AU TEMPS DE LA GUERRE DES ETOILES (1978)

Un téléfilm improbable et hallucinant en totale roue libre, que George Lucas n'a jamais assumé… et on le comprend !

STAR WARS HOLIDAY SPECIAL

1978 – USA

Réalisé par Steve Binder

Avec Mark Hamill, Carrie Fisher, Harrison Ford, Peter Mayhew, Anthony Daniels, Mickey Morton, Patty Maloney

THEMA SPACE OPERA I SAGA STAR WARS

En 1978, pour revoir un film qui n’était plus à l’affiche, il fallait réfréner son impatience et guetter le moment incertain où une chaîne de télévision aurait enfin la possibilité de le diffuser. Dans une telle situation, comment satisfaire tous les gamins subjugués par La Guerre des Etoiles, rêvant ardemment de retrouver leurs héros favoris dans une galaxie lointaine, très lointaine ? Réponse : en leur offrant un téléfilm réunissant les principaux protagonistes du space opera le plus populaire de tous les temps. Ainsi est né Star Wars Holiday Special. Aujourd’hui, le visionnage de ce long-métrage improbable, repoussant les limites du kitsch et du grotesque, bafouant sans vergogne les règles les plus élémentaires du bon goût, est une épreuve – que dis-je ? une torture ! – dont il est difficile de se remettre. Mais à l’époque, les enjeux n’étaient pas les mêmes. Il ne s’agissait pas encore de capitaliser sur une franchise juteuse à grands coups de produits dérivés et de marketing matraqueur, mais simplement d’égayer les soirées hivernales des jeunes téléspectateurs en leur proposant une variante modeste et décomplexée de leur film préféré. Ceci étant posé, on peut légitimement se demander quelles substances illicites absorbaient les cinq scénaristes au moment des faits.

L’intrigue met en vedette la famille de Chewbacca, autrement dit une ménagère wookie qui s’affaire en cuisine derrière son tablier, un rejeton aux traits difformes et un grand père velu aux allures de yéti. Impatients de célébrer leur rituel « Life Day », les gentils wookies s’inquiètent de ne pas voir arriver Chewbacca, ignorant que ce dernier, aux commandes du Faucon Millenium avec Han Solo, tente d’échapper aux vaisseaux de l’Empire. En attendant, le trio poilu regarde la télé, d’où une succession de numéros musicaux et « comiques » tous plus interminables et douteux les uns que les autres : des danseuses échappées d’un cirque de travestis, une émission culinaire avec un cuisinier déguisé en femme et équipé de quatre bras, une chanteuse à paillettes qui apparaît dans les fantasmes du papy, un immonde morceau pop joué par un groupe chevelu, l’intervention laborieuse d’un androïde en proie à des avaries, une comédie musicale au milieu des extraterrestres de la Cantina…

La chanson de la Princesse Leïa

En guest stars, Harrison Ford semble ne pas y croire une seconde, Mark Hamill sourit difficilement sous des tonnes de maquillage masquant les cicatrices de son récent accident de voiture et Carrie Fisher – outrage ultime – entonne une chanson pour la paix et l’amour dans le monde ! La partie du film la moins pénible est un dessin animé d’une dizaine de minutes au graphisme certes discutable – Han Solo y ressemble à Jar Jar Binks ! – mais aux trouvailles visuelles intéressantes, d’autant qu’on y découvre pour la première fois – deux ans avant L’Empire Contre-Attaque – le personnage de Boba Fett. Diffusé une seule fois, Star Wars Holiday Special fut immédiatement retiré des programmations lorsque George Lucas découvrit l’ampleur des dégâts. Nous autres, enfants de La Guerre des Etoiles, eurent la joie perplexe de découvrir cette chose étrange sur nos écrans de télévision un après-midi du mois de janvier, en 1979. Si le film n’a plus jamais été commercialisé, il circule depuis sous forme de copies officieuses, au grand dam de ce bon vieux George !

 

© Gilles Penso

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1984 (1984)

Une adaptation glaçante du classique de George Orwell, avec John Hurt et Richard Burton en tête d'affiche

1984

1984 – GB

Réalisé par Michael Radford

Avec John Hurt, Richard Burton, Suzanna Hamilton, Cyril Cusack, Gregor Fisher

THEMA FUTUR 

Cette seconde adaptation du mythique roman de George Orwell (après celle de Michael Anderson réalisée en 1956) semblait présenter toutes les caractéristiques d’une opération marketing savamment calculée. Tourné en Angleterre entre avril en juin 1984 (pour se conformer exactement aux lieux et aux dates dans lesquels se déroule le roman), soutenu par une vaste campagne publicitaire couplant sa sortie avec celle du single « Sexcrimes » interprété par le groupe Eurythmics, le film de Michael Radford n’a pourtant rien d’un blockbuster. Austère et résolument anti-hollywoodien, 1984 s’avère aussi fidèle que possible au récit dystopien dont il s’inspire et se distingue par la pertinence de son casting.

« Qui contrôle le passé contrôle le futur. Qui contrôle le présent contrôle le passé » annonce le carton d’introduction. 1984 commence par un film de propagande vantant fièrement les mérites du peuple d’Océania et montrant du doigt l’ennemi, c’est-à-dire l’armée d’Eurasia. La haine du peuple est savamment focalisée vers un certain Goldstein, bouc-émissaire idéal de cette société totalitaire ultime. Lorsque le logo du Parti apparaît plein écran, au son de trompettes patriotiques, le peuple se lève, droit comme un piquet, et effectue docilement son salut en croisant les bras en forme de V, psalmodiant « Big » pour « Big Brother ». Dans cette cité de cauchemar, les rues sont en ruine, la misère et la tristesse suintent partout, les tanks arpentent le bitume gris et sale, les trains sont tirés par de vieilles locomotives, les hélicoptères rodent devant les fenêtres pour surveiller les citoyens, les gardiens de l’ordre ressemblent à des soldats de la Wermacht et les exécutions publiques galvanisent les foules. 

« Qui contrôle le passé contrôle le futur… »

Le monde semble avoir stagné depuis les années 40, même si quelques avancées technologiques (notamment les grands télécrans interactifs qui trônent dans les appartements austères et ne s’éteignent jamais) se sont immiscées dans ce rétro-futur alternatif. Winston Smith (John Hurt) est un fonctionnaire anonyme dont le métier consiste à réécrire les articles de presse en les adaptant à la réalité souhaitée par le Parti. Mais dans le mur de son misérable appartement, Smith cache un journal intime où il couche par écrit ses pensées non contrôlées. Dans un monde où  même les romans et les chansons sont écrits par des machines, c’est bien sûr un sacrilège, premier pas vers une quête de liberté qu’on craint perdue d’avance. La première scène d’amour entre Smith et Julia (Suzanna Hamilton), dans la forêt, est emplie de désespoir et de désenchantement. On n’y ressent aucun bonheur, tout juste un peu de paix et de sérénité hélas provisoires. Car « Big Brother » et la police de la pensée veillent, représentés par O’Brien (un Richard Burton impérial à la froideur terrifiante) qui sera l’interrogateur,  le juge et le bourreau du couple. « Il ne suffit pas de rester vivant », dira Smith alors que tout est mis en œuvre pour briser son esprit. « C’est rester humain qui est important ». Désespérément prophétique dans ses mises en garde contre la privation progressive de nos libertés, le roman d’Orwell aura trouvé par le biais de Michael Radford son idéale mise en forme cinématographique.

 

© Gilles Penso

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MOBY DICK (1956)

La mise en scène de John Huston et la prestation de Gregory Peck donnent corps au célèbre roman d'Herman Melville

MOBY DICK

1956 – USA

Réalisé par John Huston

Avec Gregory Peck, Richard Basehart, Leo Genn, James Robertson Justice, Harry Andrews, Bernard Miles, Noel Purcell

THEMA MONSTRES MARINS

Cette adaptation du roman qu’Herman Melville publia en 1851 est probablement la plus flamboyante et la mieux écrite de toutes, effaçant dans son sillage les deux versions précédentes (The Sea Beast de Millard Webb en 1926, et Moby Dick de Lloyd Bacon en 1930, lesquelles mettaient toutes deux en vedette John Barrymore). Cette réussite incombe d’abord au romancier Ray Bradbury et au cinéaste John Huston, qui ont su tirer du texte initial un scénario grandiose, emphatique, agrémentant les répliques de ses personnages de saillies exagérément littéraires pour mieux souligner l’aspect symbolique de l’aventure. Le travail d’Huston se distingue également par ses choix de mise en scène, précis, minutieux, jamais grandiloquents malgré l’incroyable maîtrise de la reconstitution des séquences marines. Les comédiens, enfin, portent une bonne partie de ce chef d’œuvre sur leurs épaules, Gregory Peck en tête, inoubliable en capitaine Achab au visage partiellement abîmé et vieilli, portant les stigmates indélébiles de son affrontement avec la grande baleine blanche. Illuminé, possédé, déraisonnable, il reflète à lui seul tous les excès de la nature humaine lorsque l’amour-propre et la fierté ont été mis à mal. Véritable superstar de l’époque (notamment grâce à La Maison du Docteur Edwards et Le Procès Parradine d’Alfred Hitchcock), Peck permit à Huston de mettre enfin en branle la production du film, qui restait au fond d’un tiroir chez Warner Bros à cause de son caractère pessimiste et de son absence totale de romance (deux sacrilèges aux yeux des grands studios !).

Orson Welles fut à une époque envisagé pour endosser la défroque d’Achab, tout comme Huston lui-même. Face à Gregory Peck, on trouve l’officier Starbuck, un second bigot qui ne cesse de craindre la colère divine, campé par un Leo Genn très habité, ainsi qu’Ishmael, narrateur de l’invraisemblable récit, incarné par Richard Basehart. Et puis il y a la baleine elle-même, merveille technique qui mêle maquettes miniatures filmées en bassin aux studios Shepperton et portions mécaniques grandeur nature acheminées en mer sans que le public ne parvienne à déceler la nature exacte des effets spéciaux, tant ceux-ci sont habilement intégrés aux prises de vues réelles. Le monstre marin entraîna d’ailleurs de sérieux réaménagements du planning et d’inévitables inflations budgétaires, dans la mesure où ses séjours prolongés dans l’eau et ses mises en pièce régulières nécessitèrent de perpétuelles reconstructions du modèle articulé recouvert d’une peau en caoutchouc. 

Montée en puissance

Les différentes séquences d’affrontement entre l’équipage et le titanesque cétacé montent en puissance, jusqu’au duel final, au cours duquel la mâchoire démesurée du monstre marin fend les eaux, emporte les hommes et détruit les embarcations, en une folie destructrice insensée. En ces moments forts très inspirés, Huston nous montre à quel point Achab et Moby Dick semblent être les deux facettes d’un seul être, comme Jekyll et Hyde, leur haine réciproque les vouant à une perte simultanée. Bref, un grand film, lyrique en diable, auquel on pourra simplement reprocher un démarrage sans doute trop lent et une poignée de séquences un tantinet théâtrales.

 

© Gilles Penso

LA SERRE GÉANTE (1957)

Ce volatile extra-terrestre géant est probablement l'un des monstres les plus ridicules de l'histoire du cinéma

THE GIANT CLAW

1957 – USA

Réalisé par Fred F. Sears

Avec Mara Corday, Jeff Morrow, Morris Ankrum, Louis Merrill, Edgar Barrier, Robert Shayne, Frank Griffin, Clark Howat, Morgan Jones

THEMA REPTILES ET VOLATILES I EXTRA-TERRESTRES

Sous contrat chez Columbia pendant toute sa carrière de réalisateur, Fred F. Sears s’est attaqué à de nombreux genres cinématographiques (polar, guerre, western), mais ses deux longs-métrages les plus célèbres sont des œuvres de science-fiction. Si le premier, Les Soucoupes Volantes Attaquent, est resté fameux pour les prodigieux effets spéciaux de Ray Harryhausen, le second, The Giant Claw, doit sa célébrité à la médiocrité absolue de ses trucages. Ce grand écart est d’autant plus étonnant que les deux films s’enchaînent dans la filmographie de Sears. Nathan Juran connaîtra un sort similaire en tournant tour à tour le fabuleux 7ème Voyage de Sinbad et le grotesque Attack of the 50 foot Woman. Dès ses premières minutes, The Giant Claw nous assène un style pesant, une voix off sentencieuse paraphrasant tout ce qui se passe à l’écran pour tenter de dramatiser une intrigue assez improbable. Alors que des chercheurs étudient les cieux depuis une base installée en Arctique par le gouvernement américain, un objet volant non identifié, invisible pour les radars, est signalé par plusieurs témoins, et des avions se mettent à disparaître sans explication. Aux premières loges, le couple vedette du film, Jeff Morrow (Les Survivants de l’Infini) et Mara Corday (Tarantula), atterrit en catastrophe en rase campagne et est recueilli par un autochtone canadien qui parle français comme une vache espagnole. Une nuit d’orage, le brave homme croit voir « la Cacania », un oiseau monstrueux qui, selon la superstition locale, annonce une mort prochaine.

Prudent, le réalisateur noie d’abord son monstre dans le brouillard, se bornant à cadrer une forme floue qui traverse furtivement le ciel. Mais, conscient que le spectateur ne se contentera pas de cette abstraction volante, il finit par se montrer plus démonstratif. Hélas, le producteur Sam Katzman ayant jugé bon de sous-traiter la fabrication de la créature à d’obscures maquettistes mexicains pour économiser un peu d’argent, le résultat atteint les plus hautes cimes du ridicule. Une morphologie de poulet frippé, des yeux globuleux, un grand bec tordu garni de dents en plastique, un joli toupet qui orne le sommet de son crâne, des cris de coucou enroué : tel est le monstre diabolique du film, arrachant systématiquement aux spectateurs des hurlements, non de terreur bien entendu mais de rire !

« Cet oiseau est capable d'ouvrir son écran d'anti-matière ! »

Ce qui n’empêche pas les acteurs de débiter des dialogues savants au premier degré, du type : « de toute évidence, cet oiseau est capable d’ouvrir son écran d’anti-matière pour utiliser son bec, ses serres et ses ailes comme des armes destructrices », ou encore « cet oiseau est extra-terrestre, il vient de l’espace, d’une galaxie d’anti-matière, à des millions d’années lumière de la Terre. » Pour essayer de limiter la casse, Fred F. Sears complète les séquences d’attaques avec des stock shots en vrac : archives de l’US Air Force, gens qui courent dans les rues, incendies, bétail en fuite, accidents de voiture, et même des plans empruntés à Les Soucoupes Volantes Attaquent. Mais rien n’y fait : The Giant Claw ressemble à une énorme blague, qui s’achève comme un King Kong au rabais : l’oiseau casse l’Empire State Building puis se fait dégommer par un missile et tombe lamentablement dans l’eau.

 

© Gilles Penso

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LE SANG DES INNOCENTS (2001)

Dario Argento revient à ses premières amours pour concocter un thriller redoutablement efficace à mi-chemin entre l'enquête policière et le récit d'horreur

NON HO SONNO

2001 – ITALIE

Réalisé par Dario Argento

Avec Max Von Sydow, Stefano Dionisi, Chiara Caselli, Gabriele Lavia, Roberto Zibetti, Gabriele Lavia, Paolo Maria Scalondro

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

Avec la régularité d’un métronome, Dario Argento revient cycliquement à ses premières amours horrifico-policières entre deux films plus volontiers portés sur le fantastique pur. Ainsi, comme Ténèbres après Inferno, comme Terreur à l’Opéra après Phenomena, comme Trauma après Deux yeux maléfiques, ce Sang des Innocents vient-il succéder à un Fantôme de l’Opéra qui n’avait pas convaincu grand monde. Après dix-sept ans d’absence, Giacomo revient à Turin. Il avait quitté la ville après le meurtre atroce de sa mère, sous ses yeux. Giacomo n’avait pu identifier l’assassin, et la disparition du suspect, un nain amateur de comptines enfantines, avait clos l’enquête. Aujourd’hui, les meurtres en série reprennent. Aidé d’un commissaire à la retraite, interprété par ce bon vieux Max Von Sydow, Giacomo décide de traquer le tueur…

Derrière un titre original un tantinet hors-sujet (« Non Ho Sonno », autrement dit « Je ne peux pas dormir »), traduit en France par un étrange et poétique Le Sang des Innocents, se cache une petite pièce d’orfèvrerie, ni plus ni moins. Et c’est donc avec un enthousiasme non dissimulé qu’on retrouve Dario Argento au faîte de son talent, brassant ici toutes les composantes et toutes les obsessions qui firent le succès de ses premiers films, L’Oiseau au plumage de cristal en tête. Ainsi retrouve-t-on ici l’enfance traumatisée, le tueur ganté de noir, le détail crucial perdu dans un trou de mémoire, l’enquête policière jonchée de fausses pistes, les actrices fort photogéniques promises à des morts sanglantes et graphiques… Comme pour marquer davantage ce retour aux sources, le grand Dario a intégralement tourné dans son Italie natale, avec son équipe habituelle, notamment le père Claudio Argento à la production, les prolifiques Goblin derrière les synthétiseurs et les guitares électriques et l’inventif Sergio Stivaletti aux effets spéciaux. Celui-ci nous vaut quelques écarts gore assez gratinés, comme ce meurtre au cor anglais ou cette tête fracassée contre un mur sans le moindre ménagement.

« Je ne peux pas dormir… »

Dès la séquence d’introduction, une ébouriffante course-poursuite dans un train nocturne quasi-désert mettant en vedette une prostituée interprétée par Barbara Lerici, Le Sang des Innocents tient en haleine et surprend. «J’aime commencer mes films par une scène forte », nous explique le cinéaste. « Elle n’est d’ailleurs pas très réaliste et ressemble presque à un cauchemar, dans la mesure où le train est quasiment vide, comme si le tueur et sa victime étaient les seuls êtres vivants qui l’occupent. J’aimais bien l’idée d’isoler le personnage central de la scène dans des plans larges. C’est un style visuel qui me plaît. Mais ça nous a sérieusement compliqué la tâche, car il fallait filmer de loin un train en mouvement, en suivant une chorégraphie très précise. Nous avons loué le train pour trois nuits consécutives. Il faisait sans cesse des allers-retours sur le même tronçon en passant d’une station à l’autre. » (1) La révélation finale du film, quant à elle, remet Scream et tous ses imitateurs à leur juste place, et ce même si les folies visuelles de l’œuvre passée d’Argento, en particulier celles de Suspiria et Inferno, avaient plus de panache et d’excès baroque. Si Argento se laisse volontiers aller à l’auto-citation et à la redite (le film reprend presque à la lettre certains éléments de Les Frissons de l’Angoisse, Ténèbres et Inferno), Le Sang des Innocents restera dans les mémoires ne serait-ce que grâce à une poignée de scènes fort audacieuses. Notamment ce long travelling sur un tapis qui s’achève sur une décapitation en gros plan, et qui rappelle les plans-séquences vertigineux de Brian de Palma, les deux cinéastes ayant toujours partagé certains de leurs effets de style les plus explicites.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016

© Gilles Penso

 

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CASINO ROYALE (1954)

La toute première adaptation à l'écran d'une aventure de James Bond est un téléfilm américain avec Barry Nelson dans le rôle de 007

CASINO ROYALE

1954 – USA

Réalisé par William H. Brown Jr 

Avec Barry Nelson, Peter Lorre, Linda Christian, Michael Pate, Eugene Borden, Jean del Val, Gene Roth, Kurt Katch

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

En 1954, Ian Fleming a besoin d’argent. Après avoir achevé l’écriture de « Casino Royale », la toute première aventure consacrée à l’agent secret James Bond 007, il n’a aucune idée du potentiel commercial de son œuvre et vend donc les droits d’adaptation du manuscrit au producteur Gregory Ratoff pour 600 dollars. La somme semble évidemment ridicule aujourd’hui, mais à l’époque personne ne sait encore que l’espion britannique va se transformer en poule aux œufs d’or. Ratoff se tourne alors vers la chaine de télévision CBS qui accepte d’intégrer « Casino Royale » dans sa collection Climax ! Le principe de cette série télévisée est de consacrer chacun de ses épisodes à une histoire policière autonome, souvent adaptée d’un roman ou d’une nouvelle.

Confié au réalisateur William H. Brown Jr, Casino Royale devient donc le troisième épisode de la collection. Le scénario, rédigé par Antony Ellis et Charles Bennett, reprend les grandes lignes du roman tout en le simplifiant à l’extrême pour respecter les contraintes d’un budget limité et d’une durée finale de 50 minutes. L’une des différences majeures entre l’écrit et l’écran et la nationalité du personnage principal. L’agent 007 des services secrets britanniques se transforme ici en espion américain à la solde de la CIA qui préfère au vodka martini un bon vieux whisky et répond – Ô sacrilège – au surnom de « Jimmy Bond » ! Barry Nelson lui prête ses traits avenants et un peu rondouillards, composant un Bond affable aux allures de cowboy en smoking à mille lieues du flegme « so british » de Sean Connery. Curieusement, son allié américain Felix Leiter a été ici rebaptisé Clarence Leiter et s’est transformé en agent anglais. Allez comprendre ! Quant à la Bond Girl, incarnée par Linda Christian, elle ne se nomme plus Vesper Lynd comme dans le roman mais Valerie Mathis. Seul le grand méchant de l’histoire a conservé son nom énigmatique, Le Chiffre, et bénéficie de la présence inquiétante du formidable Peter Lorre. Flanqué de trois gorilles armés jusqu’aux dents – qui répondent aux doux noms de Basil, Zoltan et Zuroff – Le Chiffre affronte Bond au cours d’une partie de baccarat dont l’issue sera la mort violente du perdant.

Le regard torve et la voix mielleuse de Peter Lorre

Structuré en trois actes distincts, ce téléfilm est entravé par ses moyens modestes qui confinent l’action dans une poignée de décors limités, réduisent le montage à sa plus simple expression et l’exposent à quelques maladresses (l’ombre de la perche du micro et de la caméra apparaissent souvent dans les décors de l’hôtel). Mais son visionnage s’avère savoureux pour les curieux qui souhaitent découvrir la toute première adaptation à l’écran des aventures de James Bond. Les meilleures scènes, sur lesquelles plane l’influence des films d’espionnage d’Alfred Hitchcock, s’appuient sur la prestation de Peter Lorre, dont le regard torve et la voix mielleuse exhalent une menace omniprésente. On note que la musique du film, qui n’intervient que pour souligner le passage d’un chapitre à l’autre sous forme de virgules orchestrales, est l’œuvre d’un Jerry Goldsmith alors en tout début de carrière.

 

© Gilles Penso

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SPECTRE (2015)

Sam Mendes dirige l'agent 007 pour la seconde fois et le lance aux trousses de son ennemi juré Blofeld

SPECTRE

2015 – GB / USA

Réalisé par Sam Mendes

Avec Daniel Craig, Christoph Waltz, Léa Seydoux, David Bautista, Ralph Fiennes, Ben Whishaw, Naomie Harris, Monica Bellucci

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA JAMES BOND

Le permis de tuer est aussi celui de risquer d’être tué, de frôler la mort à tout instant, de côtoyer sans cesse la Grande Faucheuse. Tel est le destin de James Bond, et tel est l’angle qu’a choisi d’aborder Spectre, dont le titre en dit déjà long, désignant à la fois le gang tentaculaire qui menace le monde et l’agent 007 lui-même. La mort est ici omniprésente, dès le prologue où s’affiche la phrase « les morts sont vivants » et où Bond est habillé en squelette, au sein d’un plan-séquence virtuose qui  s’impose comme l’un des meilleurs prégénériques de toute la saga. La caméra isole notre héros au milieu d’une foule immense de fêtards revêtus des atours de la célèbre fête des morts mexicaine, puis ne le lâche plus jusqu’à ce que notre homme parte accomplir une des missions qui émaillent sont quotidien : donner la mort. Prodigieuse, cette entrée en matière cède le pas à un générique troublant où l’érotisme se teinte de noirceur et d’épouvante, d’insidieux tentacules rampant autour des corps dénudés, en des visions surréalistes à mi-chemin entre H.P. Lovecraft et les mangas hentaï.

La mort rôde telle une ombre sinistre perchée au-dessus de l’agent 007. C’est d’ailleurs l’imagerie qui orne le poster officiel du film. Derrière Daniel Craig, revêtu d’un smoking blanc (la couleur du deuil dans de nombreuses traditions), se dresse un squelette grimaçant et immense qui n’est autre qu’une vision macabre de lui-même. Même la chanson du générique abonde dans ce sens, la voix délicate de Sam Smith traduisant la fragilité de l’existence tandis que la puissante charge orchestrale qui l’accompagne semble évoquer la force inéluctable du destin. Un message posthume de M marque d’ailleurs le point de départ de l’intrigue. En l’écoutant, James Bond décide de mener une croisade solitaire, guidé par le fantôme de celle qui fut son patron, son amie et sa confidente. Les deux Bond Girls qui croisent sa route (Monica Bellucci et Lea Seydoux) se définissent elles aussi par leur relation avec un défunt, respectivement un époux et un père. Bond finira bien entendu par affronter l’insaisissable maître du crime qui tire toutes les ficelles, au sein d’un ultime duel jouant clairement sur un effet de miroir accentué par la mise en scène de Sam Mendes qui superpose sur le reflet d’une vitre le visage de Daniel Craig et celui de Christoph Waltz, comme si chacun était le spectre de l’autre.

Permis de tuer et permis de mourir

Si la mort est décidément partout dans Spectre, le film n’est pas particulièrement morbide. Il s’affirme même comme le plus récréatif et le plus distrayant de toute la période Daniel Craig. Les allusions aux Bond précédents abondent, de Bons Baisers de Russie à Opération Tonnerre en passant par James Bond contre Docteur NoOn ne vit que Deux Fois et Vivre et Laisser Mourir, et le gunbarrel d’ouverture est enfin de retour. Certes, l’intrigue perd de sa force au cours du dernier acte du film, d’autant qu’elle se calque un peu trop sur celle de Captain America le Soldat d’Hiver (une organisation criminelle symbolisée par une pieuvre cherche à briser les libertés individuelles de la planète en immisçant secrètement plusieurs de ses membres actifs au sein des services secrets du globe). Mais le spectacle demeure réjouissant d’un bout à l’autre et le final, ouvert vers un nouveau départ, offre à 007 une renaissance paradoxale. L’homme qui tutoie la mort, le « cerf-volant dans la tempête » y retrouve en effet son immortalité.

 

© Gilles Penso

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CRIMSON PEAK (2015)

Guillermo del Toro rend hommage aux récits d'épouvante gothique classiques en situant son film dans une splendide maison hantée

CRIMSON PEAK

2015 – USA

Réalisé par Guillermo del Toro 

Avec Mia Wasikowska, Tom Hiddletson, Jessica Chastain, Jim Beaver, Charlie Hunnam

THEMA FANTÔMES

S’il fallut attendre presque dix ans pour que Crimson Peak voie le jour, alors que Guillermo del Toro le préparait dès 2006, c’est pour une raison financière découlant d’une décision artistique cruciale. Le cinéaste souhaitait en effet que le décor principal, une vieille maison branlante dans laquelle s’installe le trio constitué d’Edith Cushing (Mia Wasikowska), Lucille Sharpe (Jessica Chastain) et Thomas Sharpe (Tom Hiddletson), ne soit ni numérique, ni recyclé à partir d’un manoir existant, mais entièrement fabriqué pour les besoins du film. Ce décor splendide, dont les espaces sinistres s’étendent sur trois étages, devient dès lors un quatrième personnage à part entière. Tel l’épave d’un navire échoué, ce manoir trop grand, trop vieux, trop abîmé, semble s’enfoncer lentement dans le terrain meuble et boueux sur lequel il est édifié, tandis que son toit éventré laisse tomber sans discontinuer les feuilles en automne et la neige en hiver. De toute évidence, cette maison hautaine et déchue, héritière directe des « grandes dames hantées » de La Maison du Diable ou de La Chute de la Maison Usher, est la métaphore de l’esprit tourmenté de ses habitants, peuplé de secrets, de mystères et de souvenirs macabres. La dualité de cette vaste demeure, à la fois belle et laide, permet à Guillermo Del Toro d’aborder frontalement l’une de ses thématiques les plus récurrentes : l’opposition entre l’humanité et la monstruosité.

Comme dans L’Echine du Diable, les spectres surgis d’outre-tombe ne représentent pas une menace réelle mais font plutôt office d’avertissement, l’horreur véritable se nichant dans les actes des mortels. Del Toro entretient l’ambiguïté en dotant ses revenants d’un design extrêmement repoussant, à mi-chemin entre le zombie en décomposition et le démon grimaçant. Sans doute a-t-il d’ailleurs trop forcé le trait, l’excès de leur monstruosité et l’ajout d’effets numériques éthérés nuisant quelque peu à leur crédibilité et à leur pouvoir de fascination. Mais l’effet de surprise demeure, tout comme le détournement d’attention. Toute occupée qu’elle est à fuir les fantômes la harcelant régulièrement, notre héroïne ne voit pas le vrai visage du mal, beaucoup plus ancré dans le monde réel. La violence inouïe avec laquelle éclatent les exactions humaines – agressions, meurtres, mutilations – n’en est que plus choquante.

Le vrai visage du mal

Si les influences de Del Toro semblent principalement littéraires, il est impossible de ne pas y sentir aussi celle des grands films gothiques d’Alfred Hitchcock, Mario Bava, Roger Corman, Terence Fisher ou Riccardo Freda. Cette source d’inspiration s’étend bien au-delà du patronyme « Cushing » choisi pour le personnage principal. Elle contamine peu à peu tout le métrage. Lorsqu’Edith déambule nuitamment dans la maison sinistre, un chandelier à la main, il est difficile de ne pas penser à Barbara Steele dans L’Effroyable Secret du Docteur Hichcock. Comme un peintre soucieux d’utiliser soigneusement la palette idéale pour parachever son tableau, Guillermo del Toro s’est adjoint les services des artistes les plus adaptés à son univers, parmi lesquels il faut citer les comédiens mais aussi le chef décorateur Thomas Sanders, la costumière Kate Hawley et le compositeur Fernando Velazquez, dont les splendides accords symphoniques résonnent encore longtemps dans nos esprits après le visionnage du film.

 

© Gilles Penso

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ÇA PEUT VOUS ARRIVER DEMAIN (1977)

Deux jeunes filles venues de nulle part s'invitent un soir d'orage dans la maison d'un homme marié et révèlent leur nature de dangereuses psychopathes

DEATH GAME

1977 – USA

Réalisé par Peter Traynor

Avec Sondra Locke, Collen Camp, Seymour Cassell, Beth Brickell, Michael Kalmansohn, Ruth Warshawsky, David Worth 

THEMA TUEURS

« Ce film est inspiré d’une histoire vraie. Il devrait servir à ne pas oublier que le destin ne permet à personne de se protéger contre le mal qui pervertit notre société.  » C’est sur ce texte d’introduction nébuleux et solennel que démarre Ça peut vous arriver demain. Après un générique interminable constitué de fondus enchaînés sur des dessins d’enfants accompagnés d’une chanson naïve baptisée « My Good Old Dad », tout s’amorce en douceur, sans préavis, par une banale soirée pluvieuse dans le San Francisco des années 70. George Manning (Seymour Cassell), un paisible quadragénaire, passe une soirée tranquille et solitaire, sa femme et ses enfants étant réunis chez les grands-parents. Lorsque cognent à sa porte deux jeunes filles trempées et quelque peu désorientées (Sondra Locke et Colleen Camp, qu’on allait retrouver respectivement dans Sudden Impact et Une Journée en enfer), George ne peut se résoudre à les abandonner à leur triste sort. Il leur permet de passer un coup de fil, leur prête des serviettes, leur offre à boire, et se laisse distraire par les adolescentes ingénues et rieuses. Curieuses, elles demandent à visiter la grande maison, et c’est avec une surprise mêlée de panique que George retrouve les deux jeunes filles nues en train de batifoler dans son jacuzzi.

Le dilemme ne dure pas longtemps, et voilà notre homme pris en sandwich entre les deux tentatrices au beau milieu des bulles. L’érotisme vénéneux et trouble de la séquence est hélas gâché par un montage épileptique incompréhensible, et par une musique risible qu’on croirait issue de La Croisière s’amuse. La suite du film prend des allures de Liaison fatale avant l’heure, car George espère bien voir déguerpir le joyeux duo, tandis que celles-ci envisagent visiblement de s’installer quelques temps, cassant, salissant et vomissant des vulgarités comme des sales mômes sans surveillance. N’y tenant plus, George les fait monter dans sa voiture de force et les raccompagne à la gare. Mais le soir venu, elles le retrouvent chez lui, l’assomment et le ligotent. Commence alors une longue nuit d’angoisse, ponctuée de tortures physiques et psychologiques, au cours de laquelle les deux jeunes filles révèlent leur nature sadique et désaxée, se maquillant comme pour une soirée d’Halloween, noyant dans un aquarium un livreur trop curieux, et promettant à George une mort sanglante dès que poindra l’aube… 

Des monstres au doux visage

Autant dire que Ça peut vous arriver demain surprend, tant il échappe aux conventions du film  traditionnel de tueurs psychopathes. Mais pour être honnête, cette originalité semble plus liée à un amateurisme généralisé (mise en scène approximative, comédiens en roue libre, scénario flottant) qu’à une farouche volonté de démarcation. Il n’en reste pas moins que la nature même des monstres permet au film de sortir du lot, ces jeunes filles en perte de repères et incapables de dissocier le bien du mal s’avérant par moments bien plus effrayantes qu’un Jason ou qu’un Michael Meyers, ne serait-ce que par l’imprévisibilité de leur comportement et de leurs réactions. Le film demeure une curiosité méconnue, typique d’une époque en quête d’expérimentations formelles et scénaristiques. Un remake officiel sera réalisé en 2015 par Eli Roth sous le titre Knock Knock.

 

© Gilles Penso

 

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DE SI GENTILS PETITS MONSTRES (1980)

Une production Troma dans laquelle des enfants irradiés par des produits toxiques consument tous ceux qu'ils touchent

THE CHILDREN

1980 – USA

Réalisé par Max Kalmanowics 

Avec Martin Shakar, Gil Rogers, Gale Garnett, Shannon Bolin, Tracy Griswold, Joy Glaccum, Jeptha Evans, Clara Evans

THEMA ENFANTS

Sobrement titré The Children dans sa langue originale, ce sympathique petit film d’horreur estampillé Troma s’amorce en douceur. Deux ouvriers peu désireux d’effectuer des heures supplémentaires quittent leur lieu de travail, autrement dit une centrale nucléaire dans laquelle une fuite de produits toxiques survient à leur insu. Peu après, un car de ramassage scolaire traverse un grand nuage jaune, et bientôt le véhicule est retrouvé abandonné sur le bas-côté, vide de tous ses occupants. Si le postulat nucléaire évoque d’autres œuvrettes produites par Lloyd Kaufman, notamment Toxic Avenger et Atomic College, nous sommes loin des délires prépubères érotico-gores qui éclabousseront ces deux métrages déjantés. En lieu et place de Tromaville, The Children se situe à Ravensback, une bourgade de l’Amérique profonde qui n’aurait pas dépareillé dans un épisode de Shérif fais-moi peur. Les protagonistes y sont d’amusantes caricatures, du bodybuilder en slip devant sa piscine à la mère de famille qui bronze les seins nus sans trop se préoccuper de sa progéniture, en passant par le jeune flic un peu niais amoureux d’une pimpante autochtone adepte du minishort et du vélo… C’est au beau milieu de ces improbables citoyens que le drame va se nouer. Car les cinq enfants du car scolaire sont désormais contaminés, ce que les maquilleurs ont cru bon de symboliser en leur noircissant les ongles. 

Lorsqu’ils retrouvent leurs parents et les serrent dans leurs bras, ces derniers se consument aussitôt dans d’atroces souffrances. D’où des visions surréalistes de cadavres calcinés obtenus via des trucages risibles tant ils sont exagérés, les visages n’étant plus que des bouillies de latex marron ! Insensibles aux balles, nos cinq têtes blondes poursuivent leurs exactions sans état d’âme, et l’assaut final de la maison, au milieu de la nuit, évoque irrésistiblement La Nuit des Morts-Vivants. D’autant que les petits monstres, le teint blafard et la démarche mécanique, se comportent comme des zombies, tandis que les violons du compositeur Harry Manfredini imitent allègrement ceux de Bernard Herrmann dans Psychose, quand ils ne s’inspirent pas carrément de ceux de John Williams dans Les Dents de la Mer.

Politiquement très incorrect

Purement récréatif, The Children laisse à La Mauvaise Graine le soin de s’interroger sur les origines du mal, et au Monstre est vivant ses questionnements sur l’anormalité. Point de débat houleux ici, et encore moins de « politiquement correct », car le sort des enfants dépasse toutes les outrances : les uns sont brûlés au dixième degré, les autres ont les mains tranchées à coup de machette, quand ils ne sont pas carrément coupés en mille morceaux ! Pourtant, ce spectacle absurde et distractif cache peut-être bien son jeu, comme l’évoque cette séquence où une femme enceinte aspire avec complaisance la fumée de sa cigarette puis s’excuse auprès de son ventre. Et si, derrière ses outrances, The Children nous parlait d’une génération en révolte contre des adultes égoïstes et irresponsables ayant transformé leur monde en no man’s land pollué et invivable ? Comme quoi, il faut toujours se méfier : derrière un film Troma peut se cacher un message transgressif inattendu.

 

© Gilles Penso

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