PREDATOR BADLANDS (2025)

Oubliez la « gueule de porte-bonheur » qu’affrontait Arnold Schwarzenegger : le Predator est désormais un alien gentil en quête de reconnaissance…

PREDATOR BADLANDS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dan Trachtenberg

 

Avec Elle Fanning, Dimitrius Schuster-Kolomatangi, Ravi Narayan, Michael Homik, Stefan Grube, Reuben de Jong, Cameron Brown, Alison Wright, Matt et Ross Duffer

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA PREDATOR

Vis-à-vis de ce Predator Badlands, nous étions plutôt confiants. Son réalisateur ayant décliné le mythe sous un jour original dans Prey, puis l’ayant fort agréablement transcendé dans le film d’animation Predator : Killer of Killers, cette énième itération s’avérait prometteuse. Premier mauvais signe : pas moins de six scénaristes se mettent au travail sur Predator Badlands : Dan Trachtenberg et Patrick Aison, déjà à l’œuvre sur Prey, mais aussi Brian Duffield, Bryan Fuller, Patrick Somerville et Ben Schwartz. Un tel surnombre n’est généralement pas de bon augure. Avec cette armée de co-auteurs à son service, Disney chercherait-il à s’assurer que le « produit final » coche scrupuleusement toutes les cases d’une franchise multi-supports, déclinable en licences et censée séduire les fans de toutes les générations ? Trachtenberg se veut pourtant rassurant, n’hésitant pas à citer les sources les plus prestigieuses pour révéler au grand public et à la presse les influences de Predator Badland, de Conan le barbare à Mad Max 2 en passant par les films de Terrence Malick, les westerns de Clint Eastwood ou les œuvres épiques de Frank Frazetta. Mais bien malin sera celui qui en trouvera la moindre trace dans ce film invraisemblable.

Ici, les Predators ont une planète natale, des familles et des petits noms. L’espèce à laquelle ils appartiennent s’appelle Yautja et notre héros est Dek, un jeune chasseur qui cherche à obtenir l’approbation de son père, lequel l’a toujours considéré comme le maillon faible du clan. Pour prouver sa valeur, Dek s’envole vers la planète Genna où sévit le Kalisk, un prédateur apparemment invincible qu’il s’est juré de chasser et de tuer. Et voilà le titre qui s’affiche plein écran, après vingt minutes d’introduction : Predator : Badlands. Les « terres désolées » qu’on nous promet pourraient piquer notre curiosité, mais il faut bien avouer que ce long prégénérique n’a déjà rien de très engageant. Sur Genna, Dek fait face à une infinité de dangers qui proviennent non seulement de la flore (particulièrement vivace et agressive) mais aussi d’une faune bizarre faite de ptérodactyles/dragons, d’anguilles/chenilles, de quadrupèdes cuirassés ou d’amibes géantes tous plus voraces les uns que les autres. Au milieu de ces périls répétés, notre Predator fait équipe à contrecœur avec Thia, un androïde endommagé envoyé sur cette planète pour capturer le Kalisk…

Sérieusement ?

Il est difficile de croire que personne, chez Disney, n’ait jugé bon de lever le doigt au milieu des nombreuses réunions de préparation et de préproduction pour oser dire : « désolé les gars mais cette idée de scénario est un peu stupide, non ? » Qui a pu donc valider en haut lieu l’histoire d’un gentil Predator devenant l’équipier d’une androïde amputée, bavarde et joviale, puis faisant ami-ami avec un petit primate mignon et rigolo ? Les cadres du studio ont-ils vraiment pensé que le public adhèrerait à cette relecture façon Dora l’exploratrice ? Le fait même d’intégrer dans l’intrigue la compagnie Wayland Yutani, échappée de la saga Alien, dit bien la volonté de caresser les fans dans le sens du poil en cherchant à établir une sorte de « Cinematic Universe » marvellien entremêlant des franchises réunies désormais sous la bannière de la maison de Mickey. En panne d’idée, Predator Badlands emprunte d’ailleurs à Aliens son climax qu’il reproduit quasiment à la lettre pour le dernier acte. Et nous avons droit, bien sûr, à une scène post-générique s’ouvrant vers un nouvel épisode. Le scénario évacue volontairement tout personnage humain, et l’on en vient à se demander s’il y en a aussi en coulisses, tant cette histoire absurde, ces séquences d’action aléatoires et cet univers de SF patchwork ressemblent à s’y méprendre au fruit du travail d’une intelligence artificielle un peu paresseuse qui se serait contentée de mixer des influences diverses pour tenter d’obtenir un résultat divertissant. Comment diable la saga va-t-elle pouvoir se relever après une telle dégringolade ?

 

© Gilles Penso

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LES DÉMONS DE LA NUIT (1977)

En revenant dans la maison où elle vécut avec son défunt époux, une femme nouvellement mariée est victime de terribles hallucinations…

SHOCK

 

1977 – ITALIE

 

Réalisé par Mario Bava et Lamberto Bava

 

Avec Daria Nicolodi, David Colin Jr, John Steiner, Ivan Rassimov, Lamberto Bava, Paul Costello, Nicola Salerno

 

THEMA FANTÔMES I ENFANTS

Shock (rebaptisé Beyond the Door II pour sa sortie américaine, laissant abusivement imaginer qu’il s’agit de la suite du Démon aux tripes) est la dernière œuvre cinématographique de Mario Bava, patriarche du fantastique italien et pionnier du giallo. Ce film est donc le testament d’un cinéaste en fin de parcours, usé par les déconvenues industrielles et les trahisons de producteurs. Après les échecs commerciaux de Chiens enragés et Lisa et le diable – remonté sans son consentement pour devenir La Maison de l’exorcisme -, Bava retrouve ici un budget restreint, une équipe réduite et une liberté paradoxalement plus grande. Le scénario de Shock naît d’une idée de Dardano Sacchetti et Francesco Barbieri, inspirée d’un roman de Hillary Waugh. Abandonné une première fois au début des années 1970, le projet ressuscite grâce à Lamberto Bava, fils du cinéaste, qui en réécrit les fondations avec Alessandro Parenzo. Leur ambition est de conjuguer le surnaturel classique à une approche plus psychologique. Le tournage, mené en cinq semaines dans la villa de l’acteur Enrico Maria Salerno, se déroule dans une atmosphère artisanale où le père et le fils collaborent étroitement. Si Lamberto dirige certaines séquences, il laisse la mise en scène principale à son père. En choisissant un cadre contemporain et une tonalité plus réaliste, Bava s’éloigne des flamboyances de ses chefs-d’œuvre gothiques. Ce parti pris annonce le virage du fantastique italien à la fin des années 1970. Shock n’est donc pas un simple baroud d’honneur mais une œuvre de transition, celle d’un maître qui passe le relais à la génération suivante.

Dora Baldini (Daria Nicolodi), récemment sortie d’un hôpital psychiatrique, s’installe avec son nouveau mari Bruno (John Steiner), pilote de ligne, et son fils Marco (David Colin Jr.) dans une maison moderne isolée, construite sur les vestiges de son passé. Car Dora y a autrefois vécu avec son premier mari, Carlo, toxicomane suicidé dans des circonstances troubles. Dès les premières nuits, la quiétude du foyer se fissure : des bruits étranges, des objets qui bougent, des hallucinations… Dora sent la présence du mort hanter les lieux. Plus inquiétant encore, le jeune Marco adopte un comportement instable, comme si une force invisible s’emparait de lui. Les phénomènes se multiplient jusqu’à brouiller la frontière entre la possession et la folie. Dora croit revoir le visage de Carlo dans les reflets, entend sa voix murmurer à travers les murs et perçoit dans le regard de son fils la menace d’une vengeance posthume. Bruno, rationnel et distant, attribue ces visions à la fragilité mentale de son épouse et l’abrutit de calmants. Mais le doute persiste : la maison est-elle hantée ou Dora sombre-t-elle à nouveau dans la démence ?

Hantise ou folie ?

Bava entretient cette ambiguïté avec une rigueur d’orfèvre. Chaque séquence se mue en jeu de miroirs où la réalité se déforme. Dans l’une des scènes les plus mémorables du film, l’enfant court vers sa mère avant de se transformer fugacement en cadavre putréfié – une illusion réalisée sans trucages visuels mais avec une précision diabolique. Ailleurs, un couteau flotte dans l’air avant d’être révélé comme tenu par Dora elle-même. Ce va-et-vient constant entre le surnaturel et le psychique inscrit Shock dans la lignée des œuvres paranoïaques de Roman Polanski (Répulsion, Rosemary’s Baby, Le Locataire) où l’horreur naît de la contamination du réel. Si Shock déroute, c’est parce qu’il refuse les codes attendus du film d’horreur italien. Bava opte pour une palette terne, presque clinique. Ce dépouillement visuel semble vouloir traduire une évolution stylistique assumée. Car ici, le fantastique surgit des fractures intérieures de ses personnages, et la maison devient une excroissance de la psyché malade de Dora. Daria Nicolodi livre ici une performance bouleversante, mêlant la fragilité et l’hystérie contenue. Son visage hanté, filmé en gros plans oppressants, concentre toute la douleur du film. À ses côtés, John Steiner campe un mari glacial, témoin impuissant du naufrage familial, tandis que le jeune David Colin Jr. donne au motif de « l’enfant démoniaque » une intensité troublante. Ainsi s’achève le parcours du maestro Bava.

 

© Gilles Penso

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VOODOO ACADEMY (2000)

Derrière ses apparences respectables et prestigieuses, une école catholique pour garçons cache de bien étranges activités…

VOODOO ACADEMY

 

2000 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Debra Mayer, Riley Smith, Chad Burris, Kevin Calisher, Huntley Ritter, Ben Indra, Drew Fuller, Travis Sher, Rhett Wilkins

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Voodoo Academy est l’un des films les plus ouvertement homo-érotiques de David DeCoteau, qui n’a jamais caché ses penchants en ce domaine, même si la plupart de ses – très nombreux – longs-métrages se contentent de tourner timidement autour du sujet sans l’aborder frontalement. Le prologue donne immédiatement le ton, sans détour. Un jeune homme s’y dévêt et commence à se caresser langoureusement le torse. Puis un jeune prêtre intervient, l’attache, lui verse de l’huile sur le corps et commence à le frictionner. Nous voilà prévenus ! Le générique enchaîne ensuite les gros plans successifs de sept beaux gosses ténébreux qui regardent droit dans la caméra, engoncés dans leur joli costume propret de premiers de la classe, le cheveu bien peigné et les yeux perçants. Car à l’exception de Debra Mayer, habituée des productions Full Moon (Blood Dolls, Prison of the Dead, Stitches, Hell Asylum, Cryptz, La Maison du docteur Moreau, Decadent Evil), le casting du film est exclusivement masculin. Et les jeunes acteurs ont de toute évidence été sélectionnés en priorité pour leur apparence, leur anatomie et leur physionomie. DeCoteau a souvent affirmé que Voodoo Academy était « son bébé », autrement dit son film le plus personnel conçu sous l’égide de Full Moon. On comprend pourquoi.

Le jeune Christopher (Riley Smith, vu dans Alien Arsenal) vient de s’inscrire au prestigieux Carmichael Bible College, dirigé par Mme Bouvier (Debra Mayer), une femme avenante dont le défunt époux était un scientifique étudiant la poudre permettant de ramener les zombies à la vie. Cette information, lâchée furtivement au détour d’une conversation, va s’avérer décisive. L’établissement est précédé d’une excellente réputation et n’accepte qu’une demi-douzaine d’étudiants à la fois. Christopher fait ainsi la connaissance de ses cinq camarades et assiste avec eux à son premier cours. « Ici, vous allez apprendre une nouvelle manière de vivre et de penser », leur promet leur enseignant, le charismatique révérend Carmichael (Chad Burris). Dans le cadre de son enseignement, ce dernier utilise un confessionnal d’un tout nouveau genre, connecté à une technologie électromagnétique d’avant-garde supposée éliminer tous les péchés et toutes les idées impures. L’ambiance dans l’école finit par devenir très étrange. Après plusieurs disparitions inexpliquées, Christopher mène l’enquête et découvre que Mme Bouvier et le révérend Carmichael nourrissent des intentions bien peu catholiques à l’égard des jeunes hommes de leur école…

Boys Band

Les acteurs sont plutôt convaincants, mais le film se résume principalement à de longues scènes de dialogues en plan fixe, ce qui finit par émousser naturellement l’intérêt des spectateurs. On s’amuse alors à énumérer le nombre de fois où DeCoteau érotise ses protagonistes : ils pratiquent le sport torse-nu, s’exhibent en débardeur moulant, prennent leur bain en admirant leurs torses respectifs, se caressent longuement en dormant, se déshabillent dans le confessionnal et s’auto-excitent sous les ordres du révérend… Le fin mot de l’histoire ? La transformation des étudiants en poupées vaudou par la sataniste Madame Bouvier, via un rituel démoniaque. Non seulement l’idée est incongrue mais le rendu visuel (la tête des acteurs incrustée sur le corps des petites figurines) est involontairement risible. Le producteur Charles Band peut ainsi s’adonner lui-même à son propre fétichisme, celui des petits monstres et des poupées. Pour autant, il ne semble pas pleinement assumer ce film, qui ne s’accompagne pas du logo habituel de la compagnie Full Moon. Voodoo Academy aura d’ailleurs beaucoup de mal à se vendre, la plupart des vidéoclubs répugnant à exploiter une œuvre aussi ouvertement gay. Ce n’est qu’au moment de sa distribution conjointe dans une version tronquée (en VHS) et dans son montage intégral (disponible en DVD sur le marché international) que le film connaîtra enfin un modeste succès, incitant DeCoteau à en réaliser une suite en 2012.

 

© Gilles Penso

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DEATHSTALKER 3 (1988)

Rien ne va plus dans ce troisième épisode mal fichu qui ravira les amateurs de nanars mais exaspèrera les fans d’heroic-fantasy…

DEATHSTALKER AND THE WARRIORS FROM HELL

1988 – USA / MEXIQUE

Réalisé par Alfonso Corona

Avec John Allen Nelson, Carla Herd, Terri Treas, Thom Christopher, Aaron Hernan, Roger Cudney, Agustin Salvat, Claudia Inchaurregui, Mario Ivan Martinez

THEMA HEROIC FANTASY I SAGA DEATHSTALKER

Deathstalker 2 se révélait supérieur à son modèle sur bien des points, mais avec Deathstalker 3, c’est hélas la dégringolade à tous les niveaux. Le budget semble encore avoir été raboté, au point que Roger Corman – non crédité au générique – recycle tout ce qu’il peut dans ses productions précédentes pour essayer de muscler un peu le résultat final. La musique du générique de début est donc la même que celle des Mercenaires de l’espace (une très belle composition de James Horner qui avait déjà servi pour Space Raiders et Sorceress), des plans entiers sont empruntés au Corbeau, à L’Halluciné et à Deathstalker 2 pour enrichir les séquences de châteaux, mais rien n’y fait : Deathstalker 3 est un film extrêmement cheap qui, contrairement aux deux opus précédents, est tourné au Mexique et non en Argentine. L’acteur principal a encore changé de visage, se conformant de moins en moins au physique du barbare musclé façon Arnold Schwarzenegger que vantent de manière mensongère les très beaux posters de Boris Vallejo. Après le sculptural Rick Hill et le dynamique John Terlesky, place à John Allen Nelson, un acteur à l’indiscutable capital sympathie (vu notamment dans Les Clowns tueurs venus d’alleurs) mais qui nous semble bien trop frêle pour endosser le rôle du redoutable Deathstalker.

Au cours d’une petite fête médiévale reconstituée avec les moyens du bord, nous découvrons ce nouveau Deathstalker, occupé à affronter quelques amis à la lutte, ainsi que son complice le sorcier Nicias (Aaron Hernan), qui gagne quelques sous en jouant les devins. Soudain, une mystérieuse femme encapuchonnée (Carla Herd) vient à la rencontre du magicien. Il s’agit de la princesse Carissa, qui transporte une pierre enchantée et espère que Nicias possède la seconde. Réunies, elles pourront en effet permettre de découvrir la cité magique d’Arandor et de donner à son peuple accès à ses innombrables richesses. Or la pierre manquante se trouve à Southland, entre les mains du maléfique sorcier Troxartes (Thom Christopher). Ce dernier envoie ses hommes sur les traces de Carissa, que Deathstalker va s’efforcer de protéger tout en se préparant à partir à l’assaut du château de Troxartes…

Pathetic-Fantasy

Dès les premières minutes, on sent bien que quelque chose cloche. La médiocre bande originale pour synthétiseurs qui fait office de remplissage sonore, les combats mous et extrêmement mal chorégraphiés, les scènes d’action postsynchronisées n’importe comment (avec de jolis « gling gling » pour les bruits d’épée), tout ça ne présage rien de bon. Et effectivement, la suite du film confirme nos craintes. Tout est mal fichu et approximatif dans ce Deathstalker 3 aussi transparent que ses personnages. En guise de grand sorcier, nous avons droit à un vieil homme barbu dont le pouvoir le plus grand semble être de tourner sur lui-même à toute vitesse et de disparaître dans une explosion digne de X-Or ou Spectreman. Le méchant, lui, ne nous effraie pas beaucoup avec son look d’expert-comptable et ses ricanements excessifs. Restent les éléments féminins. Si Carla Herd reste très effacée dans un double-rôle visiblement inspiré par les deux personnages que jouait Monique Gabrielle dans Deathstalker 2, Claudia Inchaurregui campe une intéressante sauvageonne experte du tir à l’arc. Le meilleur rôle revient cependant à Teri Treas qui, dans la peau de la maîtresse de Troxartes, nous offre les scènes les plus savoureuses (notamment ses crises de jalousie face à l’arrivée de la future femme de son amant et les séances de torture qu’elle promet au héros retenu captif dans un donjon). À part ça et quelques éléments surnaturels improbables – le vil sorcier qui invoque des spectres volants et une armée de morts-vivants -, il n’y a rien de bien mémorable dans ce Deathstalker 3, qui fut un temps exploité en France sous le titre de Wilfried le chasseur.

 

© Gilles Penso

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THE ST. FRANCISVILLE EXPERIMENT (2000)

Dans ce faux documentaire motivé par le succès du Projet Blair Witch, quatre jeunes gens mènent l’enquête dans une maison hantée de Louisiane…

THE ST. FRANCISVILLE EXPERIMENT

 

2000 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Paul Salamoff, Troy Taylor, P.J. Palmer, Madison Charap, Ryan Larson, Tim Baldini, Ava Jones, Katherine Smith, Sarah Clifford

 

THEMA FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Pas besoin d’être un grand clerc pour comprendre que le succès invraisemblable du Projet Blair Witch (10 000 dollars de budget, 248 millions de dollars au box-office mondial) motiva la mise en chantier de The St. Franciscville Experiment. Si le producteur Charles Band n’est pas très familier avec les codes du « found footage », il s’en remet à l’expertise de Paul Salamoff, qui vient d’écrire pour lui l’histoire du sympathique Les Morts haïssent les vivants. Salamoff décide alors de sortir le grand jeu en plongeant quatre jeunes acteurs dans une « vraie » maison hantée et de tourner cette expérience comme un authentique documentaire. C’est du moins de cette manière qu’il présente le projet au spécialiste du surnaturel Troy Taylor, engagé comme consultant et expert. La première partie du tournage, qui se déroule entre le 15 et le 18 septembre 1999 dans une maison de Louisiane à la sinistre réputation, respecte l’idée d’un reportage pris sur le vif, avec des comédiens ne sachant pas du tout à quoi s’attendre. Si ce n’est que le réalisateur Ted Nicolaou, habitué des productions Charles Band, veille tout de même au grain. Mais à mi-parcours, le film change de mains, passant des compagnies Tana 9 et Full Moon à Kushner-Locke, puis à Trimark et à LionsGate. Déçus par les rushes qu’ils voient, les acquéreurs successifs de The St. Francisville Experiment décident de tourner des rushes additionnels, d’ajouter quelques effets spéciaux basiques et deux ou trois rebondissements. Peine perdue : le film reste aussi monotone qu’un encéphalogramme plat.

Le scénario nous apprend que la maison de St Franciscville fut le théâtre d’horribles exactions perpétrées par l’esclavagiste qui occupait les lieux au 18ème siècle. Un garçon y aurait été retrouvé enchaîné dans la cuisine, le visage à moitié déchiqueté et recouvert de plaies infectées, aux côtés d’une femme enfermée dans une cage tellement étroite que ses os s’en trouvèrent irrémédiablement déformés. Voilà pour la mise en place du contexte, macabre à souhait. Les quatre jeunes gens qui se portent volontaires pour partir enquêter sur place sont le cameraman Paul James, l’étudiante en histoire Ryan Larson, l’étudiant en cinéma Tim Baldini et la médium Madison Charap. Tous sont chapeautés par le producteur Paul J. Salamoff, et chacun joue donc son propre rôle dans ce « fauxcumentaire » qui s’annonce comme une sorte de mixage entre Le Projet Blair Witch et La Maison du diable. Nous avons d’abord droit à une série d’interviews d’« experts » : une voyante, une prêtresse vaudou ou encore le descendant d’une famille qui vécut sur place. Passé ce prologue, le quatuor commence son investigation…

Paranormal Inactivity

À partir de là, autant l’avouer sans détour : nous nous ennuyons ferme et réprimons un nombre incalculable de bâillements. Car il ne se passe strictement rien qui soit susceptible d’attiser notre intérêt. Les protagonistes déambulent dans cette maison somme toute très ordinaire et échangent des banalités, s’efforçant de créer de la tension à partir de rien. « Oh mon Dieu, qu’est-ce que c’est que ça ? » dit l’un d’eux en ouvrant un placard vide. « Cette pièce est très étrange » lance un autre en pénétrant dans une chambre à coucher quelconque. Tout le reste est à l’avenant. Au bout de 40 minutes, une chaise bouge. Quinze minutes plus tard, une planche de Ouija tremblote. A 1h10, une bougie s’éteint. Voilà pour le gros des phénomènes paranormaux. Les nouveaux producteurs rajoutent certes quelques artifices dans l’espoir de pimenter la sauce (un chat, un cafard, un fantôme), mais rien ne parvient réellement à nous sortir de notre torpeur. Le seul véritable point positif du film est l’authenticité des jeunes acteurs, qui semblent très spontanés et dont les réactions sonnent souvent juste. Mais sans enjeux à défendre, sans histoire à raconter, la spontanéité finit par tourner à vide. Et 75 minutes de métrage peuvent donner le sentiment d’en durer trois fois plus.

 

© Gilles Penso

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FREAKY FRIDAY 2 (2025)

Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan sont à nouveau victimes d’une inversion de corps, mais cette fois-ci les choses se compliquent sérieusement…

FREAKIER FRIDAY

 

2025 – USA

 

Réalisé par Nisha Ganatra

 

Avec Jamie Lee Curtis, Lindsay Lohan, Julia Butters, Sophia Hammons, Mark Harmon, Manny Jacinto, Maitrey Ramakrishnan, Christina Vidal, Haley Hudson

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA FREAKY FRIDAY

Pour Jamie Lee Curtis, l’expérience du tournage de Freaky Friday en 2003 est un souvenir heureux. Cette comédie délirante, remake d’Un vendredi dingue, dingue, dingue avec Jodie Foster, lui-même tiré du roman de Mary Rodgers, fut un gigantesque hit à l’époque. Alors pourquoi ne pas remettre le couvert ? C’est la vénérable actrice elle-même qui convainc à la fois Disney et son ex-partenaire Lindsay Lohan de se lancer dans l’aventure. Les stars respectives de Halloween et de Lolita malgré moi ayant désormais l’âge de jouer l’une les grands-mères, l’autre les mères, le scénario doit bien sûr en tenir compte. Pour s’assurer que le film soit écrit d’un point de vue féminin et évite au maximum les stéréotypes – Freaky Friday fut jadis accusé par quelques esprits chagrins de véhiculer une image caricaturale de la communauté asiatique – Disney confie les rênes du projet à la réalisatrice Nisha Ganatra. Signataire de plusieurs comédies romantiques et d’un grand nombre d’épisodes de séries TV, cette dernière a toujours milité pour la représentativité de toutes les communautés et de toutes les minorités à l’écran. Pour autant – et fort heureusement -, Freaky Friday 2 n’a rien du pamphlet politiquement correct et conserve d’un bout à l’autre la légèreté qu’induit son sujet sans jamais jouer la carte du militantisme.

Vingt-deux ans après les événements racontés dans Freaky Friday, Anna Coleman (Lindsay Lohan), désormais adulte, travaille comme productrice musicale et élève seule sa fille adolescente Harper (Julia Butters), avec l’aide de sa mère Tess (Jamie Lee Curtis). À l’école, Harper est constamment exaspérée par sa nouvelle camarade de classe londonienne, Lily Reyes (Sophia Hammons), en raison de son snobisme excessif. Après que toutes deux aient provoqué un incident en cours de chimie, Anna est convoquée dans le bureau du directeur. Lorsqu’elle rencontre Eric (Manny Jacinto), le père veuf de Lily, les deux tombent amoureux et se fiancent six mois plus tard. Mais les futures demi-sœurs regardent cette situation d’un très mauvais œil. Harper craint que sa mère ne les déménage à Londres, tandis que Lily tient absolument à y retourner afin de pouvoir fréquenter une école de mode. La situation bascule le soir de l’enterrement de vie de jeune fille d’Anna. Une prétendue voyante, Madame Jen (Vanessa Bayer), lit les lignes de la main de Anna et Tess, puis de Harper et Lily, et leur prédit un avenir tourmenté. Aussitôt, toutes les quatre ressentent un étrange tremblement de terre. Le lendemain matin, elles découvrent avec effroi qu’elles ont échangé leurs corps : Anna avec Harper, et Tess avec Lily.

Double inversion

Comme il s’agit d’une suite, les scénaristes ont jugé bon d’en donner deux fois plus aux spectateurs. Mais en l’occurrence, la multiplication des enjeux devient un handicap. Car la force du premier film reposait sur la simplicité de son concept et sur l’infinité de quiproquos qui pouvaient en découler. En complexifiant les choses, Freaky Friday 2 réduit paradoxalement son potentiel comique plutôt que de l’amplifier. La confusion s’installe même au point que le spectateur se surprend à se demander à plusieurs reprises : « qui est devenu qui, déjà ? ». Si la recette continue de fonctionner, c’est moins grâce aux péripéties (déjà vues pour la plupart, ou du moins attendues) que par le biais des quatre actrices principales, toutes excellentes dans leurs doubles registres respectifs. Voir Jamie Lee Curtis continuer à se moquer de son âge (notamment dans la scène de la pharmacie) a quelque chose de toujours réjouissant. Au passage, visiblement bercée par le cinéma de John Hugues, la réalisatrice se fend de clins d’œil à La Folle journée de Ferris Bueller (la virée en voiture) et à Breakfast Club (les élèves en retenue). Comme dans le premier Freaky Friday, tout converge vers une répétition de mariage et un concert qui sont censés se dérouler simultanément. Évidemment, rien ne se passera comme prévu, jusqu’à un final prenant une teinte initiatique, où chacune aura appris à comprendre et à apprécier l’autre. L’effet de surprise n’a donc plus vraiment cours… et pourtant le miracle opère encore. Les rires sont francs, la corde sensible est titillée, preuve que la formule marche toujours aussi bien, surtout lorsqu’elle est portée par un casting aussi impeccable.

 

© Gilles Penso

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PROMPT (2025)

Une jeune spécialiste de la génération de vidéos par intelligence artificielle se retrouve hantée par un visage inconnu qui apparaît sur ses écrans…

PROMPT

 

2025 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Lilly Bell, Elliott Woods, Jax Cody, Ian S. Peterson, Llana Barron, Rib Hillis, Jessica Morris, Felix Merback

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET PARALLÈLES I SAGA CHARLES BAND

L’intelligence artificielle alimentant toutes les conversations de manière de plus en plus enflammée, surtout depuis le lancement de Chat GPT en novembre 2022, Charles Band décide d’aborder le sujet assez tôt en réalisant AIMEE : The Visitor, qui mue une sympathique assistante virtuelle en redoutable serial killer. Dans la foulée, il sollicite l’IA générative pour créer les visions cauchemardesques de Quadrant. Évidemment, il y a encore mille histoires à raconter autour d’un thème si complexe. D’où la mise en chantier de Prompt, que Band tourne à Los Angeles pendant quelques jours avec une poignée de comédiens, fidèle à son légendaire sens de l’économie. De prime abord, ce film minimaliste semble n’utiliser son argument de science-fiction que comme prétexte à une succession de séquences érotiques destinées à titiller un public majoritairement masculin, dans la droite lignée des innombrables titres du catalogue Surrender Cinema. Mais le scénario de J.P. Talbot ne se limite pas à un assemblage de vignettes grivoises : il interroge notre rapport aux vidéos générées artificiellement et le regard biaisé qu’elles peuvent nous amener à porter sur le monde et sur nous-mêmes. Certes, la réflexion philosophique demeure sommaire, mais Prompt n’en soulève pas moins plusieurs questions passionnantes.

Conscient de devoir engager une actrice peu freinée par des soucis pudeur, Charles Band confie le rôle principal à Lilly Bell, véritable stakhanoviste du film X – plus de 130 titres en six ans – qui s’est déjà offert quelques détours plus « traditionnels », comme le slasher Scissors. Ici, la jolie blonde ne doit pas se contenter de donner de sa personne physiquement, puisqu’elle déploie aussi une tessiture de jeu subtile qui permet aux spectateurs d’entrer en empathie avec elle et d’adhérer plus facilement à cette histoire étrange. Bell incarne Taylor, une talentueuse conseillère en communication digitale qu’une cliente contacte pour l’aider à promouvoir leur dernier produit : une application diseuse de bonne aventure, « TheFortuneTeller.com » (le site web existe vraiment, essayez et vous verrez !). Taylor propose de générer en IA une influenceuse qui défend les vertus du produit, à la grande joie de ses commanditaires qui adorent l’idée. Les délais sont très courts, mais Taylor a déjà tout créé la veille. Il lui reste donc du temps pour elle. Esseulée, elle génère en IA quelques films érotiques afin de tromper son ennui. L’effet se révèle très efficace sur sa libido, mais le visage d’un homme mystérieux apparaît furtivement dans ses vidéos. De plus en plus troublée, elle commence à développer une obsession pour cet inconnu qui surgit systématiquement dans ses prompts et semble la dévorer des yeux…

Qui regarde qui?

Le budget riquiqui de Prompt n’empêche pas Band de soigner sa mise en forme, sollicitant Jonathan Walker (Bring Her to Me, Quadrant, Death Streamer) pour composer une bande originale envoûtante à base de synthétiseurs et de chœurs échantillonnés, tout en confiant à Terrance Ryker (Skull Heads, The Dead Want Women, Reel Evil) la photographie élégante du film. Quelques clins d’œil pour connaisseurs ponctuent discrètement le métrage, notamment la sollicitation de deux habitués des séries B fantastiques, l’actrice Jessica Morris (Les Geôles du diable) et son époux Rib Hillis (Killbots) dans le rôle des clients, ou encore la réutilisation du prénom Aimee. Mais Prompt reste un film sérieux qui s’appréhende au premier degré, loin des délires potaches d’un Evil Bong. Le scénario finit d’ailleurs par construire un vertigineux jeu de mise en abîme. L’héroïne est en effet observée par un homme virtuel qui s’invite dans ses créations et se met à influer sur son comportement, alors que c’est logiquement le contraire qui devrait se produire. Et lorsque, toute émoustillée, elle s’apprête à se déshabiller devant lui en lui demandant s’il aime ce qu’il est en train de voir, elle regarde la caméra… et donc les spectateurs. Ce triple croisement de points de vue débouche sur la question au cœur de tous les enjeux du film : qui regarde qui ? Certes, le twist final est prévisible, mais il reste savoureux et n’aurait pas dépareillé dans un épisode de La Quatrième dimension… ou plutôt de Black Mirror.

 

© Gilles Penso

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SPRING (2014)

Après un deuil, un jeune Américain décide de séjourner en Italie et y tombe amoureux d’une femme qui n’est pas ce qu’elle semble être…

SPRING

 

2014 – USA

 

Réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead

 

Avec Lou Taylor Pucci, Nadia Hilker, Francesco Carnelutti, Nick Nevern, Chris Palko, Jonathan Silvestri, Jeremy Gardner, Vinny Curran, Holly Hawkins

 

THEMA MUTATIONS

Après le succès critique de Resolution en 2012, Justin Benson et Aaron Moorhead signent avec Spring un second long-métrage radicalement différent en apparence, mais profondément lié à leurs obsessions thématiques, notamment le rapport entre l’humain et l’inconnu et l’incursion des mythes dans le monde quotidien. Tourné sur les côtes ensoleillées du sud de l’Italie, Spring se présente comme une romance mélancolique avant de se muer, lentement, en quelque chose de beaucoup plus insolite. Lorsque le film commence, nous apprenons qu’Evan (Lou Taylor Pucci), jeune Américain à la dérive, vient de perdre sa mère et son emploi. Fuyant la violence de sa vie stagnante, il s’envole sur un coup de tête vers l’Europe et atterrit dans un petit village côtier des Pouilles, Polignano a Mare, où le bleu éclatant de la mer contraste avec le vide intérieur qu’il ressent. Là, il fait la connaissance de Louise (Nadia Hilker), une étudiante en génétique aussi séduisante qu’énigmatique. Leur rencontre, d’abord banale, prend vite des allures de conte sensuel et étrange. Louise se montre tour à tour passionnée et distante, spontanée et fuyante. Derrière son charme, quelque chose cloche.

Benson et Moorhead prennent le temps d’installer leur récit. La première moitié du film fonctionne comme un drame initiatique, porté par le réalisme du jeu des acteurs et par la douceur presque documentaire des images. La caméra suit Evan dans son deuil, ses errances, ses conversations maladroites et ses émerveillements face à l’Italie. Rien, ou presque, ne laisse deviner la tournure que va prendre l’histoire. Ce refus du spectaculaire immédiat inscrit Spring à contre-courant du cinéma fantastique de son époque, préférant la lente maturation émotionnelle à l’effet de surprise. Lorsque l’étrangeté s’immisce enfin, elle le fait avec une élégance dérangeante. Louise se transforme, littéralement. Par crises successives, son corps échappe au contrôle : sa peau se couvre d’écailles, des excroissances surgissent, des tentacules s’agitent dans l’ombre. Ces métamorphoses nous renvoient à la prose de Lovecraft, jusqu’à ce que la jeune femme finisse par révéler sa nature. Il s’agit d’une créature immortelle qui se régénère tous les vingt ans en s’accouplant avec un homme et en absorbant les cellules de l’embryon conçu, donnant naissance à une nouvelle version d’elle-même.

L’amour ou l’immortalité ?

Là où les récits lovecraftiens invoquent souvent des puissances cosmiques indicibles, les deux cinéastes choisissent la voie de l’intime. L’incommensurable se loge dans la chair, dans la peur de mourir. Mais au-delà de son concept vertigineux, Spring est avant tout une histoire d’amour d’une sincérité désarmante. Evan, paumé et vulnérable, retrouve dans sa relation avec Louise une raison d’exister. Face à cette femme qui défie la mort, il choisit la vie. À travers cette relation impossible, Benson et Moorhead interrogent la notion même de passion amoureuse. La dernière partie du film entre dans une dimension presque métaphysique. Alors que Louise doit choisir entre perpétuer son cycle ou mourir, Spring se transforme ainsi en parabole sur le temps et la transformation. Récompensé dans de nombreux festivals (Sitges, Austin, Palm Springs), Spring confirme Benson et Moorhead comme des auteurs à part dans le paysage du fantastique contemporain. La suite de leur filmographie, fascinante, ne fera que confirmer les promesses de leurs deux premiers longs-métrages, d’une audace rare malgré des moyens dérisoires.

 

© Gilles Penso

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LE GARÇON AUX RAYONS X (1999)

Un adolescent hérite d’une paire de lunettes expérimentales et possède désormais une vision aux rayons X…

THE BOY WITH THE X-RAY EYES / X-TREME TEENS

 

1999 – USA

 

Réalisé par Jeff Burr

 

Avec Bryan Neal, Dara Hollingsworth, Dennis Haskins, Eric Jungmann, Dan Zukovic, Andrew Prine, Timothy Bottoms, Julian Swan, Alex Shiglie, Jeff Burr, Dan Fintescu

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS I SAGA CHARLES BAND

Si Le Garçon aux rayons X est une minuscule production aux ambitions modestes et au budget squelettique, l’homme à l’origine de son scénario, Christopher Mollo, est un habitué des blockbusters de très gros calibre, puisqu’il fut notamment assistant de production sur 58 minutes pour vivre, Predator 2, Rocketeer et Waterworld. En œuvrant pour le producteur Charles Band, notre homme se doute qu’il entre dans une toute autre catégorie, et adapte donc son écriture aux moyens à sa disposition. Le réalisateur sollicité pour mettre en boîte le film est Jeff Burr, qui se fit découvrir des amateurs d’horreur avec Leatherface avant de signer une demi-douzaine de séries B pour Band : Puppet Master 4 et 5, La Légende de Johnny Mysto, The Werewolf Reborn et Phantom Town. Des films pas foncièrement mémorables mais plutôt sympathiques. Comme son titre l’indique, Le Garçon aux rayons X est presque un remake « tout public » de L’Horrible cas du docteur X de Roger Corman, dont il reprend le principe et plusieurs idées. Simultanément à son tournage – en 1999 -, Fred Olen Ray réalisait un film au concept et au titre très proche, The Kid with X-Ray Eyes, mais tous deux n’ont aucun lien officiel. Suite à des complications liées à sa distribution, Le Garçon aux rayons X ne sortira d’ailleurs en vidéo sur le marché américain qu’en 2005, soit six ans plus tard, sous un autre titre (X-Treme Teens) cherchant manifestement à surfer sur le succès des X-Men.

Après un prologue énigmatique montrant trois adolescents qui jouent dans les bois puis sont aspirés dans une dimension parallèle, nous faisons connaissance avec Andy (Bryan Neal), un lycéen pas très bien dans ses baskets. Non content de devoir s’adapter à une nouvelle ville suite à un déménagement que lui a imposé sa mère (refrain connu, décliné maintes fois dans les productions pour enfants et ados de Charles Band), il s’entend fort mal avec son beau-père John (Timothy Bottoms), un homme pourtant bien intentionné mais avec lequel il refuse de se lier. Lorsque John organise une sortie scolaire dans son entreprise Vectrocomp, un centre de recherche spécialisé dans une technologie expérimentale de lunettes à rayons X, la situation bascule. Andy s’aventure en effet dans les zones interdites de la compagnie, avec deux de ses camarades, et y découvre les fameuses lunettes. Après quelques manipulations sur un ordinateur, il parvient à les faire fonctionner parfaitement. Mais il y a un traitre dans l’entreprise qui veut les revendre à une force militaire et qui les glisse discrètement dans le sac d’Andy afin de pouvoir les récupérer plus tard…

« Je vois l’œil de Dieu ! »

L’idée qui sous-tend le film aurait pu nous offrir quelques gags potaches dans l’environnement lycéen du jeune héros. Après tout, quel ado n’a jamais rêvé de pouvoir voir à travers les murs ou les vêtements ? Mais la vision au rayon X prend à l’écran la forme d’un effet de solarisation particulièrement hideux, où les silhouettes sont déformées et les lumières surexposées. Non seulement le rendu est très disgracieux, mais en outre il ôte à l’aventure une grande partie de son potentiel. On sent bien l’envie de jongler de manière originale avec cette idée (les lunettes deviennent invisibles et fusionnent avec Andy, sa nouvelle perception du monde le fait quasiment basculer dans la folie jusqu’à reprendre l’une des répliques de Ray Milland dans L’Horrible cas du docteur X  – « Je vois l’œil de Dieu ! »), mais le scénario semble presque l’oublier en cours de route pour se concentrer sur un complot flou fomenté par des militaires réfugiés dans une base secrète souterraine. Il faut dire que le film n’est guère aidé par les deux ados caricaturaux qui font office d’amis de notre héros. Visiblement conscient des faiblesses du matériau, Jeff Burr essaie de dynamiser l’ensemble comme il peut, utilisant de manière appuyée les prises de vues au fish-eye pour accentuer les moments d’étrangeté, divisant ses écrans pour dynamiser l’action, éclairant les forêts nocturnes brumeuses avec des spots bleutés comme dans les productions Amblin… Ça ne cache pas tout à fait la misère mais l’effort est à souligner. Il n’en demeure pas moins que ce film tourné à la va-vite – et sorti trop tard – est passé totalement inaperçu.

 

© Gilles Penso

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DINOSAUR BABES (1996)

Une horde de monstres préhistoriques en stop-motion affrontent des playmates en peaux de bêtes dans cette série B fauchée mais distrayante…

DINOSAUR BABES

 

1996 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Jeff Cornello, Rick Bureau, Mike Whitehead, Melissa Ann, Kathi Trotter, Iris Lynne Sherman, Kelly Lynn, Christina Morales, Wayne Calahan, Robert Peterson

 

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE I EXTRA-TERRESTRES

Pour Brett Piper, auteur, réalisateur et créateur d’effets spéciaux spécialisé dans les films à tout petit budgets (Mystérieuse planète, Battle for the Lost Planet, Mutant War), Dinosaur Babes ressemblait à un projet de rêve, conçu sur mesure pour lui permettre de rendre hommage à ses idoles Willis O’Brien (King Kong) et Ray Harryhausen (Un million d’années avant JC) tout en surfant sur le succès de Jurassic Park. Mais le rêve s’est rapidement mué en cauchemar. Piper propose d’abord le film à Troma, qui avait déjà distribué son A Nymphoid Barbarian in Dinosaur Hell, mais qui n’a pas le budget nécessaire pour le financer avant son tournage. « J’ai alors trouvé d’autres producteurs, et le film m’a été littéralement volé », raconte Piper. « J’ai écrit le script, j’ai tourné les prises de vues réelles, j’ai réalisé les effets spéciaux et l’animation. Et dès que tous les plans ont été mis en boîte, les producteurs m’ont écarté du projet pour le finir eux-mêmes. Ils ont fait faire un montage qui n’a plus rien à voir avec l’idée initiale. Ils ont placé le dénouement à la place du prologue, c’est bourré de faux raccords et ils ont même conservé des prises ratées dans le montage. Il y a des peintures sur verre dans lesquelles vous voyez des gens qui se reflètent sur la vitre ! C’est la pire chose que j’ai vue de ma vie toute entière. » (1) En voyant le résultat final, les maladresses sautent effectivement aux yeux, mais le film reste très distrayant grâce à la qualité du travail de Piper.

« L’histoire que vous allez découvrir est vraie », nous annonce un carton d’introduction qui ne recule devant rien. « Elle s’appuie sur une série de peintures rupestres découvertes dans le sud de la France, récemment mises à jour par des scientifiques. De crainte des représailles de plusieurs communautés religieuses et scientifiques bien établies, cette histoire a été tenue secrète… jusqu’à aujourd’hui. » Une voix off exagérément grave poursuit le récit dans cette voie pseudo-documentaire absurde, nous apprenant qu’il y a un million d’années, les premiers hommes et les derniers dinosaures coexistèrent brièvement. Ce film est donc fortement déconseillé aux paléontologues férus de rigueur (pré)historique ! Dans cette terre sauvage, une violente tribu de femmes masquées enlève les femelles d’une communauté paisible pour les sacrifier au « roi lézard », autrement dit un grand tyrannosaure. Dès le prologue, nous voyons donc une jeune femme attachée à deux poteaux qui semblent échappés de King Kong, entièrement dévêtue puis livrée à la bête. Trois hommes appartenant à la tribu des captives décident alors de traverser la forêt et de braver mille dangers pour les délivrer…

« D’après une histoire vraie ! »

Les femmes préhistoriques du film étant toutes des pin-ups en maillot de bain, les mâles ressemblant à des beach boys californiens et tout ce beau monde s’exprimant en anglais, on se doute bien qu’il va falloir s’armer de beaucoup d’indulgence pour pouvoir apprécier Dinosaur Babes. D’autant que cette voix off omniprésente n’arrange rien. Mais fort heureusement, les tours de magie de Piper saturent généreusement l’écran. Tour à tour marionnettes animées à la main et figurines en stop-motion, les nombreux dinosaures qui cherchent des noises à nos héros sont de très belles créations, même si les textures et les sculptures manquent un peu de finition. Les scènes audacieuses s’enchaînent alors sans interruption : les hommes préhistoriques qui chassent un brontosaure, la traversée d’une vallée où se dressent de gigantesques statues de dinosaures, le surgissement d’un cératopsien furieux qui détruit tout sur son passage, l’attaque d’un carnotaure… Entre deux scènes d’action, Piper nous offre de très beaux panoramas antédiluviens dignes des peintures de Zdenek Burian, avec des sauropodes qui passent au loin, des ptérosaures qui traversent les cieux, un hadrosaure coincé dans un marécage ou un stégosaure qui s’abreuve. Comme il y a « babes » dans le titre, le film n’est pas non plus avare en scènes de nudité (avec en bonus la scène d’une prisonnière abandonnée aux crocs de mille-pattes aquatiques géants fort peu ragoûtants). Et pour couronner le tout, le scénario intègre un élément de science-fiction qui permet au climax de s’orner d’une fusillade au pistolet laser. Mal monté, affublé d’une musique électronique médiocre, Dinosaur Babes est loin d’être un grand film. Mais si Piper avait pu garder la main, nul doute que le résultat aurait été beaucoup plus cohérent. En l’état, le film s’apprécie tout de même pour ce qu’il est : une série B modeste truffée de grosses bêtes et de jolies filles.

 

© Gilles Penso

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