SUPER EXPRESS 109 (1975)

Panique à bord du train à grande vitesse Hikari 109 en direction de Hakata : s’il ralentit, une bombe le fera exploser et tuera ses 1500 passagers…

SHINKANSEN DAIBAKUHA / BULLET TRAIN

 

1975 – JAPON

 

Réalisé par Junya Satô

 

Avec Ken Takakura, Sonny Chiba, Kei Yamamoto, Eiji Gô, Akira Oda, Raita Ryû, Masayo Utsunomiya, Yumiko Fujita, Yumo Takigawa, Etsuko Shihomi, Ken Utsui

 

THEMA CATASTROPHES

Depuis le début des années 70, porté par les succès de Airport, La Tour infernale, L’Aventure du Poséidon ou Tremblement de terre, le cinéma catastrophe est à la mode aux Etats-Unis. Pour profiter de cette vogue, les studios japonais décident d’entrer dans la danse. La Toho n’y va pas par quatre chemins et se lance dans des désastres cataclysmiques à grande échelle tels que La Submersion du Japon ou Fin du Monde – Nostradamus an 2000. La compagnie concurrente Toei se lance à son tour, mais sous un angle différent, plus subtil et plus complexe. Ainsi naît Super Express 109. Le concept est développé par Junya Satô, réalisateur pour la Toei depuis le début des années 60, qui s’associe à l’occasion avec le scénariste Ryûnosuke Ono pour pondre un concept infaillible : un train à grande vitesse est contraint de ne jamais ralentir, sous peine d’exploser et de faire périr tous ses passagers. Habitué aux rôles de mafieux, star du Yakuza de Sydney Pollack aux côtés de Robert Mitchum, Ken Takakura entre dans la peau du poseur de bombes. Deux autres vétérans du cinéma nippon, Sonny Chiba (The Street Fighter) et Ken Utsui (L’Invincible Spaceman), incarnent respectivement le conducteur du train et le chef du centre de contrôle. L’œil attentif reconnaîtra aussi parmi les « insurgés » un tout jeune acteur, Akira Oda, qui n’est autre que le Ryu de la série San Ku Kaï.

Une bombe a été posée à bord du train express Hikari 109, au départ de Tokyo et en direction de Hakata. 1500 passagers se trouvent à bord. Si le train passe en dessous de la vitesse de 80 kilomètres/heure, il explosera. Pour prouver ses dires, le poseur de bombe a installé le même dispositif sur un train de fret, qui effectivement se désagrège dans une grande déflagration au moment où il ralentit son allure. Pour compliquer davantage les choses, un système de contrôle à distance sophistiqué est conçu pour faire freiner le Hiraki 109 automatiquement s’il va trop vite. Les autorités sont sur les dents et les passagers commencent à s’agiter, se doutant que quelque chose ne tourne pas rond. Lorsque le terroriste et ses complices fixent enfin leurs conditions, la tension monte d’un cran : ils réclament en effet cinq millions de dollars en petites coupures. L’affaire monte jusqu’au ministère des finances et au premier ministre. Le gouvernement va-t-il céder ?

Runaway Train

Regorgeant d’excellentes scènes de suspense, truffé d’effets spéciaux de haut niveau (maquettes, pyrotechnie, incrustations, transparences), Super Express 109 décrit en parallèle la panique qui s’installe à bord du train, les efforts de la police pour retrouver le coupable, les stratégies qu’échafaudent les autorités pour tenter de sauver les passagers et les manœuvres du poseur de bombes et de son équipe pour s’adapter à une situation qui ne cesse de changer. Les codes du film catastrophe et du film policier s’entremêlent donc étroitement. Soudain, à mi-parcours, le scénario entre dans l’esprit du terroriste pour nous faire découvrir ses motivations, ses sentiments et ses doutes. « Si on persiste, on va devenir des monstres », finit-il même par dire à un de ses complices, alors qu’il perd peu à peu le contrôle des événements. Ce n’est donc pas l’acte d’un être machiavélique mais plutôt celui d’un homme désespéré, ce que nous confirment des flash-backs disséminés entre deux rebondissements. Le film prend alors une dimension sociale inattendue (reflet des préoccupations bien réelles de la population japonaise de l’époque), la psychologie s’invite, le récit se complexifie et le manichéisme s’effrite. Tout en cultivant une tension qui ne cesse de croître jusqu’au point de non-rupture, Super Express 109 révèle ainsi des couches de profondeur inattendues. Exploité avec succès partout dans le monde (souvent dans des versions raccourcies), le film de Junya Satô aura une influence durable sur de nombreux cinéastes. Comment ne pas penser par exemple au Speed de Jan de Bont ou au Unstoppable de Tony Scott ?

 

© Gilles Penso

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SABEL IS STILL YOUNG (2022)

Après l’assassinat de son époux pendant sa nuit de noces, une jeune femme laissée pour morte décide de se venger…

BATA PA SI SABEL

2022 – PHILIPPINES

Réalisé par Reynold Giba

Avec Micaella Raz, Julio Diaz, JC Tan, Benz Sangalang, Rash Flores, Richard Solano, Angela Morena, Stephanie Raz, Gardo Versoza, Ina Alegre

THEMA TUEURS

 

Sabel is Still Young est le premier film de Reynold Giba qui, en 2022, écrivit les scénarios de cinq films : la romance Sisid, l’histoire de fantômes Bahay na pula, le drame Virgin Forest, le thriller horrifique Alappap et donc Sabel is Still Young. Le point commun qui relie ces œuvres à priori disparates est la mise en scène fréquente de jeunes acteurs taillés comme des mannequins et souvent en tenue très légère (le caractère ouvertement racoleur des posters utilisés pour leur exploitation sur le territoire philippin est très explicite à ce propos). Pour Sabel is Still Young, nous entrons dans le domaine du sous-genre « rape and revenge » tel qu’il fut défini par des films comme I Spit on Your Grave de Meir Zarchi. Le principe est toujours le même : une jeune femme violée par plusieurs individus et laissée pour morte décide de prendre sa revanche de la manière la plus violente et sanglante possible. Actrice principale de Sabel is Still Young, Micaella Raz démarre alors sa carrière de manière hyperactive, puisqu’elle tourne la même année dans pas moins de quatre longs-métrages et deux séries télévisées. Jusqu’alors cantonnée dans des seconds rôles où – déjà – elle joue de ses charmes sans trop de pudeur, la comédienne porte cette fois-ci le film à bout de bras, dans un rôle intense qui nécessite sa pleine implication.

Micaella Raz incarne Sabel Arena, une jeune femme qui n’a jamais connu son père, est élevée seule par sa mère coiffeuse et s’apprête à épouser le beau Bryan (Benz Sangalang) dans la petite ville de Tan-Awan. Chacun a revêtu sa plus belle parure pour la cérémonie, les parents sont aux anges, le micro passe de main en main pour les discours de circonstance et Sonny (Gardo Versoza), le maire de la ville, dit publiquement tout le bien qu’il pense de cette union. Le soir venu, les jeunes mariés regagnent la chambre d’hôtel avec vue sur mer qu’ils ont réservée et entendent bien profiter de leur nuit de noces en toute tranquillité. Mais soudain, trois hommes, dont le chef Jethro (JC Tan) n’est autre que le fils du maire, surgissent dans la chambre, assassinent Bryan, violent à tour de rôle Sabel et jettent les deux corps à la mer avant de rejoindre leurs petites familles respectives. Or Sabel a survécu et n’entend pas laisser ce crime impuni…

Sabel est la bête

Dès les premières minutes, les prises de vues tremblantes en caméra portée, avec recadrages intempestifs et reports de point, témoignent d’une volonté d’approcher la mise en scène de manière brute et réaliste – façon cinéma vérité. Les petites vignettes qui constituent la première partie du film saisissent ainsi des instants de vie quotidiens et banals, comme pour mieux contraster avec la violence qui s’apprête à frapper les jeunes époux. Le malaise est accentué par le retour à la normale des trois agresseurs. L’un s’occupe de sa grand-mère, l’autre de son épouse enceinte, le troisième de ses enfants. Rien chez eux ne semble correspondre au profil d’un monstre. La pulsion collective qui les a poussés à commettre l’irréparable n’en est que plus surprenante. L’intrigue se complique avec des manœuvres politiques liées au futur successeur du maire et avec des mystères entourant l’identité du père de Sabel. Mais à mi-parcours, le film oublie toute quête de crédibilité pour se laisser tenter par des rebondissements rocambolesques. Sabel est donc recueillie par un ex-militaire revanchard qui accepte de la former au combat, au cours d’une série d’entrainements qu’on croirait presque échappés de Karate Kid. La vengeance elle-même bascule ouvertement dans les codes du cinéma d’exploitation, montrant de manière explicite la nudité et les actes sexuels, puis collectant les meurtres sanglants extrêmes avec en prime quelques détails bien gratinés comme un pénis tranché et enfoncé dans la gorge de la victime ! On peine donc à saisir les véritables intentions du film, d’autant que sa durée de 2h30 paraît bien excessive au regard d’une intrigue aussi ténue.

 

© Gilles Penso

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ON A VOLÉ LE CERVEAU D’HITLER (1963)

Réfugiés sur une île d’Amérique du Sud, des nazis nostalgiques maintiennent en vie la tête d’Hitler pour pouvoir dominer le monde !

THE MADMEN OF MANDORAS / THEY SAVED HITLER’S BRAIN

 

1963 – USA

 

Réalisé par David Bradley

 

Avec Audrey Caire, Walter Stocker, Carlos Rivas, John Hollans, Marshall Reed, Scott Peters, Keith Dahle, Dani Lynn, Nestor Pauva, Pedro Regas, Bill Freed

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

En 1963, le réalisateur David Bradley commet The Madmen of Mandoras (« Les fous de Mandoras »), un film d’espionnage et de science-fiction au concept invraisemblable dans lequel des néo-nazis réfugiés en Amérique du Sud tentent de ressusciter Adolf Hitler par le biais d’expériences dignes des plus fous des savants de l’histoire du cinéma fantastique. Cinq ans plus tard, le film est rallongé avec de nouvelles séquences pour pouvoir être diffusé à la télévision américaine sous le titre qui deviendra son appellation officielle : They Saved Hitler’s Brain (« Ils ont sauvegardé le cerveau d’Hitler »). Ce remontage ajoute une couche d’extravagance puisque des personnages habillés et coiffés à la mode du tout début des sixties (costumes ajustés et robes cintrées, brushings pour les dames, cheveux courts et feutres mous pour les hommes) y côtoient d’autres qui adoptent le look typique de la fin de la décennie (mini-jupe et cheveux longs d’un côté, grosse moustache et coupe à la Mireille Mathieu de l’autre !). Déjà bien barré, le film saupoudre ainsi son postulat délirant d’anachronismes qui le transportent carrément dans une autre dimension. Résultat : On a volé le cerveau d’Hitler est un nanar de compétition devenu évidemment objet de culte auprès de tous les amateurs de pellicules « autres ».

Le film commence sur des chapeaux de roue. Le professeur Bernard, chercheur pour le gouvernement qui expérimentait un antidote dans le but de contrer les effets du redoutable gaz G, meurt dans l’explosion de sa voiture. Or l’attentat semble être un complot organisé en haut lieu. Mais un autre savant, le professeur Coleman, connaît lui aussi l’antidote. Dès que la nouvelle se propage, sa fille Suzanne est kidnappée. Kathy, la sœur de la jeune femme, et Phil, son beau-frère, mènent l’enquête et se retrouvent avec un cadavre sur les bras. Leurs investigations les mènent jusqu’au Mandoras, en Amérique du Sud, où d’anciens nazis liés au gouvernement fomentent dans l’ombre quelque complot maléfique et préparent la domination du monde grâce à une arme chimique imparable : le fameux gaz G. Nous apprenons alors qu’Hitler a survécu à la guerre et que des médecins du troisième Reich se sont activés dans son bunker pour le maintenir en vie coûte que coûte…

La Führer de vivre

Parfaitement inutiles, les séquences additionnelles occupent la première partie du film. Nous y faisons la connaissance de Vic Gilbert et Tony Gordon, deux agents du gouvernement qui sont chargés d’enquêter sur la mort du professeur Bernard puis disparaissent de l’intrigue. La mise en forme très sommaire, les décors banals, les dialogues sans intérêt et les looks post-68 de ces deux personnages font tâche avec le reste du film. Non pas que la suite soit palpitante et riche en « production value » (le budget est tellement faible que la musique est empruntée à The Devil’s Hand et les cascades automobiles à Thunder Road), mais l’on se perd en conjectures sur l’intérêt s’avoir ajouté artificiellement ces presque 20 minutes de bla bla en début de métrage. Mêlant les codes du cinéma d’espionnage avec ceux du film noir, On a sauvé le cerveau d’Hitler bascule pleinement dans la science-fiction débridée lorsqu’apparaît un appareil radio surmonté d’une grande svastika sous laquelle se tient un cylindre transparent dans lequel flotte la tête d’un Adolf Hitler hagard. Celui-ci, qui se contente d’écarquiller les yeux et d’aboyer quelques phrases en allemand, est un élément comique involontaire tellement aberrant qu’il sera maintes fois cité et parodié par la suite, du Saturday Night Live aux Simpsons en passant par Futurama et même Sabrina l’apprentie-sorcière.

 

© Gilles Penso

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NECRONOMICON : LE LIVRE DE SATAN (2008)

Une adaptation à tout petit budget d’une nouvelle de Lovecraft avec Jeffrey Combs, Dean Stockwell et un monstre tentaculaire…

THE DUNWICH HORROR

 

2008 – USA

 

Réalisé par Leigh Scott

 

Avec Sarah LIeving, Griff Furst, Dean Stockwell, Jeffrey Combs, Natacha Itzel Badar, Leigh Scott, Lauren Michele, Lacey Minchew, M. Steven Felty

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Leigh Scott est un des piliers de la compagnie Asylum, spécialisée dans les imitations à micro-budgets des blockbusters du moment. Parmi l’infinité de séries B ou Z que Scott a commises, citons les inénarrables Le Seigneur du monde perdu (effroyable crossover entre King Kong et Jurassic Park – Le Monde perdu), Les Ailes de la terreur (tentative de mixage impensable entre Les Oiseaux et 28 jours plus tard) ou encore Transmorphers (dont le titre est suffisamment éloquent). Le voir s’attaquer à une adaptation d’un des récits de H.P. Lovecraft n’avait donc rien de particulièrement rassurant. L’histoire en question, L’Abomination de Dunwich, avait déjà été très librement portée à l’écran en 1970 par Daniel Haller sous le titre Horreur à volonté. Dean Stockwell y tenait le rôle du mystérieux Wilbur Whateley. Or curieusement, Stockwell est également à l’affiche du Dunwich Horror de 2008 (rebaptisé chez nous Necronomicon : le livre de Satan). Cette fois-ci, il ne joue pas Whateley mais le docteur Henry Armitage, rôle que tenait Ed Begley dans la version de 1970. Convoquer le même acteur pour cette version plus récente semble procéder d’un geste cinéphilique adressé à une toute petite niche. D’autant que Whateley, lui, est ici joué par Jeffrey Combs, un habitué des adaptations de Lovecraft (Re-Animator, From Beyond, Pulse Pounders, La Peur qui rôde, Castle Freak, Necronomicon).

Même s’il est localisé en Louisiane et non en Nouvelle-Angleterre, le scénario est manifestement plus fidèle au texte original que la version précédente, reprenant même quelques phrases de la nouvelle en guise de voix off introductive. Mère célibataire de trente-cinq ans, Lavina accouche d’un petit garçon et d’un monstre – le bien-nommé Yog Sothoth – dans la maison Whateley. Dix ans plus tard, le Dr Henry Armitage et son assistante, le professeur Fay Morgan, découvrent que la page 751 de chaque exemplaire du livre maudit le Necronomicon a disparu et que la « Confrérie noire » s’apprête à ouvrir le portail de notre monde pour laisser entrer les démons et les anciens dieux. En désespoir de cause, Armitage et Morgan invitent le professeur Walter Rice, un homme sceptique et imbu de lui-même, à les aider à retrouver le livre, qu’il est capable de traduire grâce à ses connaissances linguistiques…

Poulpe friction

La scène d’exorcisme qui ouvre le film trahit d’emblée ses travers : des effets visuels bon marché, une musique synthétique à côté de la plaque, une mise en scène statique, une direction d’acteurs réduite à sa plus simple expression… De toute évidence, ce n’est pas ce Necronomicon : le livre de Satan qui saura rendre justice à L’Abomination de Dunwich. Dean Stockwell nous y apparaît vieilli et apathique, Jeffrey Combs joue les rednecks dégénérés sans beaucoup de subtilité et un certain Jeffrey Alan Pilars (inconnu au bataillon) entre dans la peau de l’improbable Olas, un homme mystérieux qui flotte dans les airs et vit depuis des siècles dans une sorte de harem au milieu des bayous avec des femmes orientales à moitié nues qui se trémoussent et fument de l’opium ! Leigh Scott semble malgré tout avoir fait ses devoirs, constellant son film d’allusions à différents textes de Lovecraft, mettant même brièvement en scène le personnage légendaire d’Abdul Halazred, en transe, qui remplit frénétiquement les pages du futur Necronomicon. Le film tente bien de nous montrer la créature difforme et tentaculaire qui menace les protagonistes en fin de métrage, mais les effets visuels ont beaucoup de mal à suivre et ne nous offrent qu’une sorte de poulpe en plastique avec un visage squelettique. Scott utilise donc tous les caches misères possibles, abusant par ailleurs d’effets de montage bizarres reprenant les artefacts des cassettes vidéo (accélérés, sautes d’images, etc.). Dommage que cette œuvrette soit si maladroite, car on la sent malgré tout pétrie de bonnes intentions. Les amateurs de l’écrivain de Providence n’y trouveront hélas pas leur compte.

 

© Gilles Penso

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FREAKY FRIDAY (2003)

Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan incarnent une mère et sa fille dont les corps s’inversent à la faveur d’un sortilège…

FREAKY FRIDAY

 

2003 – USA

 

Réalisé par Mark Waters

 

Avec Jamie Lee Curtis, Lindsay Lohan, Mark Harmon, Harold Gould, Chad Michael Murray, Stephen Tobolowsky, Christina Vidal, Ryan Malgarini, Haley Hudson

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I FREAKY FRIDAY

C’est le producteur Andrew Gunn qui est à l’initiative de ce remake d’Un vendredi dingue dingue dingue. Au départ, le studio Disney n’est pas particulièrement enthousiaste, dans la mesure où une seconde adaptation du roman de Mary Rodgers a déjà été diffusée en 1995 sur Disney Channel (le téléfilm Un Vendredi de folie de Melanie Mayron). Il faut croire que Gunn sait être convaincant, car la production est lancée au début des années 2000. Pour autant, le casting n’est pas une partie de plaisir. Envisagée au départ dans le rôle de la mère, Jodie Foster préfère passer son tour, de peur que sa présence sous forme de clin d’œil au film original finisse par éclipser les qualités propres du remake. C’est finalement Annette Bening qui est sélectionnée, Tom Selleck acceptant dans la foulée d’incarner son futur second époux Ryan. Mais à une semaine à peine du début du tournage, Bening se désiste, entraînant aussi le départ de Selleck. Pris de cours, Andrew Gunn et le réalisateur Mark Waters se tournent alors vers Jamie Lee Curtis, sur la foi de son interprétation désopilante dans True Lies. Trouver la jeune actrice qui jouera sa fille n’est pas beaucoup plus facile. Michelle Trachtenberg est la favorite, jusqu’à ce que son engagement sur la série Buffy tueuse de vampires l’empêche de participer au film. Sa remplaçante Lindsay Lohan est presque sélectionnée à contrecœur. Quand on sait que le succès gigantesque de Freaky Friday repose en grande partie sur son casting, on se dit que les hasards et contretemps hollywoodiens tombent parfois très bien.

La société américaine ayant bien évolué depuis 1976, la cellule familiale du Freaky Friday original a entièrement été repensée pour mieux coller à l’époque de ce remake. La femme au foyer incarnée jadis par Barbara Harris est désormais une psychiatre hyperactive (Jamie Lee Curtis), son mari businessman a été remplacé par un petit-ami qu’incarne Mark Harmon (le scénario ayant décidé d’en faire une veuve sur le point de refaire sa vie), son fiston sage comme une image est maintenant un gamin extrêmement turbulent (Ryan Malgarini) et la fille adolescente populaire et adepte du ski nautique que jouait Jodie Foster s’est muée en marginale un peu grunge membre d’un groupe de rock amateur (Lindsay Lohan). À l’école, celle-ci doit faire face à des professeurs sévères, aux brimades de son ancienne meilleure amie et à son béguin pour Jake (Chad Michael Murray). Alors qu’elles dînent dans un restaurant chinois, la mère et la fille se disputent vivement, mais la vénérable propriétaire des lieux les interrompt en leur donnant des biscuits chinois. De part et d’autre de la porte d’une salle de bain, toutes deux lisent simultanément le message du fortune cookie à haute voix avant de ressentir un violent tremblement de terre. Le lendemain matin, elles se réveillent chacune dans le corps de l’autre…

La vie de ma mère

La première partie de Freaky Friday enfonce gentiment les portes ouvertes, dressant les portraits croisés stéréotypés de l’adolescente rebelle que personne ne comprend, de la working girl débordée qui jongle avec tous ses téléphones portables, du petit frère agaçant, du futur beau-père qui peine à trouver sa place dans l’équation et du grand-père attachant et excentrique. Mais dès que le sortilège opère, le film trouve son rythme de croisière et la mécanique s’emballe. Voir Jamie Lee Curtis regarder son visage dans le miroir d’un air horrifié (« Je suis vieille ! On dirait le Gardien de la Crypte ! ») donne tout de suite le ton. La star révélée par Halloween est hilarante dans le rôle de l’ado coincée dans un corps d’adulte. Mais Lindsay Lohan excelle tout autant en mère de famille obligée de revivre une vie de lycéenne. Et dire que Curtis et Lohan n’étaient que des plans B ! Difficile aujourd’hui d’imaginer d’autres actrices pour les remplacer. Contrairement à Un vendredi dingue dingue, le film de Mark Waters prend le parti de ne pas séparer les actions mettant en scène la mère et la fille et de les contraindre à partager un maximum de séquences ensemble, multipliant la possibilité de quiproquos et de situations comiques. Tout converge vers un climax vaudevillesque au cours duquel toutes deux doivent respectivement répéter un futur mariage et donner un concert dans un festival. Très gros succès public et critique, Freaky Friday motivera la mise en chantier d’autres films prolongeant la franchise.

© Gilles Penso

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VAMPIRE RESURRECTION (2003)

Après l’assassinat de sa bien-aimée, un homme du 19ème siècle se transforme en vampire pour traverser les siècles et retrouver sa réincarnation…

SONG OF THE VAMPIRE / VAMPIRE RESURRECTION

 

2003 – USA

 

Réalisé par Denice Duff

 

Avec Denice Duff, James Horan, Jillian McWhirter, Frank Bruynbroek, Marilyn O’Connor, Geoffrey Lewis, Julie Michaels, John Mese, Scott Spearman

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Actrice principale de la saga Subspecies, Denice Duff rempile pour une nouvelle histoire de vampires écrite au début des années 2000 par Ron Ford (Terreur, Hollywood Mortuary) et Jose Prendes (La Porte de l’enfer, The Terminators). Duff connaît bien Prendes, qui vient alors de la diriger dans The Monster Man. Elle accepte non seulement de jouer dans le film mais aussi de le réaliser. La comédienne voit là l’occasion de s’essayer à la mise en scène dans le cadre d’un projet modeste aux risques limités. Titré d’abord Song of the Vampire avant d’être rebaptisé Vampire Resurrection lorsque le producteur Charles Band en acquiert les droits de distribution, le film est tourné en 2001 pendant quatre semaines, principalement à Los Angeles et à Bâton Rouge. Après les prises de vues, l’actrice / réalisatrice se voit contrainte de laisser le long-métrage en suspens pour honorer le contrat qui la lie au soap opera Les Feux de l’amour (dans lequel elle joue Amanda Browning). « Lorsque je suis revenue du tournage de la série, j’ai commencé l’enfer de la postproduction de mon film », raconte-t-elle. « Je sais maintenant pourquoi il y a si peu de femmes réalisatrices. Elles sont occupées à être de bonnes mères, à élever leurs enfants, contrairement à moi qui ai passé une année entière à essayer d’arriver au bout de ce film. Je n’étais pas souvent là, et quand je l’étais, j’étais toujours au téléphone. Mais j’ai réussi à le finir tant bien que mal. Le résultat est pas mal, sans plus. » (1)

La réalisatrice est un peu sévère avec son galop d’essai, même s’il n’y a effectivement pas de quoi crier au chef d’œuvre. Enfoui sous terre depuis cent ans, Jonathon Travers (James Horan) a dû sacrifier son âme et devenir un vampire pour retrouver son véritable amour, Caroline (Denice Duff), morte assassinée dans ses bras un siècle plus tôt. Nous faisons alors connaissance de Victoria (Duff toujours), une jeune femme des années 2000 qui se réveille régulièrement en sursaut, troublée par des rêves récurrents où elle se voit dans bras de Jonathon un siècle plus tôt. Serait-elle la réincarnation de Caroline ? Après sa longue « hibernation », le vampire décide de sortir de sa tombe. Nous le découvrons alors dans un état souffreteux digne du Udo Kier pâlichon de Du sang pour Dracula. Mais après avoir bu quelques litres de sang prélevés directement à la gorge d’un croque-mort et d’une jeune femme rencontrée dans la rue, Jonathon se sent mieux. Pris en flagrant délit par la police, il est abattu et ramené à la morgue. Mais il ne lui faut pas longtemps pour se relever, aussi nu que Mathilda May dans Lifeforce, et prendre la fuite. Entretemps, l’ex-mari de Victoria, Marty (Frank Bruynbroek), une crapule de la pire espèce, sort de prison. Les choses ne vont donc pas tarder à se compliquer, d’autant que tôt ou tard, il faudra bien que Jonathon croise la route de Victoria…

Ralentis, fumigènes et synthétiseurs

À travers les séquences romantico-gothiques dont elle nimbe son film, Denice Duff cherche manifestement à retrouver l’élégance et le caractère victorien d’Entretien avec un vampire – ou dans une plus modeste mesure de Journal intime d’un vampire. Mais les moyens lui manquent cruellement pour esthétiser correctement son film. De fait, l’imagerie naïve à laquelle elle sacrifie (comme cette silhouette féminine en nuisette qui bouge au ralenti au milieu de la fumée sur fond de chœurs synthétiques) n’est pas vraiment convaincante. Le film souffre aussi de comédiens manifestement peu concernés qui récitent leurs répliques sans une once de crédibilité (notamment les deux policiers chargés de mener l’enquête). Mais il faut reconnaître à Denice Duff sa capacité à emballer le film malgré les infinités d’obstacles qui se dressèrent sur son chemin et sa volonté ambitieuse de ne pas s’inscrire dans la même mouvance que la saga Subspecies pour tenter autre chose. C’est du reste – et de loin – l’actrice la plus convaincante du casting. Au passage, le film réserve aux fans de cinéma fantastique quelques clins d’œil ciblés, comme la secrétaire qui lit la revue Femmes Fatales, la présence d’une photo de Lon Chaney Jr. en loup-garou, ou une réplique mentionnant le prince Vadislav de Roumanie. Les amateurs apprécieront.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans Film Threat en 2004.

 

© Gilles Penso

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COLOUR FROM THE DARK (2008)

Dans cette adaptation libre de la nouvelle La Couleur tombée du ciel de Lovecraft, une ferme italienne des années 40 est frappée par un mal étrange…

COLOUR FROM THE DARK

 

2008 – ITALIE

 

Réalisé par Ivan Zuccon

 

Avec Debbie Rochon, Michael Segal, Marysia Kay, Gerry Shanahan, Eleanor James, Matteo Tosi, Alessandra Guerzoni, Emmett J. Scanlan

 

THEMA MUTATIONS I DIABLE ET DÉMONS

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le réalisateur italien Ivan Zuccon est un amateur des écrits de H.P. Lovecraft. Notre homme s’est déjà largement laissé inspirer par l’écrivain de Providence à travers ses longs-métrages The Darkness Beyond (2000) et Unknown Beyond (2001), qui tournaient tous deux autour du fameux grimoire maléfique Necronomicon, mais aussi à l’occasion du film à sketches The Shunned House (2003), qui adaptait la nouvelle La Maison maudite. Sur la même lancée, Zuccon décide de s’attaquer à l’une des pièces maîtresses de son auteur favori, en l’occurrence la mythique Couleur tombée du ciel, une histoire courte considérée par beaucoup comme le chef d’œuvre de son auteur. Déjà porté deux fois à l’écran (Le Messager du diable en 1965 et La Malédiction céleste en 1987), ce récit terrifiant méritait sans doute une relecture plus fidèle, les films précédents s’éloignant souvent de l’ambiance du matériau littéraire pour bâtir leur propre atmosphère. Zuccon se lance donc et, avec son scénariste Ivo Gazzarini, choisit de déplacer l’action dans un cadre différent. La campagne aride du Massachussetts des années 1880 cède donc le pas à une petite communauté agricole italienne de 1943. Ce n’est pas la seule entorse majeure que Coulour from the Dark fera au texte original.

Nous sommes au cœur de la seconde guerre mondiale. Si Pietro (Michael Segal) n’est pas parti sur le front, contrairement à ses frères, c’est à cause de son genou blessé. Il occupe donc ses journées à travailler la terre dans la petite ferme isolée qu’il partage avec sa femme Lucia (Debbie Rochon) et sa belle-sœur Alice (Marysia Kay). Celle-ci a bientôt 22 ans, mais son esprit est celui d’un enfant. Muette, introvertie, elle ne se sépare jamais de sa poupée Rosina qui, le soir, semble lui chuchoter des secrets à l’oreille. Un climat singulier baigne ainsi le métrage avant même qu’un quelconque élément surnaturel ne s’y invite. Le drame survient lorsque Pietro et Alice, en essayant de récupérer un seau tombé au fond du puits à l’aide d’une perche, semblent libérer une force ancienne et inconnue. Une couleur étrange clignote soudain sous l’eau, au fond du puits, puis disparaît. Dans le film de Zuccon, la couleur maléfique ne vient donc pas du ciel – contrairement à la nouvelle de Lovecraft dans laquelle l’horreur se déclenchait après la chute d’une météorite – mais semble s’être éveillée après un sommeil immémorial dans les entrailles de la terre.

La couleur tombée du fiel

L’étrangeté s’installe par petites touches : cette fameuse teinte indéfinissable, une sorte de vapeur pestilentielle, des espèces de voix indistinctes qui résonnent au fond du puits… Ensuite, ce sont de petits miracles inexplicables, comme l’abondance soudaine de fruits et légumes énormes et magnifiques, le genou de Pietro qui guérit, Alice qui se met à parler. S’agit-il d’une intervention divine ? Le crucifix qui se détache du mur pour tomber au sol dément aussitôt cette supposition. Le comportement de Lucia devient d’ailleurs très perturbant. Elle montre un appétit sexuel soudainement insatiable, exhibe des prunelles noires, sombre dans la folie et se livre à l’automutilation. Nous sommes donc visiblement en présence d’une possession diabolique. D’où l’imagerie récurrente des croix qui chutent ou se noircissent. En désespoir de cause, Pietro fait même appel à un prêtre. « Elle est possédée par le diable » affirme celui-ci en guise de diagnostic. Ce choix scénaristique condamne hélas le film à arpenter les voies conventionnelles dictées depuis 1973 par L’Exorciste. C’est d’autant plus dommage que l’idée prometteuse d’intégrer dans le récit la présence d’une jeune femme juive persécutée par la milice fasciste est trop vite escamotée. Malgré toutes les libertés qu’il prend avec le texte de Lovecraft, Zuccon reste très fidèle à l’esprit de la nouvelle, dont il retranscrit souvent l’ambiance oppressante, et dont il reprend même quelques dialogues, notamment le douloureux monologue final de Pietro affirmant que l’entité démoniaque « aspire la vie ». Deux ans plus tard, le réalisateur Huan Vu signera sa propre adaptation de La Couleur tombée du ciel, Die Farbe, située elle aussi dans les années 40, mais cette fois-ci dans un village allemand.

 

© Gilles Penso

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LE CERVEAU DE LA PLANÈTE AROUS (1957)

Une matière grise flottante venue de l’espace possède le corps d’un éminent scientifique dans le but de dominer la Terre…

THE BRAIN FROM PLANET AROUS

 

1957 – USA

 

Réalisé par Nathan Herz (alias Nathan Juran)

 

Avec John Agar, Joyce Meadows, Robert Fuller, Thomas B. Henry, Ken Terrell, Henry Travis, E. Leslie Thomas, Tim Graham, Bill Giorgio, Kenner G. Kemp

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

La carrière de réalisateur de Nathan Juran se divise en deux groupes de films : ceux qu’il a signés de son véritable nom – la grande majorité – et ceux pour lesquels il a utilisé le pseudonyme de Nathan Herz. Ce choix bicéphale reflète la qualité variable de ses longs-métrages. Car si Juran est par exemple fier de ses collaborations avec Ray Harryhausen (A des millions de kilomètres de la Terre, Le 7ème voyage de Sinbad, Les Premiers hommes dans la Lune), il n’assume pas vraiment la poignée de séries B de science-fiction fauchées qu’il commit dans les années 50, dont l’archétype est le fameux Attack of the 50 Foot Woman avec sa femme géante revancharde. C’est aussi dans cette catégorie qu’entre Le Cerveau de la planète Arous. Il faut dire que le réalisateur de La Chose surgit des ténèbres et Jack le tueur de géants ne peut pas faire des miracles avec les 58 000 dollars que met à sa disposition le producteur/directeur de la photographie Jacques R. Marquette. Si sa mise en scène reste dynamique, efficace et rythmée, et si ses comédiens tiennent la route (notamment John Agar, héros de Tarantula et La Revanche de la créature), rien ne va plus lorsqu’interviennent les effets spéciaux.

Au milieu du désert se dresse le Mont des Mystères, sur lequel personne n’a mis les pieds depuis bien longtemps. Or de grosses émissions de radiations sont soudain détectées dans les parages. Steve March (John Agar) et Dan Murphy (Robert Fuller), deux scientifiques spécialisés dans le nucléaire, décident d’aller explorer les lieux. Leur Jeep étant bloquée par un monticule rocheux, ils continuent à pied et découvrent une caverne fraîchement creusée dans laquelle brille une lueur étrange. Soudain surgit un énorme cerveau volant qui les fige sur place. Lorsque Steve retrouve sa fiancée Sally (Joyce Meadows) après une semaine d’absence, elle ne peut s’empêcher de le trouver changé. Sa libido semble s’être mué en élan bestial et son propre chien s’attaque à lui. Car notre homme est désormais possédé par le cerveau venu de l’espace ! « Je suis Gor, j’ai besoin de ton corps comme hôte pendant mon séjour sur ta Terre », lui dit la masse gélatineuse flottante. « Je te commanderai comme on dirige une machine. » Par conséquent, le scientifique n’est plus qu’un jouet aux mains du cerveau qui envisage rien moins que la domination de notre planète…

« Je suis Gor, j’ai besoin de ton corps ! »

John Agar se lance donc dans une sorte d’interprétation schizophrénique, incarnant tour à tour le savant en lutte contre cette entité maléfique et l’homme possédé mué en dictateur sans état d’âme. Lorsqu’il atteint le pic de ses crises de folie hégémonique, ses yeux prennent une teinte noire et luisante, par l’entremise de lentilles de contact très inconfortables pour le comédien (un effet qui sera presque repris à l’identique dans L’Horrible cas du docteur X). Il possède alors des pouvoirs surnaturels qui lui permettent d’irradier les gens à distance ou de faire exploser des avions en plein vol. Le Cerveau de la planète Arous ne manque pas d’idées visuelles intéressantes, comme le visage de Steve cadré à travers une fontaine d’eau, qui donne à sa tête des allures difformes et hydrocéphales. Mais comment ne pas s’esclaffer face au spectacle invraisemblable de ce cerveau géant affublé de deux gros yeux lumineux, qui flotte dans le décor via des surimpressions incroyablement maladroites ? Et comment ne pas se tenir les cotes lorsque la cervelle volante avoue développer des appétits sexuels grandissants pour la belle Sally, ou lorsqu’un autre cerveau venu de l’espace – gentil celui-là – entre dans le corps du chien du scientifique pour pouvoir lutter contre lui ? Ce scénario improbable et ces trucages hilarants sabotent de fait tous les efforts déployés par Nathan Juran… qui signera donc logiquement le film sous le nom de Nathan Herz.

 

© Gilles Penso

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LE MANOIR MAUDIT (1963)

Tout l’arsenal du cinéma gothique italien est convoqué dans ce film d’horreur onirique mettant en vedette un monstre défiguré et psychopathe…

METEMPSYCO

 

1963 – ITALIE

 

Réalisé par Antonio Boccaci

 

Avec Annie Alberti, Adriano Micantoni, Marco Mariani, Flora Carosello, Antonio Boccaci, Bernard Blay, Emy Eco, Terry Thompson, Fred Pizzot

 

THEMA FREAKS I MORT

Les amateurs de fantastique gothique à l’italienne auront été gâtés en 1963, profitant d’œuvres aussi mémorables que Le Corps et le fouet, Les Trois visages de la peur, Le Spectre du professeur Hichcock ou La Vierge de Nuremberg. Si Le Manoir maudit date de la même époque, son impact sur le public et auprès des amateurs du genre aura été moindre, à cause de son budget très réduit, de son absence d’acteurs connus, de son intrigue filiforme et de son réalisateur au prestige tout relatif. Antonio Boccaci ne peut en effet pas combattre dans la même catégorie que Mario Bava, Riccardo Freda ou Antonio Margheriti. Scénariste d’une poignée de films de cape et d’épée (La Révolte des mercenaires, Capitani di Ventura) et d’un western spaghetti (Furie au Missouri), auteur de romans policiers bon marché dans les années 50, Boccaci n’aura d’ailleurs réalisé que ce film-là, sous le pseudonyme américanisé d’Anthony Kristye. Co-écrit par Giovanni Simonelli (Les Diablesses, Nightmare Concert) et tourné principalement dans le château d’Orsini à Nerola, près de Rome, Le Manoir maudit ne manque pourtant pas de qualités ni de charme. Du reste, il sera paradoxalement un peu mieux accueilli en France, en Allemagne et aux États-Unis qu’en Italie, malgré une distribution en salles écourtée et discrète.

Au cours du prologue, deux jeunes femmes (Terry Thompson et Emy Eco) s’aventurent dans un grand manoir apparemment abandonné. Elles y découvrent le portrait de la comtesse Irene, mystérieusement disparue depuis deux décennies, et y sont accueillies très fraîchement par la propriétaire des lieux, la revêche comtesse Elizabeth (Flora Carosello). Sur place, un rien les fait sursauter : un buste, une chauve-souris qui passe, une porte qui se ferme, une armure qui tombe, une lumière qui vacille, un rideau qui bouge… Jusqu’au moment où surgit un homme hideux et ricanant au visage à moitié décomposé qui les emprisonne, les torture et les tue. Le Manoir maudit commence donc assez fort. La suite du récit s’intéresse au docteur Darnell (Adriano Micantoni), qui débarque sur les lieux avec sa fille Anna (Annie Alberti), portrait craché de la comtesse Irene. La jeune femme étant obsédée par des rêves récurrents liés au manoir et à cette femme qui lui ressemble tant, son père espère l’apaiser en lui permettant de séjourner quelques jours dans la région. Là, Anna fait la connaissance de George (Marco Mariani), un journaliste qui enquête sur la mort des deux jeunes femmes retrouvées à proximité du manoir. Alors que le mystère s’épaissit, le tueur difforme ne tarde pas à refaire son apparition…

La gueule de l'emploi

Cryptes pleines de toiles d’araignées, passages secrets, squelettes qui ricanent, chaînes qui pendouillent, armures qui bougent toutes seules, monstres qui surgissent des tombeaux, apparitions spectrales, voix d’outre-tombe, machinations, trésor caché… Le Manoir maudit capitalise sur tous les lieux communs du cinéma gothique de l’époque et prend rapidement les atours d’une sorte de trip expérimental onirique, aux accents d’une musique psychédélique d’Armando Sciascia (3 Winchester pour Ringo, Les Expériences érotiques de Frankenstein). Toutes ces facéties sont en partie justifiées par la folie apparente de la jeune héroïne, hantée par des visions macabres, et notamment par le sort funeste de la comtesse Irene dont elle semble être la réincarnation. En rupture avec tout cet arsenal de train fantôme, le film s’offre quelques écarts guillerets et humoristiques, comme la première rencontre entre Anna (qui se baigne entièrement nue dans un lac) et George (dans son costume étriqué et sa voiture capricieuse), rythmée par une musique soudain légère et joyeuse. Affublé de dialogues naïfs, de personnages sans finesse (le prince Raman qui ne quitte jamais son turban) et d’une mise en scène souvent théâtrale (au cours de laquelle les personnages restent figés dans un coin du décor en attendant manifestement les indications du metteur en scène), Le Manoir maudit nous offre tout de même quelques scènes de cauchemar expérimentales très réussies. Le film retrouve d’ailleurs toute sa verve et sa folie sépulcrale au moment du grand final, dont les péripéties se précipitent vers un dénouement choc qui ne se réfrène pas sur la violence.

 

© Gilles Penso

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DECADENT EVIL (2005)

Un chasseur de vampires affronte la redoutable Morella, capable de transformer les humains en créatures miniatures…

DECADENT EVIL

 

2005 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Debra Mayer, Jill Michelle, Phil Fondacaro, Raelyn Hennessee, Daniel Lennox, Roger Toussaint, April Gilbert, John F. Schaeffer, Harmony Rose, Jessie K. Walters

 

THEMA VAMPIRES I PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND

Soucieux de renouveler son catalogue en perte de vitesse et de retrouver un peu de sa gloire d’antan, le producteur Charles Band décide en 2005 de réunir les ingrédients de plusieurs de ses films précédents. Les vampires et les poupées ayant généreusement alimenté deux de ses franchises les plus fructueuses – Subspecies et Puppet Master -, pourquoi ne pas les fusionner au sein d’un film qu’il réaliserait lui-même ? Reprenant l’idée d’un club de strip-tease abritant des suceuses de sang (déjà exploité dans Cryptz), sollicitant l’un de ses acteurs fétiches Phil Fondacaro (Ghoulies 2, Dollman vs. Demonic Toys, Meridian, The Creeps, Blood Dolls, Sideshow) et saupoudrant le tout d’une bonne dose d’érotisme déviant, Band pense avoir trouvé la formule idéale. Ainsi naît Decadent Evil, premier d’une série de petits films fantastiques présentés sous le label Wizard Video. Pas question pour autant de dépenser le moindre centime superflu. Band joue donc la carte de l’économie, bouclant son tournage en six jours dans un nombre limité de décors et recyclant des images issues de son propre fonds. Les dix premières minutes de Decadent Evil sont donc un remontage de Journal intime d’un vampire. Cette version accélérée du film de Ted Nicolaou, au cours de laquelle les vampires Ash et Zachary s’affrontent pour les beaux yeux d’une pianiste, fait ainsi office de prologue.

Cette méthode de « reconditionnement » permet à Decadent Evil de prendre les allures d’une sorte de spin-off bizarre de Journal intime d’un vampire. La voix off nous apprend qu’Ash a contaminé plusieurs personnes avant de trépasser. Or Morella (Debra Mayer), qu’il mua jadis en créature de la nuit, décide de devenir le vampire le plus puissant de tous les temps en buvant le sang de sa dix-millième victime. Ses pouvoirs déjà immenses lui permettent de transformer les humains en homuncules monstrueux, sortes de créatures primitives mi-hommes mi-reptiles. C’est dans cet état qu’elle conserve au fond d’une cage Marvin, l’un de ses anciens amants. Les deux jeunes femmes aux canines pointues qui vivent avec Morella dans son grand manoir, Spyce (Raelyn Hennessee) et Sugar (Jill Michelle), travaillent dans un club de strip-tease où elles rabattent de nombreuses victimes. Mais les choses se compliquent dans la mesure où Sugar est tombée amoureuse d’un mortel à qui elle n’ose dire son secret. C’est là qu’intervient Ivan (Phil Fondacaro), un chasseur de vampires bien décidé à mettre Morella hors d’état de nuire…

Cherchez la petite bête

Sorte de variante dégénérée des petits monstres de Ghoulies, enfant illégitime des jouets mortels de Puppet Master et des minions de Subspecies, Marvin aurait dû être l’attraction principale de ce film de vampires à l’intrigue par ailleurs très classique. Mais cette créature conçue par Christopher Bergschneider (qui lui prête aussi sa voix) ressemble à l’écran à ce qu’elle est, c’est-à-dire une marionnette en plastique animée de manière très sommaire, et n’a finalement pas grand-chose à faire sinon gémir derrière ses barreaux. Ce qui ne l’empêche pas d’intervenir dans les deux scènes les plus délirantes de Decadent Evil : celle où elle rampe sur le corps d’une femme à moitié nue, attachée dans un lit, et l’impensable plan final du film qui dépasse toutes les audaces (nous donnant presque un avant-goût de ce que Trey Parker osera dans Team America). « Visiblement, Charles Band a un penchant personnel pour les monstres minuscules », commente Bergschneider. « Mais qui suis-je pour refuser l’opportunité de voir mes designs se transformer en jouets et en produits dérivés ? » (1) Car Marvin, comme les Puppet Masters et les Demonic Toys, sera commercialisé sous forme de poupée collector après la distribution du film. Comme toujours chez Band, rien ne se perd, tout se recycle. Le film réutilise d’ailleurs plusieurs plans aériens « empruntés » à Shrunken Heads pour rallonger un peu la sauce, ce qui lui permet tout juste de dépasser la durée de 65 minutes.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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