WILLA (2012)

Cette adaptation méconnue d’une nouvelle de Stephen King suit les pas d’un jeune couple marqué par une catastrophe ferroviaire…

WILLA

 

2012 – USA

 

Réalisé par Christopher Birk

 

Avec Clayton Watson, Sara Hogrefe, Theodore Bouloukos, Gregory M. Brown, Jane Brown, Felix Flores, Jennifer Fouche, Susan Kirby, Barbara Linton

 

THEMA FANTÔMES I SAGA STEPHEN KING

Willa est une nouvelle de Stephen King parue dans le magazine Playboy en 2006 puis intégrée dans le recueil Juste avant le crépuscule deux ans plus tard. Après le déraillement d’un train, les « naufragés » attendent sur le quai de la gare qu’une navette vienne les chercher. David, lui, s’éloigne dans les bois pour retrouver sa fiancée Willa qui a disparu. Il la retrouve dans un bar où des autochtones habillés en cowboys et cowgirls dansent au son d’un groupe de country appelé « Les Dérailleurs ». Le jeune homme ne tarde pas à comprendre qu’ils sont morts tous les deux, qu’ils ne sont plus que des fantômes. « Ils nous sentent, pensa David », raconte King en adoptant le point de vue de son héros. « Comme un souffle d’air froid. Voilà ce que nous sommes pour eux, maintenant. » Dans cette nouvelle envoûtante, il est question de perception, d’illusion, de force de la volonté capable de changer le regard des fantômes, tour à tour baignés dans l’illusion de la vie ou contemplant l’horrible réalité de ce qu’ils sont devenus : des cadavres calcinés dans une gare en ruines.

« Mon plus grand espoir est que l’amour survive à la mort » affirme King dans la postface du recueil, explicitant ainsi les raisons qui l’ont poussées à écrire ce texte. Le film qu’en tire l’auteur et réalisateur Christopher Birk est produit dans des conditions tellement sommaires et avec un budget si maigre qu’on ne peut que saluer l’ambition de cette démarche, même si elle peine à convaincre les spectateurs les plus compréhensifs. Les quatre minutes de générique situées dans les bois laissent comprendre qu’il va falloir s’armer de patience pour apprécier ce film. Car le rythme s’y étire plus que de raison, preuve que ce court récit n’était pas adapté à la durée d’un long-métrage. D’autant que tout est un peu trop approximatif pour convaincre, de la direction des acteurs à la photographie en passant par les cadrages, le montage ou le mixage. Il nous semble en réalité visionner un court métrage amateur qui aurait été rallongé artificiellement sur une durée de 80 minutes.

Les passagers de la nuit

Certes, l’atmosphère contemplative et décalée de la nouvelle est assez bien restituée, et certaines séquences évoquent les passages les plus troublants de Carnival of Souls de Herk Harvey. Mais les dialogues trop explicatifs sonnent faux, en particulier ceux de la serveuse qui ressent le besoin d’annoncer qu’un couple de fantômes amoureux hante l’une des tables du bar. D’autant que le scénario tire à la ligne en essayant visiblement de garder pour la fin un coup de théâtre révélateur que tous les spectateurs auront deviné dès les premières minutes. Reconnaissons au film son ambiance réussie, ses maquillages spéciaux efficaces, sa bande originale envoûtante et des comédiens qui font ce qu’ils peuvent pour nous convaincre de l’intensité du drame qu’ils vivent. Après Willa, Christopher Birk poursuivra dans la voie d’un cinéma indépendant souvent confidentiel, partagé entre la fiction volontiers horrifique et le documentaire.

 

© Gilles Penso

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EVIL BONG (2006)

Quatre étudiants qui partagent un appartement désordonné font l’acquisition d’un bang supposément possédé par un démon…

EVIL BONG

 

2006 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec David Weidoff, John Patrick Jordan, Mitch Eakins, Brian Lloyd, Robin Sydney, Kristyn Green, Tommy Chong, Michelle Mais, Jacob Witkin, Kristen Caldwell

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

En 2006, Charles Band est en pleine effervescence. Producteur infatigable et patron de la mythique compagnie Full Moon, il enchaîne alors les projets avec une cadence frénétique. En quelques mois, il réalise et produit Decadent Evil, Doll Graveyard, The Gingerdead Man et Petrified. C’est dans cette dynamique d’hyperactivité créative que germe l’idée d’Evil Bong. « Je dînais avec mes deux fils cadets, Harlan et Zalman, et nous envisagerions l’idée d’un film sur la weed », raconte-t-il. « Je me suis dit : « Faisons un film loufoque dans lequel des jeunes héros défoncés trouvent un bang et se retrouvent propulsés à l’intérieur. Ce sera le prétexte pour faire des bêtises et montrer des filles à moitié nues“. » (1) Le tournage est expédié en sept jours chrono, dans un esprit aussi artisanal que déluré. Pour donner corps au projet, Band s’entoure de visages familiers. Derrière la caméra, Mac Ahlberg, légende discrète du cinéma de genre — on lui doit la photographie de Re-Animator et From Beyond — signe ici son dernier film avant de se retirer. Ahlberg, décédé en 2012 à 81 ans, laisse derrière lui un héritage visuel qui a marqué plusieurs générations de cinéphiles. Devant la caméra, Band décroche la participation de Tommy Chong, moitié du mythique duo Cheech & Chong, dont les films comme Up in Smoke ou Cheech and Chong’s Next Movie ont façonné toute une culture « stoner ».

L’intrigue d’Evil Bong nous est contée à travers les yeux d’Alistair McDowell, étudiant studieux et un brin naïf qui emménage en colocation avec trois étudiants paresseux et foutraques : Larnell, Bachman et Brett, adeptes de jeux vidéo, de fêtes bruyantes et de fumette en série. Un jour, Larnell tombe sur une étrange annonce : un bang à vendre, dont l’ancien propriétaire prétend qu’il est possédé. Intrigué, il n’hésite pas une seconde et passe la commande. L’objet maudit est livré, et le trio s’empresse de l’essayer, sous le regard dubitatif d’Alistair qui, en garçon sage, préfère s’abstenir. À peine la fumée s’élève que le bang s’anime et les aspire l’un après l’autre dans un monde parallèle, une simulation psychédélique prenant la forme d’un bar de strip-teaseuses. Là, des danseuses affriolantes leur offrent un dernier frisson avant de les massacrer, laissant derrière elles leurs cadavres inanimés dans le monde réel. Alors que les victimes s’enchaînent, piégées par l’attraction mortelle de ce bang démoniaque, Alistair décide de percer le secret de cette étrange relique pour mettre un terme à son influence maléfique…

Le monde est stone

Dès ses premières minutes, le film de Charles Band assume sa nature : une comédie potache confinée dans un unique décor de chambre en désordre. La mise en scène fonctionnelle s’assortit de petits jingles musicaux qui lui donnent des allures de sitcom pour ados. Le vrai coup de folie intervient lorsque le bang maléfique entre en scène. Projetés dans le « Bong World », les protagonistes croisent des strip-teaseuses arborant des soutien-gorge aux bonnets carnassiers : crânes, gueules de requins ou lèvres géantes prêtes à mordre. Le tout sur fond de répliques parfaitement absurdes, comme ce cri du cœur : « Nous sommes en Amérique, terre de la liberté d’être défoncé quand on le veut ! » En bonus pour les amateurs de l’univers Full Moon, la virée dans ce club surnaturel prend les allures d’une sorte de « multiverse » peuplé de plusieurs échappés des productions maison, comme la poupée guerrière Ooga Booga de Doll Graveyard (une version délurée adepte du joint et de la masturbation !), le Gingerdead Man, le Jack Deth de la saga Future Cop (Tim Thomerson, fidèle au poste), le chasseur de vampires de Decadent Evil (Phil Fondacaro) ou encore Bill Moseley reprenant son personnage Synthoid 2030. Totalement décomplexé, réalisé en roue libre par un Charles Band qui semble s’amuser comme un fou, Evil Bong sera le point de départ d’une saga aussi prolifique qu’improbable.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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D-WAR : LA GUERRE DES DRAGONS (2007)

Échappés d’une légende ancestrale, un serpent géant et un dragon colossal s’affrontent en plein Los Angeles…

D-WAR

 

2007 – CORÉE DU SUD / USA

 

Réalisé par Hyung-rae Shim

 

Avec Jason Behr, Amanda Brooks, Robert Forster, Jesse Jam Miranda, Craig Robinson, Aimee Garcia, Chris Mulkey

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES I DRAGONS

Initialement baptisé Dragon Wars, D-War n’aura pas été simple à concrétiser. Lancé en 2001 par le réalisateur sud-coréen Shim Hyung-rae — déjà derrière Yonggary — le projet s’annonce comme un blockbuster aux très grandes ambitions. Prévu avec un budget de 30 milliards de wons (environ 35 millions de dollars), le film explose très vite les compteurs. À tel point que certaines estimations évoquent un coût final flirtant avec les 75 millions… voire 99 millions de dollars. Pour toucher un public international, Shim mise sur un casting majoritairement américain. Pendant trois longues années, l’équipe de Younggu-Art Movies, la société dirigée par le réalisateur, se consacre entièrement à la création des effets spéciaux, réalisés en interne. Ce tour de force technique sera dévoilé en avant-première lors de l’American Film Market début 2007, avant une sortie en Corée du Sud programmée le 1er août. Présenté dans un premier temps dans une version de 110 minutes (notamment à Berlin en février 2007), D-War est finalement resserré à 92 minutes pour sa diffusion en salles, après des projections tests pas particulièrement enthousiastes. Malgré ces coupes, le film est loin d’avoir le succès escompté. Les critiques sont globalement assassines et ses bénéfices mondiaux ne lui permettent pas de rembourser sa donne initiale. D-War ne manque pourtant pas d’attraits.

Dans la Corée du 16ème siècle, une jeune fille portant en elle une force mystique doit être sacrifiée à un serpent légendaire. Mais lorsque le maléfique Buraki attaque le village pour s’emparer de ce pouvoir, les deux jeunes élus, Narin (Hyojin Ban) et Haram (Hyun Jin), préfèrent mourir ensemble plutôt que de se plier à leur destin. Le sacrifice n’ayant pas lieu, la prophétie est suspendue. La légende refait alors surface dans le Los Angeles des années 2000. Ethan Kendrick (Jason Behr), reporter télé, enquête sur d’étranges phénomènes qui plongent la ville dans le chaos. Au fil de ses investigations, il découvre que la jeune femme au cœur de ces événements, Sarah Daniels (Amanda Brooks), est en réalité la réincarnation de Narin — et lui-même celle de Haram. Ensemble, ils doivent affronter Buraki, revenu pour finir ce qu’il avait commencé. Alors que la ville est envahie par l’armée monstrueuse du dragon noir, composée de créatures mythiques et de forces destructrices, Ethan et Sarah doivent faire un choix : répéter le sacrifice d’antan ou tenter de briser la boucle du destin…

De sang froid

Face au spectacle démentiel de cet affrontement dantesque entre un serpent géant et un dragon en plein Los Angeles, symbole de la lutte éternelle du bien contre le mal, les amateurs de monstres géants ne peuvent que s’enthousiasmer. Les créatures sont superbes et le film regorge de morceaux d’anthologie, comme la voiture poursuivie par le serpent titanesque dans le parking ou l’assaut par l’armée du monstre juché sur un building, variante du climax de King Kong. Tous les réalisateurs des Godzilla des années 50 à 90 (et même Roland Emmerich) auraient probablement rêvé à l’époque de pouvoir bénéficier d’effets visuels aussi impressionnants. Pour gonfler d’emphase cette épopée aux grandes ambitions, Hyung-rae Shim couple aux compositions électro-orchestrales de Steve Jablonsky (The Island, Transformers) l’usage récurrent du « Dies Irae », ce fameux chant liturgique du 13ème siècle symbolisant habituellement la mort, le jugement et la tragédie (décliné dans des films aussi divers que Citizen Kane, L’Exorciste, Shining, Sleepy Hollow ou Le Roi Lion). Bref, D-War est pétri d’atouts et de belles choses. Le problème est que le scénario lui-même n’a pas beaucoup d’intérêt et que les personnages ne nous importent guère. Malgré son casting occidental et ses seconds rôles familiers, dans le but d’assurer au film un succès international, D-War n’a donc guère conquis le monde. La suite longtemps annoncée, D-War II : Mysteries of the Dragon, est toujours en suspens à ce jour.

© Gilles Penso

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I SPIT ON YOUR GRAVE 3 : VENGEANCE IS MINE (2015)

L’héroïne du premier film est de retour dans cette suite, s’efforçant de panser ses blessures tout en réfrénant ses pulsions homicides…

I SPIT ON YOUR GRAVE 3 : VENGEANCE IS MINE

 

ANNEE – USA

 

Réalisé par Richard Schenkman

 

Avec Sarah Butler, Jennifer Landon, Doug McKeon, Garbriel Hogan, Harley Jane Kozak, Michelle Hurd, Russell Charles Pitts, Walter Perez, Karen Strassman

 

THEMA TUEURS I SAGA I SPIT ON YOUR GRAVE

Contrairement à I Spit on your Grave 2, qui déclinait les mêmes thèmes que le premier film sans présenter de lien narratif direct avec celui-ci, I Spit on your Grave 3 est la suite directe du film de 2010, lui-même remake du I Spit on your Grave de 1978. Nous retrouvons donc ici le personnage de Jennifer Hills, toujours incarnée par Sarah Butler, encore marquée – et on la comprend – par la violente agression dont elle fut victime et qui la mua en bourreau vengeur. Steven R. Monroe, qui avait réalisé les deux films précédents, cède cette fois-ci la place à Richard Schenkman (The Man From Earth, Abraham Lincoln tueur de zombies), qui signe cette suite sous le pseudonyme de R.D. Braunstein. Avec le scénariste Daniel Gilboy (co-producteur des deux films précédents), Schenkman tient cette fois-ci à explorer les conséquences à long terme du traumatisme de Jennifer, en montrant sa lutte pour retrouver une vie normale tout en étant hantée par son passé. Produit par CineTel Films et distribué par Anchor Bay Films, le film est tourné avec un budget très restreint. Ses résultats au box-office seront plus modestes que ceux de ses prédécesseurs, ce qui n’empêchera pas la mise en chantier d’un quatrième opus en 2019.

Plusieurs flash-backs furtifs nous permettent de revoir brièvement le calvaire enduré par Jennifer dans le premier film. De retour à la civilisation sous le nom d’Angela Jitrenka, la jeune femme tente difficilement d’effacer son traumatisme. Très méfiante envers les hommes, elle vivote grâce à un petit travail routinier dans un bureau et suit une thérapie. « La justice n’est pas une chose qu’on reçoit mais qu’on donne », dit-elle à sa psychologue, avant d’ajouter : « Le monde est empli de prédateurs et de proies. Vous êtes soit l’un, soit l’autre ». Généreuse en aphorismes de cet acabit, la jeune femme est devenue un être solitaire et misanthrope, trimballant dans son sac un taser – au cas où. Lorsqu’elle rejoint un groupe de parole pour victimes de viol, elle se lie d’amitié avec Marla (Jennifer Landon), une militante radicale qui prône une réponse musclée aux hommes irrespectueux. L’engrenage de la violence s’enclenche bientôt, et le sang ne va pas tarder à couler à nouveau…

L’ange de la vengeance

L’image de l’ange exterminateur est évoquée au détour d’une conversation liée au pseudonyme choisi par l’héroïne. Car Jitrenka signifie en tchèque « l’étoile du matin », expression à l’origine du nom de Lucifer, le « porteur de lumière ». La chute de Jennifer dans le premier film puis sa résurrection symboliseraient-elles donc la transformation d’un ange en démon ? Les visions qui frappent notre héroïne à intervalles réguliers, la montrant massacrer ceux qui la contrarient, tendent effectivement à prouver qu’un monstre sommeille toujours en elle. L’originalité de ce troisième épisode est de s’éloigner du schéma habituel du « rape and revenge » pour tenter un pas de côté. Il est certes toujours question de viol et de vengeance, mais l’intrigue n’obéit pas à la mécanique traditionnelle dictée par le film original de Meir Zarchi. Il eut de toute façon été vain de tenter de surenchérir sur I Spit on your Grave 2 qui poussait déjà très loin la visualisation d’abus physique et de violences faites aux femmes. Si les agressions sexuelles sont ici abordées de manière moins démonstrative (le film les évoque mais ne les montre pas), l’engrenage de l’auto-justice, lui, ne s’interdit aucun débordement douloureux et sanglant. Les multiples rebondissements du scénario sont efficaces et inattendus, même si l’on ne peut s’empêcher de penser – mais ce reproche est imputable à la « saga » tout entière – que le message féministe n’est qu’un prétexte pour s’adonner au « torture porn » et procurer aux amateurs d’hémoglobine leur lot de frissons.

 

© Gilles Penso

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MUTRONICS (1991)

Un jeune homme découvre une technologie extra-terrestre, se transforme en super-héros cuirassé et affronte une horde de mutants monstrueux…

THE GUYVER

 

1991 – USA / JAPON

 

Réalisé par Screaming Mad George et Steve Wang

 

Avec Jack Armstrong, Mark Hamill, Vivian Wu, David Gale, Michael Berryman, Jimmie Walker, Peter Spellos, Spice Williams Crosby, Jeffrey Combs, Linnea Quigley

 

THEMA MUTATIONS I SUPER-HÉROS

Créé par Yoshiki Takaya, le manga Guyver fait ses premiers pas en 1985 dans les pages du magazine Shonen Captain et atteint rapidement un statut d’œuvre culte, mêlant allègrement le gore et la science-fiction autour des thèmes de la biotechnologie, de la mutation et des artefacts extra-terrestres. En 1989, une adaptation sous forme de série animée est confiée au réalisateur Kôichi Ishiguro. En faisant l’acquisition des droits cinématographiques du manga, le studio New Line souhaite de son côté se lancer dans un long-métrage en prises de vues réelles. Pour en créer les innombrables effets spéciaux, deux noms s’imposent : Screaming Mad George (Le Cauchemar de Freddy, Society, Re-Animator 2) et Steve Wang (Predator, Monster Squad, Gremlins 2). Les deux hommes, qui n’ont pas leur pareil pour concevoir des créatures délirantes et des séquences de métamorphoses mémorables, acceptent le défi et proposent d’assurer eux-mêmes la réalisation du film, avec la bénédiction de Brian Yuzna promu producteur du projet. Malgré le budget très raisonnable de 3 millions de dollars à leur disposition, les deux réalisateurs entendent bien en mettre plein la vue aux spectateurs. La série animée étant encore diffusée à l’époque de la mise en chantier du long-métrage, le film se veut différent. « La version animée est beaucoup plus sérieuse et destinée aux adultes », confirme George. « Elle contient beaucoup de violence et de sang. Lorsque nous avons commencé à développer le scénario, nous avons décidé de le destiner à un public plus large. » (1)

Le Dr Tetsu Segawa (Greg Paik), généticien pour la compagnie Chronos, prend la fuite après avoir volé un artefact extraterrestre : le Guyver, qu’il décrit comme « la technologie la plus dangereuse depuis la bombe atomique ». Mais il est rapidement rattrapé par Lisker (ce bon vieux Michael Berryman, échappé de La Colline a des yeux), bras droit du président de Chronos, Fulton Balcus (David Gale, le grand méchant de Re-Animator). Aussitôt, Lisker se transforme en Zoanoïde — un humain génétiquement modifié — et abat Segawa, qui vient lui aussi de révéler sa nature de Zoanoïde. Mais lorsqu’il remet la mallette à son patron, Lisker découvre qu’elle ne contient qu’un grille-pain : Segawa avait en effet dissimulé le Guyver dans une décharge avant d’être capturé. Or Sean Barker (Jack Armstrong), petit ami de la fille de Segawa, Mizuki (Vivian Wu), découvre par hasard l’unité Guyver sur les lieux du crime. Il la glisse dans son sac à dos sans se douter de ce qu’elle renferme. Plus tard, son scooter tombe en panne dans une ruelle où un gang l’agresse. L’unité s’active soudainement et fusionne avec Sean, qui se transforme en une redoutable machine de combat. Sous l’armure du Guyver, il élimine ses agresseurs avec une puissance surhumaine. Ce sera désormais lui, le seul rempart possible contre la menace que fait peser sur le monde le vil Balcus…

Moitié homme moitié robot

Aujourd’hui, Mutronics (« traduction » française de Guyver) est généralement considéré comme un nanar sympathique et caoutchouteux. Certes, nous sommes loin du chef d’œuvre. Pour autant, comment ne pas s’enthousiasmer face à cette profusion non-stop d’effets spéciaux « old school » tous plus excessifs les uns que les autres ? Entremêlant les morphologies des humains, des poissons, des reptiles, des rapaces, des éléphants, des dinosaures, des gorilles, des boucs et même des Gremlins, les mutants qui se déchaînent dans le film sont un régal pour les amateurs de monstres en latex. Tout comme le « metal hero » qui s’oppose à eux, dans une armure ma foi très seyante. Les scènes de métamorphoses impensables abondent, avec au moment du climax le surgissement d’un affreux homme-insecte (qui nous rappelle l’une des scènes les plus folles du Cauchemar de Freddy) puis d’un mutant dragon géant ! Les combats eux-mêmes sont amusants mais – avouons-le – pas beaucoup plus excitants que ceux d’un épisode de X-Or ou des Power Rangers. Les acteurs costumés gesticulent donc maladroitement, sautent dans les airs et se collent des mandales. Si David Gale et Michael Berryman sont de savoureux super-vilains cartoonesques, et si Jeffrey Combs nous offre une petite apparition réjouissante en docteur East (clin d’œil manifeste à Herbert West), Mark Hamill joue un agent de la CIA sans beaucoup de conviction, Vivian Wu n’a pas grand-chose à défendre et Jack Armstrong campe un héros très insipide. Mutronics n’est pas non plus aidé par ses traits d’humour balourds. Le film aura tout de même droit à une suite en 1994, Guyver : La Sentinelle de l’ombre.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Cinefantastique en février 1992

 

© Gilles Penso

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TREMORS 5 BLOODLINE (2015)

Flanqué d’un caméraman qui veut faire de lui une star, Burt Gummer part en Afrique pour lutter contre de nouveaux monstres carnivores…

TREMORS 5 BLOODLINE

 

2015 – USA

 

Réalisé par Don Michael Paul

 

Avec Michael Gross, Jamie Kennedy, Daniel Janks, Pearl Thusi, Brandon Auret, Sello Sebotsane, Natalie Becker, Lawrence Joffe, Emmanuel Castis

 

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS I SAGA TREMORS

Onze ans après Tremors 4, les vers géants et leurs progénitures refont enfin leur apparition à l’écran. L’idée d’un cinquième volet est pourtant née dès 2004. Après le tournage du quatrième volet, les créateurs originels de la saga, S.S. Wilson et Brent Maddock, couchent en effet sur papier un nouvel épisode situé en Australie, qu’ils baptisent Gummer Down Under. Malgré leur enthousiasme et une première ébauche prometteuse, le développement patine et le projet s’enlise. Lorsque le studio Universal relance enfin la machine, Maddock et Wilson sont associés comme producteurs. Mais en réalisant qu’ils n’auront que peu de prise sur le processus créatif, les duettistes préfèrent se retirer. La barre est alors confiée à John Whelpley, déjà scénariste du troisième volet, qui réoriente l’action vers une nouvelle terre sauvage : l’Afrique du Sud. Tourné dans une réserve naturelle réelle, le film bénéficie de l’aide précieuse de bénévoles sur place, chargés de tenir les chevaux, déplacer des cages à lions… voire prêter leur propre logement comme décor. Côté casting, les fans espéraient un retour de Kevin Bacon, star du tout premier Tremors. Or s’il manifeste son intérêt dans un premier temps, l’acteur finit par décliner. C’est donc Michael Gross, fidèle au poste, qui reprend son rôle de fou de la gâchette dans une Afrique infestée d’invertébrés géants et mutants.

Force est de constater que Burt Gummer n’a pas beaucoup changé depuis le premier Tremors, si ce n’est son crâne lisse comme un œuf. Notre homme passe désormais ses journées à tourner des vidéos de survivalisme pour montrer comment s’en sortir dans la nature hostile, construire des fours improvisés, boire du jus de cactus et manger des serpents grillés. Après deux ou trois cascades de motocross qui alimentent le générique de début, le fougueux cameraman Travis Welker (Jamie Kennedy) vient à sa rencontre en plein désert du Nevada pour lui proposer d’augmenter sa popularité et de transformer son statut de « solitaire paranoïaque » en véritable star des réseaux sociaux. C’est le moment que choisit Erich Van Wyk (Daniel Janks), un envoyé du « ministère de la vie sauvage d’Afrique du Sud », pour solliciter ses talents. Une attaque de créatures voraces (les fameux « culs flambeurs » vus dans Tremors 3) a en effet été signalée à Grauteng, le « berceau de l’humanité ». Sur place, Gummer se joint à une petite équipe et se lance dans son activité préférée : la chasse aux monstres.

Des monstres 100% numériques

Après le Mexique du second épisode, celui-ci dépayse donc une nouvelle fois les spectateurs en leur offrant de beaux extérieurs captés en Afrique. Le film joue d’ailleurs la carte de la couleur locale jusqu’à l’excès (images d’animaux sauvages dans la savane, danses des indigènes autour du feu…). Même les personnages africains véhiculent certains clichés, quand ils ne deviennent pas improbables comme la paisible doctoresse (Pearl Thusi) qui, en un clin d’œil, se mue en émule de Lara Croft pour sauver sa fille des griffes des monstres. Les images de synthèse ayant fait de gros progrès depuis les épisodes précédents, l’animatronique a définitivement déserté la saga au profit de créatures numériques conçues par la talentueuse équipe bulgare de la compagnie Cinemotion. Les « culs flambeurs » s’animent ainsi dans une série de séquences très dynamiques, y compris un moment de suspense situé dans une grande cuisine qui évoque irrésistiblement Jurassic Park (le clin d’œil est assumé avec le gros plan des pattes griffues sur le carrelage). Le film paie aussi son tribut à Alien et Aliens avec sa grotte pleine d’œufs de monstres prêts à éclore. Les graboïds eux-mêmes sont de retour avec une petite nouveauté : les tentacules en forme de serpent qui jaillissent de leurs gueules sont désormais capables de se déplacer de manière autonome, multipliant la menace et les massacres potentiels. Pour enrichir l’intrigue, plusieurs personnages clés cachent des secrets qui émergent au fil du récit, justifiant le sous-titre Bloodline, qui concerne à la fois les monstres et les humains. Derrière la caméra, le spécialiste des suites à petit budget Don Michael Paul (Lake Placid : The Final Chapter, Death Race : Anarchy, Le Roi Scorpion : Le Livre des âmes), assure une mise en scène nerveuse et efficace, à défaut de lui imprimer beaucoup de personnalité. Il rempilera d’ailleurs pour les deux épisodes suivants de la saga.

 

© Gilles Penso

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LA TERREUR DES MORTS-VIVANTS (1978)

Victime d’une malédiction lancée par une sorcière au 18ème siècle, un réalisateur de films voit son entourage mourir de manière violente…

TERROR

 

1978 – GB

 

Réalisé par Norman J. Warren

 

Avec John Nolan, Carolyn Courage, James Aubrey, Sarah Keller, Tricia Walsh, Glynis Barber, Michael Craze, Rosie Collins, Chuck Julian, Elaine Ives-Cameron

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Contrairement à ce que pourrait faire croire son titre français, Terror n’a aucun rapport avec les morts-vivants, les distributeurs s’étant sans doute laissés porter par l’impact des films de George Romero. Il s’agit en réalité d’une histoire de sorcellerie empruntant les codes du slasher. Spécialisé dans le cinéma d’horreur à petit budget (L’Esclave de Satan, Le Zombie venu d’ailleurs), Norman J. Warren puise ici son inspiration dans le travail de Dario Argento. « Suspiria m’a soufflé », avoue-t-il. « Je n’avais jamais vu un film pareil. Il n’y avait pas vraiment d’histoire, la photographie était folle et la bande-son incroyable. J’ai su à ce moment-là que mon prochain film serait dans le même style. Terror est donc un hommage à Suspiria, pas une copie, mais il est conçu dans un style similaire » (1). Warren place donc la barre assez haut. Le tournage de Terror se fait dans l’urgence, souvent de nuit, dans des conditions précaires. L’équipe improvise avec des ressources limitées, réutilisant des décors, des costumes, et intégrant même des séquences inspirées de véritables rêves du réalisateur. « Terror a toujours été mon préféré parmi mes propres films », ajoute-t-il. « Tous ceux qui y ont participé ont dit que c’était le tournage le plus agréable qu’ils aient jamais connu. Il a fallu quatre semaines pour le tourner, il n’y avait pas d’argent et nous l’avons traité comme une grande fête » (2).

Le film s’ouvre sur une forêt brumeuse du XVIIIe siècle. Une sorcière, traquée par des villageois en furie armés de torches, est piégée dans un collet à loup. Capturée, elle est condamnée au bûcher. Mais avant de périr dans les flammes, elle invoque Satan. Aussitôt, les flammes se retournent contre le bourreau, tandis qu’elle maudit toutes les générations à venir. Une scène classique, presque attendue. Sauf que ce n’est qu’un film dans le film. Ce que nous venons de voir est une projection privée, présentée dans un manoir par son réalisateur, James Garrick (John Nolan), à une poignée d’amis. Garrick affirme que le scénario s’inspire d’événements réels liés à sa propre lignée. L’audience oscille entre scepticisme poli et fascination inquiète. Or la soirée ne tarde pas à basculer. D’étranges phénomènes se manifestent, et bientôt, la mort se met à frapper dans l’entourage de ceux qui ont participé à cette petite réunion. Est-ce l’œuvre d’un tueur dissimulé dans l’ombre ? Ou les rouages d’une malédiction ancestrale qui s’est remise en marche ?

Prometteur mais bâclé

Dès le début, le manque de moyens de Norman J. Warren saute aux yeux : une forêt très peu touffue dans laquelle l’actrice essaie de nous faire croire qu’elle se perd, un peu de fumigènes pour créer de l’atmosphère, des projecteurs bleus pour simuler les éclairs dans le ciel. Mais ce manque de réalisme finit presque par jouer en faveur du film, le dotant d’une plastique étrange qui n’est pas sans rappeler le cinéma gothique italien des années 60. Cette approche esthétique est justifiée par le caractère fictif du prologue du film. Lorsque l’intrigue s’inscrit dans le monde réel et contemporain, l’influence assumée du cinéma de Dario Argento affleure, avec des mains gantées et des armes blanches héritées du giallo. À partir de là, les clichés s’enchaînent, le film souffrant d’acteurs très moyennement convaincants et d’une musique peu subtile. C’est d’autant plus dommage qu’en de rares instants inspirés, Norman J. Warren stylise sa mise en scène et tente des choses originales, comme cette séquence dans laquelle un plateau de tournage semble en proie à un poltergeist. Mais l’ensemble reste trop approximatif et erratique pour convaincre, plombé par de longues scènes inutiles qui ne mènent nulle part (la femme qui tombe en panne dans la forêt). Le réalisateur tente bien de pimenter son film avec un soupçon d’horreur graphique (une décapitation à l’épée, un corps déchiqueté dans une benne à ordures) et avec quelques clins d’œil adressés aux connaisseurs (le poster de L’Esclave de Satan et de Crime à froid) mais rien n’y fait. La Terreur des morts-vivants est à l’image des autres films d’horreur de Warren : prometteur mais bâclé.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans Rock! Shock! Pop! en juillet 2012

(2) Extrait d’un entretien publié dans British Horror Films en mai 2011

 

© Gilles Penso

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OPÉRATION GOLDMAN (1966)

Un agent secret enquête sur le sabotage de plusieurs fusées en partance pour la Lune et met à jour le complot d’un redoutable super-vilain…

OPER AZIONE GOLDMAN

 

1966 – ITALIE / ESPAGNE

 

Réalisé par Antonio Margheriti

 

Avec Anthony Eisley, Wandisa Guida, Diana Lorys, Luisa Rivelli, Folco Lulli, Francisco Sanz, José Maria Caffarel, Renato Montalbano, Oreste Palella

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Coup sur coup, James Bond contre docteur No, Bons baisers de Russie, Goldfinger et Opération tonnerre secouent le box-office mondial dans les années 60. Aussitôt, la « spy mania » gagne les cinématographies de la planète entière. En ce domaine, l’Italie n’est pas en reste. D’où cette co-production avec l’Espagne qui permet à Antonio Margheriti, habitué à l’horreur (La Vierge de Nuremberg, Danse macabre, La Sorcière sanglante) et à la science-fiction (Le Vainqueur de l’espace, La Planète des hommes perdus), de se plier à son tour aux codes du genre, sous son pseudonyme habituel d’Anthony Dawson. En tête d’affiche, le cinéaste dirige deux familiers du cinéma bis : l’Américain Anthony Eisley (La Femme guêpe, The Mighty Gorga, Dracula contre Frankenstein, L’Invasion des cocons) et l’Espagnole Diana Lorys (L’Horrible docteur Orloff, Superargo contre les robots, Malenka la vampire, Les Cauchemars naissent la nuit). Le titre Opération Goldman reste un mystère dans la mesure où personne ne porte ce nom dans le film. Sans doute est-ce une allusion aux crédits financiers sans limite dont bénéficie le héros, doublée d’un clin d’œil à Goldfinger (comme le fit l’année précédente le Dr Goldfoot). Les Américains, eux, rebaptisent le film Lightning Bolt et se réfèrent à Opération tonnerre avec le slogan « he strikes like a ball of thunder » (« il frappe comme un coup de tonnerre »).

À Cap Kennedy, six lancements de fusées vers la Lune ont échoué l’un après l’autre dans des circonstances étranges. Inquiet d’un possible sabotage aux répercussions internationales, le département « S » de la Commission fédérale de sécurité mandate l’agent secret Harry Senneth (Anthony Eisley) pour mener l’enquête. Contrairement à sa supérieure, la rigoureuse capitaine Patricia Flanagan (Diana Lorys), qui privilégie les méthodes musclées, Senneth préfère les solutions élégantes : costumes de luxe, humour caustique et chéquier illimité de la banque fédérale. Un style bien à lui pour infiltrer les milieux suspects. L’affaire se complique avec la mystérieuse disparition du Dr Rooney (Francisco Sanz), un éminent scientifique du programme spatial. Avant de s’évanouir dans la nature, Rooney avait détecté d’inquiétants signaux de radiation provenant des fonds marins, près du centre spatial. Il soupçonnait que ces anomalies déviaient les fusées de leur trajectoire, provoquant leur destruction. Au fil de leurs investigations, Flanagan et Senneth remontent la piste jusqu’à un baron de la bière aux ambitions démesurées…

L’espion qui mimait

Pas franchement charismatique, Anthony Eisley campe ici un espion désinvolte à la Matt Helm auquel il est bien difficile de s’attacher, tant il semble lui-même peu concerné par ce qui se passe autour de lui, se contentant de mimer mécaniquement la prestation de Sean Connery. Diana Lorys est bien mieux lotie, quoique très sous-exploitée dans le film. La maîtrise des arts-martiaux dont est dotée son personnage n’est en effet jamais mise à contribution, l’agent qu’elle incarne disparaissant au beau milieu de l’intrigue pour ne réapparaître qu’à la toute fin. Opération Goldman ne manque pas de séquences d’action ambitieuses (la tentative de noyade dans le silo, la poursuite automobile à Cap Kennedy, le combat contre les chariots élévateurs), même si elles sont parfois entravées par des trucages approximatifs (incrustations hasardeuses, maquettes très identifiables). L’amateur de science-fiction se délectera surtout de la seconde partie du métrage au cours de laquelle toutes les folies sont autorisées, des camions de bière qui cachent des rayons laser à la grande cité sous-marine en passant par les volcans aquatiques artificiels, les scientifiques en hibernation ou encore le canon laser sur le point d’être installé sur la Lune et commandé par un cerveau électronique. Margheriti s’offre même quelques écarts horrifiques au moment où les hibernés se décomposent un à un dans leurs cylindres translucides. Le tout s’achève comme il se doit par un grand feu d’artifice final détruisant dans les flammes le superbe repaire du super-vilain.

 

© Gilles Penso

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DIE FARBE (2010)

Une adaptation minimaliste et atmosphérique de la fameuse nouvelle de H.P. Lovecraft La Couleur tombée du ciel

DIE FARBE

 

2010 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Huân Vu

 

Avec Paul Dorsch, Jürgen Heimüller, Ingo Helse, Philipp Jacobs, Michael Kausch, Olaf Krätke, Marco Leibnitz, Ralf Lichtenberg, Patrick Pierce, Erik Rastetter

 

THEMA MUTATIONS

Huân Vu est un homme à la passion tenace. Entre 2003 et 2007, alors qu’il est encore étudiant, ce réalisateur allemand d’origine vietnamienne s’attelle à son premier long-métrage, Damantus, un « fan film » consacré à l’univers du jeu de figurines Warhammer 40000. Cette première tentative n’a d’autre but que concrétiser une envie d’enfance et faire découvrir ses capacités de metteur en scène. Pour son projet suivant, il souhaite se laisser tenter par l’univers de H.P. Lovecraft et choisit, sous les conseils de son ami Jan Roth, d’adapter l’une de ses plus célèbres nouvelles, La Couleur tombée du ciel. Roth assure le rôle de coproducteur et de superviseur des effets visuels, Vu s’occupe du scénario et de la réalisation, et tous deux se partagent le travail du montage. Plus la production avance, plus il devient évident que l’ambition de Die Farbe (littéralement « La Couleur ») dépasse celle d’un simple film de fins d’études. Les deux compères décident donc d’aller d’abord au bout de leur cycle universitaire avant de pouvoir financer le long-métrage par leurs propres moyens. Pour doter cette histoire d’une coloration nouvelle (elle fut déjà adaptée trois fois à l’écran, dans Le Messager du diable, La Malédiction céleste et Colour From the Dark), elle est relocalisée dans l’espace et dans le temps. Tourné en noir et blanc, le récit se déroule donc dans un village allemand des années 40.

Le film commence à Arkham, dans le Massachusetts, en 1975. Jonathan Davis (Ingo Heise), un jeune Américain, est à la recherche de son père mystérieusement disparu sans laisser de trace. Ses investigations le mènent jusqu’en Allemagne, dans un village isolé près de la frontière française où son père était en poste après la Seconde Guerre mondiale. En interrogeant les villageois, Jonathan finit par recueillir le témoignage d’Armin Pierske (Michael Kausch), un autochtone ayant croisé le disparu dans de très étranges circonstances. Pierske raconte alors la mésaventure vécue avant la guerre par ses voisins les Gärtener, dont le champ fut contaminé suite à la chute d’une météorite aux étranges propriétés. En buvant l’eau du puits, les membres de la famille furent un par un frappés par une contamination lente et inexorable. « Quelque chose ne va pas avec l’eau » lançait à l’époque Armin à son ami Nahum Gärtener (Erik Rastetter) en guise d’avertissement. Mais c’était déjà trop tard…

« Quelque chose ne va pas avec l’eau »

L’entrée en matière de Die Farbe n’est franchement pas très engageante. Le grain vidéo disgracieux, l’emploi trop visible d’effets numériques bon marché, le jeu très approximatif des acteurs, le montage maladroit jouent sérieusement en défaveur du film, qui prend les allures d’un court-métrage semi-amateur artificiellement étiré pour pouvoir durer 90 minutes. Fort heureusement, les choses s’améliorent lorsque l’intrigue s’installe en Allemagne et que les acteurs n’ont plus besoin de se faire passer pour des personnages américains. Le cœur de l’histoire – directement issu de la nouvelle de Lovecraft – est narré en flash-backs, et c’est clairement la partie la plus intéressante du film. Tout le reste est honnêtement très facultatif. Dans la campagne allemande morose et austère d’avant-guerre qu’il filme aux abords de Stuttgart, Huân Vu parvient à bâtir une atmosphère pesante où s’immisce progressivement l’abomination. Préférant l’étrangeté à l’effet choc, le réalisateur opte pour un rythme lent constellé d’images insolites (l’énorme insecte posé sur la tête de la femme en transe) et évite d’en montrer trop pour laisser l’imagination du spectateur faire le plus gros du travail. On note le choix judicieux d’une image en noir et blanc naturaliste (à mi-chemin entre La Nuit des morts-vivants et Carnival of Souls) dans laquelle s’invitent parcimonieusement des teintes colorées étranges, cette fameuse « couleur tombée du ciel » par laquelle le malheur arrive. Non exempt de maladresses (l’une des plus rédhibitoire étant sans doute l’emploi d’images de synthèse trop démonstratives pour donner corps au phénomène d’outre-espace), Die Farbe reste un exercice de style intéressant, très proche en esprit des films produits à faible coût par la « H.P. Lovecraft Historical Society » comme The Call of Cthulhu ou The Whisperer in Darkness.

 

© Gilles Penso

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MINECRAFT – LE FILM (2025)

Jack Black, Jason Momoa et leurs compagnons s’agitent dans cette adaptation d’un des jeux vidéo les plus populaires au monde…

A MINECRAFT MOVIE

 

2025 – USA

 

Réalisé par Jared Hess

 

Avec Jack Black, Jason Momoa, Sebastian Hansen, Emma Myers, Danielle Brooks, Jennifer Coolidge, Rachel House

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLELES

L’industrie vidéo-ludique se posant en concurrente directe du 7ème art tout en se payant de belles synergies commerciales avec celui-ci, les adaptations de jeux sont devenues un genre à part entière, pour le pire… et le moins pire. En généralisant, on pourrait affirmer que les films se situant DANS l’univers du jeu peinent à impliquer le spectateur (le Super Mario Bros de 1993, Assassin’s Creed, Uncharted, Five Nights at Freddy’s), alors que ceux qui jouent la carte du « merveilleux » en commençant dans le monde réel avant de projeter leurs protagonistes dans un monde virtuel favorisent l’identification et la suspension d’incrédulité du spectateur. Une approche qui fonctionne parfaitement dans Tron, Matrix, Jumanji – Bienvenue dans la jungle, La Grande aventure Lego ou l’adaptation animée de Super Mario Bros (bien que la plupart de ces titres ne soient pas des adaptations de jeux existants), et que les scénaristes de Minecraft – le film ont salutairement choisi d’adopter ici face à l’absence totale d’enjeux dramatiques du matériau d’origine. Ainsi, sans jamais chercher à expliquer le pourquoi du comment puisqu’il est entendu que le spectateur sait ce qu’il est venu voir, le film introduit dès les cinq premières minutes le monde de Minecraft, dans lequel tout se construit et se détruit tout aussi facilement. L’argument narratif n’a de toutes façons que peu d’intérêt ici, la première demi-heure d’exposition enfilant les poncifs des films d’aventures familiaux des années 80 et 90 comme des perles – jusqu’aux inévitables enfants orphelins ayant du mal à trouver leur place dans une nouvelle ville – tout en émulant la structure et le ton de Jumanji – Bienvenue dans la jungle, dont l’efficacité de la mise en place s’avérait exemplaire. Mais copier n’étant pas jouer, Minecraft – le film est-il un divertissement aussi recommandable que son modèle ?

Hollywood ne s’avouant jamais vaincue face à la difficulté d’accoucher d’un scénario acceptable pour une propriété intellectuelle chèrement acquise, il aura fallu plus de dix ans de développement avant que Minecraft – le film ne débarque sur nos écrans. Dès 2014, Shawn Levy, à qui l’ont devait alors notamment le très réussi La Nuit au musée (qui empruntait déjà au Jumanji original), fut engagé mais, ne parvenant pas à s’entendre sur un scénario digne de ce nom, s’en alla réaliser Free Guy, une distrayante variation sur le thème de Un Jour sans fin appliquée… aux codes du jeu vidéo justement. C’est Jared Hess, acclamé (notamment par Spielberg, rien que ça) pour sa comédie Napoleon Dynamite, qui conduira le projet Minecraft à terme, aidé par ses complices de toujours au scénario : Chris Bowman et Hubbel Palmer. On notera également la présence de deux autres scribes au générique : Neil Widener et Chris Galetta. Tout ce beau monde pour accoucher de ça ? On peut légitimement penser que les deux premiers ont exposé les grandes lignes de l’ « intrigue » et que les suivants ont participé à l’élaboration des gags et des personnages. Car au-delà de la direction artistique et de l’animation de personnages en images de synthèse anguleux franchement réussies, chapeautées par le superviseur des effets spéciaux Grant Major (Fantômes contre fantômes, la trilogie Le Seigneur des Anneaux, King Kong), Minecraft – le film repose entièrement sur les épaules de ses interprètes principaux : Jack Black et l’étonnant Jason Momoa.

Black micmac

Étonnamment, Jack Black devait à l’origine se contenter de prêter sa voix à un cochon. Ayant déjà travaillé avec Jared Hess sur Nacho Libre, il accepta le premier rôle après le désistement de Matt Berry, initialement envisagé. La popularité de Black sur les réseaux sociaux a façonné un personnage à part entière : ses grimaces, ses chorégraphies et acrobaties (dis)gracieuses et ses chansons délirantes sont devenues sa marque de fabrique. Son évolution artistique semble même emprunter le chemin inverse de celles des clowns tristes Robin Williams et Jim Carrey, qui  sont passés de l’excentricité à la plus grande gravité (via la dépression). Jack Black, lui, semble avoir complètement abandonné toute envie de jouer la comédie et s’amuse de la façon la plus régressive qui soit. Selon que vous aimiez le comédien ou pas, le film s’apparente à un one-man show survolté ou à une torture ininterrompue, le summum étant atteint avec trois chansons parfaitement absurdes. Quant à Jason Momoa, peinant encore à s’imposer comme un nom « bankable » malgré les deux Aquaman et Fast & Furious X et semblant jouer ici le Dwayne Johnson de seconde classe, il crée la surprise en s’avérant être un substitut méritant, jouant comme s’il se fichait désormais de son image, s’amusant visiblement à jouer le raté sympathique. Bien sûr, la partition comique joue la même note tout le long du film, mais le montage ne laisse pas de gras sur les improvisations et nous emmène vite d’une péripétie à l’autre. On peut déplorer néanmoins l’absence totale d’enjeux dramatiques. Minecraft – le film annonce-t-il une certaine idée du cinéma de divertissement à l’ère Tiktok ? La plateforme a d’ailleurs contribué à la promotion du film par le biais du « chicken jokey challenge », consistant à se filmer dans les salles obscures en hurlant et en lançant du popcorn lors d’une scène précise. On aura le droit de désapprouver… Reste qu’il serait malhonnête de reprocher à Minecraft – le film ce qu’il n’a jamais prétendu être, à savoir un film enlevé et subtil : il s’agit d’un divertissement familial complètement potache et absurde et c’est déjà bien plus qu’il n’avait le droit de l’être !

 

 © Jérôme Muslewski

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