REFLET DANS UN DIAMANT MORT (2025)

Un hommage somptueux au cinéma d’espionnage des années 60, dans lequel l’illusion et la réalité s’entremêlent jusqu’au vertige…

REFLET DANS UN DIAMANT MORT

 

2025 – FRANCE / BELGIQUE / LUXEMBOURG / ITALIE

 

Réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani

 

Avec Fabio Testi, Yannick Renier, Koen De Bouw, Maria de Medeiros, Thi Mai Nguyen, Céline Camara, Kezia Quintal, Sylvia Camarda, Sophie Mousel

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Le premier contact du spectateur avec Reflet dans un diamant mort, c’est un magnifique poster de Gilles Vranckx qui convoque l’imagerie de Danger Diabolik, Fantomas, Judex, Satanik, Les Tueuses en collant noir, bref tout un pan du cinéma d’exploitation européen des années 60, inspiration explicite et assumée du quatrième long-métrage d’ Hélène Cattet et Bruno Forzani. Après le giallo et le western, les duettistes se laissent donc cette fois-ci guider par un autre type de cinéma, bâtissant leur intrigue autour d’une histoire d’espionnage. L’agent secret John D., incarné par l’acteur belge Yannick Reinier, évoque bien sûr le James Bond des débuts mais aussi et surtout ses nombreux imitateurs italiens, allemands et français, au sein de ce qu’on a coutume d’appeler l’« Eurospy ». Face à ce héros archétypal, une super-vilaine masquée, Serpentik, semble tout droit sortie des pages d’un fumetti – ces bandes dessinées pulp italiennes publiées à la chaîne. Le choix de Fabio Testi pour incarner la version vieillie de John D. n’a rien d’anodin. Ancien cowboy de westerns spaghetti, héros de polars italiens et même Zorro à ses heures, il joue ici un ancien homme d’action prisonnier de ses propres souvenirs. « Comme il a également tourné avec De Sica, avec Zulawski et même Chabrol, il nous permettait de faire le lien et de créer une alchimie entre deux types de cinéma, d’un côté l’Eurospy et de l’autre Mort à Venise », explique Bruno Forzani. « Donc, par rapport à la mise en abyme et à ce portrait de personnage, il était parfait. » (1)

Reflet dans un diamant mort s’ouvre sur un générique de fin, comme si nous arrivions au terme d’une aventure de l’agent secret. Le film pose d’emblée une question inattendue : que se passe-t-il après ? Que devient l’espion séducteur, glamour et sûr de lui, une fois la mission accomplie ? Assis sur la terrasse d’un hôtel de la Côte d’Azur, face à la mer, John D. a vieilli. Lorsque son regard croise la silhouette d’une jeune femme qui se baigne, sa mémoire s’anime. Mais s’agit-il de véritables flash-backs ou d’une vision fantasmée de sa propre jeunesse ? Difficile de le savoir, dans la mesure où le film va s’efforcer d’opposer le réel et l’illusion tout au long de son récit fragmenté, laissant aux spectateurs la possibilité de reconstituer les pièces du puzzle à leur guise. « Nous avons remarqué qu’il y a souvent dans nos films un effacement des frontières entre le réel et le non-réel, qu’il s’agisse de la folie, du rêve ou de l’imaginaire », dit Hélène Cattet. « Et cet effacement de frontière entre le vrai et le faux est peut-être encore plus fort dans Reflet dans un diamant mort que dans les précédents » (2).

Danger : Serpentik

Pour se conformer aux films qui l’inspirent, Reflet dans un diamant mort déploie toute une galerie de gadgets tous plus délirants et excessifs les uns que les autres : une bague qui agit comme un rayon X mais aussi comme une arme destructrice, une robe dont les lamelles métalliques se muent en caméras ou en projectiles acérés, un talon-couteau, des cheveux-hameçons, des ongles-poignards, une bague empoisonnée… Et le fin du fin : une série de masques qui permettent à la redoutable Serpentik de changer sans cesse de visage, hommage exubérant à Fantomas et Mission impossible. Dans ce film-concept, l’abstraction prend corps et les images métaphoriques se mêlent à la réalité, jusqu’au vertige. En ce domaine, la scène du casino, dans laquelle une espionne piégée se retrouve minuscule au milieu d’un tapis de jeu, est un véritable morceau d’anthologie. Cette œuvre insolite pousse la recherche esthétique jusqu’à ce que le spectateur ne sache plus ce qu’il voit. Du sang ou des jets de diamants ? De la peau qui se déchire ou du plastique qu’on déchiquète ? La bande son, extrêmement minutieuse comme toujours, participe au trouble. Chaque frottement, chaque respiration, chaque grincement prend des proportions extrêmes. Le temps et l’espace se dilatent, se mélangent, se confondent, nous laissant en fin de métrage comme hypnotisés. Pas certains d’avoir tout compris, certes, mais persuadés d’avoir vécu une expérience unique, de celles qui donnent envie de continuer à s’immerger encore et encore dans les salles de cinéma.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview parue dans Le Rayon Vert en avril 2025

 

© Gilles Penso

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LES LUTINS SAUTEURS (1995)

Trois lutins et une fée, venus d’une forêt irlandaise, provoquent la zizanie dans une famille américaine pour protéger leur royaume…

LEAPIN’ LEPRECHAUNS !

 

1995 – USA

 

Réalisé par Ted Nicolaou

 

Avec Andrew Smith, John Bluthal, Ray Bright, Jeremy Levine, Mike Higgins, James Ellis, Sylvester McCoy, Godfrey James, Ion Haiduc, Tina Martin, Grant Cramer

 

THEMA CONTES I NAINS ET GÉANTS I SAGA CHARLES BAND

Les premiers titres de la collection « Moonbeam » initiée par Charles Band ayant bien marché dans les vidéoclubs – Prehysteria, Le Château du petit dragon, Jack et le haricot magique, La Boutique fantastique -, le rythme s’accélère et finit par s’appuyer sur une sorte de « template » scénaristique presque interchangeable. Les Lutins sauteurs repose ainsi sur un principe narratif qui évoque beaucoup Le Château du petit dragon dont il recycle de nombreux ingrédients. Après un premier jet proposé par Ed Naha (Chérie j’ai rétréci les gosses), le scénario des Lutins sauteurs est finalisé par Michael McGann et par le réalisateur Ted Nicolaou (tous deux déjà à l’œuvre sur Le Château du petit dragon, justement), qui seront finalement les seuls auteurs crédités au générique, aux côtés de Charles Band qui se voit attribuer l’idée originale. Comme la grande majorité des productions de Band à l’époque, Les Lutins sauteurs est tourné en Roumanie. La forêt locale figure donc les collines irlandaises (ce qui fonctionne plutôt bien si l’on n’est pas trop regardant) et le décor de rue américaine construit sur le site de la compagnie Castel Film se fait passer pour un quartier du Colorado.

Lorsque le film commence, un groupe de touristes américains, accompagné de leurs enfants, débarque en Irlande pour un séjour pittoresque. Sur place, ils sont accueillis par Michael Dennehy (John Bluthal), propriétaire d’un vaste domaine médiéval, qui leur fait découvrir les lieux tout en évoquant les vieilles légendes celtiques. Ce que personne ne soupçonne, c’est que les fameux leprechauns dont il parle existent bel et bien : ils vivent dissimulés sous une pierre ancestrale – le « portique royal » – nichée au cœur de la « colline enchantée ». Une fois les visiteurs repartis, trois de ces petites créatures sortent de leur cachette et rendent visite à Michael. Leur roi, Kevin (Godfrey James), apprend que le fils de leur ami humain, John (Grant Cramer), installé aux États-Unis, projette de transformer le terrain familial en parc d’attractions baptisé « Ireland Land ». Inquiet pour son royaume secret, Kevin décide d’accompagner Michael en Amérique, flanqué de deux joyeux compagnons, Patrick (James Ellis) et Flynn (Sylvester McCoy). Malgré leurs protestations, la reine des fées (Tina Martin) choisit de se joindre elle aussi au voyage. Mais le redoutable Finvarra et son armée des ombres ont vent du projet eux aussi.

Les facéties du « petit peuple »

Les Lutins sauteurs est une fable classique sur l’opposition entre l’imagination enfantine et le cartésianisme cynique. Les confrontations entre ce vieil homme fantasque et son fils terre-à-terre enfoncent donc gentiment les portes ouvertes et manquent un peu de sel, même si John Bluthal livre ici une prestation à la fois exubérante et émouvante. S’ils versent volontiers dans la caricature, les membres du « petit peuple » sont bien sûr les éléments les plus attractifs du film : des leprechauns tour à tour grognons et farceurs, adeptes de blagues à base de déplacements d’objets à distance, ainsi qu’une fée volubile à la tête d’une petite troupe de charmantes créatures en tutu et ballerines. Supervisés par le vétéran Jim Aupperle (The Thing, Robocop 2), les effets visuels sont très soignés malgré les contraintes budgétaires inhérentes aux productions Full Moon. Quelques plans composites, des éléments de décor surdimensionnés, des perspectives forcées et une poignée de marionnettes miniatures permettent d’amusantes interactions entre les humains et les êtres féeriques. Le climax, lui, plonge dans une certaine noirceur avec l’apparition du sinistre Finvarra, aux allures de faucheuse à tête de mort. Pas franchement inoubliable mais épisodiquement drôle (la scène du dîner avec le couple de psychiatres est l’un des moments savoureux du film), Les Lutins sauteurs aura droit à une suite tournée dans la foulée et distribuée l’année suivante.

 

© Gilles Penso

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LE BAISER DU VAMPIRE (1963)

Un couple de jeunes mariés tombe entre les griffes d’un redoutable comte vampire qui les accueille dans son vénérable château bavarois…

THE KISS OF THE VAMPIRE

 

1963 – GB

 

Réalisé par Don Sharp

 

Avec Clifford Evans, Edward de Souza, Noel Willman, Jennifer Daniel, Barry Warren, Brian Oulton, Noel Howlett, Jacquie Wallis, Peter Madden

 

THEMA VAMPIRES

Au début des années soixante, le studio Hammer souhaite capitaliser sur le succès du Cauchemar de Dracula mais doit se passer de son acteur principal Christopher Lee, qui n’acceptera que plus tard d’endosser à nouveau la cape du comte vampire. D’où diverses variantes intéressantes sur le mythe qui cherchent une certaine originalité sans se présenter comme des séquelles officielles du film de 1958. Les Maitresses de Dracula fut l’une de ces tentatives réussies, Le Baiser du Vampire en est une autre. Nous sommes au cœur de la Bavière, en 1910. Gerald et Marianne Harcourt (Edward de Souza et Jennifer Daniel), jeunes mariés, tombent en panne d’essence et trouvent refuge dans un hôtel dont ils sont les seuls clients. Malgré la mise en garde de l’étrange professeur Zimmer (Clifford Evans), ils se laissent inviter par le docteur Ravna (Noel Willman) dans son château où ils font la rencontre de ses deux enfants, Carl (Barry Warren) et Sabena (Jacquie Wallis). La troisième de la fratrie, la jeune Tania (Isobel Black), reste mystérieusement invisible. Il s’avère que Ravna dirige une secte de vampires, et que Zimmer cherche depuis des années un moyen de l’anéantir.

Avec ses faux airs de Christopher Lee, Noel Willman joue donc ici l’incarnation du Mal, Clifford Evans interprétant quant à lui sa Némésis, substitut très honorable du professeur Van Helsing campé quelques années plus tôt par Peter Cushing. Son personnage entre d’ailleurs en scène avec emphase dès le prologue, au cours duquel Zimmer plante une bèche à travers le couvercle du cercueil d’une jeune vampire qui fut jadis sa fille, l’outil s’enfonçant directement dans le cœur de la créature qui hurle en exhibant ses canines acérées. Don Sharp s’efforce de sortir un peu des sentiers battus, même si le scénario original recycle des idées non utilisées des Maîtresses de Dracula. Fort de sa direction artistique soignée et de sa mise en scène solide, Le Baiser du vampire ne manque pas de morceaux de bravoure, et il est très probable que l’une des séquences clés du film, le bal masqué au beau milieu des suceurs de sang, ait inspiré Le Bal des vampires de Roman Polanski.

Les chauves-souris attaquent

Désireux de créer la surprise, Sharp et le scénariste Anthony Hinds (également producteur du film, utilisant ici son habituel nom de plume de John Elder) semblent chercher l’inspiration du côté d’Alfred Hitchcock, concoctant un récit qui s’appuie sur les mêmes mécanismes que le classique Une femme disparaît. C’est en effet « l’évaporation » incompréhensible de la jeune Marianne, soustraite à son époux Gerald, qui sert de point de départ à l’intrigue. Cette mécanique narrative était aussi présente dans le roman So Long at the Fair d’Anthony Thorne (qui fut porté à l’écran en 1950 sous le titre Si Paris l’avait su par Antony Darnborough et Terence Fisher). Mais c’est un autre chef-d’œuvre du maître du suspense, le fameux Les Oiseaux, qui nous vient à l’esprit au moment du climax, lorsque des nuées de chauves-souris agressives s’attaquent aux vampires. Ce final ne manque pas d’emphase, même si les effets spéciaux (mixant du dessin animé et des dizaines de volatiles en caoutchouc) ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Le studio Universal décala d’ailleurs la sortie du film pour éviter la comparaison avec Les Oiseaux, sorti la même année. Bizarrement, la version du film qui sera diffusée sur les petits écrans américains sera remontée pour supprimer la quasi-totalité de cette scène finale. Le Baiser du Vampire sortira finalement en double programme avec Paranoïaque.

 

© Gilles Penso

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VIRGIN HUNTERS (1994)

Des étudiants du futur voyagent dans le temps pour changer le cours de l’histoire et empêcher le monde de se muer en dictature…

VIRGIN HUNTERS / TEST TUBE TEENS FROM THE YEAR 2000

 

1994 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Morgan Fairchild, Ian Abercrombie, Brian Bremer, Christopher Wolf, Sara Suzanne Brown, Michele Matheson, Don Dowe, Tamara Tohill, Laurel Wiley

 

THEMA FUTUR I VOYAGES DANS LE TEMPS I SAGA CHARLES BAND

En 1993, Charles Band se laisse tenter par l’idée d’ajouter une corde à son arc. Les productions de sa compagnie Full Moon s’adressant principalement aux ados friands d’horreur et de science-fiction, et celles du label Moonbeam étant destinées aux enfants et à leurs parents, il restait à couvrir un public adulte. Ainsi nait Torchlight, la branche « érotico-fantastique » de son catalogue. Deux films sont tournés coup sur coup pour lancer cette nouvelle marque, confiés au réalisateur David DeCoteau qui, prudent, signe sous le pseudonyme d’Ellen Cabot. Si Virgin Hunters est le premier à être réalisé, c’est le second, Les Créatures de l’au-delà, qui sera d’abord lancé sur le marché vidéo. Pour faire des économies, Virgin Hunters recycle des décors de Puppet Master 4 et Puppet Master 5, une machine à explorer le temps conçue pour Future Cop 3 et des plans d’effets spéciaux de Dollman. Le film s’offre tout de même une tête d’affiche prestigieuse : Morgan Fairchild, star du petit écran (Flamingo Road, Falcon Crest, Friends). Nul ne sait vraiment comment Charles Band l’a convaincue de participer à l’aventure, mais il lui a caché de toute évidence le caractère érotique de Virgin Hunters. En croyant jouer dans une modeste comédie de science-fiction, elle déchante face aux nombreuses scènes de fesses qui ponctuent le résultat final et se fend d’une lettre d’insultes adressée au producteur… qui l’encadre aussitôt et l’affiche dans son bureau !

Comme si nous étions dans un James Bond, le générique exhibe des silhouettes de femmes nues en contre-jour qui dansent devant un fond aquatique coloré. L’intrigue se situe en 2019, donc dans le futur (rappelons que le film date de 1994). Désormais, les grandes corporations ont pris le contrôle du monde et le sexe est devenu interdit. Le simple fait d’y penser est répréhensible, comme dans THX 1138. Les enfants naissent donc désormais dans des éprouvettes, par fécondation in vitro. Le film s’ouvre sur un cours donné à un groupe d’étudiants par un enseignant rigide et autoritaire, le professeur Dorn (Ian Abercrombie, échappé de L’Armée des ténèbres, Seinfeld et Clone Wars). Tous sont engoncés dans des tenues moyennement seyantes, à mi-chemin entre les uniformes de Star Trek et les combinaisons des Quatre Fantastiques. Après le cours, le professeur prend à part trois étudiants et leur révèle être membre d’un groupe de rebelles qui veulent renverser le régime. Vingt-cinq ans plus tôt, les États-Unis étaient encore une démocratie. Mais un mouvement anti-sexe se mit en branle à l’initiative d’une certaine Camella Swales (Morgan Fairchild), sous le prétexte que l’activité sexuelle ralentissait la productivité du pays. Les étudiants Naldo, (Brian Bremer) Vin (Christopher Wolf) et Reena (Sara Suzanne Brown) acceptent donc de voyager dans le passé grâce à une machine expérimentale pour tenter de changer le cours de l’histoire…

Les ados-éprouvette de l’an 2000

Comme on peut s’y attendre, tous les prétextes sont bons pour intégrer des scènes érotiques dans l’action : Vin qui rêve de batifoler avec une de ses camarades de classe ou qui s’imagine dans un décor exotique avec une top model, des scènes de douches et de coucheries à répétition… Mais Virgin Hunters s’efforce de ne pas négliger pour autant le caractère comique de son intrigue en multipliant les quiproquos liés à la présence de deux garçons du 21ème siècle qui se retrouvent propulsés dans un collège pour filles des années 90. Les visiteurs se déguisent dès lors en étudiantes suédoises, en réimaginant à leur sauce les situations de Certains l’aiment chaud. Et puis, à mi-parcours, le film se mue carrément en parodie de Terminator avec l’apparition d’un cyborg venu lui aussi du futur et équipé de toute la panoplie : la veste en cuir, les lunettes de soleil, la mâchoire carrée, la vision robotique, l’accent autrichien et même la réplique « I’ll be back ». Il n’empêche que c’est ce second degré permanent qui finit par rendre l’entreprise très sympathique, jusqu’à son final joyeusement absurde. Le studio Paramount, qui assure alors la distribution de Virgin Hunters en vidéocassette, décide de changer son titre – un peu trop tendancieux à son goût – et opte pour Test Tube Teens From the Year 2000. Les « chasseurs de vierges » se transforment donc en « ados-éprouvette de l’an 2000 ».

 

© Gilles Penso

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SURVIVANCE (1981)

Le réalisateur de La Nuit des vers géants filme la mésaventure d’un groupe d’amis assaillis par des tueurs dégénérés au milieu de la nature sauvage…

JUST BEFORE DAWN

 

1981 – USA

 

Réalisé par Jeff Lieberman

 

Avec George Kennedy, Mike Kellin, Chris Lemmon, Gregg Henry, Deborah Benson, Ralph Seymour, Katie Powell, John Hunsaker, Charles Bartlett, Jamie Rose

 

THEMA TUEURS

Réalisé par Jeff Lieberman, cinéaste inclassable et souvent sous-estimé du cinéma de genre américain (La Nuit des vers géants, Le Rayon bleu), Survivance s’inscrit ouvertement dans la lignée des classiques du survival tels que Massacre à la tronçonneuse, La Colline a des yeux et surtout Délivrance (auquel se réfère sans ambigüité le titre français), tout en affichant une approche plus sensorielle, presque contemplative, où l’angoisse naît moins du sang versé que du silence pesant des montagnes muettes. Le point de départ est simple, pour ne pas dire banal : cinq jeunes gens traversent les montagnes de l’Oregon à bord d’un camping-car pour visiter une propriété récemment héritée. Ignorant les avertissements d’un garde forestier et les divagations d’un prédicateur illuminé qui évoque des démons dans la forêt, ils s’enfoncent dans une nature splendide. Mais très vite, leur escapade tourne au cauchemar. Ils sont en effet pris pour cible l’un après l’autre par deux frères jumeaux dégénérés, fruit d’une lignée d’incestes parmi les paysans des environs. Le massacre s’accomplit dans un crescendo d’agressions – noyades, coups de machette, chutes mortelles – jusqu’à un dernier face-à-face d’une rare intensité.

Ce déchaînement de violence, typique du slasher rural, aurait pu n’être qu’une exploitation opportuniste des succès de ses prédécesseurs. Mais Lieberman y insuffle une singularité qui fait la différence. À la saleté et au vacarme de Massacre à la tronçonneuse, Survivance préfère l’immobilité et le mutisme de la forêt. L’horreur naît de la topographie elle-même : falaises abruptes, cascades, ponts de corde suspendus au-dessus du vide. L’Oregon, filmé dans toute sa beauté sauvage, devient presque un personnage à part entière, à la fois décor, piège et métaphore du retour à l’état sauvage, dans la droite lignée des expérimentations de John Boorman. Le film repose d’ailleurs sur une tension permanente entre la civilisation et la nature. Les cinq citadins, bruyants et insouciants, incarnent une forme d’arrogance moderne face à un monde qu’ils ne comprennent plus. Leur intrusion, marquée par la musique tonitruante de leur radio ou les mégots qu’ils jettent négligemment, ressemble presque à une provocation. À cet égard, Survivance se rapproche de Long week-end de Colin Eggleston, dans lequel la nature reprenait ses droits sur les intrus.

Rage animale

La mise en scène sobre de Lieberman privilégie les sensations physiques : bruissements de feuilles, ruissellement de l’eau, craquements du bois. Le réalisateur construit la tension à travers des scènes d’approche plus que de confrontation, s’attardant sur une ombre dans la rivière, une silhouette floue derrière la cascade ou un visage qui surgit dans la pénombre. À l’avenant, le directeur de la photographie Dean King capte la lumière dorée des sous-bois et le miroitement des cascades, jouant sans cesse le jeu de l’équilibre instable entre la sérénité et la menace. L’un des éléments les plus mémorables du film reste son final, renversant les conventions du genre. Alors que les victimes sont éliminées ou paralysées par la peur, ce climax bascule dans une rage animale et renverse la logique du survival, puisque la proie devient soudain prédatrice. Ce moment d’instinct pur traduit l’idée que la survie passe par une régression vers la sauvagerie, comme si l’humain ne pouvait échapper à sa part bestiale. Certes, Survivance n’évite pas les lieux communs du genre, souffre d’un rythme très inégal et d’une interprétation souvent approximative. Mais il compense partiellement ces défauts par son atmosphère, son sens du cadre et sa lecture quasi écologique de l’horreur.

 

© Gilles Penso

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LE JEU DU TUEUR (1989)

Dans cette fausse suite de Rayon Laser, un lycéen découvre une arme redoutable et décide de s’en servir pour se venger de ceux qui le tourmentent…

DEADLY WEAPON

 

1989 – USA

 

Réalisé par Michael Miner

 

Avec Rodney Eastman, Kim Walker, Gary Frank, Michael Horse, Gary Kroeger, Barney Martin, Sam Melville, Joe Regalbuto, William Sanderson, Ed Nelson

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION I SAGA CHARLES BAND

On ne peut pas dire que Rayon Laser soit un grand classique de la science-fiction, ni même une honnête série B du genre. Tout juste une curiosité surtout mémorable pour les apparitions de ses extra-terrestres reptiliens en stop-motion. Pourtant, son producteur Charles Band envisage très tôt d’en initier une suite. « Il n’y a pas un seul marché du film ou festival de cinéma où quelqu’un ne nous demande pas de faire la suite de Rayon Laser », affirme-t-il au milieu des années 80. « Ce film a été tourné en quatre week-ends… et s’est si bien vendu qu’il a rapporté de l’argent à tout le monde. Ça n’a jamais été un grand succès, certes, mais tout le monde, tous les médias confondus – cassettes, câble, étranger, etc. – a gagné quelques dollars grâce à Rayon Laser et veut une suite. » (1) Band embarque dans cette séquelle Michael Miner, un jeune scénariste qui essaie de lui vendre depuis quelques années l’idée d’une moto maléfique (le concept sera plus tard recyclé pour Murdercycle) et qui, entretemps, a connu son moment de gloire en co-écrivant le script de Robocop avec Ed Neumeier. Miner se retrouve ainsi à la tête de son premier long-métrage, qui finalement ne s’appellera pas Rayon Laser 2 mais Deadly Weapon (Le Jeu du tueur). Et si le prétexte scénaristique est très proche du film original, il ne s’agit pas d’une suite mais plutôt d’une variante, tournée en 1987 pour trois millions de dollars et distribuée deux ans plus tard.

Le héros de ce film bizarre est Zeke Robinson (Rodney Eastman), un lycéen de 15 ans fan de heavy metal qui est persuadé d’être une créature extra-terrestre abandonnée par erreur sur Terre et ne rêvant que de retrouver les siens dans l’espace. D’où de longs monologues en voix off où le lycéen parle de lui à la troisième personne, se livrant à des réflexions du genre : « Le visiteur avait du mal à s’adapter à cette société primitive. » Il faut dire que le pauvre garçon évolue dans un environnement particulièrement hostile : un beau-père alcoolique et violent, une mère absente et indifférente, une sœur volage, des brutes qui le martyrisent, des enseignants qui ne le comprennent pas… Un jour, il découvre une caisse qui flotte dans la rivière. Celle-ci s’est échappé d’un chargement trop-secret de l’armée américaine après un accident de train. Zeke ramène la caisse chez lui, l’ouvre et découvre une valise métallique contenant une espèce d’arme futuriste capable de tirer des rayons d’antimatière ultra-puissants. Voilà de quoi le venger de tous ceux qui lui ont causé du tort. Mais l’armée entend bien récupérer son arsenal high-tech et débarque dans sa petite bourgade, le doigt sur la gâchette…

L’arme fatale

Le Jeu du tueur est un film bardé de défauts et d’incohérences, les moindres n’étant pas ses personnages plus improbables les uns que les autres, du proviseur borgne qui frappe les élèves désobéissants à l’Indien philosophe propriétaire d’une salle d’arcades, en passant par les voyous décérébrés du lycée, le révérend exalté, les militaires idiots, les journalistes bas du front ou cette petite amie aux réactions parfaitement incohérentes. Le comportement de Zeke lui-même défie l’entendement, le jeune homme ne se contentant pas de s’imaginer en échappé d’une autre planète mais écrivant des poèmes gores et obscènes qu’il lit à voix haute en cours d’anglais. Difficile de s’attacher à cette galerie inconsistante ou de reconnaître dans ces dialogues primaires et ces péripéties absurdes la plume alerte du co-scénariste de Robocop. Mais l’élément le plus déstabilisant du film est sans doute son absence de positionnement clair. Son héros et son caractère science-fictionnel exubérant semblent vouloir s’adresser à un jeune public. Mais ses accès de violence et ses morts brutales contredisent ce sentiment. Et que dire de ce dénouement d’une noirceur hallucinante ? Tout ça n’a donc aucun sens. Et pas un seul alien en stop-motion pour nous égayer un peu !

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Fangoria en 1986

 

© Gilles Penso

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ORGIE MACABRE (1965)

Le « maître des ghoules » et la « princesse de la nuit » convoquent toute une série de créatures dénudées dans cette curiosité écrite par Ed Wood…

ORGY OF THE DEAD

 

1965 – USA

 

Réalisé par Stephen C. Apostolof

 

Avec Criswell, Fawn Silver, Pat Barrington, William Bates, Mickey Jines, Barbara Nordin, Bunny Glaser, Nadeja Klein, Coleen O’Brien, Lorali Hart, Rene De Beau

 

THEMA FANTÔMES I MOMIES I LOUPS-GAROUS

Après avoir livré quelques perles du cinéma fantastique fauché risibles au second degré (La Fiancée du monstre, Plan 9 From Outer Space, La Nuit des revenants), Ed Wood s’est peu à peu éloigné de l’horreur et de la science-fiction pour œuvrer dans le cinéma érotique d’exploitation. Son CV finit par attirer l’attention du producteur et réalisateur Stephen C. Apostolof qui lui propose d’écrire pour lui le scénario d’Orgie macabre, d’après un de ses romans, en échange de quelques centaines de dollars. Taillé sur mesure pour Wood, ce film prend un prétexte fantastique évasif pour enchaîner les vignettes érotiques musicales dans un décor de cimetière nocturne. Nous voilà donc à mi-chemin entre les coquineries horrifico-surréalistes d’un Jess Franco ou d’un Jean Rollin, les spectacles burlesques de cabaret et les numéros de strip-tease d’une soirée Halloween déviante. Très investi, Wood assure la direction de production du film, joue les assistants sur le plateau et même les directeurs de casting. Voilà pourquoi le rôle principal échoit à Criswell (alias Charles Criswell King), l’un de ses acteurs fétiches, cumulant à l’époque les activités de journaliste, d’animateur radio et de médium !

Criswell est donc le narrateur de cette étrange histoire. Allongé dans un cercueil et vêtu comme un Dracula d’opérette, il est libéré par deux hommes musclés en pagne qui le laissent dans sa crypte après avoir retiré le couvercle. Il se redresse alors, se présente comme le « maître des ghoules » et nous annonce une nuit agitée. Changement de décor : alors qu’ils roulent sur une route désertique de Californie, Bob (William Bates) et Shirley (Pat Barrington) se disputent. Bob est un écrivain d’horreur qui espère que le décor d’un cimetière la nuit lui apportera l’inspiration, ce qui n’est pas vraiment du goût de sa petite amie. La conversation prend fin lorsque Bob quitte accidentellement la route et tombe dans un ravin. A leur réveil, ils décident de chercher de l’aide et s’aventurent dans les bois jusqu’à un cimetière enveloppé de brouillard. Là, le « maître des ghoules » invoque sa « princesse de la nuit », la ghoule noire (Fawn Silver). Tout-puissant, il s’apprête à convoquer de nombreuses créatures d’outre-tombe pour un spectacle qu’il espère divertissant, faute de quoi il bannira leurs âmes vers la damnation éternelle.

La sarabande nocturne

Absolument pas crédible en maître de cérémonie autoritaire et maléfique, Criswell en fait des tonnes, lisant ses longs monologues sur des panneaux tenus par Ed Wood lui-même, ce qui explique son regard souvent fuyant et ses expressions bizarres. Le personnage de la « princesse des ténèbres » était à l’origine écrit pour Maila Nurmi alias Vampira, qui jouait déjà une créature blafarde dans Plan 9 From Outer Space. Mais le rôle est finalement tenu par Fawn Silver, dans une tenue que reprendra presque telle quelle Cassandra Peterson lorsqu’elle créera le personnage d’Elvira – justement inspiré de Vampira. Pas beaucoup plus convaincante que Criswell, elle assiste avec lui à une série de numéros déshabillés d’une parfaite gratuité : une Indienne qui danse mollement à côté d’un feu de camp au son de chants tribaux, les trémoussements d’une prostituée aux allures de gitane dévergondée, une reine égyptienne ondulant à côté de deux serviteurs qui lui jettent de l’or (son corps finit entièrement doré, référence évidente au personnage campé par Shirley Eaton dans Goldfinger), une femme vaguement déguisée en chat, une prisonnière échappée de sa geôle, une adepte du flamenco qui fait des mamours à un crâne, une danseuse des caraïbes, une femme en robe de mariée qui s’agite devant le squelette de son époux, une morte-vivante aux gestes raides… Au beau milieu de cet enchaînement de chorégraphies dévêtues, une momie et un loup-garou aux maquillages approximatifs jouent les trublions comiques, jusqu’à ce que le jour se lève et chasse toute cette sarabande nocturne. Ah, chantera-t-on assez les vertus poétiques de l’œuvre d’Ed Wood ?

 

© Gilles Penso

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HELLOWEEN (2025)

Incarcéré depuis vingt ans dans un institut psychiatrique, un tueur psychopathe inspire une vogue de clowns effrayants qui sèment la panique en ville…

HELLOWEEN

 

2025 – GB

 

Réalisé par Phil Claydon

 

Avec Ronan Summers, Jeanine Nerissa Sothcott, Caroline Wilde, Michael Paré, Tamsin Dean, Shenton Dixon, Malcolm Modele, Lance Patrick, Flossy Fox

 

THEMA TUEURS I CLOWNS

Après le thriller horrifique Alone, la comédie fantastique Lesbian Vampire Killers et le huis-clos surnaturel WIthin, Phil Claydon poursuit dans la même veine avec Helloween, qu’il réalise une nouvelle fois dans un cadre de production à la fois indépendant et familial. Fidèle à son approche artisanale, il conçoit lui-même le costume de son tueur vedette avec l’aide de son épouse et de sa fille, tandis que le titre définitif du film est une idée de sa belle-sœur – après avoir un temps envisagé d’autres options comme Maniac Clown, Killer Clown ou Insane Cane. Le film s’ouvre sur un hommage parfaitement assumé au Halloween de John Carpenter. Nous sommes le soir du 31 octobre 1996, dans un paisible quartier résidentiel. Une jeune infirmière y est brutalement assassinée par un garçon de dix ans, visiblement dérangé, grimé en clown et armé d’une hache. L’enfant se retrouve sous clé dans un institut psychiatrique, Horton Downs. Là, une voix off en arrière-plan appelle « le docteur Carpenter », achevant d’officialiser la référence. Mais après cette entrée en matière, Helloween change de ton. Un montage nerveux mêlant des faux journaux télévisés, des vidéos issues des réseaux sociaux et des extraits d’une émission d’investigation intitulée « Why Kids Kill » (« Pourquoi les enfants tuent-ils ? ») révèle peu à peu l’identité du tueur, Carl Cane, ainsi qu’une inquiétante tendance virale : de plus en plus de gens se maquillent en clowns terrifiants pour semer la panique dans les rues.

Cette hystérie collective, qui semble directement inspirée par Carl Cane lui-même, pourtant enchaîné dans sa cellule et apparemment incapable de communiquer avec le monde extérieur, nous rappelle l’appel au chaos du Joker dans The Dark Knight, mais aussi la secte d’assassins de la série Following. Après ce montage de prétendues images d’archives, qui emprunte ses effets de style au « found footage », nouveau changement de cap : dans une atmosphère proche de celle du Silence des agneaux, nous découvrons Cane dans sa cellule, désormais adulte (Ronan Summers), ricanant, charismatique et insaisissable, traité par une psychiatre qui ne lui fait pas de cadeau, le docteur Ellen Marks (Jeanine Nerissa Sothcott). John Parker (Michael Paré), le policier qui avait arrêté Cane vingt ans plus tôt, mène l’enquête et tente de faire le lien entre ce psychopathe sous verrou et la prolifération de clowns inquiétants qui commencent sérieusement à semer la panique dans la ville. Bientôt, les deux filles du docteur Marks, Leah (Caroline Wilde) et Alice (Megan Marszal), semblent devenir les cibles privilégiées de cette menace croissante et grimaçante…

Le clown du spectacle

Helloween soigne au mieux sa mise en forme malgré des moyens qu’on imagine très limités. Mais passée sa première partie, l’intrigue ne parvient pas à tenir toutes ses promesses. Le gigantesque chaos qu’on nous annonce – des centaines de fous maquillés en clowns qui prennent le contrôle de la ville – se retrouve cantonné à deux lieux en huis-clos – la maison de la famille Marks et l’hôpital psychiatrique – et à une toute petite poignée de personnages. Phil Claydon finit par sacrifier aux clichés du genre, à grand renfort de « jump-scares » attendus et de rebondissements souvent tirés par les cheveux. Le manque d’attrait du casting ne joue pas non plus en faveur d’Helloween. Visiblement victime d’un abus de chirurgie esthétique, Jeanine Nerissa Sothcott a bien du mal à nous communiquer la moindre émotion, comme si son visage aux allures de masque en plastique avait perdu toute expressivité. À ses côtés, Michael Paré nous paraît bien fatigué, bien loin de l’énergie qu’il dégageait dans Les Rues de feu, Philadelphia Experiment, Moon 44 ou Pleine Lune. Certes, l’acteur a passé la soixantaine, mais tout de même… Reste Ronan Summers. Dans la peau du tueur clownesque, il porte littéralement le film sur ses épaules. Sa présence magnétique et son jeu habité lui permettent de voler la vedette à tous ses partenaires. Hélas, cela ne suffit pas à sauver un Helloween qui s’essouffle progressivement, avant de s’éteindre sur un épilogue en queue de poisson.

 

© Gilles Penso

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GHOST TOWN (1988)

À la recherche d’une jeune femme disparue, un policier se retrouve dans une ville de western peuplée par des fantômes…

GHOST TOWN

 

1988 – USA

 

Réalisé par Richard McCarthy

 

Avec Franc Luz, Catherine Hickland, Jimmie F. Skaggs, Penelope Windust, Bruce Glover, Zitto Kazann, Blake Conway, Laura Schaefer, Michael Alldredge

 

THEMA FANTÔMES I SAGA CHARLES BAND

Ghost Town est l’un des nombreux films qui furent victimes de l’effondrement de la compagnie de production Empire Pictures. Projet ambitieux et prometteur, ce western fantastique devait au départ être produit par Ron Underwood (Tremors), réalisé par David Schmoeller (Tourist Trap) et co-écrit par Duke Sandefur (auteur de quelques épisodes de La Petite maison dans la prairie et Mike Hammer). Mais pendant les préparatifs, la production s’enraye et la réalisation change de main. Jeff Burr (Massacre à la tronçonneuse 3) est envisagé, avant que finalement un certain Richard Governor ne prenne les rênes. Derrière ce pseudonyme se cache le réalisateur australien Richard McCarthy, grand spécialiste des spots publicitaires luxueux qui passe ici pour la première fois au format long et juge bon de revoir entièrement le scénario, quitte à improviser de nombreuses choses pendant le tournage. Ces conditions de travail, déjà hasardeuses, se gâtent lorsque le producteur Charles Band décide de sortir le film le plus vite possible avant la faillite de sa société, quitte à ce que le montage et la post-production soient inachevés. C’est cette version non finalisée qui sera projetée dans quelques salles de cinéma puis commercialisée en VHS. Quant à la bande originale de Harvey R. Cohen, elle sera presqu’entièrement remplacée par des morceaux empruntés à d’autres productions Empire.

Alors qu’elle traverse en voiture le désert de l’Arizona, Kate (Catherine Hickland, l’héroïne de Robowar) est engloutie par une tempête de sable et disparaît sans laisser de trace. Langley (Franc Luz, vu dans Voyage au bout de l’horreur), l’adjoint du shérif, découvre bientôt sa voiture accidentée, juste avant d’être pris pour cible par un mystérieux cavalier surgi de nulle part. Sa voiture explose, le laissant seul au milieu du désert. Errant à la recherche de Kate, il atteint Cruz del Diablo, une ville fantôme figée dans le temps, peuplée d’ombres et de squelettes poussiéreux. Très vite, Langley comprend qu’il a franchi les frontières du monde des vivants : les rues résonnent encore des cris des habitants massacrés par le hors-la-loi Devlin (Jimmie F. Skaggs, dealer de drogue dans L’Arme fatale) et sa bande. Selon la légende, leurs âmes maudites ne trouveront le repos que lorsqu’un homme de loi affrontera et vaincra Devlin, le même démon qui, jadis, crucifia le shérif Harper (Blake Conway, l’un des flics de Jason va en enfer) sur les ailes d’un moulin avant de l’enterrer vivant. Langley va donc devoir reprendre le duel là où l’ancien shérif l’avait arrêté…

Evil West

Dès les premières minutes, Ghost Town installe un climat inquiétant digne de Stephen King. Une route déserte, des corbeaux tournoyant dans le ciel, une tempête de sable mystérieuse… Voilà qui semble annoncer les atmosphère agoraphobes du Fléau ou de Désolation. La mise en scène joue alors habilement à faire apparaître et disparaître furtivement les visions macabres bizarres (un squelette pendu à un arbre, un spectre à cheval). Mais ces effets de style s’atténuent peu à peu pour céder la place à un registre plus horrifique et presque pulp, à la E.C. Comics, lorsqu’apparaît le cadavre décomposé de l’ancien shérif, surgissant de sa tombe pour remettre son étoile au héros. On pense aussi à Evil Dead, quand Langley, reclus momentanément dans une vieille bâtisse isolée, le fusil sur les genoux, tente de faire face aux phénomènes surnaturels qui l’assaillent. Mais là aussi, le film change de cap, témoin de son indécision quant à la bonne tonalité à adopter. Richard McCarthy pratique d’ailleurs le grand écart entre une violence plutôt crue (la mise à mort du shérif, les victimes de Devlin) et des péripéties beaucoup plus récréatives façon « Lucky Luke chez les fantômes ». De fait, malgré sa très belle photographie, ses effets spéciaux efficaces et la plastique des décors naturels d’Arizona, Ghost Town nous laisse sur notre faim, à l’image de ce climax qui oscille bizarrement entre l’épure et le Grand-Guignol. Sans doute échaudé par les problèmes innombrables rencontrés pendant la production, McCarthy ne transformera pas l’essai. Ce sera son seul long-métrage.

 

© Gilles Penso

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LE GRAND DÉPLACEMENT (2025)

La première expédition spatiale 100% africaine part aux confins de l’univers en quête d’une planète qui puisse remplacer la Terre…

LE GRAND DÉPLACEMENT

 

2025 – FRANCE / BELGIQUE

 

Réalisé par Jean-Pascal Zadi

 

Avec Jean-Pascal Zadi, Reda Kateb, Lous And The Yakuza, Fadily Camara, Fary, Déborah Lukumuena, Claudia Tagbo, Alassane Diong et la voix d’Eric Judor

 

THEMA SPACE OPERA

Si Jean-Pascal Zadi est souvent irrésistible face à la caméra (sa prestation d’ingénieur du son dépassé par les événements dans le faux film de zombies Coupez ! était hilarante), il nous convainc souvent moins dans le rôle du scénariste/réalisateur. Après deux polars en début de carrière (African Gangster et Sans pudeur ni morale), il créait pourtant un petit événement avec Tout simplement noir en 2020. Mais si le film se distinguait par son casting impressionnant et par ses envies louables de brocarder les clichés racistes et antiracistes, le résultat final se révélait maladroit et erratique. Savoir Zadi à la tête d’un space opera burlesque avait donc de quoi susciter la perplexité. Le titre est bien sûr un pied de nez à la théorie du « grand remplacement » selon laquelle il existerait un processus de substitution progressive de la population française et européenne par les peuples d’Afrique et du Maghreb. Toujours prompt à se moquer de la xénophobie mais aussi des travers inverses, Zadi se lance dans un film de science-fiction particulièrement audacieux, tourné en région parisienne, en Côte d’Ivoire et dans le désert marocain de Ouarzazate, avec à sa disposition un budget d’un peu plus de 17 millions d’euros.

Alors que la Terre traverse des crises environnementales, sociales et politiques de plus en plus graves, plusieurs pays d’Afrique décident de s’allier pour organiser la première expédition spatiale dirigée par le continent, convaincus que les autres puissances les délaisseront. L’équipage, composé de scientifiques et ingénieurs africains aux origines diverses, doit atteindre une exoplanète baptisée Nardal pour vérifier si elle peut accueillir leur peuple lorsque la Terre deviendra inhabitable. La technologie mise au point par l’organisation secrète UNIA possède une avance considérable : une plante longtemps considérée disparue, retrouvée au Burundi, qui permet la production d’ergol, carburant capable de propulser les vaisseaux à des vitesses supraluminiques. L’UNIA dispose également d’une station spatiale secrète, entretenue depuis des années par un membre d’équipage, garant de son bon fonctionnement. Après une formation accélérée, les volontaires s’embarquent à bord de la « Black Starline ». Mais, comme on peut l’imaginer, la mission ne va pas exactement se dérouler comme prévu…

Black Mic-Mac

Bardé de clichés, surjoué, truffé de gags qui trainent en longueur pour ne mener nulle part, Le Grand déplacement nous embarrasse dès ses premières minutes. On ne comprend d’ailleurs pas bien où veut en venir le film, au-delà de son pitch déjà très faible. Il est clair que Zadi vise comme toujours le racisme et le sexisme, mais avec tellement de lourdeur que chaque tentative d’humour tombe à plat. Quelques idées surnagent pourtant – comme l’idée d’une lutte tellement systématique contre la discrimination qu’elle devient ségrégationniste elle-même, ou la future appropriation de la planète qui finit par s’assimiler à une colonisation -, mais elles sont traitées par-dessus la jambe. Même le principe comique élémentaire qui consiste à mettre à la tête d’une mission très sérieuse un individu idiot et gaffeur (joué bien sûr par Zadi) peine à fonctionner, puisque les autres membres de l’expédition sont aussi des caricatures sans nuance. Y compris ce robot très laid à qui Eric Judor prête sa voix, mais qui constitue peut-être le seul élément vraiment drôle du film. C’est d’autant plus dommage que la mise en forme est très soignée, avec notamment une musique épique de Guillaume Roussel et des effets visuels de très haut niveau supervisés par Jean-François Michelas (Vidocq, Asterix et Obelix : Mission Cléopâtre) et Alain Carsoux (Seven Sisters, Santa & Cie, Big Bug). Mais ça ne suffit pas à rendre le film suffisamment attrayant. D’où un échec cuisant au box-office, regrettable certes mais très compréhensible.

 

© Gilles Penso

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