LE MYSTÈRE DES FÉES – UNE HISTOIRE VRAIE (1997)

En 1917, deux fillettes affirment avoir aperçu et photographié des fées dans leur jardin. Disent-elles la vérité ?

FAIRY TALES – A TRUE STORY

 

1997 – GB

 

Réalisé par Charles Sturridge

 

Avec Harvey Keitel, Jason Salkey, Peter O’Toole, Lara Morgan, Adam Franks Guy Witcher, Florence Hoath, Elizabeth Earl, Paul McGann, Phoebe Nicholls

 

THEMA CONTES

Le Mystère des fées plonge les spectateurs au cœur d’une énigme authentique du début du XXᵉ siècle, l’affaire des « fées de Cottingley ». En 1917, dans un petit village anglais, deux jeunes cousines prétendent avoir photographié des fées dans le jardin de leur maison. Ce qui aurait pu rester un simple caprice d’enfants attire l’attention du romancier et fervent défenseur du spiritisme Arthur Conan Doyle (célèbre créateur de Sherlock Holmes mais également auteur du Monde perdu), qui voit dans ces images une possible confirmation de l’existence du surnaturel. Le film de Charles Sturridge (réalisateur de l’excellent téléfilm Les Voyages de Gulliver) choisit ainsi de raconter cet épisode à travers le regard des protagonistes principaux et des figures historiques qu’il met en scène, en cherchant le plus juste équilibre possible entre la biographie et la fiction. Dès les premières séquences, Sturridge installe une atmosphère empreinte de nostalgie. La caméra suit Elsie et Frances (Florence Hoath et Chloe Hawthorn) dans leur quotidien de jeunes filles malmenées par la guerre et les épreuves de la vie rurale. Le film ne se contente donc pas de reconstituer fidèlement les événements mais cherche aussi à transmettre ce que les enfants ont réellement ressenti.

Ici, le monde réel et le monde féérique coexistent, parfois de manière indistincte, reflétant le pouvoir de l’imagination et la sensibilité enfantine. Le scénario avance l’idée que les fées ne sont pas seulement des êtres fantastiques mais également le miroir de la capacité humaine à croire, à espérer et à trouver un peu de magie dans un monde bouleversé par la guerre. Au-delà de la vie des fillettes, le film joue à opposer les points de vue de deux figures historiques emblématiques : Conan Doyle (Peter O’Toole) et Harry Houdini (Harvey Keitel). Le contraste entre ces deux hommes est au cœur du film. L’un est guidé par la foi dans le surnaturel, l’autre par le scepticisme scientifique et la maîtrise de l’illusion. Cette dualité sert de fil conducteur pour interroger la perception de la réalité. Houdini, en apparence rationnel et rigoureux, révèle un côté presque paternel, transmettant à Elsie une leçon subtile sur la manipulation et l’artifice. Selon lui, il existe des trucs derrière chaque illusion, mais la magie demeure pour ceux qui choisissent d’y croire. Le film suggère ainsi que le merveilleux n’est pas forcément opposé à la raison.

Faut-il y croire ?

La reconstitution historique minutieuse du film contribue à renforcer la tangibilité de son contexte. Le deuil, les traumatismes et la désillusion collective liés à l’après-guerre rendent la quête d’un monde enchanté d’autant plus poignante. Le choix d’inclure des éléments comme la référence aux « Anges de Mons » (une légende urbaine née pendant la première guerre mondiale) ou l’évocation du personnage de Peter Pan n’est pas anecdotique. Il établit un lien subtil entre la littérature, les croyances populaires et les manifestations supposées du surnaturel. Dans Le Mystère des fées, l’enchantement n’est jamais totalement séparé du réel puisqu’il se nourrit de culture, de mémoire et de symboles partagés. On pourra reprocher à la mise en scène de Sturridge d’adopter une approche parfois contemplative qui finit par amenuiser son impact. Sans doute le réalisateur s’est-il laissé porter par un certain alanguissement pour mieux saisir la texture du monde des enfants et les nuances des relations avec les personnages historiques. Nous n’aurions pas été contre un resserrement sensible du rythme global. A cette réserve près, Le Mystère des fées reste passionnant, s’interrogeant au passage sur la responsabilité des adultes face à l’imaginaire : jusqu’où doit-on décourager ou protéger la croyance, et quelle part de la magie mérite-t-elle d’être préservée ? Sur la question de l’existence ou non des fées, le film ne tranche pas. L’histoire des fillettes devient surtout un prétexte pour explorer la fascination humaine pour l’inexplicable, la nostalgie de l’enfance et la force de l’imagination.

 

© Gilles Penso

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MICRO MINI KIDS (2001)

Complexé par sa petite taille, un adolescent expérimente une formule secrète en espérant grandir… mais c’est le contraire qui se produit !

MIKRO MINI KIDS

 

2001 – USA

 

Réalisé par Bruce McCarthy et David DeCoteau

 

Avec Chad Gordon, Debra Mayer, Lauren Petty, Sam Page, Jessica Taylor, Kyle Chaos, Robert Donovan, Michele Nordin, George Cost, Tyler Anderson

 

THEMA NAINS ET GÉANTS I SAGA CHARLES BAND

Dernier film pour enfants produit par Charles Band, Micro Mini Kids aura subi les affres d’une réalisation pour le moins chaotique. C’est d’abord David DeCoteau, fidèle complice de Band, qui prend les rênes du projet. Mais malgré un budget à peu près aussi microscopique que son personnage principal, cette modeste imitation du Voyage fantastique et de L’Aventure intérieure ne peut faire l’économie de nombreux effets visuels. Pour concevoir à bas prix les 200 plans truqués nécessités par le scénario, l’expert John R. Ellis, qui navigue entre les séries B de Full Moon (Subspecies 4, The Killer Eye, Murdercycle, Pleasurecraft, Blood Dolls, Retro Puppet Master) et les gros blockbusters (Daredevil, Fusion, Le Chat chapeauté, Capitaine Sky, Van Helsing, Le Jour d’après) ne peut pas laisser la bride sur le cou du réalisateur et lui impose une discipline stricte. DeCoteau ne l’entend pas de cette oreille et quitte le tournage au bout de quatre jours. Jeff Porter prend la relève mais doit partir sur une autre production Charles Band riche elle aussi en trucages visuels, Train Quest. C’est finalement Bruce McCarthy – réalisateur de deuxième équipe de Casper et Wendy et La Famille Addams : les retrouvailles – qui termine le film et en sera seul crédité. Commencé en 1997, Micro Mini Kids ne sera achevé qu’en 2000.

Josh Campbell (Chad Gordon) mesure 1 mètre 60. Ce n’est pas un drame en soi, mais pour ce lycéen brutalisé par les plus grands et secrètement amoureux de la belle Courtney Wilson (Lauren Petty), cette petite taille est l’objet d’un complexe tenace. Grâce à la maquette du Nautilus qu’ils ont fabriquée pour la classe de sciences, réplique parfaite de celle du roman 20 000 lieues sous les mers, équipée de toutes les commandes d’un vrai sous-marin, Josh et son meilleur ami Rudy (Kyle Chaos) finissent par attirer l’attention de Courtney, qui les invite à la grande fête qu’elle organise. Mais Josh n’est pas certain de vouloir y aller. Avec son gabarit, comment osera-y-il l’inviter à danser ? Rudy lui propose alors d’aller rendre visite à Molly (Jessica Taylor), une hackeuse excentrique, dans l’espoir qu’elle les aide à trouver une solution. En tapant « altérations génétiques » sur son ordinateur, cette dernière parvient à pirater un laboratoire pharmaceutique et à dénicher la formule qui permet de changer de taille. Mais le résultat ne sera pas du tout celui espéré…

Le môme qui rétrécit

On le voit, le scénario ne s’embarrasse d’aucune cohérence, uniquement soucieux de propulser ses héros dans les situations les plus absurdes. La mise en scène et le look des personnages annoncent d’ailleurs très tôt qu’il ne faut rien prendre ici au sérieux. Mention spéciale à la hackeuse Molly, dont les tresses défient les lois de la gravité et dont la chambre-garage est tapissée de posters Full Moon (Doctor Mordrid, Shrieker, Demonic Toys, Kraa! The Sea Monster). La super-vilaine volontairement caricaturale incarnée par Debra Mayer (Blood Dolls, Voodoo Academy) vaut également le détour, tout comme ses deux sbires en skaï noir. Miniaturisé jusqu’à une taille microscopique et embarqué dans un Nautilus réduit lui aussi aux dimensions d’une amibe, le héros traverse une série de séquences étonnamment ambitieuses. Certaines pâtissent de trucages un peu fauchés (la fourmi en images de synthèse bas de gamme), d’autres fonctionnent franchement bien : l’odyssée dans la bouche du rival de Josh, l’expédition dans l’aquarium où rôdent des poissons affamés, ou encore la rencontre avec la méchante rapetissée à son tour dans son submersible miniature. Bref, voilà un film sans complexes – pas même celui d’infériorité, malgré un budget anémique – qui rebondit sans cesse et se permet même une petite morale, que l’on pourrait résumer ainsi : il faut apprendre à s’aimer tel que l’on est et ne pas présumer du regard que les autres portent sur nous.

 

© Gilles Penso

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FINAL SCREAM (2001)

David DeCoteau surfe maladroitement sur le succès de la saga Scream en concoctant un slasher où se mêlent un faux et un vrai tueur…

FINAL STAB

 

2001 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Jamie Gannon, Melissa Renée Martin, Erinn Hayes, Chris Boyd, Bradley Stryker, Laila Reece Landon, Michael Lutz, Forrest Cochran, Donnie Eichar

 

THEMA TUEURS I SAGA CHARLES BAND

L’opportunisme du producteur Charles Band semble être devenu contagieux. Le scénariste et réalisateur David DeCoteau, qui a longtemps travaillé pour lui et reste l’un de ses plus fidèles collaborateurs, décide ainsi à son tour de faire la nique aux gros succès du cinéma de genre malgré des budgets souvent ramenés à leur plus simple expression. Le voilà qui s’engouffre donc – un peu tardivement – dans la vogue du neo-slasher déclenchée par le succès de Scream. Si Charles Band est l’un des coproducteurs de Final Scream, DeCoteau le produit lui-même, via sa compagnie Rapid Heart Pictures. Mais le titre du film, choisi dans l’espoir de créer une confusion avec Scream 4 et d’attirer plus de spectateurs, n’est pas du goût de Dimension Film, qui menace aussitôt d’intenter un procès. Le titre américain sera donc Final Stab. L’allusion à Scream est toujours présente mais plus discrète, Stab étant le nom des faux films d’horreur mis en scène dans la saga de Craven. Les distributeurs français, eux, préfèrent conserver le titre initialement prévu. Final Scream est tourné en quatre jours, majoritairement dans l’Orchad Ranch de San Fernando Valley, une hacienda californienne que DeCoteau a déjà mise à contribution à maintes reprises.

Tout commence comme une sorte de remake de la scène de douche de Psychose, sauf que les sexes sont inversés. David DeCoteau étant à la barre, c’est un jeune homme qui se dévêt cette fois-ci sous le jet d’eau. L’agresseur armé d’un couteau surgit soudain… et arbore le même visage que sa future victime ! Mais tout ça n’est qu’un rêve. Marqué par un récent traumatisme, Charlie (Jamie Gannon) est sujet à de nombreux cauchemars de ce type, au grand dam de sa petite amie Angela (Melissa Renée Martin) qui lui conseille d’aller voir un psychiatre. « Ma famille n’est pas aussi riche que la tienne, je ne peux pas me payer une thérapie chaque fois que je vais mal », lui lâche-t-il, un brin amer. Lorsque nous découvrons Kristen (Erinn Carter), la sœur d’Angela, le fossé social se creuse davantage. Car cette jeune femme hautaine et élégante vient d’acheter une maison qui sera le siège de sa future entreprise. Là, elle souhaite organiser l’anniversaire d’Angela sous forme d’une murder party où les invités feront semblant d’être agressés par un tueur masqué. Sauf qu’un véritable assassin va se mêler aux festivités…

Murder Party

Scream étant la source d’inspiration principale du film, les dialogues se réfèrent à Halloween et Vendredi 13, tandis que le tueur lui-même arbore un look proche de celui de Michael Myers. Mais le scénario finit par s’éloigner de la mécanique de ceux de Wes Craven pour s’aventurer plutôt sur le terrain de Week-end de terreur. Si la mise en forme de Final Scream est soignée (décor photogénique, belle photographie d’Howard Wexler au format Cinémascope, musique ample de John Massari), il ne s’y passe rien de foncièrement passionnant. Les protagonistes passent leur temps à discuter pour tous nous expliquer (leurs intentions, leur passé, les liens qui les unissent, les jalousies, les rancœurs) et se révèlent tous plus idiots les uns que les autres. DeCoteau lui-même gère très maladroitement les codes du slasher, avec lesquels il n’est visiblement pas très à l’aise, et échoue donc chaque fois qu’il tente de nous effrayer ou de nous surprendre. Pour « cacher la misère », il utilise les vieux trucs éprouvés dans ses autres films : la caméra qui flotte et les coups de tonnerre permanents. Avec en prime la scène incontournable qui est devenue sa marque de fabrique : le type musclé en caleçon qui se prélasse sur son lit. Finalement, seule Erinn Carter tire son épingle du jeu en machiavélique maîtresse de cérémonie, mais c’est insuffisant pour rendre le film mémorable. Cela dit, l’opération sera très rentable pour DeCoteau, Final Scream se comportant particulièrement bien dans les vidéoclubs de l’époque.

 

© Gilles Penso

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PREDATOR WASTELANDS (2025)

Alerte contrefaçon ! La compagnie The Asylum se lance dans sa propre version de Predator, et le résultat est bien sûr catastrophique…

PREDATOR WASTELANDS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Ryan Ebert

 

Avec David Chokachi, Amulya Ananth, Jeremiah A. Walker, Johnny Ramey, Vanessa Zanardi, L.A. Williams, West Wayne, Yaser Salamah, Aaron Groben

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Scénariste spécialisé dans les « mockbusters » de la compagnie The Asylum – autrement dit des plagiats low cost des productions des grands studios -, Ryan Ebert a écrit une impressionnante série de films parfaitement dispensables : San Andreas magnitude extrême, Apocalypse on Ice, Shark Side of the Moon, Megalodon : The Frenzy, Shark Warning, Heretics, Airplane 2025, Jurassic Reborn, Shark Terror, Evil Nun ou encore The Jolly Monkey, qui marque ses débuts derrière la caméra. Dans la foulée, il se lance dans l’écriture et la réalisation de Predator Wastelands, un titre dont la proximité assumée avec celui de Predator Badlands est si flagrante que nombre d’abonnés aux plateformes de streaming ont sans doute mordu à l’hameçon. La pratique est bien connue des joyeux drilles de The Asylum, qui n’hésitèrent pas à sortir par le passé des films titrés Alien vs. Hunter, Atlantic Rim, The Terminators ou carrément Transmorphers ! Autant dire que la « confusion des sentiments » est devenue leur fonds de commerce. Ce faux Predator est tourné en à peine six jours, avec un budget exsangue et une centaine d’effets visuels bricolés à la va-vite, dont certains générés à l’aide d’outils d’intelligence artificielle. Chez The Asylum, il n’y a pas de petites économies. Alors pourquoi rémunérer des infographistes quand l’IA permet de produire des trucages à moindre coût ?

L’intrigue semble se situer sur une terre post-apocalyptique où règne le tyran Balam (David Chokachi). Ce dernier a bâti un empire dictatorial grâce aux richesses que lui procurent les mines de pierres précieuses locales. Avec son armée de guerriers masqués, il asservit tous les villages voisins qu’il rançonne régulièrement, en n’hésitant jamais à massacrer ici ou là pour asseoir son autorité. Soudain, le vaisseau spatial d’un chasseur extra-terrestre atterrit en catastrophe sur cette planète. La créature en armure qui en surgit élimine un gang d’oppresseurs sur le point de commettre l’un de leurs actes de barbarie. Blessé, notre alien est recueilli par les habitants du village de Al’ahrar qui le soignent et le voient comme un allié possible pour renverser le règne de Balam. D’autant que les gemmes que le dictateur recueille quotidiennement dans ses mines sont capables de le revigorer et de décupler sa puissance…

Tirez la chasse !

En visionnant un film du catalogue The Asylum, mieux vaut ne pas placer ses exigences trop haut. Les prémices laissent pourtant espérer un semblant d’intrigue intéressant, égayés par quelques effets visuels réussis (les scènes du vaisseau, les extensions de décors) et puisant quelques idées dans Mad Max Fury Road, notamment ce seigneur de guerre réfugié dans son empire taillé dans la roche, au milieu du désert, et dirigeant une armée de tueurs fanatiques. Mais l’ennui s’installe rapidement pour ne plus jamais nous quitter. Le point le plus faible du film est le Predator lui-même, dont l’allure générale n’est pas sans rappeler le navrant cyborg de Robowar. S’il peut se déplacer à toute vitesse ou tirer sur ses adversaires à coups de rayons laser, il se comporte surtout comme un gentil extra-terrestre, suivant comme un toutou la jeune fille qui l’a soigné. Rien de très impressionnant, donc. Surtout que les impacts de balle le blessent à chaque fois de manière très sévère, au point qu’on se demande à quoi sert son armure. L’acteur engoncé dans sa tenue nous semble d’ailleurs très mal à l’aise, incapable de marcher correctement de peur de se casser la figure. Bref, voilà un piètre chasseur d’outre-espace, qui passe le plus gros du film à déambuler maladroitement ou à s’écrouler dès qu’on lui tire dessus. Il faut attendre les dix dernières minutes pour que ce nounours apathique s’énerve enfin en arborant son faciès grimaçant et castagne pour de vrai. Encore un petit produit « jetable » qui ferait presque passer Predator Badlands pour un bon film, c’est dire !

 

© Gilles Penso

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AVATAR : DE FEU ET DE CENDRES (2025)

La famille de Jake Sully fait face à une nouvelle menace : une tribu barbare qui risque de faire basculer le destin des habitants de Pandora…

AVATAR : FIRE AND ASH

 

2025 – USA

 

Réalisé par James Cameron

 

Avec Sam Worthington, Zoe Saldaña, Sigourney Weaver, Stephen Lang, Kate Winslet, Jack Champion, Britain Dalton, Trinity Jo-Li Bliss, Oona Chaplin

 

THEMA EXTRA-TERRESTRE I SAGA AVATAR

La saga Avatar est un objet protéiforme dont James Cameron a pris soin de concevoir l’entièreté en se laissant toujours la possibilité d’interrompre le récit à mi-parcours en cas d’insuccès. Car malgré les apparences, le père d’Aliens et d’Abyss est loin d’être un artiste fou et obsessionnel. Si l’univers de Pandora le fascine au plus haut point et si la tentation d’en explorer toutes les facettes l’anime ardemment, il sait aussi qu’une telle franchise coûte trop cher pour se soumettre à ses seules envies. Son projet se décline donc en trois phases possibles : un seul film si le premier Avatar est un échec, une trilogie si le second ne remplit pas suffisamment les objectifs financiers, et une pentalogie dans le meilleur des cas. Or les triomphes des deux premiers volets lui auront permis de mener à bien son rêve et d’offrir à cette planète-monde inventée de toutes pièces un écrin titanesque à la hauteur de sa vision. Avatar se déclinera donc sous forme de cinq longs-métrages repoussant toutes les limites artistiques et techniques connues. A priori, ce troisième opus semble vouloir poursuivre une sorte de quête des quatre éléments – après la terre et l’eau, voici le feu. Mais comme toujours chez Cameron, les choses sont plus complexes qu’elles n’y paraissent. De fait, le sous-titre De feu et de cendres est à double sens. Il évoque d’abord les ravages incandescents provoqués par la nouvelle tribu mise en scène dans le film, mais fonctionne aussi sur un plan symbolique. « Si vous considérez le feu comme la haine, la colère et la violence, alors les cendres en sont les conséquences », explique Cameron. « Et quelles sont les conséquences ? Le chagrin et la perte. Et qu’est-ce que cela provoque ? Plus de violence, plus de colère et plus de haine. C’est un cercle vicieux. Voilà le raisonnement. » (1)

En réalité, Avatar : La voie de l’eau et Avatar : De feu et de cendres s’appréhendent comme les deux facettes d’une seule aventure épique, dans la mesure où une grande partie des enjeux laissés en suspens dans le film précédent trouvent ici leur résolution, ou du moins leur développement. Certains pourraient craindre un effet de déjà vu, mais cela reviendrait à dire que Terminator 2 ressemble trop à Terminator. Non content de reprendre exactement les personnages de La voie de l’eau là où nous les avions laissés, De feu et de cendres réorganise leurs arcs émotionnels respectifs de manière inattendue et prend une ampleur vertigineuse. Les séquences d’action monumentales abondent donc et parviennent encore à surprendre et à surpasser tout ce que nous avions déjà vu dans les chapitres précédents. Les hostilités sont lancées très tôt avec l’attaque de la somptueuse caravane volante des marchands du vent (sublime vision de pure fantasy) par les Mangkwan, un clan de damnés retournés à la barbarie et prêts à sacrifier toutes les vies pour satisfaire leurs besoins primaires. Ce premier morceau de bravoure d’une sauvagerie et d’une intensité époustouflantes réoriente soudain le récit et influe sur le destin de la famille de Jake Sully. Dès lors, l’intrigue n’en finit plus de rebondir et les nœuds dramatiques se redéfinissent, laissant souvent imaginer le pire pour nos protagonistes, devenus gibiers d’une traque impitoyable dans une nature hostile.

Le règne du feu

Entre deux scènes mouvementées (et le film n’en manque pas, c’est le moins qu’on puisse dire !), Avatar : De feu et de cendres n’hésite pas à explorer les penchants les plus sombres de ses personnages. Ici, la cellule familiale est plus que jamais menacée, d’autant que les dangers viennent aussi de l’intérieur. Trouver sa place, garder l’équilibre, survivre à tout prix sont autant de sujets de tension qui peuvent conduire vers des pensées et des prises de position d’une noirceur déconcertante. Le scénario co-écrit par Cameron, Rick Jaffa et Amanda Silver brise ainsi volontairement tout manichéisme trop tranché, non seulement du côté des héros mais aussi chez leurs ennemis. Les Mangkwan nous prouvent ainsi qu’il existe aussi des Na’vis maléfiques, brutaux, déconnectés de la nature, dominés par la redoutable Varang (Oona Chaplin), sans conteste l’une des figures les plus mémorables de ce troisième volet. Le colonel Quaritch, lui, se révèle plus ambigu que jamais, partagé entre son impitoyable quête militaro-colonialiste et ses sentiments paternels refoulés. Même la faune est à double tranchant, comme nous le prouvent notamment ces monstrueux céphalopodes aux allures de pieuvres géantes carnassières. L’épopée Avatar achève ainsi son premier cycle avec flamboyance, cet opus refermant de nombreuses portes tout en laissant la voie ouverte vers les deux autres épisodes dont Cameron a d’ores et déjà lancé les préparatifs. Avatar : De feu et de cendres est dédié à la mémoire du producteur John Landau, fidèle collaborateur du réalisateur, décédé en juillet 2024.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Entertainment Weekly en août 2024.

 

© Gilles Penso

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LE MORT QUI MARCHE (1936)

Boris Karloff incarne un condamné à mort injustement accusé qui est miraculeusement ressuscité par un scientifique exalté…

THE WALKING DEAD

 

1936 – USA

 

Réalisé par Michael Curtiz

 

Avec Boris Karloff, Ricardo Cortez, Edmund Gwenn, Marguerite Churchill, Warren Hull, Barton MacLane, Joe King

 

THEMA ZOMBIES

Après Le Fantôme vivant, Boris Karloff joue un nouveau mort-vivant, mais cette fois-ci ce n’est plus un savant fou féru d’égyptologie. Il s’agit d’un homme injustement exécuté, revenu d’entre les morts pour réclamer justice. Loin du film de zombies traditionnel que son titre semble annoncer aujourd’hui (The Walking Dead en V.O., sept décennies avant le comic book et la série qui populariseront l’expression), ce long métrage signé Michael Curtiz mêle le drame judiciaire, le film de gangsters et le conte surnaturel en un cocktail étonnant. Le film s’ouvre sur une Amérique rongée par la corruption. John Elman (Karloff), ancien détenu tout juste libéré, tente de se réinsérer mais se retrouve piégé par une bande d’avocats véreux. Ces derniers assassinent le juge Shaw – celui-là même qui avait condamné Elman des années plus tôt – et font porter le chapeau à leur bouc émissaire idéal. Arrêté, jugé et condamné à mort, Elman est électrocuté avant que n’apparaisse la preuve de son innocence. Trop tard : la justice des hommes a déjà frappé. C’est là qu’intervient le docteur Evan Beaumont (Edmund Gwenn), scientifique humaniste obsédé par la frontière entre vie et mort. À peine la sentence exécutée, il récupère le corps du condamné et le ramène à la vie dans une séquence d’expérimentation qui n’est pas sans rappeler celle du laboratoire de Frankenstein, avec son lot d’arcs électriques, de générateurs crépitants et d’instruments improbables.

Toutefois, contrairement au docteur Frankenstein, Beaumont n’est pas mû par la démesure ou l’orgueil : il cherche, sincèrement, à comprendre. Et c’est cette bienveillance scientifique, rare à l’époque dans le cinéma d’épouvante, qui donne au film son ton singulier. Lorsque John Elman rouvre les yeux, ce n’est plus tout à fait un homme. Sa mémoire est fragmentée, son regard hanté. Peu à peu, il retrouve ceux qui l’ont trahi, les reconnaissant sans mots, comme guidé par une intuition surnaturelle. Les conspirateurs tombent les uns après les autres, non sous la violence brute, mais comme frappés par leur propre peur. Karloff, sans maquillage extravagant, fait de son visage blafard une surface d’expression saisissante. Son regard fixe, son pas mécanique et sa mèche de cheveux blanchie suffisent à incarner la mort en marche. Dans ces moments, The Walking Dead rejoint la grande tradition expressionniste venue d’Allemagne, dont Curtiz, lui-même émigré d’Europe centrale, connaissait bien les codes.

« Laissez les morts à leur créateur »

Le futur réalisateur de Casablanca injecte dans son récit un sens du cadre et de la lumière déjà virtuose. Les ombres de la prison se projettent sur les murs, les barreaux découpent les visages et la mise en scène préfigure les futurs contrastes visuels du film noir. Une scène particulièrement marquante montre Karloff jouant du piano, son visage partiellement flouté par la lumière, tandis que les coupables assistent, pétrifiés, à une sorte de jugement silencieux. Cette dimension quasi biblique culmine dans les dernières minutes, lorsque Beaumont, penché sur Elman agonisant pour lui demander ce qu’il a vu « de l’autre côté », reçoit pour toute réponse : « Laissez les morts à leur créateur. Le Seigneur notre Dieu est un Dieu jaloux. » Le Mort qui marche fonctionne donc aussi comme une parabole morale, celle d’un homme que la science ramène parmi les vivants pour achever ce que la justice terrestre a manqué. Si le scénario reste schématique et que la narration s’étire parfois dans des dialogues convenus, Curtiz parvient, en à peine soixante-dix minutes, à créer une atmosphère de malaise fascinante. Quant à Karloff, toujours d’une humanité bouleversante, il renverse le mythe du revenant en y insufflant la dimension d’un martyr.

 

© Gilles Penso

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EXCALIBUR KID (1999)

Un adolescent se retrouve projeté en plein moyen-âge par une sorcière maléfique et devient malgré lui le nouveau roi d’Angleterre…

EXCALIBUR KID

 

1999 – USA

 

Réalisé par James Head

 

Avec Jason McSkimming, François Klanfer, Mac Fyfe, Francesca Scorsone, Natalie Ester, Serban Celea, Theodor Danetti, George Duta, Camelia Maxim

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Pour pouvoir alimenter régulièrement les bacs vidéo avec des produits calibrés pour toute la famille, sous le label Moonbeam, le producteur Charles Band et ses auteurs finissent par manquer d’inspiration et n’hésitent pas à recycler des idées qu’ils ont déjà exploitées. Avec Excalibur Kid, le scénariste Antony Anderson reprend donc à peu près la même trame que celle de Medieval Park (dont il est également l’auteur) ainsi que le principe d’un jeune héros contemporain confronté à Merlin l’enchanteur et au roi Arthur (déjà vu dans La Légende de Johnny Mysto). On ne compte plus, du reste, le nombre de protagonistes des productions Band qui se retrouvent propulsés en plein moyen-âge, de Future Cop à Josh Kirby en passant par Contes macabres : la reine du château, Dungeon of Desire, Mysterious Museum et bien d’autres. L’une des raisons majeures de ce choix, au-delà des rebondissements intéressants qu’il permet, est la localisation des tournages sur les sites de Castel Flms, en Roumanie, riches en patrimoine médiéval. Autant dire qu’avec Excalibur Kid, nous sommes donc en terrain connu. Le réalisateur James Head, en revanche, est un nouveau venu chez Band. Après avoir été assistant caméra sur une vingtaine de films (dont Étroite surveillance de John Badham) puis réalisateur de séries TV et de téléfilms, le voilà qui entre dans la danse en suivant sagement les codes visuels du catalogue Moonbeam.

Zack (Jason McSkimming), un ado du vingtième siècle passionné d’escrime, voit sa vie chamboulée le jour où ses parents annoncent un déménagement qui l’obligera à changer d’école. Furieux, il s’enfuit dans les bois voisins, rêvant d’un âge héroïque où la chevalerie dictait sa loi. Ce qu’il ignore, c’est qu’une sorcière médiévale, Morgause (Francesca Scorsone), l’observe en secret grâce à ses pouvoirs de voyance. Près d’un lac, Zack découvre une mystérieuse flûte de pan puis une étrange bâtisse semblant sortie d’un autre temps. Sans s’en rendre compte, il vient de se retrouver propulsé au cœur du moyen âge. Là, il tombe sur Excalibur, qu’il arrache du rocher avec une déconcertante facilité, devenant malgré lui le nouveau roi d’Angleterre. Mais ce couronnement express n’est qu’un piège : Morgause a tout orchestré pour s’emparer du pouvoir. Zack va devoir s’allier au magicien Merlin (François Klanfer) et au jeune Arthur (Mac Fyfe) pour leur restituer Excalibur et remettre ce dernier sur le trône qui lui revient. Une mission qui sera loin d’être simple…

Les petits chevaliers de la table ronde

Honnêtement, il n’est pas facile d’entrer dans la peau de ce personnage principal qui est censé avoir quinze ans (alors que son interprète en a vingt) et qui ne s’étonne absolument pas d’avoir subitement remonté le temps plusieurs siècles en arrière. Car une fois qu’il débarque dans l’Angleterre médiévale, Zack accepte tout naturellement cette situation incongrue et se laisse porter par les événements. La sorcière Maeve n’est pas beaucoup plus crédible, Francesca Scorsone étant clairement trop jeune (22 ans au moment du tournage) pour entrer dans la peau de cette praticienne aguerrie de la magie noire. Arthur, lui, nous est décrit comme un grand gaillard un peu idiot et maladroit. Quant à Merlin, c’est un type grincheux et nerveux qui se transforme tour à tour en cheval, en souris ou en chien et véhicule la plupart des gags mous du film. A vrai dire, le moment comique le plus réussi n’est pas lié à lui mais à la sorcière, qui a toutes les peines du monde à expliquer ses instructions à deux gardes stupides qu’elle a envoutés. Quelques combats d’épée et une poignée d’effets visuels amusants à défaut d’être très performants (une tête de dragon qui veut s’échapper d’un grimoire, une cape d’invisibilité, un combat de boules d’énergies) s’efforcent de dynamiser ce long-métrage anecdotique qui s’oublie rapidement après son visionnage… comme la plupart des autres opus du catalogue Moonbeam.

 

© Gilles Penso

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ALPHA (2025)

Alors qu’une étrange épidémie se répand dans les hôpitaux, une mère célibataire essaie de gérer les angoisses de sa fille adolescente et les crises de son frère toxicomane…

ALPHA

 

2025 – FRANCE / BELGIQUE

 

Réalisé par Julia Ducournau

 

Avec Melissa Boros, Golshifteh Farahani, Tahar Rahim, Emma Mackey, Finnegan Oldfield, Louai El Amrousy, Marc Riso, Jean-Charles Clichet, François Rollin

 

THEMA MUTATIONS

Julia Ducournau avait frappé très fort dès ses premiers pas derrière la caméra. Grave, récit initiatique sur fond de cannibalisme, avait secoué le public tout en révélant la personnalité atypique d’une réalisatrice alors prometteuse. Mais dès son second opus, Titane, quelque chose commençait à clocher. Difficile de savoir si ce film bizarre, s’amusant avec les codes les plus outranciers du cinéma de genre (l’horreur graphique, le porno chic) avant de bifurquer vers le drame social et psychologique, était le fruit d’une démarche sincère ou un jeu d’esbroufe déguisé en film d’auteur provocateur. Sans doute trop confiante – difficile de ne pas l’être après une Palme d’Or à Cannes -, Ducournau remet le couvert avec un troisième long-métrage pétri manifestement de belles intentions mais terriblement maladroit, pour ne pas dire embarrassant. C’est d’autant plus dommage que le mal-être et le malaise racontés dans Alpha semblent vouloir prolonger ceux que dépeignaient Grave et Titane, et même les premiers courts-métrages de la cinéaste, preuve d’une indiscutable cohérence et d’un discours homogène sans doute nourri d’éléments autobiographiques – ou du moins de peurs profondément intimes. Mais Alpha peine à convaincre, et son visionnage finit par se muer en épreuve rébarbative.

L’intrigue se déroule manifestement dans les années 80, au sein d’une petite ville portuaire du Havre, même si les repères spatiaux et temporels semblent volontairement laissés dans le flou. Une femme médecin (Golshifteh Farahani) travaille dans un service hospitalier fermé suite à une surcharge de malades, tous atteints d’un même virus qui altère progressivement leur corps. Lorsqu’elle rentre chez elle, il lui faut encore gérer une vie familiale pas simple. Sa fille Alpha (Melissa Boros), 13 ans, est saisie de crises d’angoisse et ostracisée par ses camarades de classe qui la croient atteinte d’une maladie contagieuse. Lorsque l’adolescente décide de se faire tatouer la lettre A sur son bras, sa mère panique. L’aiguille était-elle propre ? Ne risque-t-elle pas d’avoir attrapé le virus qui circule en ce moment partout ? Les choses se compliquent encore lorsque l’oncle d’Alpha (Tahar Rahim), un toxicomane sérieusement marqué par la maladie, vient s’installer chez elles…

Tout ça pour quoi ?

Julia Ducournau convoque très tôt une imagerie fantastique dans son film. Les malades atteints de l’étrange mal voient leur peau se craqueler et prendre la teinte du marbre, voire du bronze, bref se déshumaniser progressivement, tandis que leur bouche exhale de la fumée, symbole manifeste de leur souffle de vie qui s’échappe peu à peu. Bien sûr, il n’est pas difficile d’y voir la métaphore de l’épidémie du sida, d’autant que le scénario insiste lourdement sur le fait que ce virus circule dans les veines, se transmet par le sang, touche la communauté homosexuelle… Le « A » tatoué, par lequel le drame s’amorce, serait-il donc à la fois l’initiale de l’héroïne et celle du mot AIDS ? Dans le même état d’esprit, Alpha se transforme littéralement en film catastrophe lorsqu’il faut traduire les moments de panique de la jeune protagoniste. Le monde extérieur semble soudain pris dans une tempête monstrueuse, le plafond de sa chambre se rapproche inexorablement en menaçant de l’écraser. Quant au final, il prend quasiment une tournure apocalyptique où tout n’est bientôt plus que poussière. Mais cette esthétisation de la détresse et de la maladie ne masque pas le problème majeur du film : son incapacité à raconter quelque chose de solide, à nous intéresser à ses personnages et à définir des enjeux dramatiques clairs. Voilà pourquoi, malgré l’indiscutable implication de ses comédiens (la métamorphose physique de Tahar Rahim, incroyablement amaigri, fait froid dans le dos), Alpha nous laisse perplexes et sérieusement dubitatifs.

 

© Gilles Penso

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PREDATOR BADLANDS (2025)

Oubliez la « gueule de porte-bonheur » qu’affrontait Arnold Schwarzenegger : le Predator est désormais un alien gentil en quête de reconnaissance…

PREDATOR BADLANDS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dan Trachtenberg

 

Avec Elle Fanning, Dimitrius Schuster-Kolomatangi, Ravi Narayan, Michael Homik, Stefan Grube, Reuben de Jong, Cameron Brown, Alison Wright, Matt et Ross Duffer

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA PREDATOR

Vis-à-vis de ce Predator Badlands, nous étions plutôt confiants. Son réalisateur ayant décliné le mythe sous un jour original dans Prey, puis l’ayant fort agréablement transcendé dans le film d’animation Predator : Killer of Killers, cette énième itération s’avérait prometteuse. Premier mauvais signe : pas moins de six scénaristes se mettent au travail sur Predator Badlands : Dan Trachtenberg et Patrick Aison, déjà à l’œuvre sur Prey, mais aussi Brian Duffield, Bryan Fuller, Patrick Somerville et Ben Schwartz. Un tel surnombre n’est généralement pas de bon augure. Avec cette armée de co-auteurs à son service, Disney chercherait-il à s’assurer que le « produit final » coche scrupuleusement toutes les cases d’une franchise multi-supports, déclinable en licences et censée séduire les fans de toutes les générations ? Trachtenberg se veut pourtant rassurant, n’hésitant pas à citer les sources les plus prestigieuses pour révéler au grand public et à la presse les influences de Predator Badland, de Conan le barbare à Mad Max 2 en passant par les films de Terrence Malick, les westerns de Clint Eastwood ou les œuvres épiques de Frank Frazetta. Mais bien malin sera celui qui en trouvera la moindre trace dans ce film invraisemblable.

Ici, les Predators ont une planète natale, des familles et des petits noms. L’espèce à laquelle ils appartiennent s’appelle Yautja et notre héros est Dek, un jeune chasseur qui cherche à obtenir l’approbation de son père, lequel l’a toujours considéré comme le maillon faible du clan. Pour prouver sa valeur, Dek s’envole vers la planète Genna où sévit le Kalisk, un prédateur apparemment invincible qu’il s’est juré de chasser et de tuer. Et voilà le titre qui s’affiche plein écran, après vingt minutes d’introduction : Predator : Badlands. Les « terres désolées » qu’on nous promet pourraient piquer notre curiosité, mais il faut bien avouer que ce long prégénérique n’a déjà rien de très engageant. Sur Genna, Dek fait face à une infinité de dangers qui proviennent non seulement de la flore (particulièrement vivace et agressive) mais aussi d’une faune bizarre faite de ptérodactyles/dragons, d’anguilles/chenilles, de quadrupèdes cuirassés ou d’amibes géantes tous plus voraces les uns que les autres. Au milieu de ces périls répétés, notre Predator fait équipe à contrecœur avec Thia, un androïde endommagé envoyé sur cette planète pour capturer le Kalisk…

Sérieusement ?

Il est difficile de croire que personne, chez Disney, n’ait jugé bon de lever le doigt au milieu des nombreuses réunions de préparation et de préproduction pour oser dire : « désolé les gars mais cette idée de scénario est un peu stupide, non ? » Qui a pu donc valider en haut lieu l’histoire d’un gentil Predator devenant l’équipier d’une androïde amputée, bavarde et joviale, puis faisant ami-ami avec un petit primate mignon et rigolo ? Les cadres du studio ont-ils vraiment pensé que le public adhèrerait à cette relecture façon Dora l’exploratrice ? Le fait même d’intégrer dans l’intrigue la compagnie Wayland Yutani, échappée de la saga Alien, dit bien la volonté de caresser les fans dans le sens du poil en cherchant à établir une sorte de « Cinematic Universe » marvellien entremêlant des franchises réunies désormais sous la bannière de la maison de Mickey. En panne d’idée, Predator Badlands emprunte d’ailleurs à Aliens son climax qu’il reproduit quasiment à la lettre pour le dernier acte. Et nous avons droit, bien sûr, à une scène post-générique s’ouvrant vers un nouvel épisode. Le scénario évacue volontairement tout personnage humain, et l’on en vient à se demander s’il y en a aussi en coulisses, tant cette histoire absurde, ces séquences d’action aléatoires et cet univers de SF patchwork ressemblent à s’y méprendre au fruit du travail d’une intelligence artificielle un peu paresseuse qui se serait contentée de mixer des influences diverses pour tenter d’obtenir un résultat divertissant. En bien piteux état, la franchise risque d’avoir beaucoup de mal à se relever…

 

© Gilles Penso

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LES DÉMONS DE LA NUIT (1977)

En revenant dans la maison où elle vécut avec son défunt époux, une femme nouvellement mariée est victime de terribles hallucinations…

SHOCK

 

1977 – ITALIE

 

Réalisé par Mario Bava et Lamberto Bava

 

Avec Daria Nicolodi, David Colin Jr, John Steiner, Ivan Rassimov, Lamberto Bava, Paul Costello, Nicola Salerno

 

THEMA FANTÔMES I ENFANTS

Shock (rebaptisé Beyond the Door II pour sa sortie américaine, laissant abusivement imaginer qu’il s’agit de la suite du Démon aux tripes) est la dernière œuvre cinématographique de Mario Bava, patriarche du fantastique italien et pionnier du giallo. Ce film est donc le testament d’un cinéaste en fin de parcours, usé par les déconvenues industrielles et les trahisons de producteurs. Après les échecs commerciaux de Chiens enragés et Lisa et le diable – remonté sans son consentement pour devenir La Maison de l’exorcisme -, Bava retrouve ici un budget restreint, une équipe réduite et une liberté paradoxalement plus grande. Le scénario de Shock naît d’une idée de Dardano Sacchetti et Francesco Barbieri, inspirée d’un roman de Hillary Waugh. Abandonné une première fois au début des années 1970, le projet ressuscite grâce à Lamberto Bava, fils du cinéaste, qui en réécrit les fondations avec Alessandro Parenzo. Leur ambition est de conjuguer le surnaturel classique à une approche plus psychologique. Le tournage, mené en cinq semaines dans la villa de l’acteur Enrico Maria Salerno, se déroule dans une atmosphère artisanale où le père et le fils collaborent étroitement. Si Lamberto dirige certaines séquences, il laisse la mise en scène principale à son père. En choisissant un cadre contemporain et une tonalité plus réaliste, Bava s’éloigne des flamboyances de ses chefs-d’œuvre gothiques. Ce parti pris annonce le virage du fantastique italien à la fin des années 1970. Shock n’est donc pas un simple baroud d’honneur mais une œuvre de transition, celle d’un maître qui passe le relais à la génération suivante.

Dora Baldini (Daria Nicolodi), récemment sortie d’un hôpital psychiatrique, s’installe avec son nouveau mari Bruno (John Steiner), pilote de ligne, et son fils Marco (David Colin Jr.) dans une maison moderne isolée, construite sur les vestiges de son passé. Car Dora y a autrefois vécu avec son premier mari, Carlo, toxicomane suicidé dans des circonstances troubles. Dès les premières nuits, la quiétude du foyer se fissure : des bruits étranges, des objets qui bougent, des hallucinations… Dora sent la présence du mort hanter les lieux. Plus inquiétant encore, le jeune Marco adopte un comportement instable, comme si une force invisible s’emparait de lui. Les phénomènes se multiplient jusqu’à brouiller la frontière entre la possession et la folie. Dora croit revoir le visage de Carlo dans les reflets, entend sa voix murmurer à travers les murs et perçoit dans le regard de son fils la menace d’une vengeance posthume. Bruno, rationnel et distant, attribue ces visions à la fragilité mentale de son épouse et l’abrutit de calmants. Mais le doute persiste : la maison est-elle hantée ou Dora sombre-t-elle à nouveau dans la démence ?

Hantise ou folie ?

Bava entretient cette ambiguïté avec une rigueur d’orfèvre. Chaque séquence se mue en jeu de miroirs où la réalité se déforme. Dans l’une des scènes les plus mémorables du film, l’enfant court vers sa mère avant de se transformer fugacement en cadavre putréfié – une illusion réalisée sans trucages visuels mais avec une précision diabolique. Ailleurs, un couteau flotte dans l’air avant d’être révélé comme tenu par Dora elle-même. Ce va-et-vient constant entre le surnaturel et le psychique inscrit Shock dans la lignée des œuvres paranoïaques de Roman Polanski (Répulsion, Rosemary’s Baby, Le Locataire) où l’horreur naît de la contamination du réel. Si Shock déroute, c’est parce qu’il refuse les codes attendus du film d’horreur italien. Bava opte pour une palette terne, presque clinique. Ce dépouillement visuel semble vouloir traduire une évolution stylistique assumée. Car ici, le fantastique surgit des fractures intérieures de ses personnages, et la maison devient une excroissance de la psyché malade de Dora. Daria Nicolodi livre ici une performance bouleversante, mêlant la fragilité et l’hystérie contenue. Son visage hanté, filmé en gros plans oppressants, concentre toute la douleur du film. À ses côtés, John Steiner campe un mari glacial, témoin impuissant du naufrage familial, tandis que le jeune David Colin Jr. donne au motif de « l’enfant démoniaque » une intensité troublante. Ainsi s’achève le parcours du maestro Bava.

 

© Gilles Penso

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