SPRING (2014)

Après un deuil, un jeune Américain décide de séjourner en Italie et y tombe amoureux d’une femme qui n’est pas ce qu’elle semble être…

SPRING

 

2014 – USA

 

Réalisé par Justin Benson et Aaron Moorhead

 

Avec Lou Taylor Pucci, Nadia Hilker, Francesco Carnelutti, Nick Nevern, Chris Palko, Jonathan Silvestri, Jeremy Gardner, Vinny Curran, Holly Hawkins

 

THEMA MUTATIONS

Après le succès critique de Resolution en 2012, Justin Benson et Aaron Moorhead signent avec Spring un second long-métrage radicalement différent en apparence, mais profondément lié à leurs obsessions thématiques, notamment le rapport entre l’humain et l’inconnu et l’incursion des mythes dans le monde quotidien. Tourné sur les côtes ensoleillées du sud de l’Italie, Spring se présente comme une romance mélancolique avant de se muer, lentement, en quelque chose de beaucoup plus insolite. Lorsque le film commence, nous apprenons qu’Evan (Lou Taylor Pucci), jeune Américain à la dérive, vient de perdre sa mère et son emploi. Fuyant la violence de sa vie stagnante, il s’envole sur un coup de tête vers l’Europe et atterrit dans un petit village côtier des Pouilles, Polignano a Mare, où le bleu éclatant de la mer contraste avec le vide intérieur qu’il ressent. Là, il fait la connaissance de Louise (Nadia Hilker), une étudiante en génétique aussi séduisante qu’énigmatique. Leur rencontre, d’abord banale, prend vite des allures de conte sensuel et étrange. Louise se montre tour à tour passionnée et distante, spontanée et fuyante. Derrière son charme, quelque chose cloche.

Benson et Moorhead prennent le temps d’installer leur récit. La première moitié du film fonctionne comme un drame initiatique, porté par le réalisme du jeu des acteurs et par la douceur presque documentaire des images. La caméra suit Evan dans son deuil, ses errances, ses conversations maladroites et ses émerveillements face à l’Italie. Rien, ou presque, ne laisse deviner la tournure que va prendre l’histoire. Ce refus du spectaculaire immédiat inscrit Spring à contre-courant du cinéma fantastique de son époque, préférant la lente maturation émotionnelle à l’effet de surprise. Lorsque l’étrangeté s’immisce enfin, elle le fait avec une élégance dérangeante. Louise se transforme, littéralement. Par crises successives, son corps échappe au contrôle : sa peau se couvre d’écailles, des excroissances surgissent, des tentacules s’agitent dans l’ombre. Ces métamorphoses nous renvoient à la prose de Lovecraft, jusqu’à ce que la jeune femme finisse par révéler sa nature. Il s’agit d’une créature immortelle qui se régénère tous les vingt ans en s’accouplant avec un homme et en absorbant les cellules de l’embryon conçu, donnant naissance à une nouvelle version d’elle-même.

L’amour ou l’immortalité ?

Là où les récits lovecraftiens invoquent souvent des puissances cosmiques indicibles, les deux cinéastes choisissent la voie de l’intime. L’incommensurable se loge dans la chair, dans la peur de mourir. Mais au-delà de son concept vertigineux, Spring est avant tout une histoire d’amour d’une sincérité désarmante. Evan, paumé et vulnérable, retrouve dans sa relation avec Louise une raison d’exister. Face à cette femme qui défie la mort, il choisit la vie. À travers cette relation impossible, Benson et Moorhead interrogent la notion même de passion amoureuse. La dernière partie du film entre dans une dimension presque métaphysique. Alors que Louise doit choisir entre perpétuer son cycle ou mourir, Spring se transforme ainsi en parabole sur le temps et la transformation. Récompensé dans de nombreux festivals (Sitges, Austin, Palm Springs), Spring confirme Benson et Moorhead comme des auteurs à part dans le paysage du fantastique contemporain. La suite de leur filmographie, fascinante, ne fera que confirmer les promesses de leurs deux premiers longs-métrages, d’une audace rare malgré des moyens dérisoires.

 

© Gilles Penso

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LE GARÇON AUX RAYONS X (1999)

Un adolescent hérite d’une paire de lunettes expérimentales et possède désormais une vision aux rayons X…

THE BOY WITH THE X-RAY EYES / X-TREME TEENS

 

1999 – USA

 

Réalisé par Jeff Burr

 

Avec Bryan Neal, Dara Hollingsworth, Dennis Haskins, Eric Jungmann, Dan Zukovic, Andrew Prine, Timothy Bottoms, Julian Swan, Alex Shiglie, Jeff Burr, Dan Fintescu

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS I SAGA CHARLES BAND

Si Le Garçon aux rayons X est une minuscule production aux ambitions modestes et au budget squelettique, l’homme à l’origine de son scénario, Christopher Mollo, est un habitué des blockbusters de très gros calibre, puisqu’il fut notamment assistant de production sur 58 minutes pour vivre, Predator 2, Rocketeer et Waterworld. En œuvrant pour le producteur Charles Band, notre homme se doute qu’il entre dans une toute autre catégorie, et adapte donc son écriture aux moyens à sa disposition. Le réalisateur sollicité pour mettre en boîte le film est Jeff Burr, qui se fit découvrir des amateurs d’horreur avec Leatherface avant de signer une demi-douzaine de séries B pour Band : Puppet Master 4 et 5, La Légende de Johnny Mysto, The Werewolf Reborn et Phantom Town. Des films pas foncièrement mémorables mais plutôt sympathiques. Comme son titre l’indique, Le Garçon aux rayons X est presque un remake « tout public » de L’Horrible cas du docteur X de Roger Corman, dont il reprend le principe et plusieurs idées. Simultanément à son tournage – en 1999 -, Fred Olen Ray réalisait un film au concept et au titre très proche, The Kid with X-Ray Eyes, mais tous deux n’ont aucun lien officiel. Suite à des complications liées à sa distribution, Le Garçon aux rayons X ne sortira d’ailleurs en vidéo sur le marché américain qu’en 2005, soit six ans plus tard, sous un autre titre (X-Treme Teens) cherchant manifestement à surfer sur le succès des X-Men.

Après un prologue énigmatique montrant trois adolescents qui jouent dans les bois puis sont aspirés dans une dimension parallèle, nous faisons connaissance avec Andy (Bryan Neal), un lycéen pas très bien dans ses baskets. Non content de devoir s’adapter à une nouvelle ville suite à un déménagement que lui a imposé sa mère (refrain connu, décliné maintes fois dans les productions pour enfants et ados de Charles Band), il s’entend fort mal avec son beau-père John (Timothy Bottoms), un homme pourtant bien intentionné mais avec lequel il refuse de se lier. Lorsque John organise une sortie scolaire dans son entreprise Vectrocomp, un centre de recherche spécialisé dans une technologie expérimentale de lunettes à rayons X, la situation bascule. Andy s’aventure en effet dans les zones interdites de la compagnie, avec deux de ses camarades, et y découvre les fameuses lunettes. Après quelques manipulations sur un ordinateur, il parvient à les faire fonctionner parfaitement. Mais il y a un traitre dans l’entreprise qui veut les revendre à une force militaire et qui les glisse discrètement dans le sac d’Andy afin de pouvoir les récupérer plus tard…

« Je vois l’œil de Dieu ! »

L’idée qui sous-tend le film aurait pu nous offrir quelques gags potaches dans l’environnement lycéen du jeune héros. Après tout, quel ado n’a jamais rêvé de pouvoir voir à travers les murs ou les vêtements ? Mais la vision au rayon X prend à l’écran la forme d’un effet de solarisation particulièrement hideux, où les silhouettes sont déformées et les lumières surexposées. Non seulement le rendu est très disgracieux, mais en outre il ôte à l’aventure une grande partie de son potentiel. On sent bien l’envie de jongler de manière originale avec cette idée (les lunettes deviennent invisibles et fusionnent avec Andy, sa nouvelle perception du monde le fait quasiment basculer dans la folie jusqu’à reprendre l’une des répliques de Ray Milland dans L’Horrible cas du docteur X  – « Je vois l’œil de Dieu ! »), mais le scénario semble presque l’oublier en cours de route pour se concentrer sur un complot flou fomenté par des militaires réfugiés dans une base secrète souterraine. Il faut dire que le film n’est guère aidé par les deux ados caricaturaux qui font office d’amis de notre héros. Visiblement conscient des faiblesses du matériau, Jeff Burr essaie de dynamiser l’ensemble comme il peut, utilisant de manière appuyée les prises de vues au fish-eye pour accentuer les moments d’étrangeté, divisant ses écrans pour dynamiser l’action, éclairant les forêts nocturnes brumeuses avec des spots bleutés comme dans les productions Amblin… Ça ne cache pas tout à fait la misère mais l’effort est à souligner. Il n’en demeure pas moins que ce film tourné à la va-vite – et sorti trop tard – est passé totalement inaperçu.

 

© Gilles Penso

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DINOSAUR BABES (1996)

Une horde de monstres préhistoriques en stop-motion affrontent des playmates en peaux de bêtes dans cette série B fauchée mais distrayante…

DINOSAUR BABES

 

1996 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Jeff Cornello, Rick Bureau, Mike Whitehead, Melissa Ann, Kathi Trotter, Iris Lynne Sherman, Kelly Lynn, Christina Morales, Wayne Calahan, Robert Peterson

 

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE I EXTRA-TERRESTRES

Pour Brett Piper, auteur, réalisateur et créateur d’effets spéciaux spécialisé dans les films à tout petit budgets (Mystérieuse planète, Battle for the Lost Planet, Mutant War), Dinosaur Babes ressemblait à un projet de rêve, conçu sur mesure pour lui permettre de rendre hommage à ses idoles Willis O’Brien (King Kong) et Ray Harryhausen (Un million d’années avant JC) tout en surfant sur le succès de Jurassic Park. Mais le rêve s’est rapidement mué en cauchemar. Piper propose d’abord le film à Troma, qui avait déjà distribué son A Nymphoid Barbarian in Dinosaur Hell, mais qui n’a pas le budget nécessaire pour le financer avant son tournage. « J’ai alors trouvé d’autres producteurs, et le film m’a été littéralement volé », raconte Piper. « J’ai écrit le script, j’ai tourné les prises de vues réelles, j’ai réalisé les effets spéciaux et l’animation. Et dès que tous les plans ont été mis en boîte, les producteurs m’ont écarté du projet pour le finir eux-mêmes. Ils ont fait faire un montage qui n’a plus rien à voir avec l’idée initiale. Ils ont placé le dénouement à la place du prologue, c’est bourré de faux raccords et ils ont même conservé des prises ratées dans le montage. Il y a des peintures sur verre dans lesquelles vous voyez des gens qui se reflètent sur la vitre ! C’est la pire chose que j’ai vue de ma vie toute entière. » (1) En voyant le résultat final, les maladresses sautent effectivement aux yeux, mais le film reste très distrayant grâce à la qualité du travail de Piper.

« L’histoire que vous allez découvrir est vraie », nous annonce un carton d’introduction qui ne recule devant rien. « Elle s’appuie sur une série de peintures rupestres découvertes dans le sud de la France, récemment mises à jour par des scientifiques. De crainte des représailles de plusieurs communautés religieuses et scientifiques bien établies, cette histoire a été tenue secrète… jusqu’à aujourd’hui. » Une voix off exagérément grave poursuit le récit dans cette voie pseudo-documentaire absurde, nous apprenant qu’il y a un million d’années, les premiers hommes et les derniers dinosaures coexistèrent brièvement. Ce film est donc fortement déconseillé aux paléontologues férus de rigueur (pré)historique ! Dans cette terre sauvage, une violente tribu de femmes masquées enlève les femelles d’une communauté paisible pour les sacrifier au « roi lézard », autrement dit un grand tyrannosaure. Dès le prologue, nous voyons donc une jeune femme attachée à deux poteaux qui semblent échappés de King Kong, entièrement dévêtue puis livrée à la bête. Trois hommes appartenant à la tribu des captives décident alors de traverser la forêt et de braver mille dangers pour les délivrer…

« D’après une histoire vraie ! »

Les femmes préhistoriques du film étant toutes des pin-ups en maillot de bain, les mâles ressemblant à des beach boys californiens et tout ce beau monde s’exprimant en anglais, on se doute bien qu’il va falloir s’armer de beaucoup d’indulgence pour pouvoir apprécier Dinosaur Babes. D’autant que cette voix off omniprésente n’arrange rien. Mais fort heureusement, les tours de magie de Piper saturent généreusement l’écran. Tour à tour marionnettes animées à la main et figurines en stop-motion, les nombreux dinosaures qui cherchent des noises à nos héros sont de très belles créations, même si les textures et les sculptures manquent un peu de finition. Les scènes audacieuses s’enchaînent alors sans interruption : les hommes préhistoriques qui chassent un brontosaure, la traversée d’une vallée où se dressent de gigantesques statues de dinosaures, le surgissement d’un cératopsien furieux qui détruit tout sur son passage, l’attaque d’un carnotaure… Entre deux scènes d’action, Piper nous offre de très beaux panoramas antédiluviens dignes des peintures de Zdenek Burian, avec des sauropodes qui passent au loin, des ptérosaures qui traversent les cieux, un hadrosaure coincé dans un marécage ou un stégosaure qui s’abreuve. Comme il y a « babes » dans le titre, le film n’est pas non plus avare en scènes de nudité (avec en bonus la scène d’une prisonnière abandonnée aux crocs de mille-pattes aquatiques géants fort peu ragoûtants). Et pour couronner le tout, le scénario intègre un élément de science-fiction qui permet au climax de s’orner d’une fusillade au pistolet laser. Mal monté, affublé d’une musique électronique médiocre, Dinosaur Babes est loin d’être un grand film. Mais si Piper avait pu garder la main, nul doute que le résultat aurait été beaucoup plus cohérent. En l’état, le film s’apprécie tout de même pour ce qu’il est : une série B modeste truffée de grosses bêtes et de jolies filles.

 

© Gilles Penso

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TEEN SORCERY (1999)

Une lycéenne dotée d’une amulette magique tyrannise tous ses camarades, jusqu’à ce qu’une nouvelle venue décide de s’opposer à elle…

TEEN SORCERY

 

1999 – CANADA / ROUMANIE

 

Réalisé par Victoria Muspratt

 

Avec A.J. Cook, Craig Olejnik, Lexa Doig, Aimée Castle, Nadia Litz, Anne Anglin, Ioana Cristecu, Tomi Cristin, Constantin Barbulescu, Lia Brugnar, Silviu Geamanu

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Le film Dangereuse alliance et la série Charmed cartonnent auprès du public adolescent ? Qu’à cela ne tienne : produisons notre propre histoire de lycéennes s’adonnant à la sorcellerie ! Telle fut sans doute la réflexion qui motiva Charles Band lorsqu’il mit en chantier Teen Sorcery. Réalisée par Victoria Muspratt (Inhumanoid, Macon County Jail) et écrite par Alon Kaplan (Timeslingers), cette comédie fantastique s’adresse à une frange du public située exactement entre celui du catalogue Moonbeam (les films pour enfants) et celui de Full Moon (qui vise en priorité les jeunes adultes). Ce sont donc les teenagers que vise Teen Sorcery, comme l’indique sans détour son titre. Charles Band ayant depuis plusieurs années pris ses habitudes en Roumanie, le film est tourné à Bucarest et ses environs, même s’il s’efforce de nous faire croire que l’intrigue se situe en plein Massachussetts. Les fausses maisons américaines construites dans les studios de Castel Films – et utilisées pour une infinité de films Moonbeam – sont naturellement sollicitées, tout comme un grand château médiéval, le temps d’une séquence spécialement conçue pour profiter de la photogénie de ce décor historique.

Tout commence par un cauchemar filmé au fish-eye dans lequel une adolescente essaie de libérer une fille qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, puis croise une vieille sorcière qui se transforme en araignée géante. Lorsqu’elle s’éveille en sursaut, Dawn (A.J. Cook) est dans la voiture de ses parents. Tous trois quittent Los Angeles pour emménager dans la petite ville de Pilgrimtown. Lors de sa première journée dans le lycée local, elle découvre qu’un quatuor de filles fait la loi dans l’établissement, menées par l’arrogante Mercedes (Lexa Doig). Il se trouve que cette dernière possède des pouvoirs magiques, grâce à une amulette qu’elle porte autour du cou. Ces dons surnaturels lui servent principalement à tyranniser les autres élèves (des cafards sur un plateau repas, des habits qui rétrécissent, une grenouille qui se met à parler). Elle les utilise aussi pour que ses devoirs s’écrivent tous seuls. En rencontrant trois camarades un peu laissées pour compte, Flo (Nadia Litz), Franny (Aiméee Castle) et Mary (Ioana Cristecu), Dawn décide d’en faire ses amies, et toutes quatre vont s’unir pour tenter de renverser le pouvoir de Mercedes.

High School Magical

S’il se contente donc à priori d’emprunter prudemment la voie des succès récents qui l’inspirent, Teen Sorcery finit par bifurquer vers des péripéties plus originales à mi-parcours de son récit, se muant même en une sorte de remake de La Belle au bois dormant (avec en guise de prince un lycéen qui s’appelle Michael Charming). Mais tout ça reste très léger, tournant finalement autour d’enjeux anecdotiques, qu’on pourrait résumer à : qui sera la fille la plus populaire du lycée ? La réalisation est propre mais sans éclat, adoptant la mise en forme d’un téléfilm anonyme, et les trucages numériques sollicités pour visualiser les effets de la magie sont extrêmement sommaires : des rayons d’énergie, des téléportations, des métamorphoses et même un dragon cracheur de feu pas beaucoup plus convaincant que celui de Medieval Park. Cela dit, il faut reconnaître que les comédiens tiennent la route, que le rythme reste soutenu et que le scénario a le bon goût de ne jamais se prendre trop au sérieux. D’où une série d’idées amusantes et originales, comme Dawn qui s’entraîne à la magie en modifiant la taille d’un prof lancé dans un discours assommant, ce portail temporel qui ramène provisoirement les personnages dans les années hippies, ou cette séquence étrange tournée entièrement à l’envers – quelque part à mi-chemin entre Twin Peaks et Top Secret.

 

© Gilles Penso

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TROLL 2 (2025)

Un nouveau troll géant vient d’être capturé par une équipe de savants, mais il se libère et déchaîne aussitôt sa folie destructrice…

TROLL 2

 

2025 – NORVÈGE

 

Réalisé par Roar Uthaug

 

Avec Ine Marie Wilmann, Kim Falck, Mads Sjøgård Pettersen, Sara Khorami, Ágota Dunai, Molly Feeley, Karoline Viktoria Sletteng Garvang, Pål Richard Lunderby

 

THEMA CONTES

Pour tous les grands amateurs de kaiju eiga qui furent légitimement frustrés par Godzilla x Kong, la séquelle du déjà très simpliste Godzilla vs. Kong, Roar Uthaug remet les monstres à l’heure avec cette suite de Troll aussi impressionnante que son modèle. Le réalisateur norvégien met même les bouchées doubles puisque – suite oblige – le titan rocailleux du premier film n’est désormais plus seul à faire trembler la terre sous ses pas. En conséquence, le budget semble avoir doublé – même si aucun chiffre officiel n’a été annoncé – pour avoisiner manifestement les 114 millions de couronnes norvégiennes, soit environ 11,2 millions de dollars. Il s’agirait même de la production cinématographique la plus coûteuse jamais mise en chantier dans les pays nordiques. Cela surprend peu lorsqu’on constate l’ambition visuelle du film. Côté scénario, en revanche, il faut bien admettre que Uthaug et son co-auteur Espen Aukan (déjà à l’œuvre sur le premier Troll) ne sont pas allés chercher trop loin. Exilée dans une espèce de cabane austère après les événements du premier film, la scientifique Nora Tidemann (Ine Marie Wilmann) reçoit la visite d’Andreas Isaksen (Kim Falck), qui lui offre une nouvelle occasion d’étudier les trolls. Une opération clandestine a en effet découvert un nouveau spécimen et le maintient sous sédatifs afin d’en tirer tous les enseignements possibles.

L’image de ce géant endormi, debout dans un immense centre de recherche, n’est pas sans rappeler King Kong 2. Mais fort heureusement, les ressemblances avec le calamiteux nanar de John Guillermin s’arrêtent là. Comme on pouvait s’y attendre, le barbu rocailleux de quinze mètres de haut ne reste pas longtemps en hibernation et se libère bientôt avec perte et fracas. La quête vengeresse et destructrice dans laquelle il se lance semble être directement liée à l’histoire de Saint Olaf qui, pour christianiser la Norvège, fit jadis exterminer tous les trolls. Furieux, le monstre gigantesque semble aujourd’hui en vouloir à la civilisation tout entière. Pour le contrer, une seule solution semble possible : trouver un autre troll et le rallier à la cause de l’humanité. Le concept reste donc assez basique, pour ne pas dire tiré par les cheveux, et reprend finalement le même principe que celui du King Kong contre Godzilla original d’Inoshiro Honda : pour vaincre un monstre géant, il en faut un autre.

Maximonstres

Les références visuelles, musicales et scéniques à King Kong, Godzilla et Jurassic Park abondent, Uthaug connaissant ses classiques et assumant sans détour leur influence sur son travail. La bande originale de Johannes Ringen évoque donc tour à tour les travaux d’Akira Ifukube et Max Steiner, les verres tremblent à l’approche des géants, et lorsque l’héroïne caresse le bout du nez du « gentil Troll » pour l’amadouer, on croirait revivre la scène des brachiosaures du classique de Spielberg. Le mugissement de la bête et la musique s’y réfèrent d’ailleurs ouvertement. Les dialogues ne s’interdisent aucune autodérision, notamment lorsqu’un personnage affirme « les suites sont moins bonnes que les originaux » et qu’il s’entend répondre « mais non, tout le monde adore les suites ! ». Dans Troll 2, comme dans son modèle, les images vertigineuses jouant sur les rapports d’échelle abondent, servies par des effets visuels magistraux : Nora minuscule sur un échafaudage aux côtés du Troll endormi, l’attaque de la boîte de nuit, le surgissement du « fils du roi de la montagne » dans la grotte, le premier face à face des deux monstres dans la neige, le climax au pied de la cathédrale… Bien sûr, il faut beaucoup de suspension d’incrédulité pour adhérer à cette histoire invraisemblable qui, à mi-parcours, se laisse aussi influencer par la saga Indiana Jones. Mais si l’on garde l’esprit ouvert et que l’on ne réfrène pas son envie primaire de voir des bestioles hautes comme des buildings se taper dessus, le spectacle vaut le détour. Comme on pouvait s’y attendre, une courte séquence post-générique annonce une suite possible. L’accueil des « Netflixophiles » décidera de l’existence ou non d’un potentiel Troll 3.

 

© Gilles Penso

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DEATHSTALKER 2 (1987)

Dans cette fausse suite parodique de Deathstalker, un intrépide voleur s’associe à une princesse en fuite pour affronter un redoutable sorcier…

DEATHSTALKER 2 : DUEL OF THE TITANS

 

1987 – USA

 

Réalisé par Jim Wynorski

 

Avec John Terlesky, Monique Gabrielle, John Lazar, Toni Naples, Maria Socas, Marcos Woinsky, Dee Booher, Jacques Arndt, Carina Davi, Jim Wynorski

 

THEMA HEROIC FANTASY I SORCELLERIE ET MAGIE I ZOMBIES I SAGA DEATHSTALKER

Alors que Jim Wynorski vient tout juste de terminer Shopping pour le producteur Roger Corman, ce dernier lui propose d’enchaîner avec Deathstalker 2, suite d’un film d’heroic-fantasy bricolé en 1983 dans la foulée de Conan le barbare. Wynorski accepte, même si cela nécessite un déménagement provisoire à Buenos Aires, où Corman a signé un contrat pour la mise en chantier d’un certain nombre de productions locales. Pour ne pas être trop dépaysé, le réalisateur embarque dans l’aventure trois acteurs parmi ses proches amis : John Terlesky (Shopping), Monique Gabrielle (Le Retour de la créature du lagon) et Toni Naples (Dinosaur Island). Mais lorsqu’il arrive sur place, Wynorski déchante face au scénario, qu’il trouve d’une banalité désespérante. Il décide donc de tout réécrire avec John Terlesky en adoptant une tonalité comique. Le premier degré inhérent au début de la vogue des films d’épée et de sorcellerie lui semble en effet dépassé. Nous sommes désormais en 1987, à une époque où le genre s’essouffle et ne doit ses derniers soubresauts qu’à une approche moins sérieuse, ce que prouvera la même année Les Barbarians de Ruggero Deodato. La nouvelle histoire se construit comme une variante loufoque autour du New York – Miami de Frank Capra. Très investi, Terlesky réécrit le script tous les soirs avec Wynorski, joue le premier rôle, passe des semaines à répéter les scènes de combat et effectue lui-même la grande majorité de ses cascades.

Le ton parodique est assumé dès l’entame. Ce nouveau Deathstalker campé par Terlesky, qui n’a rien à voir avec le colosse qu’interprétait Rick Hill en 1983, est cette fois-ci beaucoup plus proche d’Indiana Jones que de Conan. Il ne quitte jamais son sourire ravageur, même en plein combat, bondit dans des décors caverneux pour voler des artefacts précieux et imite Harrison Ford lorsqu’il est coursé par une meute de guerriers enturbannés, le tout aux accents d’une musique électro-pop joyeusement anachronique de Chuck Cirino. Nous voici donc face à un anti-héros impertinent, bagarreur et séducteur. Son dernier larcin ayant attiré le courroux de la guerrière Sultana (Toni Naples), il est en fuite. En portant secours à une jeune femme qui se fait appeler Reena la voyante (Monique Gabrielle), il ignore que celle-ci est en réalité une princesse dont le redoutable sorcier escrimeur Jarek (John Lazar) a fabriqué un clone. Pour éviter que ce super-vilain place sur le trône la copie et élimine l’originale, Deathstalker va devoir se lancer dans une aventure particulièrement périlleuse…

Sorciers, zombies, amazones et cannibales

On sent bien que tout le monde s’amuse sur ce film, peu avare en dialogues volontairement outranciers (« D’ordinaire, je ne rechigne pas à voir une femme prendre une bonne raclée si elle l’a mérité ») ou conçus comme des clins d’œil référentiels. On y fait allusion à Conan le barbare, à la célèbre tirade de Goldfinger (« I expect you to die ») ou à une célèbre citation de Mae West (« Est-ce ton épée, ou est-ce que tu es heureux de me voir ? »). John Terlesky et John Lazar sont comme des poissons dans l’eau, l’un en héros sautillant et cynique, l’autre en méchant suave pétri de duplicité. Quant à Monique Gabrielle, elle nous réjouit dans le double rôle de la sauvageonne un peu nunuche et de la princesse capricieuse anthropophage. Ce Deathstalker 2 se révèle donc bien supérieur à son modèle, multipliant les gags absurdes (la présentation des hommes de main du faux borgne, digne de Top Secret) et les idées délirantes : le sorcier qui parle à travers un chaudron bouillonnant, les zombies qui surgissent de la terre pour attaquer nos héros, la princesse qui dévore ses victimes et fabrique un ornement sur sa tête de lit avec leur visage pétrifié, le combat de catch contre la championne des Amazones… Généreux, décomplexé, irrévérencieux, ce second opus est un petit régal pour les amateurs de séries B sans prétention. Deux autres séquelles seront réalisées dans la foulée, respectivement en 1988 et 1991.

 

© Gilles Penso

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LE MIROIR AUX MERVEILLES 2 (1997)

Dans cette deuxième aventure, la maléfique reine Dragora et ses officiers palmipèdes traversent le miroir magique pour pénétrer dans notre monde…

MAGIC IN THE MIRROR : FOWL PLAY

 

1997 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Jamie Renée Smith, Kevin Wixted, Saxon Trainor, David Brooks, Godfrey James, Eileen T’Kaye, Gerrit Graham, Bryan T. Jerrill, Eugen Cristian Motriuc

 

THEMA CONTES I SAGA CHARLES BAND

Le Miroir aux merveilles a toujours été envisagé comme un diptyque. Le premier opus semblait se suffire à lui-même – avec son happy end apaisant la situation et permettant à tous les événements fâcheux de rentrer dans l’ordre – et ce second épisode ne fut distribué qu’un an plus tard, prolongeant les événements de son prédécesseur pour capitaliser une fois de plus sur son concept délirant. Mais en réalité, les deux films ont été tournés simultanément par la même équipe, avec les mêmes acteurs et dans les mêmes décors roumains, sous la houlette du réalisateur Ted Nicolaou, toujours prompt à offrir au public les films les plus aboutis possibles malgré les budgets impossibles imposés par le producteur Charles Band. Cette sortie décalée est donc une stratégie de Band, conçue pour alimenter sans discontinuer les bacs vidéo à destination du jeune public, comme le firent la trilogie Prehysteria ou les deux Les Lutins sauteurs. Mais ce que Band ne prévoit pas à l’époque, c’est la fin de son partenariat juteux avec le studio Paramount, qui distribuait jusqu’alors tous les titres du catalogue Moonbeam (destinés aux enfants) sur le marché vidéo. Le Miroir aux merveilles 2 sera donc le dernier film de la collection à sortir avec le célèbre logo de la montagne étoilée avant son générique.

Le début du Miroir aux merveilles 2 nous emmène sur un terrain familier. Au pays des canards, la reine Dragoa (Eileen T’Kaye) se comporte toujours comme un tyran, continue à boire du thé conçu à partir de pauvres malheureux transformés en sachets d’infusion géants et fomente sa vengeance contre la petite Mary Margaret (Jamie Renée Smith) qui lui a causé tant de tort dans le premier film. Mais comment traverser le miroir qui mène vers le monde des humains ? La solution va venir du professeur Tuttle (Mihai Niculescu), frustré de ne pas être pris au sérieux par ses pairs et bien décidé à utiliser le rayon de son invention, le « doppelganger », pour en mesurer les effets. Or en l’activant, il provoque un phénomène qui permet à Dragora de débarquer de l’autre côté du miroir, accompagnée de son « canard à tout faire » Swanson (Eugen Cristian Motriuc) et du général Dabble (Ion Haiduc). Face à cette crise, la reine Hysop (Saxon Trainor) envoie le maître des miroirs Melilot (Godfrey James) et son assistant maladroit Tansy (Kevin Wixted) dans le monde des humains pour tenter de régler la situation. « Le destin de nos deux mondes dépend de vous » leur dit-elle, histoire de leur mettre un peu la pression…

Couacs en vrac

Les situations comiques de ce second épisode s’appuient autant sur l’intrusion des palmipèdes caquetants dans notre monde (qui se font passer pour des invités d’une soirée costumée) que sur les préparatifs de la réception elle-même, organisée chez les parents de Mary Margaret. Lorsque Bloom (David Brooks), le maître d’hôtel très snob, affirme à la mère : « les enfants ne m’aiment pas », celle-ci rétorque : « Ma fille a affronté des monstres d’une autre dimension, elle saura vous gérer ». Les dialogues co-écrits par Ken Carter et Frank Dietz fusent ainsi avec un joyeux sens de l’absurde et dotent Le Miroir aux merveilles 2 d’une légèreté aussi récréative que celle du premier film. D’autant que l’inversion de la situation – ce ne sont plus les humains qui pénètrent chez les canards mais le contraire – permet de varier les plaisirs et d’éviter les redites. Revers de la médaille : le décor principal du film, la maison de la jeune héroïne et de ses parents, n’offre qu’un nombre limité de possibilités narratives, au sein d’une mécanique de Vaudeville riche en quiproquos mais un peu répétitive à la longue. Fort heureusement, le délire ambiant et le jeu toujours pétillant de la petite Jamie Renée Smith emportent agréablement le morceau.

 

© Gilles Penso

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BUGONIA (2025)

Dans ce remake de Save the Green Planet, deux jeunes paumés kidnappent une femme d’affaire qu’ils croient être une extra-terrestre…

BUGONIA

 

2025 – GB / USA / IRLANDE / CORÉE DU SUD

 

Réalisé par Yorgos Lanthimos

 

Avec Emma Stone, Jesse Plemons, Aidan Delbis, J. Carmen Galindez Barrera, Marc T. Lewis, Vanessa Eng, Cedric Dumornay, Alicia Silverstone, Stavros Halkias

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Bugonia est un remake de Save the Green Planet, que le cinéaste sud-coréen Jang Joon-hwan réalisa en 2003. Cette nouvelle version devait initialement être dirigée par le metteur en scène original. Mais suite à des problèmes de santé, Jang Joon-hwan cède sa place. C’est là qu’entre en scène Yorgos Lanthimos. Sous ses allures austères (un poster hideux, un titre nébuleux), Bugonia est probablement le long-métrage le plus accessible de ce cinéaste dont on ne sait honnêtement trop quoi penser. Entre une posture « auteurisante » parfois prétentieuse, une tendance à se placer au-dessus du genre fantastique pour défendre des sujets sociétaux pas toujours très limpides et des prises de position politiques discutables mais confortables parce que « dans l’air du temps », l’homme divise. Rien n’empêche d’ailleurs de penser qu’il provoque souvent volontairement la controverse. Heureux de ses collaborations successives avec Emma Stone (La Favorite, Vlihi, Pauvres créatures, Kinds of Kindness), le réalisateur la remet ici sous le feu des projecteurs dans un rôle qui nécessite une pleine implication physique, y compris un rasage de crâne en direct, dans la droite lignée de celui de Sigourney Weaver dans Alien 3 ou de Demi Moore dans À armes égales. Le scénario écrit par Will Tracy réorganisant les événements du film coréen, Stone entre dans la peau de Michelle Fuller, puissante présidente de la méga-entreprise pharmaceutique Auxolith.

Adepte de nombreuses théories du complot, marqué par une enfance malheureuse et par la longue maladie de sa mère, le modeste manutentionnaire Teddy Gatz (Jesse Plemons) décide un jour de kidnapper cette femme d’affaires, avec l’aide de son cousin Don (Aidan Delbis), non pas pour réclamer une rançon mais pour lui faire admettre la vérité. Teddy est en effet persuadé que Michelle appartient à une espèce extraterrestre malveillante, les Andromédiens, coupable de décimer les abeilles de la Terre, de détruire les communautés et de réduire les humains à un état de servitude passive. Enfermée dans une cave, elle a quatre jours pour négocier une rencontre avec l’empereur andromédien avant la prochaine éclipse lunaire, qui permettra à son vaisseau-mère d’entrer dans l’atmosphère terrestre sans être détecté. Déstabilisée par de telles élucubrations, la captive se demande s’il faut ou non entrer dans le jeu de ses ravisseurs. C’est donc entre deux eaux que navigue Bugonia, se rattachant à la fois à la comédie presque burlesque, au drame humain sur fond de fracture sociale, au thriller en huis-clos et à la science-fiction. Ce qui aurait pu virer au patchwork bizarre trouve miraculeusement sa propre cohérence, grâce à une dramaturgie claire, des enjeux explicites et une caractérisation solide.

Nous ne sommes pas seuls

Le fossé abyssal qui sépare la prisonnière – businesswoman féroce régnant sur son entreprise comme une reine dans sa tour d’argent – et ses geôliers – deux paumés qui vivotent en se raccrochant désespérément l’un à l’autre – frôlait la caricature. Mais Lanthimos et son scénariste trouvent le juste équilibre, s’efforçant de ne pas juger leurs protagonistes pour laisser chacun exprimer ses propres convictions, aussi invraisemblables soient-elles. Et si les théories délirantes de Teddy prêtent à rire, sa propre logique finit par devenir imparable, comme si la paranoïa se nourrissait d’elle-même en un vertigineux cercle vicieux. Michelle, elle, déploie un arsenal de manœuvres de manipulation et de stratégies psychologiques pour tenter d’échapper à cette folie complotiste, sans tout à fait laisser paraître le fond de sa pensée. Le jeu du chat et de la souris se complexifie par les choix de mise en scène de Lanthimos, qui cadre Emma Stone comme une Jeanne d’Arc expressionniste – le crâne rasé, les yeux écarquillés, le teint blafard – dans une série de plans en plongée aux allures de tableaux religieux, tandis que Teddy conserve une position dominante. Mais qui est le monstre et qui est la victime dans cette joute ? Où la fragilité et la monstruosité se nichent-elles ? L’exercice de style est d’autant plus fascinant que Bugonia tient son concept jusqu’au bout, quitte à désarçonner les spectateurs en opérant des choix radicaux mais parfaitement assumés. Voici sans doute l’une des œuvres les plus intéressantes et les plus abouties de ce cinéaste souvent insaisissable, dressant ici un constat désenchanté mais moins cynique qu’il n’y paraît sur la nature humaine et sur notre place dans l’univers.

 

© Gilles Penso

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OUTPOST EARTH (2019)

Après que la Terre ait été dévastée par une attaque extra-terrestre, les survivants errent au milieu de mutants et de monstres invraisemblables…

OUTPOST EARTH

 

2019 – USA

 

Réalisé par Brett Piper

 

Avec Erin Waterhouse, Titus Himmelberger, Kristen Gylling, Mason Carver, Yolie Canales, Steve Diasparra, James Carolus, Jeff Kirkendall.

 

THEMA FUTUR I EXTRA-TERRESTRES

Les faibles moyens à sa disposition n’ayant jamais réfréné les ambitions de Brett Piper (réalisateur, scénariste, producteur et créateur des effets spéciaux de la grande majorité de ses films), ce dernier décide de faire démarrer Outpost Earth comme une sorte de remake décomplexé d’Independence Day, au cours duquel des nuées de vaisseaux extra-terrestres saccagent toutes les cités de notre planète. L’intrigue se situe donc dans un monde post-apocalyptique qui nous ramène à l’époque de Battle for the Lost Planet, l’un de ses premiers longs-métrages. Une poignée de survivants erre sur cette terre dévastée, s’efforçant d’échapper aux « goons », surnom qu’ils ont donné aux aliens pilotant des vaisseaux dont le look rétro évoque l’imagerie de Flash Gordon et Buck Rogers. Impitoyables chasseurs, les envahisseurs lancent à l’assaut des derniers rescapés des molosses carnassiers, qu’ils contrôlent grâce à un collier commandé à distance, et des « clickets », autrement dit des espèces d’insectes-crustacés géants dont la gueule crochue est ornée de cornes. Ces créatures sont toutes animées en stop-motion, dans l’esprit de celles de Ray Harryhausen.

La créature vedette du film est un golem titanesque, ancien humain ayant muté après avoir été irradié par les rayons extra-terrestres. Bienveillant, ce monstre impressionnant à la morphologie simiesque évoque tour à tour King Kong et le cyclope du 7Voyage de Sinbad. Il vient en aide à nos héros en affrontant plusieurs « clickets », puis les sauve des rayons destructeurs des machines de guerre extra-terrestres. Ces robots, montés sur des sortes de pattes de crabe et équipés d’un canon articulé, sont eux aussi animés image par image, tout comme les nombreux vaisseaux qui se livrent des batailles homériques dans les cieux de cette Terre rétrofuturiste. À mi-chemin entre Flesh Gordon et Le Jour de la fin des temps, les nombreux effets visuels d’Outpost Earth sont les atouts principaux de ce film modeste qui n’est pas dénué d’humour, notamment lorsque l’un des personnages principaux découvre qu’il ne peut piloter les vaisseaux ennemis qu’en état d’ivresse.

Des techniques héritées de King Kong

La démarche de Piper peut sembler totalement anachronique, à une époque où les effets numériques bon marché inondent les petits films de science-fiction déployés par les compagnies indépendantes. Mais il s’accroche à la stop-motion comme à une bouée de sauvetage, seul médium capable selon lui de donner corps à ses folles idées. « C’est King Kong qui m’a donné envie de faire des films », raconte-t-il. « C’est pour cette raison que j’aime utiliser les mêmes techniques, aujourd’hui encore. Peut-être que si j’étais né plus tard, mes sentiments ne seraient pas les mêmes. Mais j’essaie de tirer parti de tous les outils qui sont à ma disposition. Je crée les plans composites numériques et parfois j’ajoute des flous de mouvement ou j’ajuste le timing de mes animations. Je ne suis pas contre l’idée de me simplifier la vie. Ça me permet de rattraper des plans qui, avant, auraient dû être recommencés. » (1) Du moment que cette démarche permet à Brett Piper de continuer à mettre en boîte des films aussi légers, sympathiques et riches en bestioles délirantes qu’Outpost Earth, ça nous va !

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2019

 

© Gilles Penso

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DEATHSTALKER (2025)

Le héros musclé des années 80 ressurgit dans ce remake délirant qui regorge de monstres en caoutchouc et de combats sanglants…

DEATHSTALKER

 

2025 – CANADA / USA

 

Réalisé par Steven Kostanski

 

Avec Daniel Bernhardt, Laurie Field, Patton Oswalt, Christina Orjalo, Paul Lazenby, Nina Bergman

 

THEMA HEROIC FANTASY I SAGA DEATHSTALKER

Steven Kostanki est un fan pur et dur du cinéma de genre des années 80, avec une prédilection affirmée pour l’horreur, l’action et le fantastique. Expert en maquillages spéciaux et en trucages, il met son savoir-faire au service de plusieurs films et séries (The Divide, Hannibal, Pacific Rim, Crimson Peak, Suicide Squad, Ça) tout en passant lui-même derrière la caméra pour diriger quelques séries B (Manborg, Father’s Day, The Void, Psycho Goreman, Frankie Freako) conçues comme autant de déclarations d’amour aux films qu’il aime. Avec Deathstalker, il passe à la vitesse supérieure. Il s’agit cette fois-ci de concocter un remake du film du même titre, sous-Conan produit par Roger Corman en 1983, devenu objet de culte et suivi de trois séquelles. Ce projet crée un certain frémissement auprès des fans d’heroic-fantasy « à l’ancienne ». D’où le lancement d’une campagne de financement participatif sur Kickstarter qui permet de réunir plus de 95 000 dollars. La présence de Slash, célèbre guitariste du groupe Guns & Roses, en tant que producteur exécutif attise encore davantage les curiosités. Le rôle principal est confié à Daniel Bernhardt, acteur, cascadeur et expert des arts martiaux que les amateurs ont déjà pu apercevoir dans bon nombre de films d’actions aux côtés de Jean-Claude Van Damme, Sylvester Stallone, Chuck Norris ou Keanu Reeves.

Iconisé à l’extrême, le héros-titre apparait au tout début du film en ultra-ralenti, tandis que la bande son accentue le bruit de ses pas. Puis sa silhouette massive occupe tout l’écran en contre-jour. Mais son aura retombe aussitôt lorsque nous découvrons que le fier guerrier n’a pas une once de noblesse et détrousse les moribonds sur les champs de bataille sans le moindre remord. Si Deathstalker mettait jadis son épée au service du royaume d’Abraxeon sous le nom de Tritus, c’est désormais un mercenaire solitaire sans foi ni loi. Mais le fruit de son dernier larcin, l’amulette de Halgan, va lui attirer des ennuis inattendus. Non seulement l’objet est ensorcelé, mais en outre une horde d’assassins tous plus dangereux les uns que les autres est désormais à ses trousses. Pour pouvoir se débarrasser de la malédiction attachée à ses pas, il va lui falloir arpenter les coins les plus sinistres du pays. Il sera aidé dans sa quête par le goblin magicien Doodad et par la jeune voleuse Brisbayne.

Du latex, du sang et des tripes

L’une des premières choses qui frappe, dans ce nouveau Deathstalker, est l’environnement presque post-apocalyptique dans lequel l’action se déroule : de vastes étendues désertes et fumantes, des volcans qui grondent au loin, une faune mutante qui grouille dans les recoins sombres, de gigantesques squelettes de mastodontes qui jonchent le sable, des titans grands comme des montagnes qui s’affrontent dans la brume. Les trois lunes qui brillent dans le ciel suggèrent d’ailleurs que nous ne sommes pas sur la Terre, tandis que les vestiges d’une ancienne civilisation – comme ces poteaux télégraphiques reliés à des lampes électriques – évoquent une sorte de retour à l’ère barbare. Si Daniel Bernhardt assure dans le rôle du « musclor » décomplexé, les vraies stars du film sont les nombreux monstres qui saturent l’écran et que Steven Kostanski a tenu à concevoir avec des effets spéciaux « old school », sans recours aux images de synthèse. On se régale donc face à ce freak bossu bicéphale, ces crapauds voraces, ces vers géants souterrains, cette chauve-souris cyclope, ce démon chevelu qui vole, ces hommes-cochons, ces arbres gémissants, ces guerriers-statues aux visages amovibles, ces monstres des marécages et cette multitude de créatures gluantes ou tentaculaires qui fleurent bon la mousse de latex. Le climax recourt même à la stop-motion pour un hommage exaltant à Jason et les Argonautes. Qu’importe donc si le scénario ne tient qu’à un fil. Ici, seul compte le spectacle. Si le gore excessif est souvent de la partie, Kostanski décide en revanche de se priver d’un des gimmicks récurrents des Deathstalker des années 80 : l’érotisme. Les hectolitres de sang et les tripes peuvent donc jaillir avec générosité mais la nudité est désormais problématique. Autres temps, autres mœurs. Toujours est-il que Deathstalker version 2025 reste un plaisir régressif qui se savoure sans modération. Cerise sur le gâteau : la bande originale reprend sur un mode épique le fameux thème composé par Chuck Cirino pour Deathstalker 2, en y greffant pour le générique de fin la voix rocailleuse de Brendan McCreary et la guitare de Slash.

 

© Gilles Penso

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