

Cette épopée flamboyante et féerique, conçue en pleine seconde guerre mondiale, fascine toujours autant par son inventivité et ses folies visuelles…
MÜNCHHAUSEN
1943 – ALLEMAGNE
Réalisé par Josef von Báky
Avec Hans Albers, Wilhelm Bendow, Michael Bohnen, Hans Brausewetter, Marina von Ditmar, Andrews Engelmann, Käthe Haack, Brigitte Horney, Waldemar Leitgeb
THEMA CONTES
Les Aventures fantastiques du Baron Münchhausen reste l’un des exemples les plus spectaculaires du cinéma de fantaisie produit en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais c’est aussi une œuvre profondément paradoxale qu’il n’est pas simple d’extraire de son contexte historique. S’inspirant des récits légendaires de Karl Friedrich Hieronymus von Münchhausen – officier et aventurier du XVIIIᵉ siècle connu pour s’être attribué des exploits invraisemblables – le film a été commandité à l’initiative de Joseph Goebbels dans le cadre de la commémoration du vingt-cinquième anniversaire de la UFA et pour remonter le moral des troupes. Or cette épopée fantastique s’affranchit de tout message politique, optant pour un divertissement féerique d’une inventivité technique impressionnante. Le récit commence au XXᵉ siècle, lors d’un bal donné par le Baron von Münchhausen dans son château de Bodenwerder. Il y reçoit un jeune couple curieux de connaître l’histoire de son illustre ancêtre. À travers les souvenirs du baron, le spectateur est entraîné dans une succession de péripéties délirantes. Nous y découvrons la séduction de Catherine II de Russie, la rencontre avec le magicien Cagliostro et l’acquisition de la jeunesse éternelle ainsi que d’un anneau d’invisibilité, mais aussi la traversée d’un champ de bataille sur un boulet de canon, l’emprisonnement dans les geôles d’un sultan turc, les affrontements avec les sbires du doge en plein Venise, ainsi qu’un spectaculaire périple lunaire où des Sélénites sont capables de détacher leur tête du reste du corps.


À ces exploits déjà hallucinants s’ajoutent des inventions fantastiques et des artefacts farfelus tels qu’un fusil capable de tirer à des kilomètres, un messager ultra-rapide, des objets animés, bref autant d’excentricités propres à accentuer le grain de folie de ce conte excessif. La mise en scène de von Báky s’inspire directement des grandes productions hollywoodiennes des années 1930 et 1940, notamment Le Voleur de Bagdad et les classiques Disney, comme en témoignent les couleurs chatoyantes de l’Agfacolor, les décors monumentaux et les costumes somptueux. La réalisation des innombrables effets spéciaux du film aura nécessité près de dix mois de travail, la préparation des costumes et décors ayant déjà mobilisé cinq mois de préproduction. Mais si le film impressionne par son apparat visuel et la créativité de ses séquences fantastiques, sa construction narrative souffre de certaines longueurs et d’un enchaînement d’épisodes parfois hétérogène, proche d’une succession de sketches. Le rythme dramatique n’atteint pas toujours l’exubérance et la fluidité du modèle hollywoodien qu’est Le Voleur de Bagdad, et l’on ne peut s’empêcher de ressentir par moments une impression de dispersion.
La féerie dans la tourmente
Toutefois, ces réserves sont largement compensées par le charme des trouvailles visuelles et le sens de l’humour qui nimbe l’ensemble du film. Ces métamorphoses, ces duels absurdes, ces situations loufoques (le ballon s’élevant dans le ciel pour atteindre la Lune, les Sélénites aux têtes volantes, le fameux boulet de canon) sont autant de sources d’émerveillement. Nous voici donc en présence d’un chef d’œuvre de virtuosité technique et de fantaisie narrative, un condensé d’extravagance visuelle et de comédie inventive, déployé au fil de deux heures de spectacle flamboyant qui célèbrent l’imaginaire humain et confirment la puissance intemporelle des contes. Seulement voilà : Les Aventures fantastiques du Baron Munchhausen reste un outil de propagande du régime nazi, ou du moins fut-il envisagé dans cette optique. Difficile de faire totalement abstraction de cette information et d’apprécier pleinement le spectacle sans oublier les abominations perpétrées à l’époque par les assassins du troisième reich. C’est sans doute pour cette raison que nous aurions tendance à lui préférer la version réalisée par Terry Gilliam en 1988, qui reprend et amplifie son goût du délire visuel et de la fantaisie burlesque.
© Gilles Penso
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