de meurtres et de débauche.  Le monstre reste insaisissable, puisqu’après chaque exaction, il redevient le très respectable Jekyll…

Mon double, ma femme et moi

La musique atonale de Bernard Parmegiani, couplée à une photographie cotonneuse, noyée dans une sorte de brume, comme pour évoquer les peintures de Wermer, contribue à bâtir une atmosphère angoissante et éthérée, presqu’irréelle. Après la scène d’agression glaçante qui ouvre le film, Borowczyk prolonge le malaise en insérant dans la soirée mondaine des Jekyll des images furtives de meurtres, d’agressions, de corps dévêtus et mutilés. Ici, la nudité et les actes sexuels sont à peine dissimulés (en ce domaine, on sait Borowczyk volontiers démonstratif). Hyde semble d’ailleurs posséder un pouvoir quasi hypnotique sur les femmes, comme en témoigne la soumission soudaine et langoureuse de la fille du général qui exulte sous ses assauts devant son père horrifié (un Patrick Magee qui excelle comme toujours dans le registre de l’excès théâtral). Le cinéaste semble surtout vouloir moquer la bourgeoisie guindée et son hypocrisie. Le film finit par brouiller les pistes avec la réalité, dans la mesure où son Jekyll s’inspire en partie de Robert Louis Stevenson lui-même et de ses addictions à la morphine et au laudanum. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le nom que le scénario donne à sa promise (Fanny Osbourne) est celui de la vraie fiancée de l’écrivain. La séquence de suspense au cours de laquelle celle-ci espionne le bon docteur – qui sert de support visuel au poster du film – marque un point de non-retour dans l’intrigue, puisque c’est le moment où elle découvre son secret et où nous assistons à la métamorphose. Jekyll s’y plonge dans un bain de liquide coloré où il s’agite comme une bête. À l’issue de ce rituel qu’on peut interpréter comme un double symbole de naissance et de baptême (et que le réalisateur filme dans un étonnant plan-séquence fixe), il change d’apparence physique et de comportement. L’acteur Gérard Zalcbreg se substitue alors à Udo Kier avant de s’écrier avec une voix gutturale : « Remplis-moi de haine ! » C’est le prélude à un climax chaotique et violent. Au moment de sa sortie, Docteur Jekyll et les femmes remportera le prix de la meilleure réalisation au Festival du film fantastique de Sitges en 1981.

 

© Gilles Penso

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MISSION: IMPOSSIBLE – THE FINAL RECKONING (2025)

Dans cette suite directe du précédent volet, Ethan Hunt joue contre la montre pour empêcher un holocauste nucléaire…

MISSION : IMPOSSIBLE – THE FINAL RECKONING

 

2025 – USA

 

Réalisé par Christopher McQuarrie

 

Avec Tom Cruise, Hayley Atwell, Ving Rhames, Simon Pegg, Esai Morales, Henry Czarny, Pom Klementieff, Rolf Saxon, Angela Bassett

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA MISSION IMPOSSIBLE

Ce huitième chapitre des aventures d’Ethan Hunt a la particularité de former un dyptique avec Mission : Impossible – Dead Reckoning, partie 1 sorti en 2023. Pourtant, suite à des résultats au box-office en deçà des attentes, la Paramount a pris la décision de ne pas l’intituler « partie 2 », lui préférant ce Final Reckoning, qui évitera à la fois de décourager les spectateurs ayant fait l’impasse sur le précédent et en attirera d’autres en suggérant qu’il pourrait s’agir de l’ultime volet de la saga initiée en 1996, en jouant même sur l’éventualité d’une fin tragique pour notre héros casse-cou. Après tout, même James Bond a fini par tirer sa révérence… The Final Reckoning entend donc reprendre les affaires là où nous les avions laissées deux ans auparavant. Hélas, ce qui aurait dû permettre de commencer sur les chapeaux de roue s’avère en fait un frein à l’action : afin de ne perdre personne en route, on nous offre d’entrée de jeu un résumé en bonne et due forme, à la façon d’un épisode de série TV (les fameux « previously on »). Dans le film précédent, nous déplorions l’aspect trop didactique des dialogues. Le reproche vaut toujours et les choses ont même empiré puisque McQuarrie ajoute cette fois de réguliers flashbacks (de tous les films, sauf le second) en mode « best of Tom Cruise ». Plus ennuyeux encore, cette exposition parvient à simplifier les enjeux présumés complexes du déjà très long épisode précédent, à savoir : Ethan Hunt a mis la main sur les deux morceaux d’une clé permettant d’accéder au code original de l’Entité (l’Intelligence artificielle qui menace la survie de l’humanité), laquelle se trouve dans l’épave d’un sous-marin nucléaire gisant au fond de l’océan arctique. Beaucoup de bruit pour rien sur le plan dramatique ! La mission dEthan Hunt, « sil laccepte », consiste donc à récupérer le disque dur contenant lEntité puis den décharger le contenu dans un serveur situé en Afrique du Sud le programme sera à jamais prisonnier hors-ligne.

Bien sûr, le chemin sera parsemé d’embûches, et si McQuarrie avait réussi dans Rogue Nation et Fallout à écrire des scènes d’action aussi imaginatives que spectaculaires, il s’applique avant tout ici à relier les points d’un dessin dont on devine très vite les contours, maitrisant parfaitement le concept de la loi de Murphy afin que les complications et retournements de situation surviennent toujours au moment opportun, créant par là-même un suspense très artificiel. Une critique applicable en particulier au morceau de bravoure sous-marin à mi-parcours : à moins d’être ablutophobe, difficile en effet de craindre pour la vie d’Ethan Hunt, d’autant que les qualités d’apnéiste de son interprète sont amenuisées par des coupes régulières au montage et que la scène, tournée dans un décor immergé en studio, ne se distingue pas forcément de ce qu’on a pu voir par exemple dans Demain ne meurt jamais. Pire encore, la fameuse scène du biplan, sur laquelle reposait toute la promotion de Final Reckoning, est certes absolument dingue à l’écran (le format IMAX ajoute beaucoup au spectacle) mais… elle semble appartenir à un autre film : tranchant sur le plan visuel avec tout ce qui a précédé, qui se voulait sombre et claustrophobe, voilà que le climax nous emmène virevolter dans un ciel azur sans nuages au-dessus de paysages verdoyants paradisiaques détournant presque l’attention de l’action, d’autant que l’on a plutôt l’impression d’assister à un show aérien et quEthan Hunt semble s’escamoter au profit de la star Tom Cruise. Une entame de la suspension d’incrédulité accentuée par toutes les vidéos promos qui inondaient la toile plusieurs mois avant la sortie du film et dans lesquelles l’acteur aux mâchoires de fer, à trop vouloir montrer qu’il conservait tout son « cool », même accroché à une aile d’avion, a fini par quelque peu démystifier lui-même ses propres exploits.

 MI-8 : MI-figue, MI-raisin

S’agissant présumément du dernier Mission Impossible en raison de son titre quelque peu roublard, McQuarrie et Cruise cherchent à orchestrer le point d’orgue de la saga et convient tous les anciens à la fête. On retrouve ainsi Angela Bassett, promue ici au rang de présidente des États-Unis (une prédiction ratée de l’élection de Kamala Harris ?), mais après Henry Czerny, le retour d’un autre personnage très secondaire du film original laisse quelque peu perplexe. Cette volonté de raccrocher tous les wagons s’avère encore une fois aussi artificielle qu’inutile pour un film déjà (trop) long. Paradoxalement, McQuarrie développe certains personnages qui n’en demandaient pas tant, alors qu’aucune mention n’est faite d’Ilsa (Rebecca Ferguson), disparue dans l’épisode précédent et remplacée au pied levé par Grace (Haley Atwell) dans le cœur d’Ethan Hunt, sans que cela ne surprenne grand-monde. Même le méchant Gabriel (Essai Morales) passe la majeure partie du temps sur la touche et ne semble avoir été retenu que pour offrir un adversaire à Ethan Hunt lors de la scène finale. Étrange également que le fait qu’il ait tout de même tué la première petite amie de ce dernier ne semble plus vraiment être au centre de leur antagonisme. Où est passé le scénariste rigoureux de Usual Suspects, Way of the Gun ou Jack Reacher ? Et que dire de ces tunnels de dialogue où chaque personnage se livre chacun son tour à une petit monologue théâtral et prophétique, même en présence d’une bombe menaçant d’exploser d’une seconde à l’autre ? Quant à McQuarrie-réalisateur, il opère là encore des choix surprenants en rappelant parfois l’ambiance des adaptations des romans de Tom Clancy (la franchise Jack Ryan) mais en reprenant aussi une esthétique évoquant les productions Bruckheimer, voir notamment ces images apocalyptiques de missiles nucléaires fondant sur les monuments iconiques des grandes capitales que Michael Bay n’aurait pas reniées, mais aussi les scènes dans le centre de contrôle de l’armée ou ces plans de porte-avion américain. The Final Reckoning ne retrouve jamais l’équilibre subtil entre grand spectacle et scénario au cordeau qui faisait tout le sel de Rogue Nation et Fallout. On regrettera particulièrement la pirouette commerciale consistant à avoir scindé l’histoire en deux, là où un seul film délesté de certains dialogues et personnages secondaires se serait avéré plus dense et digeste. McQuarrie continue de servir l’image et l’ego de son acteur/producteur, au détriment de l’intégrité du film. Il était question à l’origine que chaque film soit réalisé par un réalisateur différent qui apporterait sa sensibilité et son style, mais Tom Cruise en aura finalement décidé autrement. Il est pourtant probablement temps d’apporter un regard neuf sur la franchise, qui pourrait commencer à ressembler à une variante de Fast & Furious par certains aspects, en particulier la place un brin vaniteuse que s’y s’accorde leur star principale.

 

 © Jérôme Muslewski

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ANTS – L’ATTAQUE DES FOURMIS TUEUSES (1977)

Un téléfilm très moyennement palpitant dans lequel des insectes mutent à cause de la pollution et se mettent à attaquer la population…

ANTS ! / IT HAPPENED AT LAKEWOOD MANOR

 

1977 – USA

 

Réalisé par Robert Scheerer

 

Avec Robert Foxworth, Lynda Day George, Gerard Gordon, Bernie Casey, Suzanne Somers, Myrna Loy, Barry Van Dyke, Karen Lamm, Anita Gillette, Steve Franken

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS

À la fin des années 1970, les petits écrans américains se prennent de passion pour les petites créatures hostiles. Après avoir signé Quand les abeilles attaqueront en 1976, le scénariste Guerdon Trueblood enchaîne rapidement avec Ants ! – initialement titré It Happened at Lakewood Manor – pour le réseau ABC. Trueblood poursuivra d’ailleurs dans cette veine avec Tarantulas: cargo de la mort (1977). La réalisation est confiée à Robert Scheerer, vétéran de la télévision américaine. Le tournage, mené à un rythme soutenu pour coller aux contraintes télévisées, mobilise un casting solide : Robert Foxworth, Lynda Day George et Bernie Casey en sont les têtes d’affiche. Une autre actrice, pourtant secondaire au moment du tournage, va rapidement voler la vedette à tout le monde : Suzanne Somers. Terrifiée par les insectes, Somers doit surmonter sa phobie pour tourner des scènes entières recouverte de fourmis vivantes. Ce défi finira par devenir l’image iconique du film : lorsque Ants ! sort en vidéo, la jaquette met en avant une photo de l’actrice cernée d’insectes. Entre-temps, Vivre à trois, sitcom dans laquelle elle incarne Chrissy Snow, devient un succès fulgurant, et propulse Somers sur le devant de la scène. Lors de l’exploitation du film en vidéo, toute la communication est rajustée pour la mettre en tête d’affiche. En France, le film est d’abord diffusé sous le titre Les Fourmis, avant de ressortir en VHS dans les années 80 sous un nom plus percutant : Ants – L’attaque des fourmis tueuses.

Autour du paisible Lakewood Manor, une pension de famille en bord de mer, les fondations d’un projet immobilier vont bientôt réveiller un cauchemar. Tandis que Tony (Gerald Gordon) et Gloria (Suzanne Somers) tentent de convaincre la propriétaire de vendre pour y bâtir un complexe luxueux, un chantier voisin met au jour une colonie de fourmis, rendues anormalement agressives par une accumulation d’insecticides enfouis dans le sol. Rapidement, les incidents se multiplient : deux ouvriers sont retrouvés gravement intoxiqués après avoir été ensevelis sous un monticule de terre. Le contremaître Mike Carr (Robert Foxworth) et son collègue Vince (Bernie Casey) découvrent avec stupeur qu’ils présentent un taux de toxines inhabituellement élevé. Alors que l’un d’eux succombe, d’autres victimes suivent : un enfant échappe de peu à une attaque, un cuisinier est retrouvé mort dans sa cuisine, envahie par des fourmis surgies des canalisations. Alerté par cette série d’événements tragiques, Mike tente de convaincre les responsables de la menace grandissante. Mais son avertissement reste lettre morte, jusqu’à ce qu’il décide de détruire la fourmilière avec un bulldozer. L’effet est immédiat… et catastrophique : les millions d’insectes dérangés se ruent vers l’hôtel, piégeant ses occupants à l’intérieur.

À pas de fourmis

Produit typique de la vague des téléfilms catastrophes des années 70, Ants aligne tous les poncifs du genre sans jamais vraiment réussir à les transcender. Réalisé avec application mais sans inspiration, le film déroule cette invasion de fourmis tueuses avec une platitude désarmante, où ni l’urgence ni l’effroi ne parviennent à s’installer durablement. Les insectes, pourtant censés être au cœur de la menace, sont filmés sans panache, et sont remplacés dans les plans larges par une multitude de points noirs inertes qui n’entretiennent pas vraiment l’illusion. Le rythme, d’une lenteur presque soporifique, n’aide pas à faire monter la tension. Les protagonistes, réduits à des archétypes interchangeables, réagissent de manière si prévisible qu’on peine à s’inquiéter pour eux. Parmi les scènes réussies, on notera les pales d’un hélicoptère qui projettent dans des nuages de poussière une multitude de fourmis sur une foule affolée, ou encore le climax au cours duquel les héros sont assis, immobiles, respirant dans un tuyau et recouverts d’insectes en attendant les secours. Mais ces petites fulgurances ponctuelles ne suffisent pas à donner du mordant à cette série B trop sage, bien loin de la folie jubilatoire de L’Empire des fourmis géantes de Bert I. Gordon, sorti la même année.

 

© Gilles Penso

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MORTAL KOMBAT (1995)

Loin d’être un chef d’œuvre, cette adaptation décomplexée du fameux jeu vidéo fut une sympathique surprise à l’époque de sa sortie…

MORTAL KOMBAT

 

1995 – USA

 

Réalisé par Paul W.S. Anderson

 

Avec Christophe Lambert, Robin Shou, Cary-Hiroyuki, Tagawa Linden-Ashby, Bridgette Wilson, Talisa Soto, Trevor Goddard

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Quand Mortal Kombat débarque dans les salles en 1995, le jeu vidéo culte lancé par Midway a déjà emballé toute une génération. Aux commandes, Paul W.S. Anderson, jeune réalisateur britannique alors quasi-inconnu. Fan de jeux vidéo, il comprend que l’essence de Mortal Kombat repose essentiellement sur du combat pur inscrit au sein d’une mythologie simple. Anderson veut respecter l’univers tout en le rendant accessible. Avec un budget modeste (environ 18 millions de dollars), il mise sur des chorégraphies explosives, des effets spéciaux spectaculaires et une bande-son tonitruante. Le casting est éclectique : Christophe Lambert en dieu du tonnerre Raiden, Robin Shou en Liu Kang, Linden Ashby en Johnny Cage, et Bridgette Wilson en Sonya Blade. Chacun campe un héros embarqué dans un tournoi d’arts martiaux interdimensionnel, où l’enjeu n’est rien de moins que l’avenir de la Terre. Face à eux, le sorcier maléfique Shang Tsung (interprété par Cary-Hiroyuki Tagawa) et ses guerriers démoniaques comptent bien précipiter l’humanité dans l’obscurité éternelle. Le synopsis, simple mais efficace, tient en une ligne : pour sauver leur monde, de valeureux combattants doivent triompher dans un tournoi mythique contre des adversaires surpuissants venus d’autres dimensions.

Pour ceux qui associaient encore les adaptations de jeux vidéo à des ratages aussi spectaculaires que Super Mario Bros. ou Street Fighter, Mortal Kombat aura fait figure d’heureuse exception. Si elle ne se distingue pas par sa finesse, cette nouvelle tentative de transposer un jeu d’arcade sur grand écran possède quelques solides atouts. D’abord le parti pris simple d’Anderson, qui choisit de rester fidèle au jeu original sans s’encombrer d’un long exposé ou d’une pseudo-psychologie des personnages. Ensuite son casting, qui se prête au jeu avec une réjouissante absence de prétention. Mention spéciale aux deux personnages féminins : Bridgette Wilson, pétillante blonde révélée dans Last Action Hero, et Talisa Soto, beauté exotique et ancienne James Bond girl dans Permis de tuer. Christophe Lambert, lui, reste discret malgré son nom en tête d’affiche, se contentant de lâcher quelques vannes – et de nous gratifier de son fameux rire – sous un look d’Highlander sage et vieilli.

Gare à Goro !

Le film s’offre également un monstre inédit : Goro, un redoutable colosse à quatre bras, conçu par le talentueux duo Tom Woodruff et Alec Gillis, déjà responsables du dynamique extraterrestre d’Alien 3. « Je crois que la création de Goro fut la chose la plus compliquée de notre carrière », confie Woodruff. « Rétrospectivement, c’était une chance pour nous de nous attaquer à ce défi avant l’avènement des effets numériques et de voir jusqu’où nous pouvions aller avec les effets physiques. Nous avons développé nos propres moteurs, nos pistons électroniques, tout ce qui était nécessaire pour actionner les bras, le cou, la tête et le visage de Goro. Nous devions également mettre au point un costume télémétrique, autrement dit une combinaison équipée de capteurs afin qu’un seul marionnettiste puisse effectuer la performance physique, ses mouvements étant reproduits de manière naturelle par le corps animatronique. Nous y avons passé beaucoup de semaines sans week-ends et de nuits blanches. Mais le résultat en valait la peine. » (1) Cet impressionnant mélange de costume spécial, d’effet de maquillage et d’animatronique, allié à un humour salvateur qui émaille régulièrement le film, apporte un souffle bienvenu. Cela dit, au bout d’une moitié de métrage, cette succession de combats acrobatiques sur fond de musique techno devient franchement répétitive et fixe rapidement ses propres limites. Car sans l’interactivité propre aux jeux vidéo, une quinzaine de combats perd vite de son intérêt.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2018

 

© Gilles Penso

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LA LLORONA (1960)

Le spectre d’une femme maudite et vengeresse hante la vie d’une famille dont le jeune enfant est en danger de mort…

LA LLORONA

 

1960 – MEXIQUE

 

Réalisé par Rene Cardona

 

Avec Maria Elena Marqués, Eduardo Fajardo, Luz Maria Aguilar, Carlos López Moctezuma, Mauricio Garcés, Marina Banquells, Juan José Martinez Casado

 

THEMA FANTÔMES

La légende de la Llorona (« la femme qui pleure ») est ancrée dans la culture populaire latino-américaine depuis la nuit des temps. Proche du mythe de la mère infanticide et maudite Médée, ce motif alimente de nombreux films fantastiques mexicains depuis les années trente et ne cesse depuis d’être décliné et réadapté sous les formes les plus diverses. Cette histoire de fantôme – équivalent lointain de notre « Dame blanche » – prend ses racines dans la tragédie d’une femme métisse qui trahit son peuple en devenant la maîtresse d’un conquistador, ôte la vie de ses enfants dans un élan de désespoir et se mue dès lors en spectre larmoyant avide de vengeance. En 1960, le scénariste Adolfo Torres Portillo en écrit une nouvelle adaptation, directement inspirée par la pièce qu’en tira Carmen Toscano, et le film entre en production chez la compagnie Producciones Bueno. Grand habitué du cinéma fantastique mexicain (L’Idole vivante, Bat Woman, Santo et le trésor de Montezuma, Sex Monsters et une centaine d’autres), Rene Cardona se voit confier la mise en scène de ce long-métrage à cheval entre deux époques (le 17ème siècle et les années 1960) et deux genres : le mélodrame et le film d’épouvante.

Une voix off pleine d’emphase et de poésie, qui n’est pas sans annoncer celle qui introduira L’Échine du diable de Guillermo del Toro, sert de prologue à La Llonora, tandis qu’une voiture roule à travers les rues sinueuses de la vieille ville de Guanajato. « L’homme passe », nous dit ce narrateur invisible. « Il vient de l’inconnu et retourne à l’inconnu. Et entre ces deux inconnues, entre la vie et la mort, il laisse une trace pour échapper à l’oubli. » Margarita (Luz Maria Aguilar) épouse Felipe (Mauricio Garcés), malgré une malédiction ancestrale qui, selon son père, le lui interdit. Un garçon naît bientôt de cette union, avec lequel Margarita se met à entretenir une relation fusionnelle quasi-obsessionnelle, au grand dam de son époux. Un flash-back nous transporte alors trois siècles dans le passé et nous conte l’histoire d’amour née entre une native sud-américaine (Maria Elena Marqués) et un conquistador espagnol (Eduardo Fajardo), qui commence de manière très romantique pour s’achever dans les larmes et le sang. C’est là que naît la malédiction de la « pleureuse » qui hante Margarita…

Des larmes et du sang

Dès l’entame, Cardona convoque les grands sentiments, la grandiloquence et une théâtralisation extrême qui, en d’autres circonstances, pourraient faire sourire par leur naïveté surannée. Mais cette approche sied à merveille à l’univers du film et au folklore dans lequel s’inscrit la légende de « la pleureuse ». Tout ici transpire la tragédie antique, avec son cortège de damnations et de remords éternels. La mise en scène s’appuie sur une belle photographie en noir et blanc de l’américain Jack Draper jouant à merveille sur les contrastes. Mais c’est surtout Maria Elena Marqués qui irradie l’écran, tour à tour radieuse, triste et effrayante. D’un simple regard, la star du Romeo et Juliette de 1943 passe de la douceur maternelle à une douleur insondable. Parfois, un effet spécial habile transforme progressivement son visage via une série de fondus enchaînés, altérant sa beauté altière pour faire ressortir les traits creusés d’une créature d’outre-tombe. D’une simple pantomime, l’actrice mue ses mains en griffes menaçantes, que René Cardona place à l’avant-plan de sa caméra pour accentuer le sentiment de menace. Le dernier tiers du film multiplie les séquences de suspense, dans la mesure où le spectre vengeur s’est introduit dans la maison sous les traits d’une nounou avenante, et que la mort menace de frapper à chaque seconde — avec même une séquence qui annonce le passage le plus traumatisant de Simetierre. La Llorona ne cherche pas pour autant à capitaliser sur les codes du cinéma d’épouvante, conservant la plupart du temps une approche relativement réaliste. Là repose une grande partie de son originalité : une tragédie surnaturelle, certes, mais enracinée dans une douleur bien humaine, celle d’une mère brisée, condamnée à errer entre les vivants et les morts.

 

© Gilles Penso

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FEAR STREET : PROM QUEEN (2025)

Déconnecté de la trilogie précédente, ce quatrième opus de la saga inspirée par l’écrivain R.L. Stine transforme un bal de fin d’année en bain de sang…

FEAR STREET : PROM QUEEN

 

2025 – USA

 

Réalisé par Matt Palmer

 

Avec India Fowler, Suzanna Son, Fina Strazza, Katherine Waterston, Lili Taylor, Chris Klein, Ariana Greenblatt, David Iacono, Darrin Baker, Ella Rubin

 

THEMA TUEURS I SAGA FEAR STREET

Diffusée sur la plateforme Netflix en 2021, la trilogie Fear Street connut un succès très honorable et sut satisfaire les amateurs du genre malgré un certain nombre de facilités et de clichés. Inspirés librement d’une série d’ouvrages de R.L. Stine (l’écrivain derrière la franchise Chair de poule), ces trois films réalisés par Leigh Janiak se laissaient volontiers inspirer par Scream et Vendredi 13 pour bâtir leur propre univers, centré autour d’une malédiction frappant la petite ville de Shadyside en trois périodes distinctes : 1666, 1978 et 1994. L’idée d’un quatrième opus germe rapidement mais tarde à se concrétiser. Contrairement au triptyque initial, ce nouvel épisode est envisagé comme un film autonome dont l’intrigue serait déconnectée de ses prédécesseurs. Initialement envisagée pour diriger le film, Chloe Okuno (signataire du drame horrifique Le Voyeur) cède finalement la place à Matt Palmer (réalisateur du thriller Calibre). Ce dernier co-écrit Fear Street : Prom Queen avec Donald McLeary et se laisse largement inspirer – comme l’indique assez explicitement le titre du film – par Le Bal de l’horreur de Paul Lynch.

En 1988, la classe de terminale du lycée de Shadyside se prépare pour le bal de promo. Lori Granger (India Fowler) se porte candidate au titre de reine du bal face à un groupe très populaire surnommé « la meute », menée par l’arrogante Tiffany Falconer (Fina Serazza) et ses amies Melissa McKendrick (Ella Rubin), Debbie Winters (Rebecca Ablack) et Linda Harper (Ilan O’Driscoll). Lori est mise à l’écart par les autres élèves à cause de rumeurs selon lesquelles sa mère aurait tué son père, bien qu’elle ait été déclarée innocente. La vice-principale Brekenridge (Lili Taylor) espère que le bal permettra de redorer l’image de Shadyside, ternie par sa mauvaise réputation. Mais la veille du bal, l’une des candidates est sauvagement assassinée par un tueur caché derrière un masque et une capuche écarlate. Lorsque s’ouvrent les festivités, la tension monte entre les potentielles reines du bal. Mais le vrai danger se tapit ailleurs. Le tueur s’est en effet dissimulé dans les couloirs du lycée et s’apprête à frapper de nouveau…

Fan des années 80

Précédé d’une campagne marketing maligne reproduisant le look des vieilles jaquettes VHS des années 80 ou détournant plusieurs posters célèbres (Carrie, Halloween, Le Bal de l’horreur), Fear Street : Prom Queen assume pleinement sa volonté de s’engouffrer dans la nostalgie eighties portée aux nues par Stranger Things. Tous les lieux communs attendus sont convoqués. La bande originale au synthétiseur est donc ponctuée de tubes de l’époque (chantés par Billy Idol, Judas Priest, Bananarama, Eurythmics, Laura Branigan, Duran Duran ou Grandmaster Flash) et le film s’encombre d’une surabondance de références pop (Phantasm II et Appel d’urgence sont projetés dans le cinéma local, on loue la cassette vidéo de Génération perdue, on tapisse les murs de photos de Patrick Swayze, Johnny Depp ou Prince). La palme revient à la meilleure amie de l’héroïne, un personnage parfaitement improbable qui lit le magazine Fangoria, bricole des effets spéciaux et décore sa chambre avec un poster de L’Enfer des zombies. A trop se concentrer sur ce jeu d’accumulation, le film peine à construire une intrigue intéressante. Car ces petites rivalités mesquines entre futures reines du bal stéréotypées sont évidemment d’un intérêt tout relatif. Fort heureusement, les séquences de meurtres ne lésinent pas sur le gore excessif à l’ancienne, quelques moments de suspense fonctionnent bien et les ultimes rebondissements sont très récréatifs. Mais le spectateur aguerri a déjà l’impression d’avoir déjà vu tout ça un millier de fois. Le postmodernisme a ses limites. Fear Street : Prom Queen le prouve à chaque minute.

 

© Gilles Penso

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