IT KNOWS YOU’RE ALONE (2021)

En se promenant sur la plage, une jeune femme découvre un vieux téléphone nautique qu’elle ramène chez elle sans savoir qu’il est hanté…

IT KNOWS YOU’RE ALONE

 

2021 – USA / CANADA

 

Réalisé par Chris Alexander

 

Avec Brandy Dawley, Ali Chappell

 

THEMA FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Chris Alexander est un artiste au style unique, sous haute influence du cinéma d’épouvante européen des années 70. Féru d’atmosphères troubles et de concepts minimalistes, il compose toujours avec des budgets extrêmement restreints et joue les couteaux suisses pour pouvoir garder le contrôle artistique total sur ses œuvres. Car Alexander est à la fois réalisateur, scénariste, producteur, directeur de la photographie et compositeur. Comme il le fit dans certains de ses films précédents (Bloody Dynasty, Space Vampire, Girl With a Straight Razor), notre homme pousse ici l’épure assez loin en dirigeant seulement deux actrices. Parmi elles se trouve sa fidèle collaboratrice Ali Chappell, elle aussi mobilisée sur tous les fronts puisqu’en plus de son rôle face à la caméra, elle participe à la production, aux costumes et aux maquillages du film. Tourné dans des extérieurs naturels canadiens très photogéniques, au sein du County Heritage Park de Milton, dans l’Ontario, It Knows You’re Alone (littéralement « Il sait que tu es seule ») commence par l’extrait d’un célèbre poème d’Edgar Allan Poe : « Tout ce que nous voyons ou croyons n’est qu’un rêve dans un rêve. »

C’est donc dans une ambiance ouvertement onirique que se déroule le film, et ce dès l’entame. Alors qu’elle se promène nonchalamment sur la plage, Natalie (Brandy Dawley) découvre un vieux téléphone nautique provenant d’un navire à l’abandon, échoué sur le rivage. Intriguée, elle le ramène chez elle, le nettoie soigneusement et l’expose sur une table comme un objet de décoration. Mais son sommeil commence alors à être troublé par ce qui ressemble à des cauchemars – à moins que ce ne soit la réalité ? Toujours est-il que le téléphone se met parfois à sonner au milieu de la nuit. Lorsqu’elle décroche, Natalie n’entend que des bourdonnements inquiétants et des charabias incompréhensibles. De plus en plus perturbée, la jeune femme est bientôt hantée par les visions récurrentes d’un spectre féminin voilée de noir. Déjà pas simple, la situation se complique davantage lorsque son ex-petite amie Sasha (Ali Chappell) refait surface.

Appel manqué

Tout au long de ce film très court (moins d’une heure) au rythme lent et aux dialogues rares, Chris Alexander égrène les visions fantastiques délicieusement étranges, comme cette silhouette noire et macabre qui sort lentement de l’eau en tendant ses mains crispées, aux côtés d’un vieux rafiot abandonné. Les cauchemars récurrents de Natalie, eux, se teintent de filtres bleus et rouges ou d’effets de solarisation déformants. It Knows You’re Alone évoque plusieurs œuvres atypiques chez lesquelles Alexander puisa sans doute une partie de son inspiration, comme Les Démoniaques de Jean Rollin, Ni la mer ni le sable de Fred Burnley ou Carnival of Souls de Herk Harvey. Moyens limités obligent, le film est tourné au format vidéo. Le cinéaste étant un talentueux esthète, il en tire malgré tout parti pour capter de très élégants panoramas en plan large. Hélas, le rendu est souvent moins heureux sur les gros plans au grand angle. Le film souffre aussi du jeu pas toujours très convainquant des deux comédiennes, ainsi que d’une narration évasive qui s’achemine sur une conclusion un peu frustrante. Dans un registre voisin, nous aurions tendance à préférer le Necropolis: Legion que Chris Alexander signa deux ans plus tôt. Dommage, parce que cette histoire de téléphone hanté possédait un potentiel très prometteur.

 

© Gilles Penso

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L’APPRENTI SORCIER (2010)

Nicolas Cage joue les vieux magiciens dans cette improbable relecture du plus fameux des segments de Fantasia

THE SORCERER’S APPRENTICE

 

2010 – USA

 

Réalisé par John Turtlebaub

 

Avec Nicolas Cage, Jay Baruchel, Alfred Molina, Teresa Palmer, Toby Kebbell, Omar Benson Miller, Monica Bellucci, Alice Krige, Robert Capron, Ian McShane

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Tout commence par une idée de Nicolas Cage. Fasciné par les pouvoirs magiques et les univers ésotériques, l’acteur le plus exubérant de sa génération rêve d’incarner un sorcier moderne. À la suite d’une discussion avec le producteur Todd Garner germe alors le projet d’adapter sous forme d’un long-métrage contemporain le célèbre segment musical de Fantasia dans lequel Mickey anime maladroitement des balais pour faire le ménage. Disney valide officiellement le projet en 2007. La réalisation échoit à Jon Turteltaub, déjà complice de Cage sur Benjamin Gates. Pour bien faire comprendre ses origines, le film tient à multiplier les clins d’œil directs à son illustre modèle. Le morceau symphonique de Paul Dukas, « L’Apprenti Sorcier », résonne donc dans une séquence humoristique où le héros tente de nettoyer son laboratoire en animant des balais, avec les mêmes conséquences désastreuses qu’en 1940. Plus loin, une apparition du chapeau de Mickey dans une scène post-générique est destinée aux spectateurs les plus patients. C’est amusant, certes, mais il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que l’élégance et la poésie ne seront pas au programme. Car cet Apprenti sorcier est un blockbuster tapageur qui cumule tous les tics inhérents aux productions Jerry Bruckheimer.

L’histoire démarre en 740 après J.-C., en Angleterre. Merlin l’Enchanteur y transmet son savoir à trois disciples : Balthazar (Nicolas Cage), Horvath (Alfred Molina) et Veronica (Monica Bellucci). Mais Horvath trahit son maître en rejoignant la diabolique Morgane (Alice Krige). Celle-ci tue alors Merlin et tente de lever une armée de morts. Pour l’en empêcher, Veronica se sacrifie et laisse son esprit fusionner avec celui de Morgane. Balthazar les enferme alors dans une poupée gigogne magique en attendant de trouver l’héritier du grand enchanteur. Avant de mourir, Merlin lègue à Balthazar une bague argentée en forme de dragon, destinée au futur élu, celui qui sera « le premier Merlinien ». Et voilà Balthazar parti en quête de ce jeune sorcier pendant des siècles. Jusqu’aux années 2000, où il croise le chemin d’un jeune New-Yorkais nommé Dave Stutler (Jay Baruchel). Lors d’une sortie scolaire, Dave entre dans un étrange magasin d’antiquités, y rencontre Balthazar et, sans le vouloir, libère Horvath de sa prison magique. La bague dragon reconnaît le garçon et s’enroule autour de son doigt. Pas de doute : c’est lui, l’élu.

Allez, du balai !

Dès ses premières minutes, L’Apprenti sorcier expose son principal défaut : une balourdise générale qui contamine l’ensemble du film. Le scénario est archétypal, les dialogues sans finesse, la mise en scène tape à l’œil, la musique envahissante. Nicolas Cage, en imperméable de cuir et cheveux en bataille, cabotine avec un plaisir manifeste, mais son petit numéro nous lasse rapidement. Jay Baruchel, de son côté, est censé permettre aux jeunes spectateurs de s’identifier. Peine perdue, tant il cumule les tics du geek hollywoodien sans y insuffler la moindre originalité. Alors certes, le spectacle est au rendez-vous : une statue de taureau prend vie et charge dans les rues, un dragon géant surgit d’un défilé chinois à Chinatown en crachant des flammes et en détruisant un immeuble avant de mourir dans un brasier purificateur, Balthazar chevauche un aigle métallique en pleine ville… Les scènes d’action s’enchaînent sans perte de rythme. Mais ce tempo infernal ressemble surtout à une volonté d’annihiler les sens des spectateurs pour les enivrer d’effets numériques et les gorger de « sucreries visuelles ». Les clins d’œil à la culture populaire, assénés à grands coups de maillets, n’arrangent rien. Les plus édifiants ? La reprise de la réplique « ce ne sont pas les droïdes que vous cherchez » empruntée à La Guerre des étoiles ou la récupération de la statuette sur le socle façon Les Aventuriers de l’arche perdue. Nous aurions sincèrement aimé que la magie du film fonctionne vraiment, mais il n’y a hélas pas grand-chose à sauver de cet Apprenti sorcier. Reste à revoir Mickey et ses balais dans Fantasia pour se consoler un peu.

 

© Gilles Penso

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THE GINGERWEED MAN (2021)

Le petit monstre absurde né dans la franchise Evil Bong a droit à son propre film et affronte un improbable super-vilain encapuchonné…

THE GINGERWEED MAN

 

2021 – USA

 

Réalisé par Brooks Davis

 

Avec Eli Jane, Roy Abramsohn, Kelly Bunasawa, Kali Cook, Luis Fernadez-Gil, Andrea Fischer, Nihilist Gelo, Ben Jurand, Naiia Lajoie, Alan Maxson, Paige Phillips

 

THEMA PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND

Apparu pour la première fois dans Evil Bong 666, en 2017, et devenu depuis personnage récurrent de la longue « saga » consacrée à la fumette diabolique, le Gingerweed Man est l’archétype des créatures favorites du producteur Charles Band : un petit monstre turbulent et lubrique qui peut surgir d’un film à l’autre et être facilement exploité sous forme de produits dérivés. Après avoir poursuivi ses frasques dans Evil Bong 777, notre cannabis ambulant finit par avoir droit à son propre film, une sorte de spin-off improbable qui ne présente aucun lien direct avec les films précédents. Charles Band cède d’ailleurs le fauteuil du metteur en scène à Brooks Davis, assistant réalisateur d’un bon paquet de films Full Moon qui fait ici son baptême derrière la caméra. Si aucun membre du casting des Evil Bong n’est convoqué, quelques piliers artistiques de la saga reprennent du service, notamment le scénariste Kent Roudebush, le créateur des effets spéciaux Tom Devlin et le directeur de la photographie Howard Wexler. Dès l’entame, le format Cinémascope, la photographie stylisée, la réalisation nerveuse et la musique dynamique de Jojo Draven (sous l’influence manifeste de Richard Band) sont de bon augure. Nous sommes loin de l’esthétique sitcom des Evil Bong.

Tout commence lorsqu’un scientifique exalté (Roy Abramsohn) se lance dans la fabrication d’une étrange petite créature à partir de divers ingrédients – majoritairement de la marijuana – pour le compte d’une obscure multinationale, la FU Tech. Alors qu’il décide de garder son invention pour lui, une chasseuse de prime (Eli Jane) débarque dans le laboratoire, lui tire dessus et réclame le fruit de ses expériences. Blessé, notre homme prend la fuite. Si cette entrée en matière semble déjà partir dans tous les sens, que dire du reste ? Car nous découvrons ensuite la vie quotidienne du Gingerweed Man, qui a monté avec son associée Barbara (Naiia Lajoie) le service de livraison de cannabis le plus réputé de la ville. Malgré les excès du petit bonhomme vert – qui ramène un tas de filles nues chez lui et a tendance à consommer lui-même le matériel qu’il est censé vendre -, la petite affaire marche bien. Mais lors d’une de ses livraisons, « Gingy » tombe nez à nez avec le scientifique du prologue, qui lui confie avant de mourir sa création. Il s’agit de Buddy, une sorte de bébé Gingerweed Man qui ne doit surtout pas tomber entre de mauvaises mains…

Les aventures de l’homme-canabis

Le film regorge de clins d’œil et de gags se référant non seulement aux autres productions Full Moon mais aussi à tout un pan du cinéma fantastique populaire. L’entame nous annonce d’emblée que le programme est présenté en THC 420 (allusion rigolarde au cannabis, parodie du logo THX à l’appui). Plus tard, nous aurons droit à un code numérique à la Matrix qui défile sur un écran, à un ordinateur étiqueté X-CALIBR8 (comme dans Le Maître du jeu), à des extraits de Femalien Cosmic Crush, à un T-shirt Danger Diabolik ou à l’intervention en guest star de la poupée africaine Ooga Booga. De nouveaux personnages improbables viennent se joindre à la fête, comme la reine de Weed Heaven (Paige Phillips) qui surgit d’un bong comme un génie de la lampe, ou un super-vilain encapuchonné (Alan Maxson) qui vend des femmes aux enchères. Tout ce délire masque mal l’intrigue filiforme de ce film finalement très anecdotique, au cours duquel le Gingerweed Man devient un véritable personnage de cartoon pour adultes, se soulageant aux toilettes (avec force flatulences), se prélassant dans un bain moussant, effectuant ses livraisons sur un petit scooter à sa taille, se muant même en émule du loup de Tex Avery lorsqu’une femme se déshabille devant lui. L’animation du personnage reste sommaire, entravée par une incrustation approximative de sa bouche pour les dialogues et par l’usage de fils souvent très visibles pour agiter ses bras. Bon enfant, très court (moins d’une heure), The Gingerweed Man s’achève sur une scène post-générique qui révèle l’identité absurde du grand méchant.

 

© Gilles Penso

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LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ADÈLE BLANC-SEC (2010)

Luc Besson s’empare de l’héroïne créée par Tardi, lui donne le visage de Louise Bourgoin et la fait cohabiter avec des momies et un ptérodactyle…

LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ADÈLE BLANC-SEC

 

2010 – FRANCE

 

Réalisé par Luc Besson

 

Avec Louise Bourgoin, Mathieu Amalric, Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve, Jacky Nercessian, Philippe Nahon, Nicolas Giraud, Laure de Clermont-Tonnerre

 

THEMA DINOSAURES I MOMIES I SAGA LUC BESSON

En 1976, les lecteurs du quotidien Sud-Ouest découvrent une héroïne de bande dessinée pas comme les autres : Adèle Blanc-Sec. Créée par Jacques Tardi et éditée plus tard par Casterman, cette BD mêle allègrement le fantastique, l’humour noir et la critique sociale. Luc Besson découvre cet univers à l’adolescence, lorsqu’un album lui est offert par son père. Mais ce n’est qu’au tournant des années 2000 que le réalisateur envisage une adaptation sur grand écran. Son premier réflexe est de contacter Jacques Tardi. Mais le timing n’est pas bon, puisque l’auteur est déjà lié à un autre projet cinématographique. Quelques années passent, Besson revient à la charge. Entre-temps, le film concurrent a été annulé et Tardi, lassé, ne veut plus rien entendre. Commence alors une longue phase de séduction, au cours de laquelle le réalisateur multiplie les rencontres pour gagner sa confiance. Au bout de six ans, l’auteur finit par céder et accorde carte blanche à Besson. Pour bâtir son scénario, ce dernier puise dans deux des quatre premiers albums de la série : Adèle et la Bête (1976) et Momies en folie (1978). Avec un budget conséquent de trente millions d’euros, Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec devient l’un des projets phares de Besson, qui parvient à convaincre Tardi et sa famille d’y faire une petite apparition sous forme de clin d’œil.

À Paris, à la fin de l’année 1911, l’excentrique professeur Espérandieu (Jacky Nercessian) mène des expériences de télékinésie et de télépathie qui réveillent un œuf de ptérosaure vieux de 135 millions d’années au Muséum national d’histoire naturelle. La créature s’échappe et tue accidentellement un ancien préfet, qui partageait du bon temps dans un fiacre avec une danseuse du Moulin Rouge. Les témoignages d’apparitions du monstre se multiplient et font les choux gras de la presse, provoquant l’inquiétude publique. Le président de la République confie alors l’affaire à la Police nationale, qui échoit à l’inspecteur Albert Caponi (Gilles Lellouche). Dépassé, ce dernier finit par faire appel à un chasseur de fauves réputé, Justin de Saint-Hubert (Jean-Paul Rouve). Pendant ce temps, Adèle Blanc-Sec (Louis Bourgoin), célèbre journaliste et écrivaine de voyage, trouve en Égypte la momie du médecin du pharaon Ramsès II, Patmosis. Elle veut le ramener à la vie grâce à Espérandieu pour qu’il soigne sa sœur Agathe (Laure de Clermont-Tonnerre), plongée dans le coma après un malheureux accident de tennis où une épingle à chapeau s’est plantée dans son front. Mais avant de parvenir à ses fins, Adèle va avoir affaire au ptérodactyle capricieux…

La vie d’Adèle

Il est difficile de ne pas sentir l’influence du Fabuleux destin d’Amélie Poulain dans ces Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec. Non seulement le titre du film y fait écho, mais la voix off du narrateur emprunte un style poétique et malicieux qui s’attarde sur les détails du quotidien et les caprices du destin, comme chez Jean-Pierre Jeunet. Le caractère rétro et romanesque de l’intrigue induit ainsi presque machinalement une imagerie de carte postale sépia inspirée des pérégrinations d’Audrey Tautou. Mais Luc Besson lui-même semble incertain vis-à-vis de cette référence, puisqu’il abandonne le procédé de la voix off en cours de route pour aller chercher d’autres références. La visite du tombeau égyptien, par exemple, paie son tribut à Indiana Jones – et aussi, par ricochet, au final du Cinquième élément. Il faut reconnaître les indiscutables qualités esthétiques du film : un Paris des années 1910 somptueusement reconstitué, des décors et des costumes fidèles aux planches de Tardi, et en prime un très beau ptérodactyle conçu par l’équipe de Buf. La séquence où la bête sort de son œuf et s’envole au milieu des squelettes de mastodontes est un vrai moment de grâce. En revanche, les momies numériques, principalement utilisées comme ressort comique, sont moins convaincantes. Et c’est là que le bât blesse : l’humour du film manque singulièrement de finesse, culminant dans la scène interminable des déguisements successifs d’Adèle pour libérer le professeur. Du coup, le casting prestigieux verse dans la caricature : Gilles Lellouche campe un émule bedonnant de Dupond et Dupont, Jean-Paul Rouve un chasseur pédant, Mathieu Amalric un vilain hideux. Louise Bourgoin elle-même ne semble pas posséder le potentiel comique nécessaire au rôle, campant une héroïne hautaine et antipathique à laquelle il est bien difficile de s’identifier. Sylvie Testud, initialement pressentie, aurait sans doute été plus à son aise sous le chapeau d’Adèle. Disons donc que nous avons affaire là à une demie-réussite. C’est toujours ça de pris…

 

© Gilles Penso

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LE SEIGNEUR DU MONDE PERDU (2005)

Les trublions de The Asylum tentent un mixage entre Le Monde perdu, Lost et King Kong… Le résultat est évidemment catastrophique !

KING OF THE LOST WORLD

 

2005 – USA

 

Réalisé par Leigh Scott

 

Avec Bruce Boxleitner, Jeff Denton, Rhett Giles, Sarah Lieving, Christina Rosenberg, Steve Railsback, Chriss Anglin

 

THEMA SINGES I DINOSAURES I ARAIGNÉES I INSECTES ET INVERTÉBRÉS

Annoncé fièrement comme une nouvelle adaptation du Monde perdu d’Arthur Conan Doyle, King of the Lost World ressemble surtout à un mixage opportuniste de la série Lost et du King Kong de Peter Jackson. Le roman original ne contient évidemment ni catastrophe aérienne ni gorille géant. D’où ce titre original patchwork qui mélange joyeusement les trois influences, fruit du travail des rois du marketing de la compagnie de production The Asylum, dont le mot d’ordre est la copie systématique de tous les grands succès du moment, malgré des budgets ridicules. Le Seigneur du monde perdu débute par le crash d’un avion sur une île tropicale. Les survivants découvrent rapidement que l’endroit grouille de créatures étranges : une araignée géante attaque le groupe, un monstre invisible emporte un des leurs dans les airs et un cadavre de dinosaure git non loin. Les personnages cumulent les clichés caricaturaux sans la moindre retenue : le baroudeur qui n’a pas froid aux yeux et a visité toutes les jungles du monde, le type louche qui ne quitte jamais sa mallette, l’hôtesse de l’air un brin écervelée, la jeune femme entreprenante et courageuse…

Notre petit groupe trouve refuge dans une grotte, où des scorpions géants leur font passer un mauvais quart d’heure. Capturés par des indigènes blancs aux maquillages évasifs (des têtes de mort d’Halloween), ils sont conduits dans un village où se prépare un sacrifice : deux femmes sont droguées, deux hommes attachés. Surgit alors une volée de reptiles volants – qui ont plus des allures de dragons que de ptérodactyles – emportant l’un d’eux. Enfin apparaît le fameux gorille géant, amorçant un combat confus. Car si les ambitions du film semblent sans limites, les images de synthèses sollicitées pour mettre en scène le bestiaire du scénario (conçues à bas prix par la société Image Engine) n’ont aucun réalisme, s’efforçant de dissimuler leurs approximations par le dynamisme du montage, la nervosité de l’animation et l’abus d’effets de flous de mouvement.

Atomic climax

Les scènes incongrues abondent alors, comme la bataille apathique contre une femme indigène dans l’épave de l’avion ou l’escadrille de chasseurs qui surgit soudain et bombarde le gorille géant. Le seul rapport avec le roman, c’est finalement le nom Challenger que porte l’un des personnages. Pour le reste, le pauvre Conan Doyle ne méritait pas tant d’outrages. Au cours d’un climax parfaitement absurde, les explorateurs font carrément sauter une bombe atomique dans la carcasse d’avion qu’empoignait le gorille, en plein combat contre les reptiles volants. Après l’explosion gigantesque qui s’ensuit, inspirée manifestement de celle du déjà gratiné Roi Dinosaure de Bert I. Gordon, les trois survivants s’auto-congratulent joyeusement. Bref, c’est du grand n’importe quoi. Les acteurs jouent comme des savates, il n’y a pas de rythme, les effets spéciaux sont aux fraises, l’histoire n’a ni queue ni tête… Encore un mockbuster parfaitement dispensable signé The Asylum.

 

© Gilles Penso

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THE POUGHKEEPSIE TAPES (2007)

Dans ce faux documentaire perturbant, des agents du FBI exhument les centaines de cassettes vidéo enregistrées par un tueur psychopathe…

THE POUGHKEEPSIE TAPES

 

2007 – USA

 

Réalisé par John Erick Dowdle

 

Avec Stacy Chbosky, Ben Messmer, Samantha Robson, Ivar Brogger, Lou George, Amy Lyndon, Michael Lawson, Ron Harper, Kim Kenny, Iris Bahr, Linda Bisesti

 

THEMA TUEURS

Nous sommes en 2007, époque où le « found footage » est en train d’atteindre les sommets de sa popularité. Après quelques longs-métrages pionniers en la matière tels que Cannibal Holocaust, C’est arrivé près de chez vous ou Le Projet Blair Witch, trois œuvres déterminantes vont asseoir le genre et en faire le nouveau chouchou des producteurs (ça ne coûte pas cher et ça peut rapporter gros) : Diary of the Dead, [Rec] et Paranormal Activity. C’est exactement à la même période que John Erick Dowdle tourne The Poughkeepsie Tapes, preuve que tous ces films n’ont pas eu le temps matériel de s’influencer les uns les autres et que les bonnes idées flottent souvent dans les airs en même temps. Co-écrit par John Erick Dowdle et son frère Drew, The Poughkeepsie Tapes part d’une idée plutôt triviale. « Nous cherchions un moyen de réaliser un film à petit budget qui donne l’impression d’avoir coûté plus cher », explique simplement le réalisateur. « Nous pensions que l’idéal serait de faire quelque chose qui combine des aspects vidéo et cinématographiques. Alors que nous étions en train de réfléchir, j’ai dit : “Et si on faisait un faux documentaire sur les vidéos amateurs d’un tueur en série ?” Et Drew a répondu : “On y va !” Avant ce film, nous étions plutôt dans l’humour, et nous ne savions pas vraiment si nous serions à l’aise avec l’horreur. Mais Drew m’a dit : “Laisse tout tomber, écris le scénario et je m’occupe de réunir les fonds.” Six mois plus tard, le film était entièrement tourné. » (1)

Réalisé pour un budget modeste de 450 000 dollars, The Poughkeepsie Tapes prend donc les allures d’un documentaire entremêlant les témoignages d’enquêteurs, de témoins, de proches des victimes, de juristes, de fausses actualités d’époque, de reconstitutions, d’infographies, d’images d’archive et bien sûr d’extraits de ces fameuses cassettes VHS au contenu perturbant. Le postulat du film est le suivant : en faisant une descente dans une maison de Poughkeepsie, dans l’État de New York, des policiers découvrent plus de 800 cassettes vidéo réalisées par un tueur en série insaisissable connu sous le surnom du « Boucher de Walter Street ». Ces films amateur détaillent tous ses méfaits : meurtres, tortures psychologiques et physiques, mutilations… Malgré l’importance des preuves, le psychopathe prend soin de ne jamais apparaître à l’image sans être complètement déguisé, ce qui conduit la police et les forces de l’ordre à ouvrir une enquête sur sa localisation et celle de ses victimes. Du côté des psychologues, on se perd en conjectures, car cet assassin ne correspond à aucun profil, ou plutôt semble cumuler des centaines de caractéristiques psychologiques contradictoires. Qui est-il ? Comment le retrouver ? Et surtout, combien de cadavres va-t-il encore laisser dans son sanglant sillage ?

« True Crime »

Le scénario est malin, parce que The Poughkeepsie Tapes ne se contente pas d’aligner les images vidéo tremblantes au cours desquelles le tueur, en vue subjective, fait subir maints outrages à ses proies. Certes, ces éléments restent le cœur du film et constituent sans conteste ses passages les plus marquants, notamment les tourments d’une jeune femme qui est littéralement réduite en esclavage. Mais pour éviter que l’exercice devienne répétitif, Dowdle transforme son intrigue en véritable enquête policière riche en rebondissements et en surprises. Dans le rôle de Cheryl Dempsey, la victime sur laquelle s’attarde plus particulièrement le récit, Stacy Chbosky, la femme du réalisateur, est bouleversante et porte une grande partie de l’impact du film sur ses épaules, notamment lors du final redoutablement nihiliste. The Poughkeepsie Tapes doit sa réputation trouble autant à son contenu dérangeant qu’aux errements de son exploitation. Présenté avec succès au Tribeca Film Festival en 2007 comme une pure fiction, le film est ensuite projeté au Butt-Numb-A-Thon, cette fois vendu au public comme un véritable documentaire. Les spectateurs, conscients d’être manipulés, rejettent violemment la séance. MGM, qui avait acquis les droits de distribution, se retrouve avec un film déjà difficile à vendre et désormais encombré d’une mauvaise presse. Le studio retire donc le titre de son calendrier de sortie. Son exploitation vidéo est elle-même longtemps différée, mais un parfum d’interdit finit par assurer au film une seconde vie underground auprès des amateurs d’horreur réaliste. Après cette œuvre choc, tout le monde guettait les prochaines réalisations de John Erick Dowdle, mais il faut croire que c’était l’homme d’un film. Non pas que sa carrière se soit arrêtée là, mais on ne peut pas dire que l’embarrassant En Quarantaine ou l’anecdotique Devil soient à la hauteur des espoirs que nous placions sur lui. Il enchaînera avec Catacombes, No Escape et la série TV Joe Pickett.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur BlueCat Screenplay en janvier 2010

 

© Gilles Penso

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GIANTESS ATTACK VS. MECHA FEMBOT (2019)

Deux femmes géantes affrontent un gigantesque robot féminin piloté par une extra-terrestre maléfique… Tout un programme !

GIANTESS ATTACK VS. MECHA FEMBOT

 

2019 – USA

 

Réalisé par Jeff Leroy

 

Avec Tasha Tacosa, Rachel Riley, Christine Nguyen, Vlada Fox, Jed Rowen, John Karyus, Chelsea Bellas, Kali Cook, Ben Stobber, Malorie Mackey, Alexandra Marie

 

THEMA NAINS ET GÉANTS I ROBOTS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

Pour les amateurs de cinéma bis, de science-fiction délurée, de pastiches en série et de pin-up en petites tenues, Giantess Attack s’était révélé savoureux, malgré son budget ridicule et ses effets spéciaux particulièrement maladroits. Financé partiellement grâce à une campagne participative et distribué par Full Moon, la très prolifique compagnie de Charles Band, Giantess Attack appelait une suite. La voici donc, orchestrée par le même Jeff Leroy qui officie toujours comme producteur, scénariste et réalisateur. Le film précédent avait laissé Hollywood en bien piteux état, la ville ayant été saccagé sans retenue par Diedre (Tasha Tacosa) et Frida (Rachel Riley), deux actrices turbulentes transformées en titans suite à l’intervention de deux jumelles extra-terrestres venues de la planète Metaluna (jouées toutes deux par Christine Nguyen). Après un générique survolté, qui résume les événements survenus antérieurement sur le tempo de l’improbable chanson « Go Go Giantess Attack ! », nous retrouvons nos héroïnes ramenées à des proportions plus raisonnables. Alors que Diedre s’est réfugiée dans la « Forteresse de la Culpabilité Incommensurable » pour expier ses péchés, Frida, elle, arpente les montagnes en rêvant de reprendre du service…

Survivante du premier Giantess Attack, l’une des Métaluniennes (toujours incarnée par Christine Nguyen) oublie toutes les belles intentions que nous lui connaissions (à savoir protéger la Terre contre une menace extra-terrestre) et décide au contraire de conquérir le monde. Pour y parvenir, elle kidnappe le docteur Drew (John Karyus) un scientifique spécialisé dans la robotique, le miniaturise et lui ordonne de construire une femme-robot grande comme Godzilla afin d’aller semer la panique parmi la population. Alors que la « Mecha Fembot » (Vlada Fox) commence à perpétrer ses méfaits dans les rues de Los Angeles, Frida décide de s’interposer et parvient à redevenir gigantesque. Mais parviendra-t-elle seule à lutter contre cette menace colossale ? Comment persuader Diedre de se joindre à elle ?

La folie des grandeurs

Bien sûr, l’effet de surprise s’est émoussé, d’autant que Leroy met la pédale douce sur les fausses pubs et les flashs d’infos qui ponctuaient le premier volet. Nous avons certes droit à une introduction parodique laissant imaginer que nous regardons l’épisode d’une série télévisée diffusée sur la chaîne « Sci-Fly Channel », ainsi qu’à un gag récurrent lié à un spot publicitaire pour une campagne de dons destinés à des chats blessés, mais c’est un peu léger. Tout comme ce clin d’œil à Invasion Los Angeles (la bagarre au cours de laquelle Frida veut forcer Dierdre à mettre des lunettes) et ces silhouettes de Superman et Iron Man disséminées dans le décor. Le spectateur se rattrape donc avec les nombreux combats joyeusement destructeurs, au cours desquels se déploie une large gamme de maquettes (véhicules, bâtiments, mobilier urbain) destinés à finir en bouillie, comme dans un Godzilla des années 70 ou dans un épisode d’Ultraman. Comme toujours, des prises de vues très suggestives au grand-angle s’attardent sur l’anatomie des belligérantes, tandis que Leroy décline le gigantisme féminin sous toutes ses formes. Car au-delà de nos combattantes émules de King Kong et du savant ramené à la taille d’une souris, nous avons droit à plusieurs séquences d’une gratuité parfaitement assumée, comme le cauchemar du général se promenant sur le corps d’une femme grande comme un building, ou l’agent artistique transformé en émule de L’Homme qui rétrécit face à deux actrices qui se lancent dans un crêpage de chignon musclé. Après un épilogue délirant situé sur la Lune – avec une version féminine de Nick Fury et une écrevisse géante ! -, le générique nous annonce un troisième épisode : Giantess Attack in Space.

 

© Gilles Penso

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LA DAME ROUGE TUA SEPT FOIS (1972)

Une mystérieuse tueuse vêtue de rouge commet une série d’assassinats selon le rituel maléfique d’une légende ancestrale…

LA DAMA ROSSA UCCIDE SETTE VOLTE

 

1972 – ITALIE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Emilio Miraglia

 

Avec Barbara Bouchet, Ugo Pagliai, Marina Malfatti, Marino Masé, Pia Giancaro, Sybil Dannong, Nino Korda, Fabrizio Moresco, Rudolf Schündler, Carla Mancini

 

THEMA TUEURS

La Dame rouge tua sept fois est le second giallo consécutif réalisé par Emilio Miraglia, dans la foulée de L’Appel de la chair. Plusieurs points communs relient ces deux œuvres tourmentées, à commencer par le prénom d’Evelyn, donné aux personnages féminins centraux. Tourné principalement à Würzburg et Weikersheim, en Allemagne, La Dame rouge tua sept fois est une coproduction italo-germanique. Le film ne connaîtra pourtant aucune sortie en salle outre-Rhin. Il faudra attendre la fin des années 1980 pour le voir émerger, directement en vidéo, sur le marché allemand. Le prologue et le générique du film nous décrivent les disputes incessantes de deux petites filles en rivalité permanente. La blonde Kathy et la brune Evelyne sont en effet des sœurs que tout oppose. Face à l’un de leurs sempiternels crêpages de chignon, leur grand-père les interrompt pour leur raconter l’ancienne légende qui hante le château bavarois familial, selon laquelle la dynastie Wildenbrück serait maudite depuis de nombreuses générations. En effet, tous les cent ans, une habitante du château serait possédée par celle que l’on nomme « la Dame rouge », et se verrait contrainte d’assassiner sept personnes pour prolonger la malédiction. Or sa dernière victime est censée être « la Dame noire », c’est-à-dire la propre sœur de la tueuse.

Passée cette entrée en matière, nous voici en 1972. Désormais adulte, Kathy Wildenbrück (Barbara Bouchet, la Monneypenny de Casino Royale) est devenue photographe de mode dans la prestigieuse agence Springe. Sa sœur Evelyne, elle, n’a plus donné aucun signe de vie depuis son exil aux Etats-Unis. Après que leur grand-père ait été retrouvé mort dans son château et que les termes de l’héritage aient été énoncés, la situation dégénère. Les proches de Kathy sont en effets assassinés les uns après les autres sous les coups de poignard d’une étrange silhouette vêtue de rouge. Quelques témoins ayant aperçu le meurtrier érigent un portrait-robot, ressemblant de façon troublante à Évelyne. Mais selon Kathy, qui semble cacher un lourd secret, c’est parfaitement impossible. La malédiction de « la Dame rouge » serait-elle en train de prendre corps ?

Une œuvre somme

Le scénario tortueux de Fabio Pittoru et Emilio Miraglia s’amuse à entremêler deux motifs récurrents du giallo et du cinéma d’épouvante gothique. Le premier est le testament qui provoque cupidité et jalousie. Le second est la légende ancestrale qui menace de ressurgir à l’époque contemporaine. A ces figures classiques se greffent d’autres sous-intrigues qui resserrent l’étau sur nos protagonistes et rallongent la liste des suspects, notamment le mystère lié à la disparition d’Evelyne et les histoires intimes au sein de l’agence Springe. L’appât du gain, le chantage, les manigances, les convoitises, la luxure, tout cet imbroglio complexe – auquel s’ajoutent un meurtre caché et un trafic de drogue – permet de laisser planer le doute sur la véritable nature de la meurtrière. S’agit-il d’un fantôme vengeur ou d’une tueuse beaucoup plus triviale ? Si le cadre de la haute couture évoque bien sûr Six femmes pour l’assassin – auquel La Dame rouge tua sept fois se réfère directement en laissant le meurtrier se cacher derrière un buisson pour guetter ses victimes -, Miraglia ne cherche pas nécessairement à marcher sur les traces de Mario Bava pour développer sa propre esthétique. Les prises de vues inventives (la caméra qui se faufile dans les interstices d’une sculpture pour révéler un lit et son occupant) et les scènes de cauchemar baroques (Barbara Bouchet enchaînée et poignardée par le spectre translucide de la dame en rouge) nous emmènent ailleurs, portés par la très belle bande originale de Bruno Nicolaï. Comme s’il était conscient de livrer une œuvre somme – qui servira d’inspiration directe à plusieurs films de Dario Argento -, le réalisateur interrompra sa carrière juste après ce film.

 

© Gilles Penso

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FEMALIEN : COSMIC CRUSH (2020)

Des extra-terrestres partent en mission pour étudier les effets d’une forme de vie tentaculaire qui réveille la libido de ceux qui l’approchent…

FEMALIEN : COSMIC CRUSH

 

2020 – USA

 

Réalisé par Lindsey Schmitz

 

Avec Kira Noir, Jillian Janson, Lilly Fairfield, Paris White, Tyler Borresch, Rachel Grubb, Lexy Marie, Denise Milfort, Luke A. Schmitz, Megg Bel

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA FEMALIEN I CHARLES BAND

Au milieu des années 90, le producteur Charles Band tente de surfer sur la vogue des films érotiques qui cartonnent dans les vidéoclubs, tout en conservant son attachement à l’horreur et à la science-fiction. Ainsi naît le label éphémère « Surrender Cinema », destiné à alimenter les rayonnages de séries B dont les postulats fantastiques sont des prétextes pour déshabiller ses actrices girondes et les exhiber dans toutes les positions possibles et imaginables. Femalien, l’un des premiers opus de cette collection, connaît un modeste succès en 1996, suffisant en tout cas pour motiver la mise en chantier d’une suite deux ans plus tard. Cette petite « saga » à base d’extra-terrestres voluptueuses et dénudées aurait pu s’arrêter là. Mais à l’aube des années 2020, Band décide de revisiter plusieurs de ses anciens films sous des formes nouvelles en créant la série « Deadly Ten ». Ainsi, après les petits monstres Weedjies ! (qui déclinent l’imagerie de Ghoulies) et la sorcière sanglante de Necropolis : Legion (remake libre du premier Necropolis), la franchise Femalien renaît de ses cendres avec Femalien : Cosmic Crush, dont la mise en scène est confiée à Lindsey Schmitz. Familier des productions Full Moon, celui-ci fut assistant caméraman sur Evil Bong High-5, Killjoy’s Psycho Circus, Evil Bong 666, Puppet Master : Axis Termination, Evil Bong 777 et Weedjies !.

Les premières minutes du film nous permettent d’apprécier que les ambitions artistiques ont bien évolué depuis les deux premiers Femalien, malgré un budget toujours aussi famélique. Nous faisons d’abord connaissance avec un équipage spatial constitué du professeur Quenthosz (Denise Milfort), de la pilote Pim (Paris White) et d’un jeune couple d’étudiants à la sexualité débridée (Jillian Janson et Tyler Borresch). Notre quatuor atterrit sur une planète inconnue et y découvre un temple antique dans lequel sévit une créature tentaculaire ancienne, le Thanarian Pleasure Pod (variante olé olé du Cthulhu de Lovecraft en quelque sorte). Dès qu’elle frôle un des appendices de la bête, la scientifique se met dans tous ses états, se déshabille et se laisse posséder. Ce méga-parasite, qui draine peu à peu l’essence vitale de ses victimes consentantes, pénètre ensuite dans le vaisseau et s’en prend à Pim. De l’autre côté de l’univers, le Haut Conseil du peuple Alterian, des entités extra-terrestres spécialisées dans les voyages stellaires et capable de se téléporter d’un endroit à l’autre, envoie deux de ses « collectrices » enquêter sur cette étrange affaire : Maxy Prime (Kira Noir) et Gab-E J’nx (Lilly Fairfield). Parviendront-elles à faire cesser les agissements de la créature ou succomberont-elles à son étreinte ?

Les tentacules t’acculent

Certes, les maquettes sollicitées pour montrer les vaisseaux spatiaux, les décors miniatures censés représenter les planètes et les images de synthèse spatiales manquent singulièrement de réalisme, mais la touche « rétro pop » qu’ils apportent au film reste très appréciable. Tout comme les maquillages spéciaux de Ryan Schaddelee (superviseur des effets de I Am Not a Serial Killer). Celui-ci soigne son travail du mieux qu’il peut, concoctant le fameux monstre tentaculaire qui affole les sens de tout le casting mais aussi le look félin de Gab-E J’nx (dont le joli minois s’affuble d’yeux luisants, d’oreilles pointues et de dents acérées) et celui – plutôt impressionnant – de l’homme-pieuvre Hugh Mungous. Le casting – quasi-exclusivement féminin à l’exception du fadasse Tyler Borresch – ne démérite pas, s’efforçant de jouer avec le plus de conviction possible. Le scénario lui-même se tient bien mieux que dans les Femalien précédents, qui se contentaient d’un récit filiforme pour enchaîner un maximum de scènes de sexe. Ici, on sent une tentative de raconter quelque chose d’un peu plus consistant, même si l’objectif final reste toujours le même : déshabiller toutes les actrices pour les montrer faire des galipettes. Le film existe d’ailleurs dans deux versions : le montage « sage » de 82 minutes, qui amorce les scènes de sexe et de déshabillage sans aller jusqu’au bout, et le « director’s cut » de 99 minutes qui se montre forcément moins frileux.

 

© Gilles Penso

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CONJURING : L’HEURE DU JUGEMENT (2025)

Annoncé comme la dernière enquête des époux Warren, ce quatrième volet laisse entrevoir la possibilité d’une évolution de la franchise…

CONJURING LAST RITES

 

2025 – USA

 

Réalisé par Michael Chaves

 

Avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Mia Tomlinson, Ben Hardy, Elliot Cowan, Beau Gadsdon, John Brotherton, Steve Coulter, Madison Lawlor, Orion Smith, Kate Fahy

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I FANTÔMES I SAGA CONJURING

Quatrième incursion dans l’univers bâti autour d’Ed et Lorraine Warren et neuvième opus de la saga Conjuring, Conjuring : l’heure du jugement affiche clairement une volonté de clore un cycle, tout en laissant entrevoir d’autres possibles prolongements. Dans une industrie où les franchises d’horreur finissent souvent par s’étouffer sous leurs propres artifices, l’annonce d’une « dernière enquête » pour le couple vedette ne pouvait qu’attiser la curiosité. Dès l’ouverture, le récit met en avant une idée centrale : l’usure des Warren, qui ne sont plus seulement des enquêteurs confrontés aux forces occultes mais aussi un couple vieilli, entouré de leur fille Judy et de son fiancé Tony. Cet angle familial change la dynamique habituelle. Là où les épisodes précédents plaçaient le duo au cœur du dispositif, L’Heure du jugement fait entrer Judy dans la lumière. Longtemps réduite à une silhouette périphérique, la jeune femme devient ici un personnage moteur. Ce choix scénaristique permet d’aborder la thématique de passation, comme si la saga testait sa capacité à survivre sans ses figures tutélaires. Le script s’inspire de ce que les journaux américains des années 1980 appelèrent « la hantise des Smurl ». Pendant plus d’une décennie, une famille de Pennsylvanie affirma avoir été harcelée par une entité démoniaque. L’affaire attira les prêtres, les psychologues et les démonologues de tous poils.

Conjuring : l’heure du jugement reprend ces éléments réels mais les reconfigure pour en faire une ultime épreuve familiale. Le surnaturel est donc traité à la fois comme une menace extérieure et comme un révélateur de fragilités intimes. C’est là l’un des paris les plus intéressants de ce quatrième opus, qui tente de conjuguer la mécanique du film de possession avec un drame domestique. Sur le plan esthétique, Michael Chaves reste fidèle aux codes qui ont fait le succès de la saga en continuant – comme il le fit dans l’épisode précédent – d’emboîter les pas de James Wan. Mais c’est moins dans les effets de terreur « classiques » ou attendus – les figures fantomatiques et grimaçantes qui surgissent çà et là pour faire sursauter les spectateurs – qu’il fait mouche que lorsqu’il laisse le hors-champ faire son travail. Quand la fille Warren (Mia Tomlinson), seule dans une cabine d’essayage tapissée de miroirs, se perd dans un labyrinthe de reflets et se retrouve piégée dans une sorte de cauchemar mental (une séquence qui semble payer son tribut à Mario Bava et Dario Argento), ou quand le père Gordon (Steve Coulter) perd pied dans un décor pourtant ordinaire qui semble suinter de menaces diaboliques impalpables, Michael Chaves marque des points parce qu’il titille les peurs primaires sans en faire des tonnes. Même chose dans cette scène de décorticage d’un enregistrement vidéo qui, certes, dure beaucoup trop longtemps, mais sait éveiller nos sens en évoquant les investigations du Blow Out de Brian de Palma. Ce sont ces moments suspendus qui rappellent la force originelle du premier Conjuring.

Transition générationnelle

Le casting, lui, confirme sa solidité. Patrick Wilson et Vera Farmiga incarnent encore une fois un couple crédible et solide, sans perdre une once de leur charisme. Wilson impose une présence plus fragile, marquée par les années et par un cœur malade, tandis que Farmiga poursuit son travail d’identification avec la véritable Lorraine Warren, jusque dans les détails vestimentaires. Face à eux, Mia Tomlinson apporte un mélange de fraîcheur et de gravité qui donne au personnage de Judy une dimension nouvelle, bien éloignée du rôle secondaire qu’elle tenait auparavant (sous les traits des actrices Sterling Jerins dans Conjuring et Conjuring 2 et Grace McKenna dans Annabelle : la maison du mal). À ses côtés, le petit-ami campé par Ben Hardy complète efficacement le duo, même si son personnage reste plus fonctionnel. La vraie question posée par L’Heure du Jugement est celle de l’avenir. Le film est présenté comme la conclusion des aventures des Warren, mais il prépare aussi, en filigrane, une possible continuité. On peut y voir une tentative de prolonger la franchise sans trahir son ADN, en opérant une transition générationnelle. Il s’agit donc moins de fermer la porte que de tester la résistance de l’univers à de nouveaux visages.

 

© Benjamin Braddock

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