

Gene Wilder campe un Willy Wonka bizarre, exubérant et insaisissable dans cette féerie multicolore au charme toujours intact…
WILLY WONKA AND THE CHOCOLATE FACTORY
1971 – USA
Réalisé par Mel Stuart
Avec Gene Wilder, Jack Albertson, Peter Ostrum, Roy Kinnear, Julie Dawn Cole, Leonard Stone, Denise Nickerson, Nora Denney, Paris Themmen, Ursula Reit
THEMA CONTES
C’est en discutant avec sa fille de dix ans, enthousiasmée par le livre Charlie et la chocolaterie de Roald Dahl, que le réalisateur Mel Stuart conçoit l’idée d’en tirer un film. David Wolper accepte de prendre en charge la production et sollicite l’écrivain lui-même pour tirer un scénario de son roman. Cette tâche n’étant accomplie que partiellement, c’est finalement David Seltzer qui donne une forme définitive au script, avec l’aide de Robert Kaufman, même si tous deux ne sont pas crédités au générique pour des raisons publicitaires (Seltzer préfère en effet dire à tout le monde que c’est le prestigieux Roald Dahl qui a écrit le film). Mel Stuart envisageant Charlie et la chocolaterie comme une comédie musicale, le compositeur Leslie Bricusse (On ne vit que deux fois, L’Extravagant docteur Doolitle) s’embarque dans l’aventure, en collaboration avec Anthony Newley. Reste à trouver l’interprète de l’exubérant chocolatier Willy Wonka. Une quantité impressionnante de stars se bouscule au portillon pour obtenir ce rôle, de Peter Sellers à Fred Astaire en passant par tous les membres des Monty Pythons. C’est finalement Gene Wilder qui décroche la timbale. « Le rôle lui allait comme un gant, mieux encore qu’une combinaison de plongée au commandant Cousteau », racontera plus tard Mel Stuart. « Gene est arrivé, et j’ai tout de suite réalisé que sa présence, son humour et la lueur dans ses yeux étaient ceux de Wonka. Il avait ce côté sarcastique et démoniaque que nous recherchions. » (1)


Mais Wonka n’apparaît qu’au bout de trois quarts d’heure de film. Nous faisons d’abord la connaissance de Charlie Bucket (Peter Ostrum), un adolescent gentil et travailleur. Sa mère (Diana Sowle), blanchisseuse, arrive à peine à joindre les deux bouts pour subvenir aux besoins de Charlie et de ses quatre grands-parents allongés 24 heures sur 24 dans le même lit. Charlie les adore tous mais a noué un lien très particulier avec son grand-père Joe (Jack Albertson). Tout ce petit monde vivote dans la ville où le mystérieux, solitaire et génial Willy Wonka dirige son impressionnante chocolaterie. Wonka n’a pas été vu depuis des années, car il a fermé son usine au public après que ses concurrents se soient infiltrés chez lui pour voler ses secrets de fabrication. Cependant, Wonka a décidé de rouvrir l’établissement, mais uniquement à cinq enfants qui recevront chacun un approvisionnement à vie en chocolat. Les heureux élus sont ceux qui trouveront l’un des cinq tickets d’or cachés dans les barres chocolatées Wonka. Bien que les chances de Charlie d’obtenir un ticket d’or soient minces, il le désire plus que quiconque, et c’est ce petit rêve qui lui permet de garder le moral…
Candyman
Le portrait de l’enfance que nous dresse le film nous éloigne drastiquement des petits anges chers aux contes familiaux traditionnels. Ici, ils sont gloutons, arrogants, capricieux, pourris-gâtés, accros au chewing-gum ou intoxiqués de télévision. Bref, ils sont le fruit d’une éducation laxiste et d’une société de consommation qui les a mués en véritables petits monstres. Seul Charlie échappe à ce tableau peu reluisant, probablement parce que la pauvreté dans laquelle il grandit ne lui laisse guère le loisir de développer les travers de ceux qui s’apprêtent à devenir ses compagnons de visite de la mystérieuse chocolaterie. La première partie du film prend la tournure d’une désopilante satire de la société de l’époque. On se délecte notamment de cette série de saynètes absurdes tournant autour de la « Wonkamania », finalement très proches de l’humour grinçants des nouvelles « pour adultes » de Roadl Dahl. Sous la défroque de Willy Wonka, Gene Wilder est effectivement parfait. Se livrant à un exercice de funambulisme singulier à mi-chemin entre le paternalisme affectueux et la folie inquiétante, il se fend de répliques volontairement nébuleuses, telles que « Ne doutez jamais de ce qui est douteux » ou « Les absurdités font parfois la joie des sages ». Cerise sur le gâteau, les petits intermèdes musicaux des Oumpas Loumpas cachent derrière leurs mélodies légères et leurs chorégraphies primesautières une salve acerbe contre la permissivité excessive de certains parents face à leur progéniture. Sis dans de magnifiques décors multicolores où évoluent des véhicules improbables (le Wonka-boat, la Wonkamobile, le Wonkascenseur), Charlie et la chocolaterie est un classique intemporel, dont Tim Burton tirera un remake réussi en 2005.
(1) Extrait d’une interview réalisée pour AMC en 2008
© Gilles Penso
À découvrir dans le même genre…
Partagez cet article

























































