KILLER EYE : HALLOWEEN HAUNT (2011)

Quatre amies, chargées de décorer une maison pour Halloween, découvrent le DVD d’un film d’horreur et décident de le visionner…

KILLER EYE : HALLOWEEN HAUNT

 

2011 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Erica Rhodes, Olivia Alexander, Chelsea Edmunson, Ariana Madix, Lauren Furs, Circus-Szalewski, Danielle Stewart

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION I SAGA CHARLES BAND

Franchement, The Killer Eye avait-il besoin d’une suite ? Le nanar stratosphérique de David DeCoteau, mi-horrifique mi-science-fictionnel mi-érotique, avait gentiment disparu des mémoires depuis sa sortie discrète en 1999. Pourtant, douze ans plus tard, le producteur Charles Band ressent l’étrange besoin d’affubler ce film à l’intérêt très limité d’un second opus. Deux choses motivent sa décision : 1) l’envie de capitaliser sur ses anciennes productions pour bâtir une sorte de « Charles Band Universe » riche en crossovers, en spin-off et en séquelles ; 2) son attrait pour le relief et les effets 3D, qu’il expérimenta avec bonheur dans les années 80 et qu’il relança avec Evil Bong 3. Son idée ? Demander au scénariste Kent Roudebush de retravailler un premier script de Domonic Muir en y intégrant une foule de gags et de gimmicks conçus pour projeter un maximum de choses vers les spectateurs (y compris des seins nus, bien sûr). Sauf qu’entretemps, Evil Bong 3 dépasse largement son budget et n’attire pas vraiment les foules. Déçu, Band fait machine arrière et abandonne la 3D. Killer Eye : Halloween Haunt est donc tourné « à plat », sans pour autant que son scénario soit retouché. C’est dire le laxisme avec lequel s’enclenche cette micro-production de 500 000 dollars.

Killer Eye : Halloween Haunt raconte l’histoire de Jenna (Erica Rhodes), dont la mère arrondit ses fins de mois en transformant leur maison familiale en château hanté pour les fêtes d’Halloween. La jeune femme invite un soir ses amies Rocky, Catalina et Kiana (Olivia Alexander, Chelsea Edmunson et Ariana Madix) pour l’aider à décorer les lieux. Mais très vite, les travaux de design intérieur tournent court. L’équipe troque en effet les masques effrayants et les toiles d’araignées contre de l’alcool, de la musique et des danses en petite tenue. En fouillant dans de vieilles affaires, Rocky découvre une VHS poussiéreuse : The Killer Eye, un obscur nanar d’horreur, accompagnée d’une réplique en plastique de l’œil maléfique qui en tient la vedette. Intriguées, les filles lancent la projection, mais le film est si mauvais qu’elles abandonnent la séance en cours (comment leur en vouloir ?). Ce qu’elles ignorent, c’est qu’une étrange boule de cristal oubliée parmi les décorations réagit à la fois au film et à l’ambiance sulfureuse de la soirée. Elle insuffle soudainement la vie à la maquette de l’œil, qui s’électrise et s’anime. Doté des mêmes pouvoirs hypnotiques que son homologue cinématographique, le sinistre globe oculaire commence à manipuler les invitées une à une avant de les massacrer…

Œil pour œil

Le film a beau être court (67 minutes à peine, en comptant les génériques), les courageux spectateurs prêts à tenter l’aventure trouveront le temps terriblement long. A part quelques trémoussements en sous-vêtements et une poignée de répliques sans intérêt, il ne se passe à peu près rien pendant les quarante premières minutes, remplies de très – très ! – larges extraits de The Killer Eye. Charles Band en profite pour truffer le décor de produits dérivés issus de ses anciennes productions (le DVD du premier film, bien sûr, mais aussi des masques de Killjoy et du Gingerdead Man), tandis qu’un dialogue en forme de clin d’œil évoque le scénario d’Evil Bong. Band joue donc la carte « meta », comme il le fit dans Gingerdead Man 2, poussant par exemple les héroïnes à commenter The Killer Eye et à se moquer du film, comme le ferait n’importe qui. Les donzelles tournent ainsi en dérision le réalisateur David DeCoteau, son pseudonyme (Richard Chasen) et son penchant pour les jeunes acteurs mâles en sous-vêtements. C’est amusant quelques secondes, mais faute d’un scénario un minimum écrit, il n’y a rien à se mettre sous la dent. La routine des 25 dernières minutes (l’œil surgit, pousse les filles à faire un strip-tease puis les tue) n’a rien de particulièrement palpitant et l’apparition du générique de fin se révèle presque libératrice.

 

© Gilles Penso

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MUNCHIES (1987)

Produit par Roger Corman, ce plagiat cheap de Gremlins met en scène de petits extra-terrestres hargneux et destructeurs…

MUNCHIES

 

1987 – USA

 

Réalisé par Tina Hirsch

 

Avec Harvey Korman, Charlie Stratton, Nadine Van der Velde, Alix Elias, Charlie Philips, Hardy Rawls, Jon Strafford, Robert Picardo, Wendy Schaal, Scott Sherk

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Depuis le début de sa carrière dans les années 50, Roger Corman recycle tout ce qui marche pour produire des séries B inspirées des hits cinématographiques du moment. C’est son credo, appliqué avec tant de constance que le serpent finit presque par se mordre la queue par moments. Ainsi, lorsqu’en 1978 Corman embauche Joe Dante pour réaliser en vitesse une imitation des Dents de la mer, il ne se doute pas que Piranhas sera un succès et que le jeune metteur en scène sera convoité par Steven Spielberg qui lui fera tourner Gremlins. Face au triomphe des petits monstres de Dante, Corman prépare aussitôt un plagiat du dernier né de son ancien poulain. Mais l’ami Joe n’est plus dans ses tarifs (il tourne désormais des longs-métrages prestigieux comme Explorers ou L’Aventure intérieure). Qu’à cela ne tienne : offrons le job à la monteuse de Gremlins, Tina Hirsch, qui rêve justement de passer derrière la caméra (et qui a déjà travaillé à plusieurs reprises pour Corman). Ainsi naît Munchies, dont le scénario filiforme est écrit par Lance Smith. Tourné en douze jours à Los Angeles, le film nécessite trois jours de prises de vues supplémentaires consacrés aux marionnettes conçues par Robert Short. À l’œuvre sur des films comme Star Trek, Rencontres du troisième type, 1941, Firefox, E.T. ou Splash, Short est un homme aux talents multiples. Mais le budget dérisoire mis à sa disposition ne lui laisse aucune véritable latitude créative.

Persuadé que le Machu Picchu était une tour de contrôle pour vaisseaux spatiaux extra-terrestres, l’archéologue fantasque Simon Watterman (Harvey Korman) organise des fouilles archéologiques au Pérou, dans lesquelles il entraîne contre son gré son fils Paul (Charles Stratton). Au fin fond d’une grotte, les deux hommes découvrent une petite créature cachée dans les ruines et décident de la ramener chez eux à Melvisland, une petite ville des États-Unis. Chargés de surveiller la bête, Paul et sa petite amie Cindy (Nadine Van der Velde) la baptisent Arnold. Mais Cecil Watterman (Harvey Korman aussi), le frère jumeau de Simon, politicien véreux et homme d’affaires malhonnête coiffé d’une perruque improbable, apprend l’existence de la créature et décide de la faire kidnapper par son imbécile de beau-fils (Jon Stafford). Arnold devient soudain agressif, et les catastrophes ne tardent alors pas à s’enchaîner dans la petite ville, bientôt en proie à la panique…

L'envers de Dante

La musique trépidante de Ernest V. Troost qui ouvre le film laisse imaginer une comédie alerte et décomplexée. Hélas, il ne nous faudra que quelques minutes pour comprendre que Munchies n’est qu’un nanar bâclé qui ne cherche jamais à s’éloigner du schéma dicté par Gremlins. Le scénario en reprend donc servilement le principe : la petite créature mignonne est confiée à un jeune homme par son père, se multiplie suite à une maladresse et donne naissance à une petite armée de monstres gloutons, turbulents et destructeurs. Corman et Hirsch assument certes leurs références, montrant un journal qui parle des Gremlins ou une plaque d’immatriculation « Oh Gizmo », tout en multipliant d’autres clins d’œil tous azimuts (les posters de Evil Dead, Pale Rider, Barbarian Queen, Sorceress, le doigt de l’enfant et de la créature qui reproduisent le célèbre visuel de E.T., une allusion à Piranhas), mais est-ce suffisant pour nous dérider ? Pas vraiment. Car les gags tombent à plat, le rythme est déficient, les acteurs complètement à l’ouest (même ce bon vieux Robert Picardo, acteur fétiche de Joe Dante, comme par hasard). Quant aux « Munchies », ce sont des marionnettes extrêmement rudimentaires, agitées sans conviction par des manipulateurs hors-champ qui font ce qu’ils peuvent pour tenter de nous faire croire que ces bouts de caoutchouc sont vivants. Le film restera sans suite, même si Corman réutilisera son titre pour Munchie et Munchie Strikes Back, deux autres « enfants illégitimes » de Gremlins signés cette fois-ci Jim Wynorski.

 

© Gilles Penso

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NOTRE HOMME FLINT (1966)

Dans cette parodie de James Bond, James Coburn affronte des super-vilains capables de contrôler le climat et les intempéries…

OUR MAN FLINT

 

1966 – USA

 

Réalisé par Daniel Mann

 

Avec James Coburn, Lee J. Cobb, Gila Golan, Edward Mulhare, benson Fong, Shelby Grant, Sigrid Valdis, Gianna Serra, Helen Funai, Michael St. Clair

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

En 1965, lorsque Daniel Mann, futur réalisateur de Willard, se voit confier la mise en scène de Notre homme Flint, le projet s’inscrit dans une volonté délibérée de pasticher l’univers des films d’espionnage à succès, alors dominé par la figure de James Bond. L’objectif est ambitieux : créer un héros à contre-courant, à la fois chevronné et irrévérencieux. Le choix de l’acteur principal s’arrête sur James Coburn, déjà reconnu pour ses seconds rôles dans des productions prestigieuses telles que Les 7 mercenaires, La Grande évasion ou encore Charade. Notre homme Flint marque pour lui une étape cruciale, puisqu’il s’agit de son premier rôle en tête d’affiche dans un long métrage. « Coburn est sans aucun doute l’un des acteurs les plus intéressants du moment », déclare à l’époque le producteur Saul David. « Je le décrirais comme un croisement entre Humphrey Bogart et Jean Paul Belmondo – un vrai descendant de cette génération révolue d’acteurs de caractère qui sont devenus des têtes d’affiche par accident… Coburn a un effet fantastique sur les spectatrices. Je pense que c’est parce que les femmes recherchent davantage la masculinité et le charme que la beauté chez une star masculine » (1) Si l’intrigue du film nous fait visiter tour à tour Washington, Marseille, Rome et une île isolée au milieu de l’océan, le film est entièrement tourné en Californie, majoritairement en studio.

Avalanches, éruptions volcaniques, raz de marée, explosion d’un barrage… Notre homme Flint commence comme un film catastrophe spectaculaire. Les responsables de tous ces désastres sont des super-vilains dont la maîtresse d’œuvre, la mystérieuse Gina (Gila Golan, future cow-girl de La Vallée de Gwangi), est réfugiée à l’intérieur d’un sous-marin sophistiqué. « Si vous contrôlez le climat, vous contrôlez le monde ! » s’affole-t-on alors au beau milieu d’une cellule de crise à Washington menée par la « ZOWIE » (« Zonal Organization World International Espionage »). Après avoir perdu plusieurs équipes d’agents secrets en essayant de stopper ces agissements diaboliques, on sollicite les ordinateurs dernière génération pour déterminer qui sera l’homme de la situation. Un nom fait l’unanimité : Derek Flint. Le problème, c’est que même s’il croule sous les distinctions et les honneurs, Flint est un homme qui rechigne à respecter les ordres pour n’en faire souvent qu’à sa tête. L’agent secret refuse d’ailleurs la mission plusieurs fois, jusqu’à ce qu’une tentative de meurtre sur sa personne le fasse changer d’avis.

Urgence climatique

Dès le générique, enchaînant les silhouettes féminines sexy sur des fonds colorés aux accents d’une bande originale jazzy de Jerry Golsdmith, Notre homme Flint assume l’influence de James Bond. Plus tard, nous aurons droit à une allusion au SPECTRE, à la présence d’un Walter PPK et même à un agent qui porte le matricule 0008. Multipliant les gadgets excentriques (un écran vidéo intégré dans une vitre amovible, un briquet intégrant 82 armes, un immeuble entier qui disparaît sous le sol pour être remplacé par une terrasse de café), le film assume pleinement son appartenance à la science-fiction à travers le repaire des vilains : une sorte d’île paradisiaque survolée par des engins futuristes, dans les entrailles de laquelle se dissimulent une machine capable de contrôler le climat, une cabine de désintégration ainsi qu’une technologie psychédélique qui conditionne le comportement des humains. Coburn s’amuse à camper un espion cynique et imbu de lui-même, as du karaté, toujours flanqué d’un quatuor de jolies femmes, lové dans un appartement luxueux et se déplaçant dans son propre jet privé. Au cours des nombreuses bagarres qui rythment le récit, l’acteur semble donner de sa personne. Quant aux amateurs de Piège de cristal, ils apprécieront la présence d’un homme de main allemand qui porte le nom de Hans Gruber ! Face au succès du film, une suite sera mise en chantier dans la foulée, sous le titre F comme Flint.

 

(1) Extrait d’un entretien paru dans The Los Angeles Times en Février 1965

 

© Gilles Penso

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LES WEEK-ENDS MALÉFIQUES DU COMTE ZAROFF (1976)

Michel Lemoine incarne le fils du célèbre chasseur d’hommes dans ce film érotico-horrifique soporifique et involontairement drôle…

LES WEEK-ENDS MALÉFIQUES DU COMTE ZAROFF

 

1976 – FRANCE

 

Réalisé par Michel Lemoine

 

Avec Michel Lemoine, Nathalie Zeiger, Howard Vernon, Joëlle Cœur, Martine Azencot, Stéphane Lorry, Robert de Laroche, Sophie Grynholc, Patricia Mionnet

 

THEMA SUPER-VILAINS

Acteur spécialisé dans le cinéma bis depuis le début des années 60 (Le Monstre aux yeux verts, Hercule contre Moloch, Les Possédées du démon, Necronomicon et beaucoup d’autres), Michel Lemoine fait ses premiers pas de réalisateur en enchaînant quelques films « adultes » aux titres aussi évocateurs que Les Chiennes ou Confidences d’un lit trop accueillant. Avec Les Week-ends maléfiques du comte Zaroff, notre homme change un peu de registre. Certes, l’érotisme continue à alimenter généreusement la pellicule, mais le scénario se veut fantastico-horrifique, d’où son titre référentiel évoquant le classique d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel. L’acteur/réalisateur/scénariste/coproducteur incarne Boris Zaroff, le fils du célèbre comte qui se livrait sur son île à des chasses à l’homme. En proie à de violentes pulsions sadiques, il est tourmenté par la mort de la femme qu’il aimait, dont il revoit souvent la silhouette au cours d’hallucinations chroniques. Son majordome Karl (Howard Vernon), fils de celui du précédent Comte Zaroff, s’efforce de respecter la promesse qu’il avait tenue à son père sur son lit de mort : pousser Boris à extérioriser ses pulsions en organisant de nouvelles chasses. La venue au château d’une nouvelle secrétaire et d’un couple venu s’abriter suite à un accident de voiture va pouvoir visiblement favoriser les plans de Karl…

Mortellement ennuyeuse, cette série Z qui semble vouloir emboîter le pas des œuvres de Jean Rollin se révèle strictement dénuée d’intérêt. La référence aux Chasses du Comte Zaroff n’est évidemment qu’un prétexte usurpé, mais Michel Lemoine tient à la filiation par le biais d’Howard Vernon, qui campe non seulement le fils du majordome du premier Zaroff, mais aussi le majordome lui-même au cours d’un flash-back (dans le film de 1932, c’est Noble Johnson qui tenait ce rôle). Mais rien ne sauve l’entreprise : entre une mise en scène atone, une musique qui vrille les nerfs et une direction d’acteurs catatonique, la projection vire rapidement au supplice. Fort heureusement, le spectateur se voit offrir une distraction de taille au moment où interviennent Francis (Robert de Laroche) et Madeleine (Martine Azencot), le couple tombé en panne de voiture près du château de Zaroff. Les acteurs sont si mauvais, leurs dialogues si insipides et les situations si ridicules que ce passage du film constitue un énorme éclat de rire assez inattendu (tant pour le public que pour le réalisateur). Madeleine et Francis finiront attachés l’un sur l’autre dans une chambre des tortures, et transpercés par des pointes acérées.

Sept femmes pour un sadique

Michel Lemoine et Homard Vernon tentent bien de relever le niveau en déclamant quelques pensées philosophiques, mais sans grand succès. Les scènes érotiques, médiocres, traînent sans faire avancer une intrigue qui, de toute évidence, n’a pas pour vocation de progresser. Ce film marque la dernière apparition de l’actrice française Joëlle Cœur. En à peine quatre ans de carrière (1972-1976), elle aura tourné dans une vingtaine de films d’horreur et érotiques aujourd’hui cultes, pour la plupart sous la direction de Jean Rollin. Elle quittera définitivement les plateaux lorsque le cinéma français glissera vers le hardcore, fraîchement légalisé à l’époque. Connu également sous le titre Sept femmes pour un sadique, le film est interdit dès sa sortie par la commission de censure. Le verdict est sans appel : « Ce film présente, sous couvert d’un appel à l’étrange et au surréel, une panoplie complète de moments de sadisme, de cruauté, d’érotisme, voire de nécrophilie, qui ne sont tempérés ni par la moindre poésie, ni par l’humour. Il ne saurait être vu que par des adultes. » Classé X en France, mais mieux accueilli à l’étranger, le film connaît une seconde vie dans les années 1980 grâce à la VHS. En 2020, il connaîtra les honneurs d’une restauration en version UHD Blu-Ray.

 

© Gilles Penso

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JASON ET LES ARGONAUTES (2000)

Malgré ses nombreuses qualités, ce long téléfilm mythologique pâlit de la comparaison face au chef d’œuvre de Don Chaffey et Ray Harryhausen…

JASON ET LES ARGONAUTES

 

2000 – USA

 

Réalisé par Nick Willing

 

Avec Jason London, Frank Langella, Natasha Henstridge, Dennis Hopper, Derek Jacobi, Olivia Williams, Angus Macfayden, Jolene Blalock, Brian Thompson

 

THEMA MYTHOLOGIE

En 2000, la chaîne américaine Hallmark Entertainment, déjà rompue à l’exercice de l’adaptation mythologique avec L’Odyssée (1997), remet le couvert avec Jason et les Argonautes, ambitieuse mini-série réalisée par le britannique Nick Willing. Conçu pour occuper deux créneaux de 90 minutes sur la chaîne câblée, le projet bénéficie d’un budget conséquent – près de 30 millions de dollars – et d’un savoir-faire hérité de nombreuses productions précédentes de Hallmark, centrées sur les grands récits fondateurs. Mais comment ne pas penser au somptueux Jason et les Argonautes réalisé par Don Chaffey en 1963 et sublimé par les effets spéciaux révolutionnaires de Ray Harryhausen ? Cette version Hallmark, malgré ses trois heures de métrage, semble parfois s’y mesurer de manière trop frontale. Le scénario réutilise ainsi plusieurs moments marquants du film original, notamment les harpies persécutant le devin Phinée, le dragon gardien de la Toison d’or, le passage dans les « rochers broyants » ou encore l’incontournable combat contre les squelettes. À ces séquences s’ajoutent quelques autres pans du mythe non visités par Don Chaffey, comme le passage sur l’île de Lemnos ou l’épreuve du taureau cracheur de feu.

La mise en œuvre pâtit hélas d’un recours massif aux images de synthèse, alors en pleine démocratisation dans les productions télévisuelles. Les créatures, autrefois animées image par image par le maestro Harryhausen dans ce qui reste l’un de ses plus grands morceaux de bravoure, sont ici générées par ordinateur, avec des résultats très inégaux qui manquent fatalement de charme et de poésie. Le dragon cornu, par exemple, dont la morphologie sans ailes évoque celui du 7ème voyage de Sinbad, n’a rien de très convaincant. Et que dire du combat contre les squelettes, chef d’œuvre chorégraphique de 1963 mué ici en pantomime ratée dans laquelle s’agitent des adversaires numériques parfaitement intangibles ? En revanche, Nick Willing (révélé en 1997 avec le très remarqué Photographing Fairies) parvient à insuffler un vrai souffle visuel dans la scène des harpies, grâce aux talents du Henson Creature Workshop et à une mise en scène efficace.

Les aventuriers de la Toison d’or

Le film explore quelques pistes narratives inédites : Atalante (Olga Sosnovska), par exemple, développe un amour non réciproque pour Jason (Jason London), instaurant une tension romantique intéressante mais malheureusement inaboutie. Médée (Jolene Blalock), quant à elle, est dépeinte avec une ambiguïté inattendue : séduisante, mystérieuse, mais aussi déjà porteuse de la noirceur tragique que les légendes lui attribuent. Pourtant, le mariage final, qui clôt abruptement la mini-série, laisse un arrière-goût d’inachevé, comme si des intrigues secondaires avaient été sacrifiées sur l’autel de la salle de montage. La musique, composée par Simon Boswell, constitue l’un des atouts majeurs du film. Écrite en seulement six semaines, sa partition conçue pour un orchestre symphonique de 70 musiciens insuffle une belle ampleur épique aux aventures de Jason et de ses compagnons. Après sa diffusion en deux parties sur plusieurs territoires, Jason et les Argonautes sera exploité un peu partout dans le monde sous forme d’un long-métrage de trois heures pour sa distribution sur le marché vidéo. Hallmark poursuivra dans la voie mythologique avec Hercule réalisé en 2005 par Robert Young.

 

© Gilles Penso

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DAREDEVIL (2003)

Le super-justicier aveugle imaginé par Stan Lee prend vie sous les traits de Ben Affleck dans une adaptation peu convaincante…

DAREDEVIL

 

2003 – USA

 

Réalisé par Mark Steven Johnson

 

Avec Ben Affleck, Jennifer Garner, Colin Farrell, Michael Clarke Duncan, Jon Favreau, Joe Pantoliano, Scott Terra, Ellen Pompeo, Leland Orser, Lennie Loftin

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS

Au début des années 2000, le X-Men de Bryan Singer et le Spider-Man de Sam Raimi ont ouvert la porte à toute une série d’adaptations des comics Marvel sur grand écran, ce qui, à priori, était extrêmement réjouissant. Hélas, scénaristes et réalisateurs, face au succès de ces deux œuvres d’exception, prirent leur rôle très à la légère, comme si la cause était désormais gagnée d’avance. Daredevil, le super-héros aveugle créé en 1964 par Stan Lee et Bill Everett, possédait pourtant le potentiel d’une passionnante adaptation à l’écran. Ses premiers pas en dehors des pages des comics s’étaient effectués dans le téléfilm Le Procès de l’incroyable Hulk en 1989. Si l’acteur Rex Harrison se révélait plutôt crédible sous les traits de l’avocat Matt Murdock, son alter-ego costumé peinait à nous convaincre, engoncé il est vrai dans une panoplie particulièrement disgracieuse. Il était donc temps qu’un film digne de ce nom lui rende justice. Fan inconditionnel du personnage, Mark Steven Johnson (à peine sorti du drame Simon Birch) propose à la Fox une adaptation sombre et urbaine, inspirée des albums noirs signés Frank Miller. Il décroche non seulement la réalisation, mais aussi l’écriture du scénario, qu’il imagine comme un mélange de thriller judiciaire, d’origin story torturée et de romance tragique. Pour incarner Matt Murdock, le choix se porte sur Ben Affleck, qui accepte sans hésiter. Passionné de comics, l’acteur avoue avoir grandi avec Daredevil et y voit une occasion unique de rendre hommage à son héros d’enfance.

Conformément à son modèle dessiné, le Matt Murdock du film est un avocat new-yorkais respecté, qui défend les innocents et les oubliés dans le quartier difficile de Hell’s Kitchen. Mais derrière sa carrière dans la justice se cache un lourd passé et une double vie. Enfant, Matt a perdu la vue dans un accident impliquant des produits chimiques. Si cet événement l’a privé de la vue, il a également décuplé ses autres sens, lui permettant de percevoir son environnement avec un « sens radar » proche de celui des chauves-souris. Devenu adulte, Matt mène une existence partagée entre la salle d’audience, où il lutte selon la loi, et les rues, où il agit en justicier masqué sous le nom de Daredevil. La nuit, il affronte les criminels que la justice ne parvient pas à condamner, guidé par un profond besoin de réparer les torts subis dans son enfance. L’intrigue s’amorce vraiment lorsqu’il rencontre Elektra Natchios, une jeune femme mystérieuse et combative, fille d’un riche homme d’affaires mêlé malgré lui aux affaires du Caïd, un puissant criminel qui règne sur les bas-fonds de la ville. Quand Elektra se retrouve au cœur d’un conflit violent, Matt est forcé de remettre en question ses certitudes et son rôle de justicier…

Fautes de goût en cascade

Malgré des intentions qui nous semblent fort louables, ce Daredevil est caviardé de fautes de goût et de choix extrêmement discutables, tant du point de vue artistique que narratif. Le casting en est un bon exemple. Si la sculpturale Jennifer Garner et l’éclectique Colin Farrell se tirent honorablement de leurs rôles respectifs d’Elektra et du Tireur, que dire de l’inexpressivité de Ben Afflek en Daredevil, des lourdeurs de Jon Favreau en Foggy Nelson ou des cabotinages de Michael Clarke Duncan en Caïd ? Voilà qui ne facilite guère l’identification aux personnages. D’autant que la caractérisation du super-héros vedette est carrément inexistante. Moment clef et moteur d’un récit de ce type, les origines des pouvoirs du jeune Matt Murdock sont expédiées dans un flash-back elliptique bâclé. Ses activités de vigilante costumé, ensuite, sont exposées de manière fort discutables, puisque le jeune homme, devenu avocat, se met à tuer sous son costume de Daredevil les criminels qu’il n’a pas pu faire condamner au tribunal ! Sa romance, enfin, est traitée à la manière d’une farce grotesque, comme en témoigne la première rencontre absurde entre Murdoch et Elektra. Restent quelques séquences de voltige à la Spider-Man, des survols nocturnes de la ville hérités de Batman, une bande originale tonitruante comme dans Blade… Et pas une once d’humour pour rattraper le désastre. Mark Steven Johnson fera pourtant pire en s’attaquant à Ghost Rider en 2007. Quant à Daredevil, il aura enfin droit à une adaptation digne de ce nom avec l’excellente série TV créée par Drew Goddard.

 

© Gilles Penso

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LA TOUR DES MONSTRES (1974)

Un petit groupe de vieux locataires sont prêts à tout pour ne pas être délogés de leur immeuble, même au pire…

HOMEBODIES

 

1974 – USA

 

Réalisé par Larry Yust

 

Avec Peter Brocco, Frances Fuller, William Hansen, Ruth McDevitt, Paula Trueman, Ian Wolfe, Linda Marsh, Douglas Fowley, Kenneth Tobey, Wesley Lau

 

THEMA TUEURS

Deuxième long-métrage de Larry Yust après le polar Trick Baby, Homebodies (une expression qu’on pourrait traduire par « les casaniers ») est un film d’horreur d’un genre très particulier. Les distributeurs français se perdent d’ailleurs en conjectures sur la manière de le promouvoir, le titrant une première fois Les Pousse-au-crime lors de sa sortie en mars 1976 (pour mettre en avant son caractère de comédie noire criminelle), avant de le rebaptiser La Tour des monstres pour sa réexploitation quelques mois plus tard (accentuant exagérément son caractère horrifique, poster démoniaque à l’appui). Tourné en cinq semaines dans deux villes différentes (dix jours à Cincinatti et quinze jours à Los Angeles), le film met en vedette une demi-douzaine d’acteurs vétérans qui, même s’ils n’ont jamais été des stars, cumulent à eux tous une présence active dans presque mille films ! Il faut dire que la moyenne d’âge de ce casting vénérable – 75 ans – force le respect. Yust construit le scénario qu’il co-écrit avec Howard Kaminsky et Bennett Sims autour de la négligence dont souffrent trop souvent les personnes âgées, poussant le concept jusque dans des retranchements très surprenants. La chanson malicieuse qui ouvre le film, « Sassafras Sundays », entonnée d’un ton guilleret par Billy Van et empreinte d’une douce nostalgie, nous laisse bien entendre dès l’entame que cette œuvre aux tonalités multiples ne sera pas comme les autres.

Dans un quartier en rénovation, où les petites habitations individuelles sont détruites pour faire place aux grands ensembles imaginés par le promoteur Crawford (Douglas Fowley), tous les habitants d’un vieil immeuble – majoritairement des gens âgés – sont sommés de quitter les lieux pour partir en banlieue dans de nouveaux logements anonymes, froids et onéreux. Certains acceptent à contrecœur, mais un petit groupe d’irréductibles refuse de quitter les lieux : un aveugle amateur de violon (Peter Brocco), un veuf qui est en train d’écrire ses mémoires (William Hansen), une agoraphobe timide qui ne sort jamais de chez elle et parle à son défunt père (Frances Fuller), le couple des gardiens des lieux (Ian Wolfe et Ruth McDevitt) et une vieille femme qui vit seule (Paula Trueman). Malgré les nombreuses intimidations de l’employée municipale venue leur distribuer des avis de relogement sans se soucier de leurs états d’âme (Linda Marsh), nos six locataires s’obstinent. Alors que le promoteur s’impatiente, plusieurs accidents mortels et inexplicables retardent soudain les travaux…

Vieilles canailles

Voir tous ces locataires âgés soudain désemparés face à la nécessité du déménagement, s’accrochant à leurs souvenirs et aux murs qui les renferment comme à des bouées de sauvetage, a quelque chose de touchant. « Je suis bien trop vieux pour tout réapprendre » dit l’un d’eux, parlant au nom de tous. Comment ne pas prendre fait et cause pour eux ? Face à la condescendance de leur entourage (l’arrogante agente immobilière, le propriétaire hargneux, les ouvriers moqueurs, les policiers indifférents), la colère monte lentement. Alors que le drame se noue sous un jour réaliste, le film entre soudain de plain-pied dans l’horreur (via une série de meurtres violents) tout en se réservant des passages ouvertement comiques (la séquence de la voiture conduite par une octogénaire maladroite) et des moments d’humour noir (la scène du fauteuil roulant sur lequel nos « héros » trimballent discrètement un cadavre). Larry Yust opère ainsi un mélange des genres audacieux qui rend souvent La Tour des monstres insaisissable. L’intrigue rebondit plusieurs fois de manière inattendue, muant les lieux les plus variés en supports de courses-poursuites boitillantes (un immeuble en chantier, l’étang d’un parc) et offrant à Paula Trueman le rôle d’une étonnante psychopathe du troisième âge. Un point de départ scénaristique voisin – évacuant tout élément horrifique pour pencher vers une approche de science-fiction féerique et familiale – sera décliné dans Miracle sur la huitième rue.

 

© Gilles Penso

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DRAGON FIGHTER (2003)

Un mixage à petit budget de Jurassic Park et Aliens qui donne la vedette à un dragon génétiquement modifié et au héros de Loïs & Clark

DRAGON FIGHTER

 

2003 – USA / BULGARIE

 

Réalisé par Philip J. Roth

 

Avec Dean Cain, Kristine Byers, Robert Zachar, Marcus Aurelius, Robert DiTillio, Vesela Dimitrova, Hristo Shopov, Chuck Eckert, Kelly Wilborn, Hector Kleist

 

THEMA DRAGONS

Dans le paysage foisonnant des productions télévisées à petit budget du début des années 2000, Dragon Fighter occupe une place singulière. Réalisé par Philip Roth (aucun lien avec l’écrivain), artisan régulier de la compagnie UFO (Unified Film Organization), ce film de science-fiction tente un étrange cocktail de manipulations génétiques, de huis clos militaire et de mythologie médiévale à travers une tentative audacieuse de transposer le mythe du dragon dans un contexte contemporain. Après un prologue médiéval, l’intrigue s’ouvre sur le capitaine David Carver, interprété par Dean Cain, ex-Superman de la série Loïs & Clark, reconverti ici en chef de la sécurité d’un centre de recherche ultraconfidentiel niché au sud de la Californie. Dans ce laboratoire, une équipe de scientifiques dirigée par le docteur Ian Drackovitch (Robert Zachar) s’efforce de ramener à la vie des espèces éteintes, notamment celles dont l’extinction est imputable à l’activité humaine. Lorsqu’un mystérieux fossile est ramené d’Angleterre, daté non pas de la préhistoire mais du XIIe siècle, Drackovitch voit l’occasion d’un exploit scientifique. Malgré les mises en garde de Carver, il décide de cloner l’organisme. L’expérience tourne rapidement à la catastrophe. Car la créature qui émerge est un véritable dragon, doté de la capacité de voler et de cracher le feu.

Sous la double influence manifeste de Jurassic Park et du Règne du feu, Dragon Fighter est tourné en Bulgarie, comme nombre de productions UFO, réutilisant des décors déjà vus dans d’autres films du studio comme Python II ou Shark Hunter. Ce qui frappe dès les premières minutes, ce sont les maniérismes de son montage. Pour dynamiser ses scènes de dialogues, Roth abuse d’écrans partagés façon 24 heures chrono, un tic visuel qui devient rapidement lassant. En outre, chaque personnage nouvellement introduit bénéficie d’un tableau de statistiques affiché à l’écran : nom, poids, capacités… à croire que les scientifiques et les militaires se collectionnent comme des cartes Pokémon ! Les effets visuels, réalisés entre la Bulgarie et la Californie, oscillent entre le convenable et le médiocre. Le dragon en images de synthèse qui course les protagonistes dans les corridors futuristes du laboratoire recycle de toute évidence les figures de style d’Alien. Le monstre adopte d’ailleurs une posture un peu humanoïde, perché sur ses pattes postérieures, les pattes antérieures en avant, les ailes repliées derrière lui, la gueule ouverte (aux allures de tête de tyrannosaure). Les héros ont beau être lourdement armés, c’est bien sûr inutile face au pouvoir incandescent du monstre.

Superman contre un dragon

Si Dean Cain (qui avait déjà joué sous la direction de Roth dans le sympathique Boa en 2002) s’en sort honorablement en militaire pragmatique, apportant au protagoniste qu’il incarne un certain charisme, les seconds rôles peinent à nous faire croire à leurs personnages, desservis par des dialogues souvent mécaniques (récités sans beaucoup de conviction) et une écriture trop fonctionnelle. Pourtant, malgré ses nombreux défauts et son budget anémique, Dragon Fighter conserve un certain charme et s’offre même des scènes de batailles aériennes entre le dragon, les avions militaires et les hélicoptères, le monstre menaçant de s’échapper pour gagner la ville la plus proche. Le film vaut d’ailleurs le détour principalement pour sa dernière demi-heure, au cours de laquelle les amateurs de fantastique et de science-fiction ont l’occasion d’assister à un spectacle inédit : ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à un combat entre Superman et un dragon.

 

© Gilles Penso

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HURLEMENTS 5 : LA RE-NAISSANCE (1989)

Un petit groupe d’invités prestigieux vient assister à la réouverture d’un château abandonné depuis 500 ans où les attend une bête affamée…

THE HOWLING V – THE REBIRTH

 

1989 – USA

 

Réalisé par Neal Sundström

 

Avec Phil Davis, Victoria Catlin, Elizabeth Shé, Ben Cole, William Shockley, Mark Siversten, Stephanie Faulkner, Mary Stavin, Clive Turner, Nigel Triffitt

 

THEMA LOUPS-GAROUS I SAGA HURLEMENTS

Construit sur un scénario de Freddie Rowe et Clive Turner, ce cinquième volet de la saga initiée par Joe Dante n’a aucun lien avec ses prédécesseurs. De fait, même si le générique indique que le film est « inspiré des romans The Howling I, II et III de Gary Brandner  », il n’en adapte en réalité aucun et n’est relié aux précédents épisodes que par le titre. Le producteur Clive Turner en propose d’abord la réalisation à Cedric Sundstrom (American Warrior 3). Déjà engagé sur un autre projet, ce dernier décline l’offre et recommande son frère Neal, qui accepte avec l’espoir de mener enfin une production du début à la fin. Il avait en effet repris la réalisation de Space Mutiny en cours de route dans des conditions difficiles. Malheureusement, Hurlements 5 ne lui épargne pas les tensions, dans la mesure où des désaccords constants avec Turner viennent perturber le tournage. Pour réduire les coûts, la production s’installe en Europe de l’Est et engage une équipe technique locale. Résultat des courses : le directeur de la photographie, qui ne parle pas un mot d’anglais, est renvoyé dès le premier jour. Il est remplacé par Arledge Armenaki, qui, malgré une maîtrise encore hésitante de la langue, parvient à collaborer un peu plus efficacement avec Sundstrom. Autant dire que le film est enfanté dans la douleur.

Budapest, 1489. Dans un château battu par le vent et la neige, les corps ensanglantés s’empilent. Trois générations de nobles, domestiques compris, ont été anéanties. Les deux derniers survivants se sacrifient, persuadés d’avoir éradiqué le Mal. Mais un nourrisson a survécu au carnage. Cinq siècles plus tard, une poignée d’invités triés sur le volet se retrouvent dans un grand hôtel. Parmi eux : une star scandinave, un joueur de tennis, une actrice, un professeur, un photographe, un musicien célèbre, un médecin… Tous sont conviés par l’énigmatique comte Istvan Bezoli (Phil Davis) à la réouverture du fameux château abandonné depuis cinq cents ans. Construit au XIIe siècle, désert depuis le XVe, l’édifice semble intact, comme gelé dans le temps. Il se dresse au cœur d’une région marquée par les superstitions, la peur du diable et les récits de loups-garous. Tandis que les invités s’aventurent dans les lieux, quelqu’un – ou quelque chose – les attend dans l’obscurité en grognant…

Le loup-garou de l’ombre

Après une entrée en matière pataude où les personnages – tous très stéréotypés – se rencontrent et échangent de manière mécanique et artificielle, le film semble trouver son rythme de croisière en transportant ses protagonistes dans le château. Là, les discussions deviennent plus intéressantes, la mise en scène plus dynamique et fluide, les enjeux plus précis. Pour bâtir l’atmosphère de son film, Neal Sundström convoque tout l’arsenal gothique à sa disposition : bougies, passages secrets, armures, chandeliers… Ce classicisme déteint sur l’intrigue qui prend bien vite les allures d’un « whodunit » à mi-chemin entre un roman d’Agatha Christie et une partie de Cluedo. Le principe finit par beaucoup évoquer celui du Mystère de la bête humaine de Paul Annett, dans la mesure où le pitch est rigoureusement le même : lequel de ces convives réunis dans la vaste demeure est-il le loup-garou ? Conformément aux clichés d’usage, tout le monde passe son temps à chercher tout le monde dans les couloirs, chacun crie le prénom de l’autre pour le retrouver, tandis que les victimes s’accumulent sur un rythme régulier. Tout ça ne déborde donc pas de finesse, mais nous sommes tout de même très au-dessus des précédentes suites d’Hurlements, qui rivalisaient de bêtise, d’effets spéciaux grotesques et de retournements scénaristiques sans queue ni tête. Ici, l’intrigue se tient à peu près et le monstre reste sagement dans l’ombre. C’est d’ailleurs une frustration légitime, quand on se souvient des prodigieuses métamorphoses du film de Joe Dante. Mais Hurlements 5 évite au moins de sombrer dans le ridicule de ses prédécesseurs et nous offre une intéressante révélation finale.

 

© Gilles Penso

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YONGGARY (1999)

Cet ambitieux film de monstre sud-coréen sabote son concept prometteur à cause de ses effets spéciaux catastrophiques…

YONGGARY / REPTILIAN

 

1999 – CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Hyung-rae Shim

 

Avec Dan Cashman, Bruce Cornwell, Donna Philipson, Dennis Howard, Matt Landers, Harrison Young, Richard Livingston, Eric Briant Wells, Brad Sergi

 

THEMA DINOSAURES I EXTRA-TERRESTRES

Connu dans son pays pour ses comédies burlesques et ses pastiches, le cinéaste sud-coréen Shim Hyung-Rae nourrit, à la fin des années 90, l’ambition de s’imposer sur la scène internationale avec son propre film de monstres géants. Le succès planétaire du Godzilla de Roland Emmerich – parallèlement à la relance des sagas Gojira et Gamera au Japon – lui donne l’idée d’offrir à la Corée son propre Kaiju. C’est ainsi qu’il exhume Yonggary, un monstre né en 1967 sous la direction de Kim Ki-duk (homonyme du réalisateur de L’Île et Locataires). Mais à vrai dire, le Yonggary de 1999 n’a rien à voir avec le Yongary, monstre des abysses de Ki-duk, si ce n’est une volonté partagée de rivaliser avec les mastodontes nippons. Pour donner corps à sa vision, Shim Hyung-Rae voit les choses en grand : un budget record (le plus gros de l’histoire du cinéma sud-coréen à l’époque), un casting international et des effets spéciaux de pointe. Les rôles principaux sont attribués à des comédiens américains et britanniques, tandis que les figurants sont recrutés sur place, souvent parmi des expatriés n’ayant jamais mis les pieds sur un plateau. L’anglais n’étant pas le fort du réalisateur, un interprète fait le lien entre lui et son équipe hétéroclite, dans un joyeux chaos de plateaux. Au-delà de l’influence directe de Godzilla, ce Yonggary cligne aussi directement de l’œil vers Independence Day et X-Files, toujours dans l’espoir de conquérir le marché international.

Au moment du prologue, un groupe de scientifiques s’aventure dans une vaste caverne jonchée de squelettes d’animaux préhistoriques. En tentant de dégager un corps humanoïde fossilisé qui émet d’étranges lueurs, ils déclenchent une gigantesque explosion. Seul rescapé de l’équipe, le professeur Campbell (Richard Livingston) survit, découvre une série de hiéroglyphes et éclate dans un rire dément en criant : « C’est à moi ! » Très vite, une nouvelle équipe débarque sur les lieux pour exhumer un spécimen colossal que Campbell estime cinquante fois plus grand qu’un T-Rex. Le journaliste Bud Black (Brad Sergi) arrive sur place pour couvrir ce qui s’annonce comme une découverte historique. Mais pendant ce temps, un immense vaisseau spatial pénètre dans l’atmosphère terrestre et pulvérise les satellites en orbite. Les extra-terrestres, aux allures de gargouilles en caoutchouc, parlent entre eux avec des voix de chipmunks et échangent des dialogues enfantins du genre « ils nous ont repérés », « nous devons commencer l’invasion maintenant », « d’ici peu la Terre sera vaincue ». Le site archéologique est alors réduit en cendres par une attaque à distance. Et soudain, le squelette géant se recouvre de chair (via un morphing assez hideux) et le redoutable Yonggary, vieux de 200 millions d’années, revient à la vie…

« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! »

Absurde, le concept de Yonggary est digne de celui d’un Kaiju enfantin des années 70. Si les scènes spatiales fonctionnent plutôt bien, le monstre, en revanche, est une création en image de synthèse particulièrement hideuse, une espèce de Godzilla numérique aux traits simiesques qui crache du feu et saute comme une grenouille. Le film aurait sans doute mieux fonctionné avec des acteurs costumés et des effets pratiques. Mais en misant sur le tout digital, Hyung-rae Shim affuble son long-métrage de trucages tous plus affreux les uns que les autres, du combat contre les hélicoptères à l’attaque de la ville (calquée très maladroitement sur celle du Monstre des temps perdus), en passant par l’assaut des avions, le commando volant en jet-pack ou la castagne finale contre un second monstre tout aussi raté (une espèce de dinosaure scorpion apathique). Les acteurs en roue libre, la disparition en cours de route de personnages jugés inutiles (le photographe) et les dialogues stupides (« Y’a plus de morts que dans un film de Tarantino ! ») n’arrangent rien. Les aliens, eux, s’amusent tout au long du film à dématérialiser puis rematérialiser Yonggary, pour une raison qui nous échappe. De toutes façons, le scénario n’a aucun sens, mêlant dans le désordre le plus total la prophétie ancestrale, les vestiges préhistoriques et l’invasion extra-terrestre. Certes, Yonggary reste supérieur aux calamiteux Kraa ! ou Zarkorr ! produits à peu près au même moment par Charles Band, ce qui ne l’empêche pas pour autant de s’affirmer comme un nanar de compétition. Le film sera d’ailleurs un flop monumental, y compris lors de sa ressortie sous un autre titre (Reptilian). La suite envisagée, avec un Yonggary robotique façon Mechagodzilla, ne verra donc jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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