TROLL 2 (2025)

Un nouveau troll géant vient d’être capturé par une équipe de savants, mais il se libère et déchaîne aussitôt sa folie destructrice…

TROLL 2

 

2025 – NORVÈGE

 

Réalisé par Roar Uthaug

 

Avec Ine Marie Wilmann, Kim Falck, Mads Sjøgård Pettersen, Sara Khorami, Ágota Dunai, Molly Feeley, Karoline Viktoria Sletteng Garvang, Pål Richard Lunderby

 

THEMA CONTES

Pour tous les grands amateurs de kaiju eiga qui furent légitimement frustrés par Godzilla x Kong, la séquelle du déjà très simpliste Godzilla vs. Kong, Roar Uthaug remet les monstres à l’heure avec cette suite de Troll aussi impressionnante que son modèle. Le réalisateur norvégien met même les bouchées doubles puisque – suite oblige – le titan rocailleux du premier film n’est désormais plus seul à faire trembler la terre sous ses pas. En conséquence, le budget semble avoir doublé – même si aucun chiffre officiel n’a été annoncé – pour avoisiner manifestement les 114 millions de couronnes norvégiennes, soit environ 11,2 millions de dollars. Il s’agirait même de la production cinématographique la plus coûteuse jamais mise en chantier dans les pays nordiques. Cela surprend peu lorsqu’on constate l’ambition visuelle du film. Côté scénario, en revanche, il faut bien admettre que Uthaug et son co-auteur Espen Aukan (déjà à l’œuvre sur le premier Troll) ne sont pas allés chercher trop loin. Exilée dans une espèce de cabane austère après les événements du premier film, la scientifique Nora Tidemann (Ine Marie Wilmann) reçoit la visite d’Andreas Isaksen (Kim Falck), qui lui offre une nouvelle occasion d’étudier les trolls. Une opération clandestine a en effet découvert un nouveau spécimen et le maintient sous sédatifs afin d’en tirer tous les enseignements possibles.

L’image de ce géant endormi, debout dans un immense centre de recherche, n’est pas sans rappeler King Kong 2. Mais fort heureusement, les ressemblances avec le calamiteux nanar de John Guillermin s’arrêtent là. Comme on pouvait s’y attendre, le barbu rocailleux de quinze mètres de haut ne reste pas longtemps en hibernation et se libère bientôt avec perte et fracas. La quête vengeresse et destructrice dans laquelle il se lance semble être directement liée à l’histoire de Saint Olaf qui, pour christianiser la Norvège, fit jadis exterminer tous les trolls. Furieux, le monstre gigantesque semble aujourd’hui en vouloir à la civilisation tout entière. Pour le contrer, une seule solution semble possible : trouver un autre troll et le rallier à la cause de l’humanité. Le concept reste donc assez basique, pour ne pas dire tiré par les cheveux, et reprend finalement le même principe que celui du King Kong contre Godzilla original d’Inoshiro Honda : pour vaincre un monstre géant, il en faut un autre.

Maximonstres

Les références visuelles, musicales et scéniques à King Kong, Godzilla et Jurassic Park abondent, Uthaug connaissant ses classiques et assumant sans détour leur influence sur son travail. La bande originale de Johannes Ringen évoque donc tour à tour les travaux d’Akira Ifukube et Max Steiner, les verres tremblent à l’approche des géants, et lorsque l’héroïne caresse le bout du nez du « gentil Troll » pour l’amadouer, on croirait revivre la scène des brachiosaures du classique de Spielberg. Le mugissement de la bête et la musique s’y réfèrent d’ailleurs ouvertement. Les dialogues ne s’interdisent aucune autodérision, notamment lorsqu’un personnage affirme « les suites sont moins bonnes que les originaux » et qu’il s’entend répondre « mais non, tout le monde adore les suites ! ». Dans Troll 2, comme dans son modèle, les images vertigineuses jouant sur les rapports d’échelle abondent, servies par des effets visuels magistraux : Nora minuscule sur un échafaudage aux côtés du Troll endormi, l’attaque de la boîte de nuit, le surgissement du « fils du roi de la montagne » dans la grotte, le premier face à face des deux monstres dans la neige, le climax au pied de la cathédrale… Bien sûr, il faut beaucoup de suspension d’incrédulité pour adhérer à cette histoire invraisemblable qui, à mi-parcours, se laisse aussi influencer par la saga Indiana Jones. Mais si l’on garde l’esprit ouvert et que l’on ne réfrène pas son envie primaire de voir des bestioles hautes comme des buildings se taper dessus, le spectacle vaut le détour. Comme on pouvait s’y attendre, une courte séquence post-générique annonce une suite possible. L’accueil des « Netflixophiles » décidera de l’existence ou non d’un potentiel Troll 3.

 

© Gilles Penso

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DEATHSTALKER 2 (1987)

Dans cette fausse suite parodique de Deathstalker, un intrépide voleur s’associe à une princesse en fuite pour affronter un redoutable sorcier…

DEATHSTALKER 2 : DUEL OF THE TITANS

 

1987 – USA

 

Réalisé par Jim Wynorski

 

Avec John Terlesky, Monique Gabrielle, John Lazar, Toni Naples, Maria Socas, Marcos Woinsky, Dee Booher, Jacques Arndt, Carina Davi, Jim Wynorski

 

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE I ZOMBIES I SAGA DEATHSTALKER

Alors que Jim Wynorski vient tout juste de terminer Shopping pour le producteur Roger Corman, ce dernier lui propose d’enchaîner avec Deathstalker 2, suite d’un film d’heroic-fantasy bricolé en 1983 dans la foulée de Conan le barbare. Wynorski accepte, même si cela nécessite un déménagement provisoire à Buenos Aires, où Corman a signé un contrat pour la mise en chantier d’un certain nombre de productions locales. Pour ne pas être trop dépaysé, le réalisateur embarque dans l’aventure trois acteurs parmi ses proches amis : John Terlesky (Shopping), Monique Gabrielle (Le Retour de la créature du lagon) et Toni Naples (Dinosaur Island). Mais lorsqu’il arrive sur place, Wynorski déchante face au scénario, qu’il trouve d’une banalité désespérante. Il décide donc de tout réécrire avec John Terlesky en adoptant une tonalité comique. Le premier degré inhérent au début de la vogue des films d’épée et de sorcellerie lui semble en effet dépassé. Nous sommes désormais en 1987, à une époque où le genre s’essouffle et ne doit ses derniers soubresauts qu’à une approche moins sérieuse, ce que prouvera la même année Les Barbarians de Ruggero Deodato. La nouvelle histoire se construit comme une variante loufoque autour du New York – Miami de Frank Capra. Très investi, Terlesky réécrit le script tous les soirs avec Wynorski, joue le premier rôle, passe des semaines à répéter les scènes de combat et effectue lui-même la grande majorité de ses cascades.

Le ton parodique est assumé dès l’entame. Ce nouveau Deathstalker campé par Terlesky, qui n’a rien à voir avec le colosse qu’interprétait Rick Hill en 1983, est cette fois-ci beaucoup plus proche d’Indiana Jones que de Conan. Il ne quitte jamais son sourire ravageur, même en plein combat, bondit dans des décors caverneux pour voler des artefacts précieux et imite Harrison Ford lorsqu’il est coursé par une meute de guerriers enturbannés, le tout aux accents d’une musique électro-pop joyeusement anachronique de Chuck Cirino. Nous voici donc face à un anti-héros impertinent, bagarreur et séducteur. Son dernier larcin ayant attiré le courroux de la guerrière Sultana (Toni Naples), il est en fuite. En portant secours à une jeune femme qui se fait appeler Reena la voyante (Monique Gabrielle), il ignore que celle-ci est en réalité une princesse dont le redoutable sorcier escrimeur Jarek (John Lazar) a fabriqué un clone. Pour éviter que ce super-vilain place sur le trône la copie et élimine l’originale, Deathstalker va devoir se lancer dans une aventure particulièrement périlleuse…

Sorciers, zombies, amazones et cannibales

On sent bien que tout le monde s’amuse sur ce film, peu avare en dialogues volontairement outranciers (« D’ordinaire, je ne rechigne pas à voir une femme prendre une bonne raclée si elle l’a mérité ») ou conçus comme des clins d’œil référentiels. On y fait allusion à Conan le barbare, à la célèbre tirade de Goldfinger (« I expect you to die ») ou à une célèbre citation de Mae West (« Est-ce ton épée, ou est-ce que tu es heureux de me voir ? »). John Terlesky et John Lazar sont comme des poissons dans l’eau, l’un en héros sautillant et cynique, l’autre en méchant suave pétri de duplicité. Quant à Monique Gabrielle, elle nous réjouit dans le double rôle de la sauvageonne un peu nunuche et de la princesse capricieuse anthropophage. Ce Deathstalker 2 se révèle donc bien supérieur à son modèle, multipliant les gags absurdes (la présentation des hommes de main du faux borgne, digne de Top Secret) et les idées délirantes : le sorcier qui parle à travers un chaudron bouillonnant, les zombies qui surgissent de la terre pour attaquer nos héros, la princesse qui dévore ses victimes et fabrique un ornement sur sa tête de lit avec leur visage pétrifié, le combat de catch contre la championne des Amazones… Généreux, décomplexé, irrévérencieux, ce second opus est un petit régal pour les amateurs de séries B sans prétention. Deux autres séquelles seront réalisées dans la foulée, respectivement en 1988 et 1991.

 

© Gilles Penso

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LE MIROIR AUX MERVEILLES 2 (1997)

Dans cette deuxième aventure, la maléfique reine Dragora et ses officiers palmipèdes traversent le miroir magique pour pénétrer dans notre monde…

MAGIC IN THE MIRROR : FOWL PLAY

 

1997 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Jamie Renée Smith, Kevin Wixted, Saxon Trainor, David Brooks, Godfrey James, Eileen T’Kaye, Gerrit Graham, Bryan T. Jerrill, Eugen Cristian Motriuc

 

THEMA CONTES I SAGA CHARLES BAND

Le Miroir aux merveilles a toujours été envisagé comme un diptyque. Le premier opus semblait se suffire à lui-même – avec son happy end apaisant la situation et permettant à tous les événements fâcheux de rentrer dans l’ordre – et ce second épisode ne fut distribué qu’un an plus tard, prolongeant les événements de son prédécesseur pour capitaliser une fois de plus sur son concept délirant. Mais en réalité, les deux films ont été tournés simultanément par la même équipe, avec les mêmes acteurs et dans les mêmes décors roumains, sous la houlette du réalisateur Ted Nicolaou, toujours prompt à offrir au public les films les plus aboutis possibles malgré les budgets impossibles imposés par le producteur Charles Band. Cette sortie décalée est donc une stratégie de Band, conçue pour alimenter sans discontinuer les bacs vidéo à destination du jeune public, comme le firent la trilogie Prehysteria ou les deux Les Lutins sauteurs. Mais ce que Band ne prévoit pas à l’époque, c’est la fin de son partenariat juteux avec le studio Paramount, qui distribuait jusqu’alors tous les titres du catalogue Moonbeam (destinés aux enfants) sur le marché vidéo. Le Miroir aux merveilles 2 sera donc le dernier film de la collection à sortir avec le célèbre logo de la montagne étoilée avant son générique.

Le début du Miroir aux merveilles 2 nous emmène sur un terrain familier. Au pays des canards, la reine Dragoa (Eileen T’Kaye) se comporte toujours comme un tyran, continue à boire du thé conçu à partir de pauvres malheureux transformés en sachets d’infusion géants et fomente sa vengeance contre la petite Mary Margaret (Jamie Renée Smith) qui lui a causé tant de tort dans le premier film. Mais comment traverser le miroir qui mène vers le monde des humains ? La solution va venir du professeur Tuttle (Mihai Niculescu), frustré de ne pas être pris au sérieux par ses pairs et bien décidé à utiliser le rayon de son invention, le « doppelganger », pour en mesurer les effets. Or en l’activant, il provoque un phénomène qui permet à Dragora de débarquer de l’autre côté du miroir, accompagnée de son « canard à tout faire » Swanson (Eugen Cristian Motriuc) et du général Dabble (Ion Haiduc). Face à cette crise, la reine Hysop (Saxon Trainor) envoie le maître des miroirs Melilot (Godfrey James) et son assistant maladroit Tansy (Kevin Wixted) dans le monde des humains pour tenter de régler la situation. « Le destin de nos deux mondes dépend de vous » leur dit-elle, histoire de leur mettre un peu la pression…

Couacs en vrac

Les situations comiques de ce second épisode s’appuient autant sur l’intrusion des palmipèdes caquetants dans notre monde (qui se font passer pour des invités d’une soirée costumée) que sur les préparatifs de la réception elle-même, organisée chez les parents de Mary Margaret. Lorsque Bloom (David Brooks), le maître d’hôtel très snob, affirme à la mère : « les enfants ne m’aiment pas », celle-ci rétorque : « Ma fille a affronté des monstres d’une autre dimension, elle saura vous gérer ». Les dialogues co-écrits par Ken Carter et Frank Dietz fusent ainsi avec un joyeux sens de l’absurde et dotent Le Miroir aux merveilles 2 d’une légèreté aussi récréative que celle du premier film. D’autant que l’inversion de la situation – ce ne sont plus les humains qui pénètrent chez les canards mais le contraire – permet de varier les plaisirs et d’éviter les redites. Revers de la médaille : le décor principal du film, la maison de la jeune héroïne et de ses parents, n’offre qu’un nombre limité de possibilités narratives, au sein d’une mécanique de Vaudeville riche en quiproquos mais un peu répétitive à la longue. Fort heureusement, le délire ambiant et le jeu toujours pétillant de la petite Jamie Renée Smith emportent agréablement le morceau.

 

© Gilles Penso

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BUGONIA (2025)

Dans ce remake de Save the Green Planet, deux jeunes paumés kidnappent une femme d’affaire qu’ils croient être une extra-terrestre…

BUGONIA

 

2025 – GB / USA / IRLANDE / CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Yorgos Lanthimos

 

Avec Emma Stone, Jesse Plemons, Aidan Delbis, J. Carmen Galindez Barrera, Marc T. Lewis, Vanessa Eng, Cedric Dumornay, Alicia Silverstone, Stavros Halkias

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Bugonia est un remake de Save the Green Planet, que le cinéaste sud-coréen Jang Joon-hwan réalisa en 2003. Cette nouvelle version devait initialement être dirigée par le metteur en scène original. Mais suite à des problèmes de santé, Jang Joon-hwan cède sa place. C’est là qu’entre en scène Yorgos Lanthimos. Sous ses allures austères (un poster hideux, un titre nébuleux), Bugonia est probablement le long-métrage le plus accessible de ce cinéaste dont on ne sait honnêtement trop quoi penser. Entre une posture « auteurisante » parfois prétentieuse, une tendance à se placer au-dessus du genre fantastique pour défendre des sujets sociétaux pas toujours très limpides et des prises de position politiques discutables mais confortables parce que « dans l’air du temps », l’homme divise. Rien n’empêche d’ailleurs de penser qu’il provoque souvent volontairement la controverse. Heureux de ses collaborations successives avec Emma Stone (La Favorite, Vlihi, Pauvres créatures, Kinds of Kindness), le réalisateur la remet ici sous le feu des projecteurs dans un rôle qui nécessite une pleine implication physique, y compris un rasage de crâne en direct, dans la droite lignée de celui de Sigourney Weaver dans Alien 3 ou de Demi Moore dans À armes égales. Le scénario écrit par Will Tracy réorganisant les événements du film coréen, Stone entre dans la peau de Michelle Fuller, puissante présidente de la méga-entreprise pharmaceutique Auxolith.

Adepte de nombreuses théories du complot, marqué par une enfance malheureuse et par la longue maladie de sa mère, le modeste manutentionnaire Teddy Gatz (Jesse Plemons) décide un jour de kidnapper cette femme d’affaires, avec l’aide de son cousin Don (Aidan Delbis), non pas pour réclamer une rançon mais pour lui faire admettre la vérité. Teddy est en effet persuadé que Michelle appartient à une espèce extraterrestre malveillante, les Andromédiens, coupable de décimer les abeilles de la Terre, de détruire les communautés et de réduire les humains à un état de servitude passive. Enfermée dans une cave, elle a quatre jours pour négocier une rencontre avec l’empereur andromédien avant la prochaine éclipse lunaire, qui permettra à son vaisseau-mère d’entrer dans l’atmosphère terrestre sans être détecté. Déstabilisée par de telles élucubrations, la captive se demande s’il faut ou non entrer dans le jeu de ses ravisseurs. C’est donc entre deux eaux que navigue Bugonia, se rattachant à la fois à la comédie presque burlesque, au drame humain sur fond de fracture sociale, au thriller en huis-clos et à la science-fiction. Ce qui aurait pu virer au patchwork bizarre trouve miraculeusement sa propre cohérence, grâce à une dramaturgie claire, des enjeux explicites et une caractérisation solide.

Nous ne sommes pas seuls

Le fossé abyssal qui sépare la prisonnière – businesswoman féroce régnant sur son entreprise comme une reine dans sa tour d’argent – et ses geôliers – deux paumés qui vivotent en se raccrochant désespérément l’un à l’autre – frôlait la caricature. Mais Lanthimos et son scénariste trouvent le juste équilibre, s’efforçant de ne pas juger leurs protagonistes pour laisser chacun exprimer ses propres convictions, aussi invraisemblables soient-elles. Et si les théories délirantes de Teddy prêtent à rire, sa propre logique finit par devenir imparable, comme si la paranoïa se nourrissait d’elle-même en un vertigineux cercle vicieux. Michelle, elle, déploie un arsenal de manœuvres de manipulation et de stratégies psychologiques pour tenter d’échapper à cette folie complotiste, sans tout à fait laisser paraître le fond de sa pensée. Le jeu du chat et de la souris se complexifie par les choix de mise en scène de Lanthimos, qui cadre Emma Stone comme une Jeanne d’Arc expressionniste – le crâne rasé, les yeux écarquillés, le teint blafard – dans une série de plans en plongée aux allures de tableaux religieux, tandis que Teddy conserve une position dominante. Mais qui est le monstre et qui est la victime dans cette joute ? Où la fragilité et la monstruosité se nichent-elles ? L’exercice de style est d’autant plus fascinant que Bugonia tient son concept jusqu’au bout, quitte à désarçonner les spectateurs en opérant des choix radicaux mais parfaitement assumés. Voici sans doute l’une des œuvres les plus intéressantes et les plus abouties de ce cinéaste souvent insaisissable, dressant ici un constat désenchanté mais moins cynique qu’il n’y paraît sur la nature humaine et sur notre place dans l’univers.

 

© Gilles Penso

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OUTPOST EARTH (2019)

Après que la Terre ait été dévastée par une attaque extra-terrestre, les survivants errent au milieu de mutants et de monstres invraisemblables…

OUTPOST EARTH

 

2019 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Erin Waterhouse, Titus Himmelberger, Kristen Gylling, Mason Carver, Yolie Canales, Steve Diasparra, James Carolus, Jeff Kirkendall.

 

THEMA FUTUR I EXTRA-TERRESTRES

Les faibles moyens à sa disposition n’ayant jamais réfréné les ambitions de Brett Piper (réalisateur, scénariste, producteur et créateur des effets spéciaux de la grande majorité de ses films), ce dernier décide de faire démarrer Outpost Earth comme une sorte de remake décomplexé d’Independence Day, au cours duquel des nuées de vaisseaux extra-terrestres saccagent toutes les cités de notre planète. L’intrigue se situe donc dans un monde post-apocalyptique qui nous ramène à l’époque de Battle for the Lost Planet, l’un de ses premiers longs-métrages. Une poignée de survivants erre sur cette terre dévastée, s’efforçant d’échapper aux « goons », surnom qu’ils ont donné aux aliens pilotant des vaisseaux dont le look rétro évoque l’imagerie de Flash Gordon et Buck Rogers. Impitoyables chasseurs, les envahisseurs lancent à l’assaut des derniers rescapés des molosses carnassiers, qu’ils contrôlent grâce à un collier commandé à distance, et des « clickets », autrement dit des espèces d’insectes-crustacés géants dont la gueule crochue est ornée de cornes. Ces créatures sont toutes animées en stop-motion, dans l’esprit de celles de Ray Harryhausen.

La créature vedette du film est un golem titanesque, ancien humain ayant muté après avoir été irradié par les rayons extra-terrestres. Bienveillant, ce monstre impressionnant à la morphologie simiesque évoque tour à tour King Kong et le cyclope du 7Voyage de Sinbad. Il vient en aide à nos héros en affrontant plusieurs « clickets », puis les sauve des rayons destructeurs des machines de guerre extra-terrestres. Ces robots, montés sur des sortes de pattes de crabe et équipés d’un canon articulé, sont eux aussi animés image par image, tout comme les nombreux vaisseaux qui se livrent des batailles homériques dans les cieux de cette Terre rétrofuturiste. À mi-chemin entre Flesh Gordon et Le Jour de la fin des temps, les nombreux effets visuels d’Outpost Earth sont les atouts principaux de ce film modeste qui n’est pas dénué d’humour, notamment lorsque l’un des personnages principaux découvre qu’il ne peut piloter les vaisseaux ennemis qu’en état d’ivresse.

Des techniques héritées de King Kong

La démarche de Piper peut sembler totalement anachronique, à une époque où les effets numériques bon marché inondent les petits films de science-fiction déployés par les compagnies indépendantes. Mais il s’accroche à la stop-motion comme à une bouée de sauvetage, seul médium capable selon lui de donner corps à ses folles idées. « C’est King Kong qui m’a donné envie de faire des films », raconte-t-il. « C’est pour cette raison que j’aime utiliser les mêmes techniques, aujourd’hui encore. Peut-être que si j’étais né plus tard, mes sentiments ne seraient pas les mêmes. Mais j’essaie de tirer parti de tous les outils qui sont à ma disposition. Je crée les plans composites numériques et parfois j’ajoute des flous de mouvement ou j’ajuste le timing de mes animations. Je ne suis pas contre l’idée de me simplifier la vie. Ça me permet de rattraper des plans qui, avant, auraient dû être recommencés. » (1) Du moment que cette démarche permet à Brett Piper de continuer à mettre en boîte des films aussi légers, sympathiques et riches en bestioles délirantes qu’Outpost Earth, ça nous va !

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2019

 

© Gilles Penso

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DEATHSTALKER (2025)

Le héros musclé des années 80 ressurgit dans ce remake délirant qui regorge de monstres en caoutchouc et de combats sanglants…

DEATHSTALKER

 

2025 – CANADA / USA

 

Réalisé par Steven Kostanski

 

Avec Daniel Bernhardt, Laurie Field, Patton Oswalt, Christina Orjalo, Paul Lazenby, Nina Bergman

 

THEMA HEROIC FANTASY I SAGA DEATHSTALKER

Steven Kostanki est un fan pur et dur du cinéma de genre des années 80, avec une prédilection affirmée pour l’horreur, l’action et le fantastique. Expert en maquillages spéciaux et en trucages, il met son savoir-faire au service de plusieurs films et séries (The Divide, Hannibal, Pacific Rim, Crimson Peak, Suicide Squad, Ça) tout en passant lui-même derrière la caméra pour diriger quelques séries B (Manborg, Father’s Day, The Void, Psycho Goreman, Frankie Freako) conçues comme autant de déclarations d’amour aux films qu’il aime. Avec Deathstalker, il passe à la vitesse supérieure. Il s’agit cette fois-ci de concocter un remake du film du même titre, sous-Conan produit par Roger Corman en 1983, devenu objet de culte et suivi de trois séquelles. Ce projet crée un certain frémissement auprès des fans d’heroic-fantasy « à l’ancienne ». D’où le lancement d’une campagne de financement participatif sur Kickstarter qui permet de réunir plus de 95 000 dollars. La présence de Slash, célèbre guitariste du groupe Guns & Roses, en tant que producteur exécutif attise encore davantage les curiosités. Le rôle principal est confié à Daniel Bernhardt, acteur, cascadeur et expert des arts martiaux que les amateurs ont déjà pu apercevoir dans bon nombre de films d’actions aux côtés de Jean-Claude Van Damme, Sylvester Stallone, Chuck Norris ou Keanu Reeves.

Iconisé à l’extrême, le héros-titre apparait au tout début du film en ultra-ralenti, tandis que la bande son accentue le bruit de ses pas. Puis sa silhouette massive occupe tout l’écran en contre-jour. Mais son aura retombe aussitôt lorsque nous découvrons que le fier guerrier n’a pas une once de noblesse et détrousse les moribonds sur les champs de bataille sans le moindre remord. Si Deathstalker mettait jadis son épée au service du royaume d’Abraxeon sous le nom de Tritus, c’est désormais un mercenaire solitaire sans foi ni loi. Mais le fruit de son dernier larcin, l’amulette de Halgan, va lui attirer des ennuis inattendus. Non seulement l’objet est ensorcelé, mais en outre une horde d’assassins tous plus dangereux les uns que les autres est désormais à ses trousses. Pour pouvoir se débarrasser de la malédiction attachée à ses pas, il va lui falloir arpenter les coins les plus sinistres du pays. Il sera aidé dans sa quête par le goblin magicien Doodad et par la jeune voleuse Brisbayne.

Du latex, du sang et des tripes

L’une des premières choses qui frappe, dans ce nouveau Deathstalker, est l’environnement presque post-apocalyptique dans lequel l’action se déroule : de vastes étendues désertes et fumantes, des volcans qui grondent au loin, une faune mutante qui grouille dans les recoins sombres, de gigantesques squelettes de mastodontes qui jonchent le sable, des titans grands comme des montagnes qui s’affrontent dans la brume. Les trois lunes qui brillent dans le ciel suggèrent d’ailleurs que nous ne sommes pas sur la Terre, tandis que les vestiges d’une ancienne civilisation – comme ces poteaux télégraphiques reliés à des lampes électriques – évoquent une sorte de retour à l’ère barbare. Si Daniel Bernhardt assure dans le rôle du « musclor » décomplexé, les vraies stars du film sont les nombreux monstres qui saturent l’écran et que Steven Kostanski a tenu à concevoir avec des effets spéciaux « old school », sans recours aux images de synthèse. On se régale donc face à ce freak bossu bicéphale, ces crapauds voraces, ces vers géants souterrains, cette chauve-souris cyclope, ce démon chevelu qui vole, ces hommes-cochons, ces arbres gémissants, ces guerriers-statues aux visages amovibles, ces monstres des marécages et cette multitude de créatures gluantes ou tentaculaires qui fleurent bon la mousse de latex. Le climax recourt même à la stop-motion pour un hommage exaltant à Jason et les Argonautes. Qu’importe donc si le scénario ne tient qu’à un fil. Ici, seul compte le spectacle. Si le gore excessif est souvent de la partie, Kostanski décide en revanche de se priver d’un des gimmicks récurrents des Deathstalker des années 80 : l’érotisme. Les hectolitres de sang et les tripes peuvent donc jaillir avec générosité mais la nudité est désormais problématique. Autres temps, autres mœurs. Toujours est-il que Deathstalker version 2025 reste un plaisir régressif qui se savoure sans modération. Cerise sur le gâteau : la bande originale reprend sur un mode épique le fameux thème composé par Chuck Cirino pour Deathstalker 2, en y greffant pour le générique de fin la voix rocailleuse de Brendan McCreary et la guitare de Slash.

 

© Gilles Penso

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SHELBY OAKS (2024)

Alors qu’elle se lance dans la recherche obsessionnelle de sa sœur disparue, une femme réveille de vieux démons liés à leur enfance…

SHELBY OAKS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Chris Stuckmann

 

Avec Camille Sullivan, Sarah Durn, Brendan Sexton, Robin Bartlett, Michael Beach, Keith David, Eric Francis Melaragni, Anthony Baldasare, Caisey Cole, Charlie Talbert

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Encore un « found footage » sur de jeunes enquêteurs du paranormal portés disparus ? Ne nous a-t-on pas déjà suffisamment abreuvé de faux documentaires de cette nature ? Peut-on encore nous surprendre avec un tel exercice, 25 ans après Le Projet Blair Witch ? Telle est notre réaction naturelle lorsque démarre Shelby Oaks, mêlant des images de films amateurs, des extraits de vidéos postées sur les réseaux sociaux, des bouts de reportages et des morceaux de journaux télévisés. Mais au bout de 17 minutes – durée de son long prégénérique -, le film amorce un virage stylistique radical en adoptant une narration plus traditionnelle. Et force est de constater que, par un étrange paradoxe, les séquences de fiction assumées sonnent plus juste que les images de pseudo-réalité. Preuve que lorsqu’elle est bien menée, la « suspension d’incrédulité » du spectateur fonctionne parfaitement, quel que soit le médium choisi. Shelby Oaks est le premier long-métrage de Chris Stuckmann, youtubeur, podcasteur, critique de film et réalisateur de courts-métrages. Co-écrit avec son épouse Samantha Elizabeth, le scénario s’inspire d’un épisode réel de sa vie personnelle : l’éducation que sa sœur et lui ont reçue au sein de l’église des Témoins de Jéhovah. Grâce à une campagne de crowfunding savamment orchestrée, le jeune réalisateur parvient à réunir un million de dollars auprès de plus de 14 000 contributeurs et se lance donc dans le tournage.

Riley Brennan, Laura Tucker, David Reynolds et Peter Bailey forment un quatuor de youtubeurs spécialisés dans les phénomènes occultes. Leur nom ? Les « Paranormal Paranoids ». Lors d’une enquête menée dans l’ancienne prison de la ville fantôme de Shelby Oaks, leur expédition vire au cauchemar : trois d’entre eux sont retrouvés morts, une caméra gisant non loin des corps. Sur la bande, Riley apparaît terrorisée avant de disparaître sans laisser de trace. Dix-sept ans plus tard, Mia, la grande sœur de Riley, participe à un documentaire consacré à l’affaire. Persuadée que sa cadette est encore en vie, elle revient sur leur enfance tourmentée, marquée par les terreurs nocturnes de Riley, convaincue qu’une présence la guettait dans l’ombre. Cette conviction obsessionnelle a peu à peu fragilisé le mariage de Mia, déjà miné par l’impossibilité d’avoir un enfant. Un soir, un inconnu frappe à sa porte, prononce une phrase énigmatique (« Elle m’a enfin laissé partir ») puis se suicide devant elle. Sur son corps, Mia découvre une cassette mini-DV titrée « Shelby Oaks »…

Vidéodrame

Grand amateur de cinéma de genre, Chris Stuckmann avait été impressionné en 2020 par la performance de l’actrice Camille Sullivan dans le survival Hunter Hunter de Shawn Linden, et c’est non sans joie qu’il obtient son accord pour tenir le premier rôle de Shelby Oaks. Car le film repose en grande partie sur son implication et sa prestation à fleur de peau. Si cette intrigue est somme toutes assez classique, si le postulat diabolique n’est pas nouveau et si les mécanismes de la peur sollicités par Stuckmann nous sont familiers, l’actrice principale nous permet d’y croire et nous communique efficacement les frayeurs de son personnage. De fait, Shelby Oaks sollicite certes les figures classiques de l’horreur d’inspiration satanique – on pense tour à tour à La Malédiction, L’Exorciste, Rosemary’s Baby – mais parvient à les reconfigurer habilement en s’appuyant sur la caractérisation des deux sœurs et en ramenant son postulat sur un plan intime avec lequel le public entre facilement en empathie. Mike Flanagan ne s’y trompe pas. Ce spécialiste des adaptations de Stephen King (Jessie, Doctor Sleep, Life of Chuck) tombe sous le charme du film lors de sa projection au Festival international du film Fantasia, en 2024, et décide d’en devenir le producteur exécutif, finançant le tournage de séquences additionnelles pour le « muscler » un peu et lui offrant l’opportunité d’une distribution internationale dans les salles de cinéma. C’est l’occasion pour un large public de découvrir sur grand écran cet exercice de style très honorable.

© Gilles Penso

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LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE (2010)

Une femme fatale à la cruauté sophistiquée se met en quête d’un poison conçu il y a mille ans par un bourreau légendaire…

LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE

 

2010 – FRANCE

 

Réalisé par Julien Carbon et Laurent Courtiaud

 

Avec Carrie Ng, Frédérique Bel, Jack Kao, Kotone Amamiya, Stefan Wong, Leon Hill, Carole Brana, Maria Chen, Mei-Ling Tang, Marina Ivanvo, Wai-Ling Wu

 

THEMA TUEURS I SUPER-VILAINS

Les Nuits rouges du Bourreau de Jade marque la première réalisation du duo Julien Carbon et Laurent Courtiaud, deux figures singulières dans le paysage cinématographique français. Journalistes et passionnés de cinéma asiatique, ils s’étaient expatriés à Hong Kong dans les années 1990 pour écrire des scénarios pour des maîtres du genre comme Johnnie To, Peter Pau ou Tsui Hark. Après plus d’une décennie passée au cœur de l’industrie hongkongaise, ils signent un film nourri de références et traversé par une fascination pour le pouvoir des images. Carbon et Courtiaud n’ont jamais caché leurs influences. Leur film est donc une mosaïque de passions cinéphiles, quelque part à mi-chemin entre le giallo italien et son goût du baroque visuel, les polars stylisés de John Woo, les mélodrames de Wong Kar-wai, les serials pulp à la Fu Manchu et même les films de sabre produits par la Shaw Brothers. Pour autant, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade évite de se muer en simple patchwork référentiel, effaçant bien souvent sa narration au profit d’une expérience purement esthétique. Ce parti pris déroute autant qu’il fascine.

À Hong Kong, la mystérieuse Carrie (Carrie Ng), femme fatale et dominatrice, cherche à s’emparer d’un poison millénaire conçu par le légendaire Bourreau de Jade, exécuteur du premier empereur de Chine. Cette substance rare, à la fois arme et aphrodisiaque, promet une extase ultime au seuil de la mort. Mais le précieux élixir se trouve désormais entre les mains d’une Française en fuite, Catherine (Frédérique Bel), traquée par la police et par les mafias locales. Au sein de ce duel féminin, la mise en scène transforme Hong Kong en un labyrinthe de néons, de soieries et de sang. Carrie Ng, magnétique, livre une performance impressionnante, héritière moderne d’Ilsa ou des héroïnes perverties du cinéma de catégorie III hongkongais. La célèbre séquence du « Dry Martini », dans laquelle Carrie prépare un cocktail avant de le verser sur la peau écorchée d’une victime, résume cette approche : le raffinement du geste se transforme en rituel de torture. Face à elle, Frédérique Bel abandonne son registre comique habituel. Son interprétation glacée et fragile, évoquant les blondes hitchcockiennes, renforce la dimension mélancolique du film. Drapée dans un trench-coat digne du Samouraï de Melville, elle incarne une étrangère perdue dans un univers qu’elle ne comprend pas, symbole d’une Europe rationnelle confrontée à une Asie fantasmée.

Fétichismes vénéneux

Le récit, volontairement fragmenté, avance par tableaux. Les cinéastes utilisent des dispositifs visuels rares dans le cinéma français contemporain : split-screens, compositions symétriques, filtres rouges et noirs, inserts sur des objets fétichistes (griffes d’acier, escarpins, verres de cristal). Chaque image semble ainsi surgie d’un rêve. La bande-son, composée par Seppuku Paradigm, renforce cette impression sensorielle, enveloppant le spectateur dans un brouillard sonore hypnotique qui évoque parfois les expérimentations de Hélène Cattet et Bruno Forzanni (Amer, L’Étrange couleur des larmes de ton corps). On pourrait reprocher à ces Nuits rouges un scénario minimaliste, des dialogues parfois artificiels et une tendance un peu systématique à se laisser emporter par la stylisation. Mais ces faiblesses apparentes font aussi partie de son projet. Carbon et Courtiaud ne cherchent pas à raconter une histoire réaliste : ils orchestrent une cérémonie du regard. Sous son apparente froideur, le film cache pourtant une ironie douce-amère. Derrière la vénéneuse Carrie se dessine la figure tragique d’une femme prisonnière de ses propres fantasmes, tout comme les réalisateurs semblent hantés par le cinéma qu’ils vénèrent. En cherchant à condenser en un seul film leurs obsessions, Carbon et Courtiaud signent finalement une espèce d’anomalie, trop sophistiquée pour le cinéma bis, trop sulfureuse pour le cinéma d’auteur, en équilibre instable entre deux tendances qui font rarement bon ménage.

 

© Gilles Penso

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THE DARK SLEEP (2012)

Dans cette adaptation libre d’un récit de H.P. Lovecraft, une romancière est assaillie par des cauchemars de plus en plus perturbants…

THE DARK SLEEP

 

2012 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Ashley Galloway, Taylor Nicole Adams, Steve Diasparra, Ken Van Sant, Bob Dennis et Mark Polonia, Yolie Canales, M. Streeter Smith, Ratchel Rae

 

THEMA RÊVES

Avec The Dark Sleep, Brett Piper change un peu de registre et laisse de côté les effets spectaculaires et l’humour volontiers potache de ses films précédents (A Nymphoid Barbarian in Dinosaur Hell, Drainiac, Psychlops, Bite Me, Shock-O-Rama) au profit d’une atmosphère plus pesante et d’une approche au premier degré. Pour cet « écart de route », il s’inspire librement d’un texte de H.P. Lovecraft, La Maison de la sorcière, pour raconter l’installation de la romancière Nancy Peterson (Ashley Galloway), tout juste divorcée, dans une grande maison au milieu de la forêt. L’endroit est chaleureux, malgré l’étrange peinture ésotérique qui est affichée dans la cave et que son ex-époux, propriétaire des lieux, lui a demandé de ne jamais décrocher. Le premier soir, Nancy croit voir un énorme rat dans sa chambre à coucher. L’apparition de la créature montre la volonté de Brett Piper de détourner la stop-motion de l’usage référentiel et distrayant qu’il en fait habituellement (dans la lignée des travaux de ses maîtres à penser Willis O’Brien et Ray Harryhausen) pour susciter des frissons nouveaux chez les spectateurs. De fait, cet étrange être démoniaque qui fixe la jeune femme au bout de son lit puis disparaît derrière une cloison parvient sans mal à nous mettre mal à l’aise. Lorsqu’ils sont dépêchés sur place, les dératiseurs ne trouvent rien. S’agirait-il d’une hallucination ?

En la voyant si perturbée, la sœur de Nancy, Kelly (Taylor Nicole Adams), la présente au scientifique Walter Gilman (Ken Van Sant), qui lui parle de rituels occultes permettant d’ouvrir des passages vers d’autres dimensions gouvernées par Nyarlathotep, accessibles à travers les rêves. Plus tard, au cours d’un cauchemar surréaliste, Nancy fait face à une machine bizarre en stop-motion – à mi-chemin entre les tripodes de La Guerre des mondes et l’araignée mécanique de Explorers – qui la prend en chasse jusqu’à son réveil en sursaut. Cette création n’est pas sans évoquer la machine composite que Piper mettait en scène et animait dans le premier segment de Shock-O-Rama. Dans le rêve suivant, Nancy est assaillie par des squelettes de créatures volantes, qui s’appréhendent cette fois-ci comme un double hommage direct aux monstres emblématiques de Jason et les Argonautes. Le monstre-rat refait quant à lui son apparition dans des proportions beaucoup plus alarmantes. Désormais gros comme un éléphant, il prend en chasse la romancière, Piper alternant une marionnette mécanique et une figurine en stop-motion selon les plans de cette séquence cauchemardesque. Plus tard, notre infortunée rêveuse fait face à un squelette casqué à la mâchoire affublée de tentacules et à deux molosses reptiliens aux mâchoires carnassières et aux yeux rouges.

Les griefs de la nuit

Comme toujours, le réalisateur/scénariste/animateur/superviseur d’effets visuels ne se réfrène donc pas sur la générosité du spectacle malgré le budget anémique dont il dispose. Certes, la légèreté s’immisce régulièrement dans le film – écho de la personnalité du cinéaste –, et plusieurs références cinéphiliques destinées aux connaisseurs affleurent (l’allusion au guerrier Zuni de La Poupée de la terreur, un personnage baptisé Pete Peterson en hommage à l’assistant de Willis O’Brien sur Le Scorpion noir), mais le ton général de The Dark Sleep marque une intéressante rupture de ton avec le reste de sa filmographie. Le manque de moyens finit même par jouer en faveur du film, qui se réfugie souvent dans l’épure et mue les scènes de rêves en passages déroutants baignés dans une atmosphère quasiment hypnotique. Le scénario réserve par ailleurs de nombreuses surprises étrangères au texte original de Lovecraft mais parfaitement cohérentes avec le déroulement du récit, notamment l’étrange destin de la sœur de l’héroïne ou la révélation finale.

 

© Gilles Penso

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PLEASURECRAFT (1999)

L’équipage d’un vaisseau spatial transporte une cargaison top-secrète jusqu’à une planète lointaine : les trois futures épouses d’un ambassadeur…

PLEASURECRAFT

 

1999 – USA

 

Réalisé par Franklin A. Vallette

 

Avec Juan Carlos, Billy Riverside, Paul Johnson, Richard Burns, Vincent Kessler, Brandy Davis, Taimie Hannum, Amber Newman, Shayna Ryan, Andrea Hargitay

 

THEMA SPACE OPERA I SAGA CHARLES BAND

Pleasurecraft est le premier film de Franklin Vallette, grand habitué des productions Charles Band puisqu’il fut réalisateur de deuxième équipe sur Les Créatures de l’au-delà, Demon in the Bottle, Virtual Encounters, Zarkorr ! The Invader, Femalien, Le Cerveau de la famille, Lolita 2000, Le Retour des Puppet Master, Kraa ! The Sea Monster, Murdercycle et Blood Dolls. Ayant touché à tous les univers de la compagnie Full Moon, il semblait parfaitement capable de pouvoir prendre en charge l’un des longs-métrages de la collection « pour adultes » Surrender, mêlant les parties de jambes en l’air déshabillées à de vagues intrigues fantastiques ou de science-fiction. Les exigences artistiques et techniques des films de ce catalogue ne sont pas particulièrement élevées, mais Vallette semble désireux de placer la barre plus haut que d’habitude. Et force est de constater qu’il y parvient. Le décor de vaisseau spatial dans lequel se déroule la majorité de l’intrigue tient la route, les séquences de véhicules stellaires qui traversent le cosmos ou échangent des décharges de rayons destructeurs sont loin d’être honteuses, le maquillage de l’ennemi extra-terrestre est soigné. Bref, voilà qui nous change du rendu ultra-cheap de la plupart des films de SF de la collection, genre Andromina, Femalien, Virtual Encounters, Lolita 2000 ou Veronica 2030. Même le générique sur fond d’étoiles, façon Star Wars ou Superman, semble vouloir marquer une rupture. Certes, la symphonie synthétique qui singe les travaux de John Williams n’est pas très convaincante, mais l’intention est là…

Nous sommes à bord du croiseur stellaire Prometheus, qui sillonne l’espace avec à son bord le charismatique capitaine Jason Harris (Juan Carlos), l’androïde Dex (Paul Johnson) et trois membres d’équipage un peu dissipés (Billy Riverside, Richard Burns et Vincent Kessler). Cette expédition 100% masculine a pour mission de transporter une cargaison précieuse jusqu’à la planète Hutan. Après l’attaque des redoutables Mutarians, qui laisse leur vaisseau en bien piteux état, nos héros découvrent la véritable nature de leur cargaison : il s’agit de trois plantureuses créatures extra-terrestres venues de la planète Credos qui sont destinées à épouser un puissant ambassadeur polygame. Les habitués du catalogue Surrender reconnaîtront le visage de ces trois charmantes futures mariées : Brandy Davis (Virtual Encounters 2), Taimie Hannun (Timegate) et Amber Newman (Dungeon of Desire). Le problème, c’est que les hommes du Prometheus ne sont pas du tout insensibles aux charmes de leurs passagères, qui ne se montrent d’ailleurs pas particulièrement farouches. Seront-ils capables d’honorer leur engagement ou vont-ils se laisser conduire par leurs sentiments ? Le dilemme est d’autant plus compliqué que les belles aliennes ne sont plus tout à fait certaines de vouloir suivre leur destinée première…

Star Trique

Les amateurs de Star Trek auront sans doute reconnu dans cette intrigue de nombreux points communs avec l’épisode « Hélène de Troie », diffusé en 1968, dans lequel une ambassadrice venue d’une lointaine planète, transportée par l’Entreprise en vue de son futur mariage conclu pour apaiser une situation politique, dégageait une aura rendant tous les hommes amoureux d’elle et finissait par renoncer à ses noces. La différence, bien sûr, c’est que le capitaine Kirk et Monsieur Spock gardaient leur pantalon, ce qui est loin d’être le cas des astronautes de Pleasurecraft. Le carnet de bord que tient en voix off le chef de l’équipage et le look des agresseurs Mutarians – proche de celui des Klingons – parachèvent les allusions au show de Gene Roddenberry. Pleasurecraft possède donc une petite touche de SF à l’ancienne qui n’est pas sans charme, à laquelle s’ajoutent quelques trouvailles originales, comme une unité de réalité virtuelle qui permet au capitaine de s’évader dans un épisode de sitcom des années 50 – façon I Love Lucy – jusqu’à ce que son escapade vire à une expérience de cybersexe beaucoup plus crue. Le film multiplie bien sûr les galipettes dénudées à un rythme régulier – c’est la raison d’être première des productions Surrender – mais il faut reconnaître que Pleasurecraft se situe allègrement sur le dessus du panier de cette collection par ailleurs extrêmement anecdotique.

 

© Gilles Penso

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