LE GARÇON AUX CHEVEUX VERTS (1948)

Un orphelin de guerre élevé par son grand-père se réveille un matin pour découvrir que sa tignasse est devenue verte…

THE BOY WITH GREEN HAIR

 

1948 – USA

 

Réalisé par Joseph Losey

 

Avec Dean Stockwell, Robert Ryan, Pat O’Brien, Barbara Hale, Richard Lyon, Walter Catlett, Samuel S. Hinds, Charles Meredith, Regis Toomey, Dwayne Hickman

 

THEMA ENFANTS

Le Garçon aux cheveux verts est le premier long-métrage de Joseph Losey, jusqu’alors très actif dans le milieu théâtral et signataire d’une demi-douzaine de courts-métrages. Pour ses débuts sur le grand écran, il choisit une nouvelle écrite en 1946 par Betsy Beaton, dont il souhaite doubler le sujet premier (une salve contre la discrimination raciale) d’un message ouvertement antimilitariste. Le projet est initié au sein de la compagnie RKO avec la bénédiction du patron de l’époque, le libéral et pacifiste Dore Schary. Mais entretemps, le studio est racheté par Howard Hughes, beaucoup plus conservateur et très peu sensible au discours du film (il fabrique lui-même des munitions, construit des avions et soutient fièrement l’effort de guerre américain). Autant dire que Hughes déteste Le Garçon aux cheveux verts et fait tout pour saboter le montage du film. Peine perdue : Losey et son scénariste Ben Barzman ont été suffisamment prévoyants pour réduire au maximum les possibilités de changements après le tournage. La RKO sort donc le film en salles de mauvaise grâce, sans véritable soutien publicitaire, et le conduit inévitablement à un échec financier. Le Garçon aux cheveux verts ne gagnera ses galons de classique et d’œuvre majeure que plus tard.

Le film donne la vedette à Peter Fry, un garçon d’une douzaine d’années incarné par Dean Stockwell, appelé à devenir un comédien extrêmement populaire sur le grand et le petit écran (le Al de Code Quantum, c’est lui). Peter débarque un soir dans un commissariat, le crâne entièrement rasé, et reste obstinément muet jusqu’à ce qu’un psychologue pour enfants (Robert Ryan) ne parvienne à lui tirer les vers du nez. Peter est le fils d’un couple de militants pacifistes partis autour du monde pour venir en aide aux orphelins de guerre. Il est donc balloté chez des oncles et des tantes négligents jusqu’à atterrir chez son grand-père (Pat O’Brien), un acteur à la retraite qui s’occupe de lui avec bienveillance. Mais un jour, Peter apprend que ses parents sont morts et qu’il est lui-même orphelin de guerre. Le choc de cette nouvelle s’assortit d’un phénomène inexpliqué : le lendemain matin, il se réveille avec les cheveux verts. Désormais, plus personne ne le regarde de la même manière. C’est justement le regard des autres qui sert la métaphore du film. Si le médecin que consulte Peter s’émerveille dans un premier temps face à ce prodige sans précédent (« Tu vas entrer dans l’histoire de la médecine » lui dit-il), les réactions de son entourage passent rapidement de la surprise à l’hostilité. La peur de la différence est bien sûr le terreau de l’intolérance et de la xénophobie, sujet premier de la nouvelle de Betsy Beaton.

Le vert solitaire

Dans une scène témoignant de son désarroi, Peter comprend qu’un garçon aux cheveux verts n’a sa place nulle part en ce monde. Il s’isole alors dans la forêt, se jette au sol et pleure, la teinte de sa tignasse se mêlant l’espace d’un instant à celle de l’herbe qui couvre le sol. Le Technicolor renforce cette fusion entre l’enfant et la nature. Une de ses larmes perle sur une feuille d’un vert éclatant, puis un tableau surréaliste occupe soudain l’écran : les orphelins de guerre, qui apparaissaient sur les affiches d’appel à la solidarité placardés dans son école, prennent vie et corps face à lui. Peter prend alors conscience du rôle qui lui échoit : porter fièrement cette couleur verte (symbole du printemps, du renouveau, de l’espoir) pour crier à la face du monde le refus de la guerre. Hélas, ce vert accusateur va surtout remuer les mauvaises consciences et attiser les rancœurs. Sorti sur les écrans trois ans seulement après la fin de la deuxième guerre mondiale, Le Garçon aux cheveux verts eut fatalement besoin de temps pour être apprécié à sa juste valeur, le temps que les blessures physiques et morales se cicatrisent. Blacklisté à cause de ses sympathies communistes présumées, Joseph Losey quitta les Etats-Unis dans la foulée pour s’installer au Royaume Uni et y poursuivre sa prestigieuse carrière.

 

© Gilles Penso


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LA PEUR QUI RÔDE (1994)

Un petit groupe hétéroclite fait face à des créatures démoniaques qui se tapissent sous les fondations d’un cimetière et d’une église…

THE LURKING FEAR

 

1994 – USA

 

Réalisé par C. Courtney Joyner

 

Avec Blake Bailey, Jon Finch, Ashley Laurence, Jeffrey Combs, Allison Mackie, Paul Mantee, Joe Leavengood, Vincent Schiavelli

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CHARLES BAND

Charles Band doit à H.P. Lovecraft deux de ses productions les plus populaires, Re-Animator et From Beyond. En quête d’un nouveau succès, il puise logiquement une fois de plus dans les écrits du romancier tourmenté de Providence et sollicite le réalisateur Stuart Gordon avec l’idée d’adapter la nouvelle « La Peur qui rôde », publiée en 1923. Mais la compagnie Empire Pictures fait faillite et le projet ne renaît que plus tard sous le label Full Moon Entertainment. Cette fois-ci, c’est C. Courtney Joyner (réalisateur de Future Cop 3 et scénariste de Prison, Class of 1999, Puppet Master III ou encore Doctor Mordrid) qui est chargé d’écrire et de réaliser le film. Suite aux accords qu’il a passé avec les producteurs Vlad et Oana Paunescu, Charles Band délocalise désormais la plupart de ses tournages en Roumanie. La petite équipe menée par Joyner s’installe donc dans les studios Buftea de Bucarest et s’efforce de tirer au mieux parti du minuscule budget mis à sa disposition. Si elle n’a rien de foncièrement marquant, la séquence pré-générique de La Peur qui rôde a le mérite d’attiser la curiosité. Deux sœurs terrifiées tentent d’empêcher des créatures monstrueuses dont nous ne voyons que les griffes de s’emparer d’un bébé. La tension et la nervosité de ce prologue tiennent des promesses qui hélas ne seront pas respectées, le reste du métrage se révélant confondant d’ennui.

Au fil d’un scénario qui ne doit quasiment rien à la nouvelle dont il est censé s’inspirer, plusieurs intrigues s’entremêlent avant de converger. Nous nous intéressons d’abord à un jeune homme qui sort tout juste de prison et se met en quête d’une somme considérable d’argent que son père aurait cachée pour lui dans un cimetière. Ensuite interviennent des gangsters qui eux aussi veulent mettre la main sur le butin. Puis nous découvrons un petit groupe hétéroclite (un médecin, une militaire, une femme enceinte) qui cherche à éliminer des démons dissimulés sous une église. Tout ce petit monde se retrouve à Leffert’s Corner, une petite ville à l’abandon dans laquelle les habitants portent de profondes marques de blessures et où, au détour d’une rue déserte, peuvent surgir un enfant caché sous un masque en plastique transparent ou des restes humains jonchant le sol. L’occasion de mettre en scène un récit d’épouvante original au climat dérangeant était bien là. Mais C. Courtney Joyner rate spectaculairement cette opportunité, nous livrant un film fade et sans attrait.

Les griffes de l’ennui

Il faut dire que La Peur qui rôde force systématiquement le trait, mettant en scène des personnages caricaturaux que leurs interprètes surjouent sans la moindre nuance : le repris de justice aux allures de héros de soap opera (Blake Bailey), l’entrepreneur de pompes funèbres adepte des malversations (Vincent Schiavelli), le médecin dépenaillé et alcoolique (Jeffrey Combs), la militaire sexy qui n’a pas froid aux yeux (Ashley Laurence), la femme fatale échappée d’un film noir des années 40 (Allison Mackie), le mafieux patibulaire (Jon Finch), l’homme de main à la gâchette facile (Joe Leavengood) ou encore le prêtre taciturne (Paul Mantee). C’est d’autant plus regrettable que le talent de la plupart des comédiens sollicités, de Combs (Re-Animator) à Laurence (Hellraiser) en passant par Finch (Macbeth) ou Schiavelli (Ghost), n’est plus à prouver. Mais personne ne semble y croire, pas même les pauvres acteurs déguisés en démons (sous des maquillages pourtant efficaces conçus par Michael S. Deak et Wayne Toth) qui essaient maladroitement d’agripper leurs victimes avec leurs doigts crochus en latex. Statique, répétitif, affublé d’une musique synthétique médiocre de Jim Manzie, La Peur qui rôde n’est donc qu’une série Z facultative à des années lumières des adaptations de Lovecraft signées par Stuart Gordon.

 

© Gilles Penso


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L’INVENTION DIABOLIQUE (1958)

Le cinéaste-magicien Karel Zeman adapte Jules Verne et immerge ses acteurs dans des décors aux allures de gravures du 19ème siècle…

VYNALEZ ZKATY

 

1958 – TCHÉCOSLOVAQUIE

 

Réalisé par Karel Zeman

 

Avec Lubor Tokos, Miroslav Holub, Jana Zatloukalova, Arnost Navratil, Frantisek Cerny, Václav Kyzlink, Vanislov Kuvlov

 

THEMA MONSTRES MARINS

Derrière ce titre qu’on croirait directement issu d’une aventure de « Blake et Mortimer » se cache une adaptation de l’univers de Jules Verne, romancier favori de Karel Zeman. Même si l’œuvre officiellement adaptée est « Face au drapeau », on y trouve également des éléments empruntés aux deux récits consacrés au Capitaine Némo. L’Invention diabolique nous parle ainsi du professeur Roch qui a trouvé le moyen de domestiquer l’énergie atomique. Il est enlevé ainsi que son assistant par le docteur Artigas qui rêve de dominer le monde. L’assistant, Hart, réussit à s’enfuir, avec une jeune fille rescapée d’un naufrage criminel, du cratère d’une île volcanique, repère de l’aventurier. La flotte d’intervention venue les secourir semble promise à la destruction, à moins que le professeur Roch ne parvienne à sauter l’île d’Artigas… Si l’expression tant galvaudée « livre d’images animé » devait être attribuée à un film en particulier, ce serait bien celui-là. Les images en question sont les gravures hachurées du début du siècle qui illustraient les romans de Jules Verne chez les éditions Hetzel.

Avec l’art qu’on lui connaît, Karel Zeman a récupéré ces gravures et y a intégré ses comédiens, via une combinaison très variée de trucages qui sont sa spécialité : double expositions, surimpressions, dessins animés, maquettes, animation en volume, décors spéciaux, photos animées… ce bric à brac possède une singulière unité, et un charme inédit dans la mesure où un tel choix artistique et technique est assez unique. Même si certaines lignes de cache sont visibles et certaines surimpressions transparentes, il est souvent difficile de départager le vrai du faux dans les plans du film. Certaines scènes sont assez mémorables, comme le sous-marin éperonnant un galion, le duel à l’épée des scaphandriers, l’arrivée sur l’île-volcan, ou encore la poursuite des deux submersibles. Et, ce qui ne gâte rien, le film regorge d’humour. Témoin cette scène où le héros, après une rude escalade à flanc de façade, parvient à la fenêtre de la demoiselle qu’il vient sauver, laquelle lui demande de l’attendre dehors un instant, le temps qu’elle passe une tenue plus habillée.

L’attaque de la pieuvre géante

Fidèle à ses habitudes, Karel Zeman nous offre de belles apparitions fantasmagoriques via l’usage de l’animation image par image. On voit notamment des nuées d’oiseaux qui traversent le ciel, un effet qui deviendra une marque de fabrique du cinéaste. Mais le morceau de bravoure du film est l’attaque d’une pieuvre géante inspirée par 20 000 lieues sous les mers. Le monstre marin émerge d’une caverne souterraine et attrape un homme dans l’un de ses tentacules. Le montage s’amuse alors à alterner habilement les comédiens et des figurines à leur effigie. L’Invention diabolique est certainement l’une des œuvres maîtresses de Karel Zeman, un véritable festival qui montre toute l’étendue de son talent, de son imagination et de son inventivité. En France, il fut également distribué sous le titre Aventures fantastiques. Trois ans plus tard, les Américains remontent le film, changent le nom des personnages et modifient quelques scènes pour pouvoir le sortir sous le titre The Fabulous World of Jules Verne.

 

© Gilles Penso


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LES MESSAGERS (2007)

Kristen Stewart incarne une adolescente s’installant avec sa famille dans une ferme qui n’est tranquille qu’en apparence…

THE MESSENGERS

 

2007 – USA

 

Réalisé par Danny Pang & Oxide Pang

 

Avec Kristen Stewart, Dylan McDermott, Penelope Ann Miller, John Corbett, Evan Turner, Thoedore Turner, William B. Davis

 

THEMA FANTÔMES

Les Messagers s’inscrit dans une collection de films d’épouvante produits par Sam Raimi et Rob Tapert sous l’estampille Ghost House Pictures, dans la foulée de The Grudge, Boogeyman et The Grudge 2. Le prologue est un flash-back nerveux qui a vocation de faire démarrer le film sur les chapeaux de roue. On y voit une mère et ses deux enfants massacrés dans une ferme par une entité maléfique. Des années plus tard, la famille Solomon vient prendre possession des lieux, ignorant tout du drame passé. Fuyant une ville qui ne leur a guère réussi, Roy (Dylan McDermott), son épouse Denise (Penelope Ann Miller) et leurs deux enfants décident de repartir à zéro en tentant une reconversion à la campagne. Mais Jess (Kristen Stewart), la fille aînée, et Ben (Evan Turner), son jeune frère de trois ans, semblent percevoir une présence surnaturelle. Bientôt, les phénomènes s’intensifient, laissant imaginer que les fantômes du passé cherchent à se venger des vivants, quitte à muer leur tranquille environnement campagnard en effroyable cauchemar…

Les prémices sont intrigantes, certes, mais il faut bien avouer que le refrain est connu et ne ménage que peu de surprises. Depuis Amityville et Shining, les familles décimées hantant leur ancienne demeure échappent difficilement aux lieux communs. En outre, le scénario de Todd Farmer se borne à réutiliser le motif classique des enfants assassinés qui apparaissent aux vivants pour réclamer une justice d’outre-tombe, foulant du coup un terrain déjà balisé par Dark Water, L’Échine du diable ou Fragile. Fatalement, face à une telle concurrence, Les Messagers ne fait guère le poids. Pour couronner cette sensation de déjà-vu, Danny et Oxide Pang empruntent la plupart de leurs effets à Ring et The Grudge, auto-plagiant même certaines séquences de The Eye. Les portes claquent, le vent souffle, les mains crispées entrent dans le champ, les héros sursautent, les visages livides grimacent… Rien de bien nouveau à l’horizon, en somme.

D’entre les morts

Certes, quelques visions saisissantes émergent des poncifs, notamment ce spectre hideux qui apparaît progressivement à travers la paroi d’un mur taché de sang, ou cette paire de pieds cadavériques qu’on aperçoit sous la couverture d’un lit, mais ces innovations sont bien insuffisantes. Quant aux messagers du titre, des corbeaux qui servent à priori de lien entre le monde des vivants et celui des morts, ils ne jouent ici qu’un rôle de figurants, leurs interventions imitant sans vergogne quelques-unes des séquences les plus fameuses des Oiseaux d’Hitchcock. Pourtant, Les Messagers se distingue par une qualité spécifique qui n’est pas systématique en pareil contexte : le soin tout particulier apporté à la construction de ses personnages. Loin d’être de simples pions balayés par les manifestations paranormales, ils bénéficient chacun d’un caractère riche et complexe, de problématiques réalistes, d’un passé lourd et conflictuel, ce qui permet à leurs interprètes de développer un jeu subtil et nuancé. Mis en scène avec efficacité, le film se suit donc sans ennui mais n’apporte pas grand-chose aux thématiques qu’il aborde, ni à la carrière des frères Pang, lesquels se contentent ici d’enfoncer des portes ouvertes sans chercher à se renouveler.

 

© Gilles Penso


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HUMANOID : TERREUR ABYSSALE (1996)

Non content d’imiter les succès du moment, Roger Corman recycle aussi ses propres films, comme le prouve ce remake des Monstres de la mer…

HUMANOIDS FROM THE DEEP

 

1996 – USA

 

Réalisé par Jeff Yonis

 

Avec Robert Carradine, Justin Walker, Emma Samms, Danielle Weeks, Mark Rolston, Clint Howard, Kaz Garas

 

THEMA MONSTRES MARINS

Dans la foulée du remake de Piranhas, Roger Corman initiait cette relecture des Monstres de la mer, tout aussi fade et inutile. Certes, le film original de Barbara Peeters n’avait rien d’un classique de l’horreur, contrairement à celui de Joe Dante qui généra un petit culte au moment de sa sortie. L’écart qualitatif entre la version de 1980 et celle de 1996 est donc moindre, mais ce produit sans éclat formaté pour l’exploitation vidéo n’en ressort guère grandi. L’argument de base des Monstres de la mer est fidèlement repris, à quelques nuances près. Nous apprenons en effet qu’une demi-douzaine de condamnés à mort a été soumise à des tests orchestrés par l’armée, visant à mêler leur code génétique avec celui de divers poissons, notamment des saumons. L’objectif de cette étrange bouillabaisse consiste à créer de nouveaux soldats amphibies indestructibles. D’où le lâchage dans la nature d’hommes poissons hideux au faciès de piranha, au cerveau humain hypertrophié, à la peau rugueuse, au dos hérissé d’une crête dorsale et à l’appétit insatiable.

L’expérience aurait dû logiquement tourner court, dans la mesure où ces monstres contre-nature ne peuvent survivre très longtemps dans l’océan. Mais c’était compter sans l’hormone de croissance déversée sans vergogne dans la mer par les responsables de Canco Industries, une usine d’élevage de poissons qui entend bien accroître la taille de son rendement. La tranquillité balnéaire de la petite bourgade d’Harbor Bay ne va donc guère durer… Humanoïd : terreur abyssale – quel titre magnifique ! – pourrait donc s’appréhender comme une salve violente à l’encontre des industriels peu scrupuleux et des militaires inconscients. Mais le film se contente d’exploiter – fort mal – ce prétexte scénaristique invraisemblable pour brosser quelques inefficaces séquences de suspense. Les travers principaux du remake de Piranhas sont également de la partie ici : des comédiens qui semblent s’ennuyer au moins autant que les spectateurs, une cruelle absence d’humour et une timidité maladive en matière de gore et d’érotisme.

Rien ne se perd, tout se recycle !

Les effets spéciaux sollicités pour visualiser les monstres et le fruit de leur accouplement avec leurs féminines victimes – un ventre grossissant façon Alien puis un accouchement ultra-sanglant – sont pourtant très honorables. Œuvre des méconnus Roy Knyrim (Mutations, 2001 Maniacs) et Jerry Macaluso (Mystery Men, Black Mask 2), ils ne souffrent guère de la comparaison avec les travaux qu’effectua Rob Bottin sur le film original. L’apparition finale des mutants au milieu de la fête foraine n’atteint cependant jamais la folie du climax des Monstres de la mer, et les scènes au cours desquelles les femmes capturées par les hommes-poissons sont engoncées dans une espèce de cocon géant et gluant, au creux d’une caverne souterraine, nous ramènent directement à L’Attaque des sangsues géantes, nouvelle preuve de l’indéfectible sens du recyclage de l’ami Roger Corman. Le final mollement explosif et le faux happy-end de rigueur ne font qu’accentuer les faiblesses d’un remake pour le moins insipide.

 

© Gilles Penso


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LA CITÉ DES MORTS (1960)

Christopher Lee nous sert de guide dans cette histoire de village embrumé porteur d’une lourde malédiction ancestrale…

THE CITY OF THE DEAD / HORROR HOTEL

 

1960 – GB

 

Réalisé par John Moxey

 

Avec Venetia Stevenson, Christopher Lee, Patricia Jessel, Dennis Lotis, Tom Naylor, Betta St John, Valentine Dyall

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Icône de la firme Hammer grâce à ses prestations inoubliables dans Frankenstein s’est échappé, Le Cauchemar de Dracula, Le Chien des Baskerville et La Malédiction des pharaons, Christopher Lee tourne en 1960 dans La Cité des morts pour la firme Vulcan Productions, alors sur le point d’être rebaptisée Amicus et de devenir le principal concurrent de la Hammer. Sous la direction de John Moxey, il incarne Allan Driscoll, un professeur d’histoire féru de sciences occultes qui conseille à l’une de ses étudiantes les plus assidues, Nan Barlow (Venetia Stevenson), de visiter le village de Whitewood, ou fut jadis brûlée la sorcière Elizabeth Selwyn. « La base du conte de fée est la réalité, et la base de la réalité est le conte de fée » affirme Driscoll pour convaincre le frère d’Ann, un scientifique renommé, que les histoires de sorcellerie ne sont pas des balivernes. La belle Nan ne va pas tarder à en faire les frais en gagnant ce village nocturne gorgé de fumigènes où chaque autochtone semble porter un lourd secret. S’agirait-il de la malédiction proférée par la suppliciée trois siècles plus tôt ? La jeune fille s’installe dans le seul hôtel du coin, le River’s Inn, tenu par l’austère Miss Newless (Patricia Jessel). Le spectateur attentif constatera que Newless épelé à l’envers donne Selwyn, ce qui ne peut-être qu’un mauvais présage…

Avec un certain talent, John Moxey entretient l’étrangeté et le malaise lorsque l’intrigue se transporte à Whitewood. La brume stagne obstinément dans les rues sombres, les passants hagards y traînent comme des âmes en peine, et le seul révérend du village vit aveugle et reclus dans une église abandonnée. Malgré des moyens limités, le film cultive ainsi un esthétisme et une photogénie de tous les instants, jouant sur le contraste du joli minois blond et souriant de son actrice principale avec les ténèbres, les ombres et la noirceur du village maudit. De beaux tableaux, comme cette procession encapuchonnée dans le cimetière brumeux, ponctuent le métrage, agrémenté d’audacieux effets de montage elliptiques. Comme en outre la bande originale se teinte de sonorités jazzy, en accord avec les goûts du début des années 60, La Cité des morts évoque souvent les films fantastiques que Roger Corman réalisa à la même époque.

Ma sorcière mal aimée

Le Psychose d’Alfred Hitchcock nous vient aussi à l’esprit, dans la mesure où la structure scénaristique de La Cité des morts s’en approche considérablement. Dans les deux cas, la blonde héroïne quitte son environnement familier pour s’aventurer dans un hôtel étrange, puis disparaît de la circulation, les protagonistes devenant alors ses proches menant l’enquête sur place (le fiancé et la sœur chez Hitchcock, le petit ami et le frère ici). Psychose et La Cité des morts étant sorti quasi simultanément sur les écrans, il est difficile de savoir si ces similitudes sont volontaires ou fortuites. Le film s’achève sur un climax spectaculaire, la croix portée par l’un des héros lançant des rayons enflammés sur les sorciers tout de noir vêtus. A vrai dire, Christopher Lee reste la plupart du temps à l’arrière-plan, laissant à Patricia Jessel le loisir d’incarner le Mal sous la double identité d’Elizabeth Selwyn/Newless.

 

© Gilles Penso


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LE CRÂNE MALÉFIQUE (1965)

Peter Cushing incarne un spécialiste des sciences occultes qui fait un jour l’acquisition du crâne du marquis de Sade…

THE SKULL

 

1965 – GB

 

Réalisé par Freddie Francis

 

Avec Peter Cushing, Patrick Wymark, Jill Bennett, Nigel Green, Patrick Magee, Michael Gough, George Coulouris, Christopher Lee

 

THEMA SUPER-VILAINS

S’il est passé à la postérité avec son roman « Psychose », Robert Bloch n’a pas limité sa création littéraire aux exactions de Norman Bates. Grand amateur de fantastique et de science-fiction, il concocta des centaines de romans et de nouvelles inventives, parmi lesquelles la compagnie anglaise Amicus choisit l’histoire courte « Le Crâne du Marquis de Sade », publiée en 1945, pour en tirer un film d’épouvante insolite. Peter Cushing y interprète le docteur Maitland, un spécialiste des sciences occultes qui collectionne tout ce qui touche à la sorcellerie et au surnaturel. Un soir, son fournisseur habituel, Anthony Marco (Patrick Wymark), lui vend un livre relié en peau humaine qui raconte la vie du marquis de Sade. Très fier de son acquisition, Maitland voit Marco débarquer chez lui le soir suivant avec un nouvel artefact unique au monde : le crâne du marquis ! Perplexe, notre savant demande conseil à son confrère Sir Matthew Philips (Christopher Lee). Ce dernier est formel : le crâne n’est pas un faux, puisqu’il lui appartenait et qu’on le lui a volé. Mais Philips ne veut pas le récupérer, car selon lui le crâne est manipulé par « d’invisibles puissances, des esprits venus d’un monde étrange et diabolique ». Le posséder, c’est donc devenir la proie du diable.

Un flash-back nous ramène alors au 19ème siècle, alors qu’un phrénologiste profane la tombe de Sade pour récupérer son crâne avant de mourir dans de mystérieuses circonstances. L’exécuteur testamentaire du défunt inspecte alors ses biens avant de tomber à son tour sous l’influence de la sinistre relique et de se muer en assassin. Maitland n’accorde que peu de crédit à de telles théories, jusqu’à ce que son destin ne bascule à son tour. Cette interpénétration subite du fantastique dans une réalité tangible se concrétise par une séquence incroyable au cours de laquelle Peter Cushing, dans un décor difforme digne de ceux de William Cameron Menzies dans Les Envahisseurs de la planète rouge, est contraint de se soumettre à une roulette russe. Freddie Francis filme dans des plans de plus en plus serrés le regard incroyablement bleu du comédien, étire le suspense en ne brisant le silence que par le cliquetis du revolver, et nous transporte littéralement ailleurs.

Le Bien ou le Mal ?

S’agit-il d’un rêve ? D’une hallucination ? D’une réalité parallèle ? Le mystère perdure lorsque, plus tard, les objets s’animent dans le salon de Maitland et que le crâne vole à sa rencontre. Une telle séquence pourrait sombrer dans le ridicule, d’autant que les effets spéciaux demeurent sommaires. Mais grâce au jeu habité de Cushing et au savoir-faire de Francis, le charme opère. Certains cadrages surprenants, comme les vues subjectives depuis l’intérieur du crâne, chargent l’atmosphère d’angoisse, tandis que notre scientifique ne distingue plus le bien du mal, et que le spectateur cherche une explication rationnelle à cette épouvante insidieuse, hésitant entre la possession diabolique, l’autosuggestions ou la folie pure. Prévu pour être distribué en France sous le titre « Les Forfaits du Marquis de Sade », le film fut rebaptisé à la dernière minute Le Crâne maléfique pour éviter un procès avec les descendants du célèbre marquis. Mais plusieurs posters de l’époque portant le premier titre prévu ont circulé un peu partout et font le bonheur de nombreux collectionneurs.

 

© Gilles Penso


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BABY OOPSIE (2021)

Le bébé en plastique monstrueux de la saga Demonic Toys se déchaîne dans son premier long-métrage solo…

BABY OOPSIE

 

2021 – USA

 

Réalisé par William Butler

 

Avec Libbie Higgins, Justin Armistead, Lynne Acton McPherson, Marilyn Bass, Michael Carrino, Shamecka Nelson, Christopher Joseph Meigs, Michael O’Grady

 

THEMA JOUETS I SAGA CHARLES BAND I DEMONIC TOYS

Le producteur Charles Band étant toujours prompt à faire fructifier tout ce qui pourrait ressembler à une franchise, il exploite souvent jusqu’à plus soif le moindre de ses films susceptibles de donner naissance à des suites, des crossovers et des spin-off. Le sympathique Demonic Toys – lui-même inspiré du succès de la saga Puppet Master – avait déjà été suivi par Dollman vs. Demonic Toys, Puppet Master vs Demonic Toys et Demonic Toys 2. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Après tout, la poupée tranchante de Puppet Master n’avait-elle pas eu droit à son propre film avec Blade the Iron Cross ? Pour l’affreux poupon Baby Oopsie, Charles Band conçoit d’abord une web série en sept épisodes destinée aux plateformes Full Moon et Amazon. Après leur diffusion en août 2021, les deux premiers épisodes sont remontés sous forme du long-métrage Baby Oopsie. Pour ressusciter le charmant bambin en plastique, William Butler, réalisateur de Demonic Toys 2, reprend du service. Dès l’entame, Baby Oopsie parvient à créer un sentiment de malaise durable qui semble vouloir s’inspirer du climat anxiogène de Psychose. Butler ne se prend pas pour Hitchcock, certes, mais force est de constater un important saut qualitatif depuis le très anecdotique Demonic Toys 2.

L’humoriste Libbie Higgins entre dans la peau de Sybil Pittman, une femme solitaire, réservée et en surpoids qui partage sa maison avec une mère tyrannique (Lynne Acton McPherson) et gagne chichement sa vie en tant qu’opératrice dans un call center sinistre. La seule passion de Sybil, ce sont les vieilles poupées qu’elle passe des heures à restaurer avec amour et auxquelles elle consacre une série de vidéos très appréciées sur les réseaux sociaux. Sa toute nouvelle acquisition est un poupon en plastique dans un bien piteux état, rapiécé grossièrement façon monstre de Frankenstein. Les amateurs auront bien sûr reconnu ce bon vieux Baby Oopsie à qui Libbie offre une nouvelle jeunesse, lui redonnant l’éclat de ses débuts. Le soin avec lequel elle le raccommode et le repeint n’est pas sans nous rappeler le zèle du réparateur de jouets de Toy Story 2. Lorsqu’elle récupère via un colis anonyme une pièce d’engrenage qui manquait pour faire fonctionner le mécanisme de la poupée, celle-ci s’anime enfin et révèle ses instincts meurtriers…

Bad Toy

Première production Charles Band tournée dans le Full Moon Manor, une vaste maison de plus de 2000 mètres carrés située à Ceveland Heights, dans l’Ohio, Baby Oopsie nous rappelle par bien des aspects le Willard de Daniel Mann dont il reprend de nombreux éléments scénaristiques. Ici aussi, notre protagoniste est un être introverti et socialement inadapté qui entretient un monstre (une nuée de rats chez Mann, une poupée tueuse ici) capable de le venger de tous ceux qui l’ont humilié. Plusieurs séquences nous montrent d’ailleurs Sybil qui s’imagine prendre violemment sa revanche sur les gens qui la brutalisent (sa mère, sa patronne, les voyous du quartier), un peu à la manière de Hal Holbrook dans Creepshow. Truffé de références aux productions maison (un tableau échappé de Troll, un jeu vidéo Puppet Master, des poupées empruntées à Dolls, un extrait de Subspecies à la télévision), Baby Oopsie sollicite l’inventivité du créateur d’effets spéciaux Greg Lightner qui doit composer avec un budget extrêmement réduit. Le bébé monstre est donc très limité dans ses actions mais bénéficie tout de même d’une série de têtes articulées qui permettent de faire varier ses expressions (du poupon candide au psychopathe aux dents acérées) et de synchroniser à peu près les mouvements de sa bouche avec les dialogues prononcés par Jill Bartlett. Les effets numériques, en revanche (textures, fumées, morphings), sont d’une laideur que tempère la furtivité de leur apparition. Raisonnablement distrayant, Baby Oopsie se regarde sans déplaisir. Deux longs-métrages recyclant eux aussi des épisodes de la web série lui donneront suite : Baby Oopsie 2 : Murder Dolls et Baby Oopsie 3 : Burn Baby Burn.

 

© Gilles Penso

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VERMINES (2023)

Pour son premier long-métrage, Sébastien Vaniček infeste un appartement de la banlieue parisienne avec une horde d’araignées monstrueuses…

VERMINES

 

2023 – FRANCE

 

Réalisé par Sébastien Vaniček

 

Avec Théo Christine, Sofia Lesaffre, Jérôme Niel, Lisa Nyarko, Finnegan Oldfield, Marie-Philomène Nga, Ike Zacsongo-Joseph, Emmanuel Bonami, Abdallah Moundy

 

THEMA ARAIGNÉES

Quand on sait que Vermines est un premier long-métrage, on peut s’étonner face à la virtuosité artistique et technique de ce spectacle à déconseiller très fortement aux arachnophobes, sous peine de quelques nuits blanches tourmentées. Mais Stéphane Vaniček n’en est pas tout à fait à son coup d’essai, puisqu’il traîne derrière lui une expérience intensive dans le domaine du court-métrage, exercice qui lui permet d’attirer notamment l’attention du producteur Harry Tordjman et de la plateforme Netflix. Le scénario de Vermines, qu’il écrit avec Florent Bernard, est moins une déclaration d’amour au cinéma d’horreur qu’une volonté de créer une expérience immersive extrême pour les spectateurs tout en jouant le jeu de la métaphore sociale. Le titre du film décrit les araignées qui s’apprêtent à semer la panique, bien sûr, mais aussi toute cette frange de la population marginalisée qui vit dans des HLM aux allures de cages à lapin (le parallèle avec les petites bêtes enfermées dans des boîtes saute aux yeux) et que le commun des mortels aurait tendance à considérer comme des êtres indésirables. Sans jamais chercher à discourir frontalement sur le sujet sensible des banlieues ni à se positionner de manière manichéenne lorsqu’interviennent les forces de police, Sébastien Vaniček choisit ce décor réel et tangible qu’il connaît bien pour y faire surgir la terreur.

C’est dans les « immeubles camemberts » de Noisy-le-Grand, en banlieue parisienne, que le réalisateur installe ses caméras. Ce panorama étrange et oppressant, conçu au début des années 80, sert de cadre de vie aux cinq protagonistes de Vermines : Kaleb (Théo Christine), qui vivote en revendant des chaussures de sport et se passionne pour les animaux exotiques, sa sœur Manon (Lisa Nyarko) avec qui il entretient des relations d’amour/haine depuis la disparition de leur mère, leur voisin Mathys (Jérôme Niel) et leurs amis Jordy (Finnegan Oldfield) et Lila (Sofia Lesaffre). Un jour, Théo découvre dans une petite boutique une araignée qui lui fait de l’œil et la ramène chez lui pour compléter sa collection de reptiles et d’invertébrés soigneusement conservés dans des vivariums de fortune. Mais cet arachnide n’est pas comme les autres. Arraché à son désert natal d’Afrique du Nord, c’est un spécimen particulièrement virulent qui s’échappe et pond des milliers d’œufs dans l’immeuble, prélude d’un massacre à grande échelle…

Arachnofolie

Des films d’attaques d’araignées, les amateurs de films de genre en ont déjà vu un certain nombre, des plus « mainstreams » (Arachnophobie, Arac Attack) aux plus « vintages » (Tarantula, The Spider) en passant par les séries B et Z (L’Invasion des araignées géantes, Spiders, Arachnid, Arachnia, Lavalantula, Big Ass Spider ! et consorts). Au beau milieu de ce foisonnement de pattes et de crocs, le terrifiant L’Horrible invasion de John « Bud » Cardos s’érigeait sans conteste comme le plus traumatisant de tous dans la mesure où il sollicitait de véritables arachnides et concoctait des séquences particulièrement angoissantes. Désormais, il faudra ajouter à ce palmarès Vermines qui se hisse sans mal au niveau du petit classique de John Cardos et fera date comme l’un des longs-métrages les plus impressionnants jamais consacrés aux bébêtes à huit pattes. Vaniček a déjà le bon goût de ne pas chercher à imiter ses modèles américains en installant son action dans un contexte français réaliste. Si ses jeunes héros n’échappent pas totalement à l’archétype, le naturel des comédiens emporte l’adhésion et rend crédibles et attachants des personnages qui auraient pu rapidement irriter les spectateurs. Une fois le mécanisme de l’empathie enclenché, les araignées peuvent entrer en piste. La précision de la mise en scène, la perfection des effets spéciaux (alternant sans cesse les arachnides réels, leurs contreparties numériques et les versions mécaniques), la minutie de la bande son (truffée d’effets cliquetants stressants) et la gestion impeccable du rythme font de Vermines un « must » du genre. Hollywood ne s’y trompera pas, déroulant aussitôt le tapis rouge à Sébastien Vaniček pour lui proposer d’apporter dans la foulée sa pierre à l’édifice de la franchise Evil Dead.

 

© Gilles Penso


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LOCH NESS (1996)

Ted Danson incarne un cryptozoologue envoyé bien malgré lui au fin fond de l’Ecosse pour enquêter sur le plus célèbre des monstres aquatiques…

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LOCH NESS

 

1996 – GB

 

Réalisé par John Henderson

 

Avec Ted Tanson, Joely Richardson, Kirsty Graham, Ian Holm, Nick Brimble, Harry Jones, Harris Yulin, James Frain

 

THEMA MONSTRES MARINS

Curieusement, le cinéma s’est montré assez peu prolifique vis-à-vis du monstre du Loch Ness, comme si cette énigme, ancrée dans une présumée réalité, perdait de son attrait lorsqu’elle devenait sujet de fiction. Il y eut bien quelques kitcheries comme The Secret of the Loch ou The Loch Ness Horror, et quelques apparitions furtives dans Le Cirque du docteur Lao, La Vie privée de Sherlock Holmes et Cheeseburger Film Sandwich, mais c’est assez maigre pour un si gros lézard. Finalement, le Loch Ness de John Henderson s’affirme comme l’un des premiers films centrés sur le célèbre monstre écossais et abordant le sujet avec un certain sérieux, même s’il s’inscrit avant tout dans le registre de la comédie sentimentale. Production principalement britannique, Loch Ness bénéficie de magnifiques extérieurs écossais et d’un confortable budget de douze millions de dollars. Ted Danson y interprète John Dempsey, un spécialiste des mystères zoologiques non élucidés qui, à contrecœur, est envoyé par son université pour percer la grisaille de l’Ecosse et y faire la preuve que le monstre du Loch Ness n’est qu’une légende.

Son ordre de mission est très clair : « Je veux que vous ne trouviez pas le monstre », lui demande le docteur Mercer (Harris Yulin), son supérieur. « Je veux que vous utilisiez le dernier cri de la technologie pour prouver qu’il n’est pas là ». Après avoir loué un bateau qu’il truffe d’équipements océanographique haut de gamme, John passe le lac au peigne fin et rentre effectivement bredouille de chacune de ses expéditions. « Je suis une blague », constate-t-il avec amertume. « Je suis le type qui pourchasse les Looney Tunes ! ».  S’il ne trouve aucun monstre, John se prend d’affection pour Laura (Joely Richardson), la propriétaire de l’auberge, et pour Isabel (Kirsty Graham), sa fillette de neuf ans. Mais qu’on se rassure : le monstre finira bien par pointer le bout de son museau, sinon le film n’aurait pas sa place ici. En accord avec la plupart des témoignages connus, il s’agit d’une très fidèle réplique du plésiosaure tel que le décrivent les paléontologues.

« Je suis le type qui pourchasse les Looney Tunes ! »

Mélange de marionnettes animatroniques grandeur nature et d’images de synthèse photo-réalistes, la créature est une belle réussite. « Il me semble qu’on peut dire que c’est un Jurassic Park européen, dans la mesure où les technologies employées sont similaires. », nous affirmait d’ailleurs à ce propos Ken Houston, superviseur des effets visuels. « L’animation des monstres tire parti du savoir-faire des marionnettistes du Jim Henson’s Creature Shop tout en profitant des dernières innovations en matière d’effets numériques. Pour la tête et le cou, un manipulateur entrait donc sa main dans une espèce de gant garni de capteur, et chacun de ses mouvements était ensuite reproduit par la créature en 3D » (1). Cette apparition tant espérée – et bien tardive – est la matérialisation d’un fantasme collectif ancré dans les esprits depuis plus de quinze siècles. Son impact est donc autant imputable à la réussite technique qu’au bouleversement dramatique qu’elle engendre au bout d’un récit un tantinet longuet. Car au-delà de ce climax purement fantastique, Loch Ness demeure une bluette gentille débordant de bons sentiments en tirant sans doute trop fort sur la corde sensible, d’où un succès et une popularité tout relatifs.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mai 1996.

 

© Gilles Penso


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