CASTLE EROS (2002)

Deux touristes américaines en visite à Rome travaillent comme employées dans un château qui possède des vertus surnaturelles…

CASTLE EROS / CASTLE EROTICA

 

2002 – USA

 

Réalisé par Madison Monroe

 

Avec Chelsea Blue, Holly Sampson, Catalina Larranaga, Sebastien Guy, Denis Marti, Loredana Bontempi, Giro Tommaselli, Mirko Cito, Silvia Gogovacinschi

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

La réalisatrice Madison Monroe a une quinzaine de films érotiques à son actif, parmi lesquels un pastiche olé olé des aventures de Zorro (Zorrita : Passion’s Avenger). La scénariste Louise Monclair, qui collabora souvent avec elle, est aussi une habituée du genre, puisque nous lui devons entre autres les scripts d’Andromina, de The Exotic Time Machine 2 ou de Virgins of Sherwood Forest, improbable variante dénudée de Robin des Bois. En les sollicitant toutes les deux, les producteurs Pat Siciliano et Charles Band se sentent donc en confiance, puisque Castle Eros est censé jouer dans la même cour. Étant donné que l’intrigue se déroule majoritairement dans un château, on aurait pu imaginer que le film serait tourné en Roumanie, comme une infinité de productions Charles Band depuis une bonne décennie. Mais cette fois-ci, les prises de vues se déroulent intégralement en Italie, majoritairement à Rome et dans sa région. Sans doute les gens de Playboy, coproducteurs du film, souhaitaient-ils un cadre plus touristique et plus vendeur. Effectivement, ces sites naturels participent agréablement à la photogénie et à la patine de Castle Eros.

Les héroïnes du film sont Gabriella (Chelsea Blue) et Julia (Holly Sampson), deux cousines américaines qui passent leurs vacances en Italie. Gabriella, la plus délurée des deux, filme tout avec son caméscope, drague un homme et le ramène dans leur chambre d’hôtel, contre l’avis de la plus sage Julia. Mais au matin, toutes deux découvrent que l’inconnu a pris la poudre d’escampette en leur volant tout l’argent qu’elles possédaient. Désormais sans le sou, elles errent dans les rues de la ville et découvrent un château, dirigé par une certaine Isabel (Catalina Larranaga), à qui elles proposent leurs services. Elles sont donc embauchées pour s’occuper de l’entretien et s’assurer que les clients ont tout ce dont ils ont besoin. Or ce lieu, baptisé Castello Dell’amore (le château de l’amour), possède une histoire peu commune. Un flashback en costume nous montre le prince qui l’a fait bâtir et sa promise Rosanna, liés par une passion ardente. Mais il doit la quitter pour partir à la guerre et meurt au combat. Terrassée par la nouvelle, sa fiancée meurt littéralement de chagrin. Aujourd’hui, le château a été repris par les descendants de la famille de Rosanna et possèderait, selon la légende, des vertus magiques…

Le château dans le septième ciel

L’élément fantastique de l’intrigue intervient lorsque Julia découvre dans l’une des chambres une maquette du château, à l’intérieur de laquelle des petites photos découpées représentent tous les occupants. Par jeu, elle associe sa photo avec celle d’un homme et les place dans l’une des salles. Aussitôt, la voilà baignée d’une lueur scintillante surnaturelle et transportée avec le bel inconnu dans la pièce réelle, où tous deux plongent sans vergogne dans le stupre et la fornication… Passée cette séance de galipettes acrobatiques, elle se retrouve devant la maquette, comme si de rien n’était. Or il ne s’agit pas d’une simple hallucination. Par l’entremise de la maquette, ce château a le pouvoir de créer une alchimie physique et spirituelle entre les gens. Le prétexte scénaristique est donc plus filiforme que jamais. Dans Hidden Beauties, Dungeon of Desire ou The Exotic House of Wax, on s’efforçait tout de même de bâtir une petite intrigue inspirée de thèmes classique du cinéma fantastique pour justifier les séquences érotiques. Mais ici, Louise Monclair assure le service minimum. « Il doit bien avoir une explication logique » lance d’ailleurs Julia, pour s’entendre répondre par sa cousine : « c’est magique ». Voilà une manière simple et pratique de se débarrasser de toute cohérence et de toute argumentation supplémentaire. Dommage, dans la mesure où cette idée d’accouplements miniatures qui se concrétisent dans le monde réel, et qui finissent par avoir des conséquences sur le comportement ultérieur des « acteurs » involontaires de ces parties de jambes en l’air, possédait un potentiel que Castle Eros se contente de survoler.

 

© Gilles Penso

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VHS (2012)

Un groupe de voleurs pénètre dans une maison en pleine nuit et découvre une série de cassettes vidéo au contenu très perturbant…

V/H/S

 

2012 – USA

 

Réalisé par Matt Bettinelli-Olpin, David Bruckner, Tyler Gillett, Justin Martinez, Glenn McQuaid, Joe Swanberg, Chad Villella, Ti West et Adam Wingard

 

Avec Calvin Reeder, Lane Hughes, Hannah Fierman, Mike Donlan, Joe Swanberg, Sophia Takai, Norma C. Quinones, Drew Moerlein, Helen Rogers, Chad Villela

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I DIABLE ET DÉMONS I TUEURS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA VHS

En 2012, l’exercice du « found footage » n’est plus une nouveauté et le public a suffisamment été nourri d’épisodes de [Rec] et de Paranormal Activity pour ne plus trop se laisser impressionner par le dispositif. V/H/S présente tout de même une singularité : il s’agit d’un film à sketches dont chaque segment est dirigé par un réalisateur différent. Le producteur Brad Miska, à l’origine du projet, réunit ainsi un groupe d’amis et leur laisse la bride sur le cou. Le lien qui unit les cinq courts récits filmés en caméra subjective, qui s’intitule « Tape 56 », est mis en scène par Adam Wingrad (signataire de You’re Next, et futur maître d’œuvre des monumentaux Godzilla vs Kong et Godzilla x Kong). On y suit les errances d’un groupe de trentenaires stupides et balourds qui se filment au caméscope en train d’agresser sexuellement une femme dans un parking ou de vandaliser une maison abandonnée. D’emblée se pose un problème pour les spectateurs : comment s’identifier et s’intéresser à de tels protagonistes, et en quoi leur sort nous importe-t-il ? Toujours est-il que ces crapules peu recommandables se voient confier une mission par un mystérieux commanditaire, en échange d’une somme alléchante : pénétrer dans une maison en pleine nuit et lui ramener une cassette VHS bien spécifique. Le problème, c’est que le lieu regorge de cassettes. Pour savoir quel est la bonne, ils entreprennent de les visionner. Voilà le fil conducteur de V/H/S.

C’est « Amateur Night » qui ouvre le bal, sans doute le meilleur opus de cette anthologie. Son réalisateur, David Bruckner (qui allait plus tard se voir confier la version 2022 de Hellraiser), opte pour l’idée d’une histoire filmée avec des lunettes équipées d’une caméra miniature. Au cours d’une soirée, trois amis avides de sexe font la connaissance de deux jeunes femmes et les ramènent dans leur chambre d’hôtel. L’une d’entre elles sombre rapidement dans un coma éthylique. Quant à la seconde, extrêmement réservée, elle adopte un comportement de plus en plus bizarre… Ce sketch repose beaucoup sur la prestation de Hannah Fierman, tour à tour fragile, touchante ou effrayante. Elle reprendra d’ailleurs son rôle dans The Siren, un long-métrage réalisé par Gregg Bishop en 2016. Le deuxième opus, « Second Honyemoon », est l’œuvre de Ti West (The House of the Devil, Innkeepers, puis la trilogie X/Pearl/Maxxxie). Un jeune couple marié y parcourt la route 66 pour une seconde lune de miel en Arizona, documentant leur voyage avec un caméscope. Le soir venu, dans leur chambre d’hôtel, ils reçoivent une visite énigmatique… Fidèle à son style, West prend son temps pour mettre en place son atmosphère. Le malaise s’installe d’autant mieux que l’entame est calme, tranquille et ordinaire. Dommage que la fin – savoureuse – soit si précipitée. « Tuesday the 17th » de Glenn McQuaid, s’inscrit dans un cadre plus familier, à mi-chemin entre Le Projet Blair Witch et Vendredi 13. Un groupe d’amis se retrouve dans les bois près d’un lac où aurait eu lieu un accident inexpliqué par le passé. La mise en scène s’agrémente d’effets vidéo intéressants – les cadavres qui apparaissent furtivement sur la bande, la silhouette sombre et saccadée qui surgit dans le décor – mais l’histoire s’achemine vers un final confus et désordonné.

Bandes à part

Joe Swanberg varie un peu les plaisirs avec « The Sick Thing That Happened to Emily When She Was Younger », puisque son segment prend la forme d’une série de conversations vidéo vues sur un écran d’ordinateur. Nous y suivons les échanges de James, qui aspire à devenir médecin, et de sa petite-amie Emily, troublée de manière répétée par d’étranges bruits dans son appartement. Ce qui ressemble à une variante de Paranormal Activity se révèle bien plus original, mieux rythmé et porté par des acteurs convaincants, même si la chute est un peu tirée par les cheveux. Le dernier sketch, « 10/31/98 », est mis en scène par Matt Bettinelli-Olpin du collectif Radio Silence, futur co-réalisateur de Wedding Nightmare, Abigail, Scream 5 et Scream 6. On y suit quatre amis qui, le soir d’Halloween 1998, se rendent à une fête d’Halloween mais se trompent manifestement d’adresse, puisqu’ils se retrouvent dans une grande maison abandonnée… Très efficace, mêlant habilement les prises de vues accidentées et des effets visuels élaborés, ce sketch est cependant entravé dans sa crédibilité, dans la mesure où aucune raison valable n’explique que la caméra reste en marche quand les événements dérapent. D’une manière générale, on peut être franchement rebuté par cet enchaînement d’images volontairement mal filmées, mal éclairées, accidentées et erratiques qui finissent à la longue par donner le tournis. Par ailleurs, rien n’explique que les films que nous venons de voir se retrouvent sur des cassettes VHS, puisque la plupart d’entre eux sont tournés avec des caméras numériques ou des webcams. La cohérence du film tout entier est donc très fragile, le gimmick rétro de la cassette à bandes ne justifiant pas tout. V/H/S sera malgré tout très bien accueilli, au point d’engendrer une longue descendance de suites et de variantes.

 

© Gilles Penso

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BLEED (2002)

Une jeune femme apprend l’existence d’un « murder club », cercle très fermé dont on ne devient membre qu’après avoir assassiné quelqu’un…

BLEED

 

2002 – USA

 

Réalisé par Devin Hamilton et Dennis Petersen

 

Avec Debbie Rochon, Danny Wolske, Allen Nabors, Orly Tepper, Ronnie Gene Blevins, Laura Nativo, Julie Strain, Brinke Stevens, Lloyd Kaufman, Joe Dain

 

THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND

Charles Band n’a jamais été féru de slashers. Si les personnages de ses films passent souvent de mauvais quarts d’heure, leurs bourreaux sont généralement des monstres, des démons, des vampires ou des poupées maléfiques, rarement de simples tueurs armés d’un objet contendant. Mais au début des années 2000, le marché de la vidéo s’intéresse encore beaucoup aux retombées du succès de Scream et de ses suites, et Band ne peut pas rester insensible à cette demande insistante. Il confie donc à Devin Hamilton – qui travaille pour lui en tant que chargé de la distribution auprès des détaillants vidéo – l’écriture d’un scénario qui s’appelle d’abord Make ‘em Bleed (« Fais les saigner ») puis plus simplement Bleed. Hamilton étant pleinement impliqué dans le projet, il hérite de la mise en scène. Mais il n’a encore dirigé aucun long-métrage. Le monteur et réalisateur Dennis Petersen (Smoke and Mirrors) vient donc lui prêter main forte, tandis que J.R. Bookwalter assure officieusement un poste de producteur. Bleed est tourné en neuf jours avec un budget de 45 000 dollars, ce qui n’est pas grand-chose, certes, mais s’avère plus généreux qu’une grande quantité de films Full Moon bricolés à la même époque.

L’avenante Debbie Rochon, transfuge des productions Troma (Tromeo & Juliet, Citizen Toxie), incarne Maddy Patterson, une jeune femme qui décroche un nouveau job de bureau et commence presque immédiatement à sortir avec son patron, le beau gosse Shawn (Danny Wolske). Ce dernier ne tarde pas à la présenter à ses amis, un groupe de lourdauds sympathiques adeptes des baignades nues dans les piscines et des blagues potaches. Un soir, alors qu’ils sont tous un peu éméchés, ils avouent à Maddie avoir créé un cercle très fermé et totalement secret, le « Murder Club ». Pour en faire partie, il faut assassiner quelqu’un, les autres se chargeant ensuite de fournir un alibi et d’effacer les traces du forfait. D’abord choquée, Maddie est finalement très intriguée par cette idée et nourrit peu à peu l’envie de l’intégrer. Alors que les idées se bousculent confusément dans sa tête, un tueur caché derrière un masque en plastique commence à commettre des ravages sanglants dans l’entourage de Shawn et de ses amis…

Bienvenue au club

La présence de Debbie Rochon en tête d’affiche, l’apparition de Lloyd Kaufman (le « papa » du Toxic Avenger) et de Brinke Stevens (Slave Girls, Sorority Babes) dans un flash-back et les deux premiers meurtre du film (un garçon déguisé en fille dont les intestins se déversent abondamment après le coup fatal, puis Julie Strain topless qui se retrouve avec un couteau en travers de la gorge) peuvent à priori faire penser à une comédie horrifique potache dans le plus pur esprit des productions Troma. D’autant que Bleed n’hésite pas à jouer la carte de l’auto-référence en situant une partie de l’action dans les locaux de Full Moon, ornés d’une série de posters maison (La saga Puppet Master, Synthoid 2030, Subspecies et bien d’autres). Pourtant, le scénario ne prête pas particulièrement à rire et se pare même d’un sous-texte psychanalytique surprenant. L’intrigue est en effet très accrocheuse, nous acheminant vers un « whodunit » d’un genre inhabituel qui s’éloigne grandement de la mécanique des Scream et se révèle beaucoup plus original – et moins « sage » – que le tiédasse Final Scream réalisé par David DeCoteau l’année précédente. L’ensemble du casting est plutôt convaincant et la chute raisonnablement surprenante. Rien d’inoubliable, certes, mais nous voilà largement au-dessus du niveau moyen des productions Full Moon de l’époque. Devin Hamilton enchaînera avec Birth Rite et Delta Delta Die !

 

© Gilles Penso

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LE MYSTÈRE DES FÉES – UNE HISTOIRE VRAIE (1997)

En 1917, deux fillettes affirment avoir aperçu et photographié des fées dans leur jardin. Disent-elles la vérité ?

FAIRY TALES – A TRUE STORY

 

1997 – GB

 

Réalisé par Charles Sturridge

 

Avec Harvey Keitel, Jason Salkey, Peter O’Toole, Lara Morgan, Adam Franks Guy Witcher, Florence Hoath, Elizabeth Earl, Paul McGann, Phoebe Nicholls

 

THEMA CONTES

Le Mystère des fées plonge les spectateurs au cœur d’une énigme authentique du début du XXᵉ siècle, l’affaire des « fées de Cottingley ». En 1917, dans un petit village anglais, deux jeunes cousines prétendent avoir photographié des fées dans le jardin de leur maison. Ce qui aurait pu rester un simple caprice d’enfants attire l’attention du romancier et fervent défenseur du spiritisme Arthur Conan Doyle (célèbre créateur de Sherlock Holmes mais également auteur du Monde perdu), qui voit dans ces images une possible confirmation de l’existence du surnaturel. Le film de Charles Sturridge (réalisateur de l’excellent téléfilm Les Voyages de Gulliver) choisit ainsi de raconter cet épisode à travers le regard des protagonistes principaux et des figures historiques qu’il met en scène, en cherchant le plus juste équilibre possible entre la biographie et la fiction. Dès les premières séquences, Sturridge installe une atmosphère empreinte de nostalgie. La caméra suit Elsie et Frances (Florence Hoath et Chloe Hawthorn) dans leur quotidien de jeunes filles malmenées par la guerre et les épreuves de la vie rurale. Le film ne se contente donc pas de reconstituer fidèlement les événements mais cherche aussi à transmettre ce que les enfants ont réellement ressenti.

Ici, le monde réel et le monde féérique coexistent, parfois de manière indistincte, reflétant le pouvoir de l’imagination et la sensibilité enfantine. Le scénario avance l’idée que les fées ne sont pas seulement des êtres fantastiques mais également le miroir de la capacité humaine à croire, à espérer et à trouver un peu de magie dans un monde bouleversé par la guerre. Au-delà de la vie des fillettes, le film joue à opposer les points de vue de deux figures historiques emblématiques : Conan Doyle (Peter O’Toole) et Harry Houdini (Harvey Keitel). Le contraste entre ces deux hommes est au cœur du film. L’un est guidé par la foi dans le surnaturel, l’autre par le scepticisme scientifique et la maîtrise de l’illusion. Cette dualité sert de fil conducteur pour interroger la perception de la réalité. Houdini, en apparence rationnel et rigoureux, révèle un côté presque paternel, transmettant à Elsie une leçon subtile sur la manipulation et l’artifice. Selon lui, il existe des trucs derrière chaque illusion, mais la magie demeure pour ceux qui choisissent d’y croire. Le film suggère ainsi que le merveilleux n’est pas forcément opposé à la raison.

Faut-il y croire ?

La reconstitution historique minutieuse du film contribue à renforcer la tangibilité de son contexte. Le deuil, les traumatismes et la désillusion collective liés à l’après-guerre rendent la quête d’un monde enchanté d’autant plus poignante. Le choix d’inclure des éléments comme la référence aux « Anges de Mons » (une légende urbaine née pendant la première guerre mondiale) ou l’évocation du personnage de Peter Pan n’est pas anecdotique. Il établit un lien subtil entre la littérature, les croyances populaires et les manifestations supposées du surnaturel. Dans Le Mystère des fées, l’enchantement n’est jamais totalement séparé du réel puisqu’il se nourrit de culture, de mémoire et de symboles partagés. On pourra reprocher à la mise en scène de Sturridge d’adopter une approche parfois contemplative qui finit par amenuiser son impact. Sans doute le réalisateur s’est-il laissé porter par un certain alanguissement pour mieux saisir la texture du monde des enfants et les nuances des relations avec les personnages historiques. Nous n’aurions pas été contre un resserrement sensible du rythme global. A cette réserve près, Le Mystère des fées reste passionnant, s’interrogeant au passage sur la responsabilité des adultes face à l’imaginaire : jusqu’où doit-on décourager ou protéger la croyance, et quelle part de la magie mérite-t-elle d’être préservée ? Sur la question de l’existence ou non des fées, le film ne tranche pas. L’histoire des fillettes devient surtout un prétexte pour explorer la fascination humaine pour l’inexplicable, la nostalgie de l’enfance et la force de l’imagination.

 

© Gilles Penso

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MICRO MINI KIDS (2001)

Complexé par sa petite taille, un adolescent expérimente une formule secrète en espérant grandir… mais c’est le contraire qui se produit !

MIKRO MINI KIDS

 

2001 – USA

 

Réalisé par Bruce McCarthy et David DeCoteau

 

Avec Chad Gordon, Debra Mayer, Lauren Petty, Sam Page, Jessica Taylor, Kyle Chaos, Robert Donovan, Michele Nordin, George Cost, Tyler Anderson

 

THEMA NAINS ET GÉANTS I SAGA CHARLES BAND

Dernier film pour enfants produit par Charles Band, Micro Mini Kids aura subi les affres d’une réalisation pour le moins chaotique. C’est d’abord David DeCoteau, fidèle complice de Band, qui prend les rênes du projet. Mais malgré un budget à peu près aussi microscopique que son personnage principal, cette modeste imitation du Voyage fantastique et de L’Aventure intérieure ne peut faire l’économie de nombreux effets visuels. Pour concevoir à bas prix les 200 plans truqués nécessités par le scénario, l’expert John R. Ellis, qui navigue entre les séries B de Full Moon (Subspecies 4, The Killer Eye, Murdercycle, Pleasurecraft, Blood Dolls, Retro Puppet Master) et les gros blockbusters (Daredevil, Fusion, Le Chat chapeauté, Capitaine Sky, Van Helsing, Le Jour d’après) ne peut pas laisser la bride sur le cou du réalisateur et lui impose une discipline stricte. DeCoteau ne l’entend pas de cette oreille et quitte le tournage au bout de quatre jours. Jeff Porter prend la relève mais doit partir sur une autre production Charles Band riche elle aussi en trucages visuels, Train Quest. C’est finalement Bruce McCarthy – réalisateur de deuxième équipe de Casper et Wendy et La Famille Addams : les retrouvailles – qui termine le film et en sera seul crédité. Commencé en 1997, Micro Mini Kids ne sera achevé qu’en 2000.

Josh Campbell (Chad Gordon) mesure 1 mètre 60. Ce n’est pas un drame en soi, mais pour ce lycéen brutalisé par les plus grands et secrètement amoureux de la belle Courtney Wilson (Lauren Petty), cette petite taille est l’objet d’un complexe tenace. Grâce à la maquette du Nautilus qu’ils ont fabriquée pour la classe de sciences, réplique parfaite de celle du roman 20 000 lieues sous les mers, équipée de toutes les commandes d’un vrai sous-marin, Josh et son meilleur ami Rudy (Kyle Chaos) finissent par attirer l’attention de Courtney, qui les invite à la grande fête qu’elle organise. Mais Josh n’est pas certain de vouloir y aller. Avec son gabarit, comment osera-y-il l’inviter à danser ? Rudy lui propose alors d’aller rendre visite à Molly (Jessica Taylor), une hackeuse excentrique, dans l’espoir qu’elle les aide à trouver une solution. En tapant « altérations génétiques » sur son ordinateur, cette dernière parvient à pirater un laboratoire pharmaceutique et à dénicher la formule qui permet de changer de taille. Mais le résultat ne sera pas du tout celui espéré…

Le môme qui rétrécit

On le voit, le scénario ne s’embarrasse d’aucune cohérence, uniquement soucieux de propulser ses héros dans les situations les plus absurdes. La mise en scène et le look des personnages annoncent d’ailleurs très tôt qu’il ne faut rien prendre ici au sérieux. Mention spéciale à la hackeuse Molly, dont les tresses défient les lois de la gravité et dont la chambre-garage est tapissée de posters Full Moon (Doctor Mordrid, Shrieker, Demonic Toys, Kraa! The Sea Monster). La super-vilaine volontairement caricaturale incarnée par Debra Mayer (Blood Dolls, Voodoo Academy) vaut également le détour, tout comme ses deux sbires en skaï noir. Miniaturisé jusqu’à une taille microscopique et embarqué dans un Nautilus réduit lui aussi aux dimensions d’une amibe, le héros traverse une série de séquences étonnamment ambitieuses. Certaines pâtissent de trucages un peu fauchés (la fourmi en images de synthèse bas de gamme), d’autres fonctionnent franchement bien : l’odyssée dans la bouche du rival de Josh, l’expédition dans l’aquarium où rôdent des poissons affamés, ou encore la rencontre avec la méchante rapetissée à son tour dans son submersible miniature. Bref, voilà un film sans complexes – pas même celui d’infériorité, malgré un budget anémique – qui rebondit sans cesse et se permet même une petite morale, que l’on pourrait résumer ainsi : il faut apprendre à s’aimer tel que l’on est et ne pas présumer du regard que les autres portent sur nous.

 

© Gilles Penso

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FINAL SCREAM (2001)

David DeCoteau surfe maladroitement sur le succès de la saga Scream en concoctant un slasher où se mêlent un faux et un vrai tueur…

FINAL STAB

 

2001 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Jamie Gannon, Melissa Renée Martin, Erinn Hayes, Chris Boyd, Bradley Stryker, Laila Reece Landon, Michael Lutz, Forrest Cochran, Donnie Eichar

 

THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND

L’opportunisme du producteur Charles Band semble être devenu contagieux. Le scénariste et réalisateur David DeCoteau, qui a longtemps travaillé pour lui et reste l’un de ses plus fidèles collaborateurs, décide ainsi à son tour de faire la nique aux gros succès du cinéma de genre malgré des budgets souvent ramenés à leur plus simple expression. Le voilà qui s’engouffre donc – un peu tardivement – dans la vogue du neo-slasher déclenchée par le succès de Scream. Si Charles Band est l’un des coproducteurs de Final Scream, DeCoteau le produit lui-même, via sa compagnie Rapid Heart Pictures. Mais le titre du film, choisi dans l’espoir de créer une confusion avec Scream 4 et d’attirer plus de spectateurs, n’est pas du goût de Dimension Film, qui menace aussitôt d’intenter un procès. Le titre américain sera donc Final Stab. L’allusion à Scream est toujours présente mais plus discrète, Stab étant le nom des faux films d’horreur mis en scène dans la saga de Craven. Les distributeurs français, eux, préfèrent conserver le titre initialement prévu. Final Scream est tourné en quatre jours, majoritairement dans l’Orchad Ranch de San Fernando Valley, une hacienda californienne que DeCoteau a déjà mise à contribution à maintes reprises.

Tout commence comme une sorte de remake de la scène de douche de Psychose, sauf que les sexes sont inversés. David DeCoteau étant à la barre, c’est un jeune homme qui se dévêt cette fois-ci sous le jet d’eau. L’agresseur armé d’un couteau surgit soudain… et arbore le même visage que sa future victime ! Mais tout ça n’est qu’un rêve. Marqué par un récent traumatisme, Charlie (Jamie Gannon) est sujet à de nombreux cauchemars de ce type, au grand dam de sa petite amie Angela (Melissa Renée Martin) qui lui conseille d’aller voir un psychiatre. « Ma famille n’est pas aussi riche que la tienne, je ne peux pas me payer une thérapie chaque fois que je vais mal », lui lâche-t-il, un brin amer. Lorsque nous découvrons Kristen (Erinn Carter), la sœur d’Angela, le fossé social se creuse davantage. Car cette jeune femme hautaine et élégante vient d’acheter une maison qui sera le siège de sa future entreprise. Là, elle souhaite organiser l’anniversaire d’Angela sous forme d’une murder party où les invités feront semblant d’être agressés par un tueur masqué. Sauf qu’un véritable assassin va se mêler aux festivités…

Murder Party

Scream étant la source d’inspiration principale du film, les dialogues se réfèrent à Halloween et Vendredi 13, tandis que le tueur lui-même arbore un look proche de celui de Michael Myers. Mais le scénario finit par s’éloigner de la mécanique de ceux de Wes Craven pour s’aventurer plutôt sur le terrain de Week-end de terreur. Si la mise en forme de Final Scream est soignée (décor photogénique, belle photographie d’Howard Wexler au format Cinémascope, musique ample de John Massari), il ne s’y passe rien de foncièrement passionnant. Les protagonistes passent leur temps à discuter pour tous nous expliquer (leurs intentions, leur passé, les liens qui les unissent, les jalousies, les rancœurs) et se révèlent tous plus idiots les uns que les autres. DeCoteau lui-même gère très maladroitement les codes du slasher, avec lesquels il n’est visiblement pas très à l’aise, et échoue donc chaque fois qu’il tente de nous effrayer ou de nous surprendre. Pour « cacher la misère », il utilise les vieux trucs éprouvés dans ses autres films : la caméra qui flotte et les coups de tonnerre permanents. Avec en prime la scène incontournable qui est devenue sa marque de fabrique : le type musclé en caleçon qui se prélasse sur son lit. Finalement, seule Erinn Carter tire son épingle du jeu en machiavélique maîtresse de cérémonie, mais c’est insuffisant pour rendre le film mémorable. Cela dit, l’opération sera très rentable pour DeCoteau, Final Scream se comportant particulièrement bien dans les vidéoclubs de l’époque.

 

© Gilles Penso

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PREDATOR WASTELANDS (2025)

Alerte contrefaçon ! La compagnie The Asylum se lance dans sa propre version de Predator, et le résultat est bien sûr catastrophique…

PREDATOR WASTELANDS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Ryan Ebert

 

Avec David Chokachi, Amulya Ananth, Jeremiah A. Walker, Johnny Ramey, Vanessa Zanardi, L.A. Williams, West Wayne, Yaser Salamah, Aaron Groben

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Scénariste spécialisé dans les « mockbusters » de la compagnie The Asylum – autrement dit des plagiats low cost des productions des grands studios -, Ryan Ebert a écrit une impressionnante série de films parfaitement dispensables : San Andreas magnitude extrême, Apocalypse on Ice, Shark Side of the Moon, Megalodon : The Frenzy, Shark Warning, Heretics, Airplane 2025, Jurassic Reborn, Shark Terror, Evil Nun ou encore The Jolly Monkey, qui marque ses débuts derrière la caméra. Dans la foulée, il se lance dans l’écriture et la réalisation de Predator Wastelands, un titre dont la proximité assumée avec celui de Predator Badlands est si flagrante que nombre d’abonnés aux plateformes de streaming ont sans doute mordu à l’hameçon. La pratique est bien connue des joyeux drilles de The Asylum, qui n’hésitèrent pas à sortir par le passé des films titrés Alien vs. Hunter, Atlantic Rim, The Terminators ou carrément Transmorphers ! Autant dire que la « confusion des sentiments » est devenue leur fonds de commerce. Ce faux Predator est tourné en à peine six jours, avec un budget exsangue et une centaine d’effets visuels bricolés à la va-vite, dont certains générés à l’aide d’outils d’intelligence artificielle. Chez The Asylum, il n’y a pas de petites économies. Alors pourquoi rémunérer des infographistes quand l’IA permet de produire des trucages à moindre coût ?

L’intrigue semble se situer sur une terre post-apocalyptique où règne le tyran Balam (David Chokachi). Ce dernier a bâti un empire dictatorial grâce aux richesses que lui procurent les mines de pierres précieuses locales. Avec son armée de guerriers masqués, il asservit tous les villages voisins qu’il rançonne régulièrement, en n’hésitant jamais à massacrer ici ou là pour asseoir son autorité. Soudain, le vaisseau spatial d’un chasseur extra-terrestre atterrit en catastrophe sur cette planète. La créature en armure qui en surgit élimine un gang d’oppresseurs sur le point de commettre l’un de leurs actes de barbarie. Blessé, notre alien est recueilli par les habitants du village de Al’ahrar qui le soignent et le voient comme un allié possible pour renverser le règne de Balam. D’autant que les gemmes que le dictateur recueille quotidiennement dans ses mines sont capables de le revigorer et de décupler sa puissance…

Tirez la chasse !

En visionnant un film du catalogue The Asylum, mieux vaut ne pas placer ses exigences trop haut. Les prémices laissent pourtant espérer un semblant d’intrigue intéressant, égayés par quelques effets visuels réussis (les scènes du vaisseau, les extensions de décors) et puisant quelques idées dans Mad Max Fury Road, notamment ce seigneur de guerre réfugié dans son empire taillé dans la roche, au milieu du désert, et dirigeant une armée de tueurs fanatiques. Mais l’ennui s’installe rapidement pour ne plus jamais nous quitter. Le point le plus faible du film est le Predator lui-même, dont l’allure générale n’est pas sans rappeler le navrant cyborg de Robowar. S’il peut se déplacer à toute vitesse ou tirer sur ses adversaires à coups de rayons laser, il se comporte surtout comme un gentil extra-terrestre, suivant comme un toutou la jeune fille qui l’a soigné. Rien de très impressionnant, donc. Surtout que les impacts de balle le blessent à chaque fois de manière très sévère, au point qu’on se demande à quoi sert son armure. L’acteur engoncé dans sa tenue nous semble d’ailleurs très mal à l’aise, incapable de marcher correctement de peur de se casser la figure. Bref, voilà un piètre chasseur d’outre-espace, qui passe le plus gros du film à déambuler maladroitement ou à s’écrouler dès qu’on lui tire dessus. Il faut attendre les dix dernières minutes pour que ce nounours apathique s’énerve enfin en arborant son faciès grimaçant et castagne pour de vrai. Encore un petit produit « jetable » qui ferait presque passer Predator Badlands pour un bon film, c’est dire !

 

© Gilles Penso

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AVATAR : DE FEU ET DE CENDRES (2025)

La famille de Jake Sully fait face à une nouvelle menace : une tribu barbare qui risque de faire basculer le destin des habitants de Pandora…

AVATAR : FIRE AND ASH

 

2025 – USA

 

Réalisé par James Cameron

 

Avec Sam Worthington, Zoe Saldaña, Sigourney Weaver, Stephen Lang, Kate Winslet, Jack Champion, Britain Dalton, Trinity Jo-Li Bliss, Oona Chaplin

 

THEMA EXTRA-TERRESTRE I SAGA AVATAR

La saga Avatar est un objet protéiforme dont James Cameron a pris soin de concevoir l’entièreté en se laissant toujours la possibilité d’interrompre le récit à mi-parcours en cas d’insuccès. Car malgré les apparences, le père d’Aliens et d’Abyss est loin d’être un artiste fou et obsessionnel. Si l’univers de Pandora le fascine au plus haut point et si la tentation d’en explorer toutes les facettes l’anime ardemment, il sait aussi qu’une telle franchise coûte trop cher pour se soumettre à ses seules envies. Son projet se décline donc en trois phases possibles : un seul film si le premier Avatar est un échec, une trilogie si le second ne remplit pas suffisamment les objectifs financiers, et une pentalogie dans le meilleur des cas. Or les triomphes des deux premiers volets lui auront permis de mener à bien son rêve et d’offrir à cette planète-monde inventée de toutes pièces un écrin titanesque à la hauteur de sa vision. Avatar se déclinera donc sous forme de cinq longs-métrages repoussant toutes les limites artistiques et techniques connues. A priori, ce troisième opus semble vouloir poursuivre une sorte de quête des quatre éléments – après la terre et l’eau, voici le feu. Mais comme toujours chez Cameron, les choses sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. De fait, le sous-titre De feu et de cendres est à double sens. Il évoque d’abord les ravages incandescents provoqués par la nouvelle tribu mise en scène dans le film, mais fonctionne aussi sur un plan symbolique. « Si vous considérez le feu comme la haine, la colère et la violence, alors les cendres en sont les conséquences », explique Cameron. « Et quelles sont les conséquences ? Le chagrin et la perte. Et qu’est-ce que cela provoque ? Plus de violence, plus de colère et plus de haine. C’est un cercle vicieux. Voilà le raisonnement. » (1)

En réalité, Avatar : La voie de l’eau et Avatar : De feu et de cendres s’appréhendent comme les deux facettes d’une seule aventure épique, dans la mesure où une grande partie des enjeux laissés en suspens dans le film précédent trouvent ici leur résolution, ou du moins leur développement. Certains pourraient craindre un effet de déjà vu, mais cela reviendrait à dire que Terminator 2 ressemble trop à Terminator. Non content de reprendre exactement les personnages de La voie de l’eau là où nous les avions laissés, De feu et de cendres réorganise leurs arcs émotionnels respectifs de manière inattendue et prend une ampleur vertigineuse. Les séquences d’action monumentales abondent donc et parviennent encore à surprendre et à surpasser tout ce que nous avions déjà vu dans les chapitres précédents. Les hostilités sont lancées très tôt avec l’attaque de la somptueuse caravane volante des marchands du vent (sublime vision de pure fantasy) par les Mangkwan, un clan de damnés retournés à la barbarie et prêts à sacrifier toutes les vies pour satisfaire leurs besoins primaires. Ce premier morceau de bravoure d’une sauvagerie et d’une intensité époustouflantes réoriente soudain le récit et influe sur le destin de la famille de Jake Sully. Dès lors, l’intrigue n’en finit plus de rebondir et les nœuds dramatiques se redéfinissent, laissant souvent imaginer le pire pour nos protagonistes, devenus gibiers d’une traque impitoyable dans une nature hostile.

Le règne du feu

Entre deux scènes mouvementées (et le film n’en manque pas, c’est le moins qu’on puisse dire !), Avatar : De feu et de cendres n’hésite pas à explorer les penchants les plus sombres de ses personnages. Ici, la cellule familiale est plus que jamais menacée, d’autant que les dangers viennent aussi de l’intérieur. Trouver sa place, garder l’équilibre, survivre à tout prix sont autant de sujets de tension qui peuvent conduire vers des pensées et des prises de position d’une noirceur déconcertante. Le scénario co-écrit par Cameron, Rick Jaffa et Amanda Silver brise ainsi volontairement tout manichéisme trop tranché, non seulement du côté des héros mais aussi chez leurs ennemis. Les Mangkwan nous prouvent ainsi qu’il existe aussi des Na’vis maléfiques, brutaux, déconnectés de la nature, dominés par la redoutable Varang (Oona Chaplin), sans conteste l’une des figures les plus mémorables de ce troisième volet. Le colonel Quaritch, lui, se révèle plus ambigu que jamais, partagé entre son impitoyable quête militaro-colonialiste et ses sentiments paternels refoulés. Même la faune est à double tranchant, comme nous le prouvent notamment ces monstrueux céphalopodes aux allures de pieuvres géantes carnassières. L’épopée Avatar achève ainsi son premier cycle avec flamboyance, cet opus refermant de nombreuses portes tout en laissant la voie ouverte vers les deux autres épisodes dont Cameron a d’ores et déjà lancé les préparatifs. Avatar : De feu et de cendres est dédié à la mémoire du producteur John Landau, fidèle collaborateur du réalisateur, décédé en juillet 2024.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Entertainment Weekly en août 2024.

 

© Gilles Penso

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LE MORT QUI MARCHE (1936)

Boris Karloff incarne un condamné à mort injustement accusé qui est miraculeusement ressuscité par un scientifique exalté…

THE WALKING DEAD

 

1936 – USA

 

Réalisé par Michael Curtiz

 

Avec Boris Karloff, Ricardo Cortez, Edmund Gwenn, Marguerite Churchill, Warren Hull, Barton MacLane, Joe King

 

THEMA ZOMBIES

Après Le Fantôme vivant, Boris Karloff joue un nouveau mort-vivant, mais cette fois-ci ce n’est plus un savant fou féru d’égyptologie. Il s’agit d’un homme injustement exécuté, revenu d’entre les morts pour réclamer justice. Loin du film de zombies traditionnel que son titre semble annoncer aujourd’hui (The Walking Dead en V.O., sept décennies avant le comic book et la série qui populariseront l’expression), ce long métrage signé Michael Curtiz mêle le drame judiciaire, le film de gangsters et le conte surnaturel en un cocktail étonnant. Le film s’ouvre sur une Amérique rongée par la corruption. John Elman (Karloff), ancien détenu tout juste libéré, tente de se réinsérer mais se retrouve piégé par une bande d’avocats véreux. Ces derniers assassinent le juge Shaw – celui-là même qui avait condamné Elman des années plus tôt – et font porter le chapeau à leur bouc émissaire idéal. Arrêté, jugé et condamné à mort, Elman est électrocuté avant que n’apparaisse la preuve de son innocence. Trop tard : la justice des hommes a déjà frappé. C’est là qu’intervient le docteur Evan Beaumont (Edmund Gwenn), scientifique humaniste obsédé par la frontière entre vie et mort. À peine la sentence exécutée, il récupère le corps du condamné et le ramène à la vie dans une séquence d’expérimentation qui n’est pas sans rappeler celle du laboratoire de Frankenstein, avec son lot d’arcs électriques, de générateurs crépitants et d’instruments improbables.

Toutefois, contrairement au docteur Frankenstein, Beaumont n’est pas mû par la démesure ou l’orgueil : il cherche, sincèrement, à comprendre. Et c’est cette bienveillance scientifique, rare à l’époque dans le cinéma d’épouvante, qui donne au film son ton singulier. Lorsque John Elman rouvre les yeux, ce n’est plus tout à fait un homme. Sa mémoire est fragmentée, son regard hanté. Peu à peu, il retrouve ceux qui l’ont trahi, les reconnaissant sans mots, comme guidé par une intuition surnaturelle. Les conspirateurs tombent les uns après les autres, non sous la violence brute, mais comme frappés par leur propre peur. Karloff, sans maquillage extravagant, fait de son visage blafard une surface d’expression saisissante. Son regard fixe, son pas mécanique et sa mèche de cheveux blanchie suffisent à incarner la mort en marche. Dans ces moments, The Walking Dead rejoint la grande tradition expressionniste venue d’Allemagne, dont Curtiz, lui-même émigré d’Europe centrale, connaissait bien les codes.

« Laissez les morts à leur créateur »

Le futur réalisateur de Casablanca injecte dans son récit un sens du cadre et de la lumière déjà virtuose. Les ombres de la prison se projettent sur les murs, les barreaux découpent les visages et la mise en scène préfigure les futurs contrastes visuels du film noir. Une scène particulièrement marquante montre Karloff jouant du piano, son visage partiellement flouté par la lumière, tandis que les coupables assistent, pétrifiés, à une sorte de jugement silencieux. Cette dimension quasi biblique culmine dans les dernières minutes, lorsque Beaumont, penché sur Elman agonisant pour lui demander ce qu’il a vu « de l’autre côté », reçoit pour toute réponse : « Laissez les morts à leur créateur. Le Seigneur notre Dieu est un Dieu jaloux. » Le Mort qui marche fonctionne donc aussi comme une parabole morale, celle d’un homme que la science ramène parmi les vivants pour achever ce que la justice terrestre a manqué. Si le scénario reste schématique et que la narration s’étire parfois dans des dialogues convenus, Curtiz parvient, en à peine soixante-dix minutes, à créer une atmosphère de malaise fascinante. Quant à Karloff, toujours d’une humanité bouleversante, il renverse le mythe du revenant en y insufflant la dimension d’un martyr.

 

© Gilles Penso

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EXCALIBUR KID (1999)

Un adolescent se retrouve projeté en plein moyen-âge par une sorcière maléfique et devient malgré lui le nouveau roi d’Angleterre…

EXCALIBUR KID

 

1999 – USA

 

Réalisé par James Head

 

Avec Jason McSkimming, François Klanfer, Mac Fyfe, Francesca Scorsone, Natalie Ester, Serban Celea, Theodor Danetti, George Duta, Camelia Maxim

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Pour pouvoir alimenter régulièrement les bacs vidéo avec des produits calibrés pour toute la famille, sous le label Moonbeam, le producteur Charles Band et ses auteurs finissent par manquer d’inspiration et n’hésitent pas à recycler des idées qu’ils ont déjà exploitées. Avec Excalibur Kid, le scénariste Antony Anderson reprend donc à peu près la même trame que celle de Medieval Park (dont il est également l’auteur) ainsi que le principe d’un jeune héros contemporain confronté à Merlin l’enchanteur et au roi Arthur (déjà vu dans La Légende de Johnny Mysto). On ne compte plus, du reste, le nombre de protagonistes des productions Band qui se retrouvent propulsés en plein moyen-âge, de Future Cop à Josh Kirby en passant par Contes macabres : la reine du château, Dungeon of Desire, Mysterious Museum et bien d’autres. L’une des raisons majeures de ce choix, au-delà des rebondissements intéressants qu’il permet, est la localisation des tournages sur les sites de Castel Flms, en Roumanie, riches en patrimoine médiéval. Autant dire qu’avec Excalibur Kid, nous sommes donc en terrain connu. Le réalisateur James Head, en revanche, est un nouveau venu chez Band. Après avoir été assistant caméra sur une vingtaine de films (dont Étroite surveillance de John Badham) puis réalisateur de séries TV et de téléfilms, le voilà qui entre dans la danse en suivant sagement les codes visuels du catalogue Moonbeam.

Zack (Jason McSkimming), un ado du vingtième siècle passionné d’escrime, voit sa vie chamboulée le jour où ses parents annoncent un déménagement qui l’obligera à changer d’école. Furieux, il s’enfuit dans les bois voisins, rêvant d’un âge héroïque où la chevalerie dictait sa loi. Ce qu’il ignore, c’est qu’une sorcière médiévale, Morgause (Francesca Scorsone), l’observe en secret grâce à ses pouvoirs de voyance. Près d’un lac, Zack découvre une mystérieuse flûte de pan puis une étrange bâtisse semblant sortie d’un autre temps. Sans s’en rendre compte, il vient de se retrouver propulsé au cœur du moyen âge. Là, il tombe sur Excalibur, qu’il arrache du rocher avec une déconcertante facilité, devenant malgré lui le nouveau roi d’Angleterre. Mais ce couronnement express n’est qu’un piège : Morgause a tout orchestré pour s’emparer du pouvoir. Zack va devoir s’allier au magicien Merlin (François Klanfer) et au jeune Arthur (Mac Fyfe) pour leur restituer Excalibur et remettre ce dernier sur le trône qui lui revient. Une mission qui sera loin d’être simple…

Les petits chevaliers de la table ronde

Honnêtement, il n’est pas facile d’entrer dans la peau de ce personnage principal qui est censé avoir quinze ans (alors que son interprète en a vingt) et qui ne s’étonne absolument pas d’avoir subitement remonté le temps plusieurs siècles en arrière. Car une fois qu’il débarque dans l’Angleterre médiévale, Zack accepte tout naturellement cette situation incongrue et se laisse porter par les événements. La sorcière Maeve n’est pas beaucoup plus crédible, Francesca Scorsone étant clairement trop jeune (22 ans au moment du tournage) pour entrer dans la peau de cette praticienne aguerrie de la magie noire. Arthur, lui, nous est décrit comme un grand gaillard un peu idiot et maladroit. Quant à Merlin, c’est un type grincheux et nerveux qui se transforme tour à tour en cheval, en souris ou en chien et véhicule la plupart des gags mous du film. A vrai dire, le moment comique le plus réussi n’est pas lié à lui mais à la sorcière, qui a toutes les peines du monde à expliquer ses instructions à deux gardes stupides qu’elle a envoutés. Quelques combats d’épée et une poignée d’effets visuels amusants à défaut d’être très performants (une tête de dragon qui veut s’échapper d’un grimoire, une cape d’invisibilité, un combat de boules d’énergies) s’efforcent de dynamiser ce long-métrage anecdotique qui s’oublie rapidement après son visionnage… comme la plupart des autres opus du catalogue Moonbeam.

 

© Gilles Penso

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