HERE – LES PLUS BELLES ANNÉES DE NOTRE VIE (2024)

Robert Zemeckis réunit l’équipe de Forrest Gump et se lance dans un défi technique et artistique insensé pour explorer – encore – les caprices du temps…

HERE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Robert Zemeckis

 

Avec Tom Hanks, Robin Wright, Paul Bettany, Kelly Reilly, Lauren McQueen, Harry Marcus, Michelle Dockery, Zsa Zsa Zemeckis

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS

Avec la trilogie Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ? et Forrest Gump, Robert Zemeckis a déjà inscrit son nom au panthéon du 7ème Art. Malheureusement, son dernier grand succès critique et commercial remonte à Seul au monde en 2000. Depuis, il a alterné avec une fortune déclinante les films familiaux (Le Pôle express, Le Noël de Scrooge, Sacrées sorcières, Pinocchio) et les sujets plus adultes ancrés dans le monde réel (The Walk, Flight, Alliés, Bienvenue à Marwen), en n’ayant cesse de repousser les limites technologiques et narratives de son cinéma via la « performance capture », la 3D et les chorégraphies vertigineuses de ses plan-séquences virtuels, de façon plus ou moins ostentatoire. Le voilà qui nous revient avec un projet digne de son prestigieux curriculum et de son talent. Et si Here est vendu comme la suite spirituelle de Forrest Gump, c’est qu’il en réunit non seulement son duo vedette Tom Hanks/Robin Wright devant la caméra, mais que derrière celle-ci, on retrouve Eric Roth au scénario ainsi que les fidèles collaborateurs Don Burgess à la photo et Alan Silvestri à la musique. Il n’y a pas d’intrigue à proprement parler dans Here, seulement un propos et un concept narratif, dont l’originalité est de voir se dérouler le quotidien de plusieurs familles à différentes époques depuis un unique point de vue fixe durant 1h40, un procédé déjà employé dans le roman graphique de Richard McGuire et ici repris à l’identique mais avec une différence lié à l’« image qui bouge » : dans la bande dessinée, des vignettes se juxtaposaient au décor « vide » pour montrer différents personnages à différentes époques. Chez Zemeckis, elles apparaissent et disparaissent, le changement de mobilier ou de période s’opérant via des fondus ou des « morphings », les vignettes flottantes s’ouvrant comme des fenêtres dans le continuum espace-temps cher à Doc Brown.

Le prologue du film nous offre ainsi un voyage immobile depuis l’ère préhistorique jusqu’au début du 20ème siècle, la maison se construisant autour de la caméra et donc du spectateur, condamné à être le témoin passif de ces vies bien éphémères en regard des millions d’années déjà passées. On peut légitimement se demander si Here a sa place dans L’Encyclopédie du Film Fantastique. Cela tient au caractère fantomatique de cet observateur statique qui fait basculer le film du simple mélodrame à une expérience onirique. Au cinéma, aucune image n’est réellement neutre : le choix du cadre, la valeur de plan, le son, la musique, le mouvement… Tous ces paramètres témoignent ou trahissent toujours le point de vue du réalisateur et influencent aussi la perception et le ressenti du spectateur. Ici, le point de vue est absolument neutre et ce dispositif théâtral mise dès lors tout sur les situations décrites, les acteurs et les dialogues ; avec toutefois une différence de taille par rapport à la scène, Zemeckis pouvant passer d’une époque à l’autre et transformer physiquement ses acteurs de façon plus probante et rapide que n’importe quel maquillage. À ce petit jeu-là, les effets de rajeunissement numérique de l’ensemble de la distribution sont les plus crédibles qu’on ait jamais vus. L’intelligence artificielle est bien sûr passée par là et on mesure les progrès déterminants réalisés en à peine deux ans depuis la sortie de Indiana Jones et le cadran de la destinée. Here permet à Zemeckis de poursuivre ses expérimentations narratives, car impliquer le spectateur avec un long plan fixe implique de repenser la grammaire cinématographique classique. Si on remettait les différentes temporalités du film dans un ordre linéaire et chronologique, on aboutirait à un film à sketches très inégal tant certaines situations ne constituent que de simples flash-backs. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que le véritable point d’ancrage émotionnel soit le personnage de Tom Hanks, que l’on suit de sa naissance à son 4ème âge, et que les autres récits n’agissent qu’en contrepoint thématique ou philosophique. Certes, le montage par association d’idées a déjà fait les beaux jours du cinéma expérimental et surréaliste, mais tout innovateur qu’il soit, Zemeckis n’a jamais été un auteur marginal ou abscons. On peut rapprocher Here de Tree of Life de Terrence Malick, qui convoquait lui aussi des dinosaures au milieu de sa saga familiale pour mettre en perspective l’intime et l’infini univers. Mais là où Malick appliquait une forme poétique et abstraite (ésotérique ?), Zemeckis adopte une approche immédiatement compréhensible, plus directe et rationnelle pour ne pas s’aliéner le public.

Le passé, toujours présent

Here est peut-être l’ultime variation sur un thème cher à Robert Zemeckis : le temps. Dans Retour vers le futur déjà, il nous emmenait 30 ans en arrière pour montrer comment les lieux, les codes et les mentalités avaient évolué. Dans Forrest Gump, le personnage est l’arbre qui cache la forêt : certains reprochent au film sa candeur toute américaine mais c’est aussi la chronique parfois mordante, parfois désabusée de 40 d’histoire américaine pas toujours glorieuse. Marty et Forrest sont des protagonistes constants dans des environnements changeants. Dans Here, bien que le passage du temps soit à nouveau l’axe principal, le point de vue semble inversé : c’est l’Univers qui regarde les personnages évoluer. A vouloir condenser l’histoire entière d’une famille sur deux générations, Zemeckis et Roth recourent à certaines facilités scénaristiques pour nous tirer quelques larmes, mais les événements qu’ils choisissent de raconter sont volontairement génériques pour parler au plus grand nombre (première rencontre amoureuse, grossesse, naissance, dispute, rêves déçus, décès, vieillissement). On pourrait ainsi reprocher le caractère trop consensuel et lisse du mélodrame, mais le plan final n’évoque sans doute pas par hasard le celui qui ouvrait Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk, le roi du mélodrame domestique hollywoodien. Sous la surface se cachent des saillies plus critiques (voir l’époque à laquelle les premiers occupants de couleur peuvent enfin s’offrir cette maison cossue et les recommandations qu’ils font à leur fils). On retrouve également la volonté de mêler petite et grande Histoire déjà observée dans le scénario de 1941, co-signé par Zemeckis pour Steven Spielberg en1979. Le temps passe aussi vite dans la vie qu’à l’écran et Zemeckis n’a plus 20 ans depuis longtemps : il livre ici une œuvre lui permettant à nouveau d’innover techniquement et narrativement, mais aussi empreint de sagesse et de bienveillance, une histoire sans antagoniste sinon la Grande Horloge elle-même, avançant sans état d’âme ni cruauté mais n’épargnant personne. Le temps passe, une vie s’écoule et la mémoire collective n’en retiendra pas tous les faits. Mais pour chacun d’entre nous, les moments et les petits riens partagés avec les personnes qui nous accompagnent représentent TOUT. Et en écoutant le thème d’Alan Silvestri durant le générique, c’est avec l’idée bouleversante d’une vie bientôt oubliée mais dont la valeur de chaque instant vécu ne fait aucun doute que nous laisse Here.

 

 © Jérôme Muslewski


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NIGHT TEETH (2021)

Un étudiant sans le sou accepte de remplacer son frère chauffeur de taxi le temps d’une nuit, mais la vraie nature de ses clientes va se révéler mortelle…

NIGHT TEETH

 

2021 – USA

 

Réalisé par Adam Randall

 

Avec Jorge Lendeborg Jr, Lucy Fry, Sydney Sweeney, Alfie Allen, Raúl Castillo, Debbie Ryan, Alexander Ludwig, Megan Fox

 

THEMA VAMPIRES

De Alfie Allen (Game of Thrones) à Sydney Sweeney (Euphoria), en passant par Jorge Lindeborg Jr (Spider-man : Homecoming, Bumblebee et Alita : Battle Angel), cette pure production Netflix bénéficie d’un casting de jeunes et beaux acteurs déjà bien expérimentés, naviguant entre grosses productions et séries à succès. Le réalisateur Adam Randall a quant à lui déjà signé le sympathique I Boy pour la plateforme, un récit de SF stylisé avec à l’affiche Maisie Williams (Game of Thrones). Confortablement dotée d’un budget d’environ 21 millions de dollars, cette variation vampirique peut compter sur des effets spéciaux et des maquillages convaincants et une image travaillée, dans les décors nocturnes de Los Angeles et de la Nouvelle Orléans. Clairement plus intéressé par l’opportunité de filmer le plus esthétiquement possible les pérégrinations de ses héros que par son histoire, Adam Randall nous embarque donc à bord du taxi – ou du moins du VTC – conduit par Benny (Jorje Lenderbotg Jr), étudiant fauché, remplaçant au pied levé son frère Jay (Raúl Castillo) pour une course qui va s’avérer plus que mouvementée. Accueillant à son bord Blaire (Debbie Ryan) et Zoe (Lucy Fry), deux jeunes femmes aussi séduisantes que mystérieuses, notre apprenti chauffeur va vite découvrir un monde noctambule qui lui était totalement inconnu, un monde dangereux et peuplé de créatures assoiffées de sang.

Alors qu’entre lui et Blaire se développe une forme de séduction et d’attraction mutuelle, Benny va devoir défendre chèrement sa vie face à Zoe et surtout face à l’impitoyable Victor (Alfie Allen), véritable parrain d’une mafia vampirique tentaculaire qui règne par la terreur sur la Cité des Anges… Visuellement abouti, Night Teeth baigne dans une photographie particulièrement léchée que l’on doit à Eben Bolter, très à son aise dans les restitutions nocturnes et déjà à l’œuvre dans I Boy. Grâce à une réalisation fluide souvent inspirée et d’une ambiance eighties, l’esthétique voulue par Adam Randall est incontestablement réussie. Mais cette minutie apportée à la stylisation de son récit en masque mal les défauts flagrants : son histoire de vampires manque cruellement de vampires. Ou plutôt de sang, ce qui est un comble pour ce genre précis. Les scènes de combat ou impliquant une attaque des créatures de la nuit sont tout simplement éludées par le montage, les reléguant au rang d’ellipses, ne montrant au mieux que les conséquences.

Ellipses lunaires

D’où la naissance chez le spectateur d’une certaine frustration, car le récit préfère s’attarder sur l’histoire d’amour balbutiante entre Blaire et Benny, délaissant l’action au profit de cet enjeu bien peu palpitant. Un choix donc curieux, qui aurait pu être intéressant si l’on avait eu droit également à un peu plus d’action et d’horreur, même si dans le dernier tiers et jusqu’au dénouement final, la réalisation s’emballe un peu, nous donnant sur la fin une belle séquence de pure bravoure. Dépourvu de séquences réellement saignantes, Night Teeth conjugue malheureusement assez mollement ses intrigues principales et secondaires mais suscite néanmoins l’intérêt et la sympathie grâce au trio de protagonistes pleins de charme, il faut bien l’avouer. Les performances des guest sont plutôt inégales et leur présence reste anecdotique, même si retrouver Megan Fox ou Woody Harrelson fait toujours plaisir. Les talents combinés d’Adam Randall et d’Eben Bolter font de ce film de vampires bien trop édulcoré un exercice de style formellement assez sexy, mais quelques litres d’hémoglobine supplémentaires n’auraient pas gâché l’expérience, bien au contraire.

 

© Christophe Descouzères


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MYSTERIOUS MUSEUM (1999)

Un frère et une sœur passent à travers un tableau ensorcelé dans un musée et se retrouvent 300 ans dans le passé, traqués par un sorcier…

MYSTERIOUS MUSEUM / SEARCH FOR THE JEWEL OF POLARIS: MYSTERIOUS MUSEUM / NIGHT AT THE MAGIC MUSEUM / THE MAGIC MUSEUM

 

1999 – USA

 

Réalisé par David Schmoeller

 

Avec A.J. Trauth, Brianna Brown, Megan Lusk, Michael Lee Gogin, John Duerler, Adrian Neil, David Schmoeller, Eugen Cristea, Alexandru Bindea

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA CHARLES BAND

Dans les années 80, David Schmoeller avait réalisé quelques œuvres phare des productions Empire Pictures et Full Moon Entertainment, notamment Tourist Trap, Fou à tuer ou le tout premier opus de la longue saga Puppet Master. Après Le Royaume secret, sa première incursion dans les films pour enfants du label Moonbeam, il enchaîne avec Mysterious Museum qui reprend peu ou prou les mêmes ingrédients. Le film est conçu en partie pour pouvoir recycler le village médiéval construit au Castel Studio de Bucarest et déjà utilisé dans plusieurs productions de Charles Band comme Contes macabres : la reine du château, Medieval Park ou Excalibur Kid. Réalisé en 1999 sous le titre Search For the Jewel of Polaris, ce petit « direct to video » est ressorti depuis sous de nombreux titres alternatifs et avec une nouvelle jaquette cherchant à capitaliser sur le succès de La Nuit au musée, quitte à montrer des choses qui ne sont pas du tout présentes dans le film (comme des dinosaures, un vieux galion ou une créature bizarre aux vagues allures de crustacé).

Le prologue nous fait découvrir Falco (Adrian Neil), un sorcier maléfique qui convoite le tout puissant joyau magique de Polaris. Mais le magicien Darbin (Eugen Cristea) a réussi à cacher la pierre et jette un sort à Falco et ses hommes, les figeant pour toujours dans une peinture. Le temps d’un flash-forward, nous voilà en 1999. Chargée bien malgré elle de surveiller son frère adolescent Ben (A.J. Trauth) et sa petite sœur Casey (Megan Lusk), Kim (Brianna Brown) les emmène dans le musée où elle travaille dans l’espoir qu’ils se tiennent à carreau. Or c’est justement dans ce musée qu’est accroché le fameux tableau dans lequel Falco a été enfermé. La soirée devenant orageuse, chargée d’une énergie électrique surnaturelle, Kim et Ben se retrouvent soudain aspirés par un autre tableau, qui représente un village de l’an 1632. Les voilà ramenés plusieurs siècles en arrière. Le seul moyen pour eux de regagner leur époque est de retrouver le joyau de Polaris. Mais Falco, qui a réussi à s’échapper de la peinture de Darbin, veut aussi mettre la main sur la pierre précieuse…

Sympathique et anecdotique

Les premières minutes du film nous surprennent agréablement, grâce à une direction artistique soignée. Les décors, les costumes, le travail sur la lumière crédibilisent ce prologue au cours duquel Falco se fait tirer le portrait avec ses hommes par une sorte d’émule de Leonard de Vinci (en réalité Darbin avec une fausse barbe). Mais le reste du métrage n’est pas toujours à la hauteur, et l’on sent bien que Schmoeller, malgré sa bonne volonté, ne peut guère faire de miracles. L’intrigue se résume en effet à peu de choses, le rythme n’est pas très soutenu et les acteurs se révèlent moyennement convaincants. On se distrait donc comme on peut, via les pouvoirs magiques de Falco (capable de miniaturiser les gens, de faire disparaître la bouche de ceux qui parlent trop à son goût, de provoquer de terribles démangeaisons) et du magicien comique incarné par John Duerler (qui transforme les gens en cochons, les assomme à distance, fait apparaître et disparaître des murs de protection, mue les chausses médiévales en paires de baskets). Les effets spéciaux font ce qu’ils peuvent (quelques trucages numériques basiques, une poignée de timides maquillages spéciaux) mais restent très limités. Un jeu de piste à la Indiana Jones tente d’égayer le dernier acte de ce conte sympathique mais très anecdotique.

 

© Gilles Penso


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LE SILENCE QUI TUE (1979)

Barbara Steele entre dans la peau d’une femme névrosée et muette dans cette histoire trouble manifestement influencée par Psychose

SILENT SCREAM

 

1979 – USA

 

Réalisé par Denny Harris

 

Avec Rebecca Balding, Cameron Mitchell, Steve Doubet, Avery Schreiber, Brad Rearden, Yvonne de Carlo, Barbara Steele

 

THEMA TUEURS

Le Silence qui tue est conçu selon une méthode pour la moins étrange. Le film est en effet tourné une première fois en 1977 par Denny Harris, réalisateur à succès de films publicitaires qui rêve depuis longtemps de se lancer dans le cinéma d’horreur. Harris finance lui-même le tournage à hauteur de 450 000 dollars et utilise ses propres studios pour plusieurs décors, heureux de pouvoir porter à bout de bras ce projet indépendant. Hélas, le résultat est jugé décevant et inexploitable. Le réalisateur décide alors de s’appuyer sur le savoir-faire de Jim et Ken Wheat (futurs scénaristes de Le Cauchemar de Freddy, La Mouche 2 et Pitch Black) pour améliorer son récit. N’y allant pas par quatre chemins, les frères Wheat pensent qu’il est nécessaire de refilmer la majeure partie du film et de remplacer la quasi-totalité du casting. Si les acteurs qui incarnaient les étudiants reviennent tourner leurs séquences, Yvonne De Carlo (Les Dix Commandements), Barbara Steele (Le Masque du démon), Cameron Mitchell (La Foreuse sanglante) et Avery Schreiber (Airport 80 Concorde) viennent donc remplacer ceux qui jouaient leurs personnages à l’origine. Finalement, seules douze minutes du tournage initial seront conservées dans Le Silence qui tue.

Scotty Parker (Rebecca Balding), étudiante en Californie du Sud, cherche à la dernière minute une chambre pour le semestre d’automne. Elle est dirigée vers une pension de famille tenue par la taciturne et silencieuse Mme Engels (Yvonne de Carlo), un manoir victorien situé sur une falaise surplombant l’océan Pacifique. Mme Engels vit dans la maison avec son fils adolescent introverti et étrange, Mason (Brad Rearden), et plusieurs autres étudiants, dont Doris (Juli Andelman), Peter (John Widelock) et Jack (Steve Doubet). L’iconique Barbara Steele n’intervient qu’au bout d’une heure de métrage dans le rôle d’une femme psychotique et muette (ses séquences ayant été tournées en quatre jours seulement). Un vieux secret de famille semble hanter les lieux et peser sur le destin de ses habitants, et l’ombre de Psychose rôde ouvertement sur cette intrigue, d’autant que les meurtres au couteau commencent à frapper les protagonistes, la musique de Roger Kellaway se laissant volontiers inspirer par les célèbres coups de violons de Bernard Herrmann.

Terreur muette

Si le mystère plane sur l’identité du coupable de ces assassinats, selon le principe éprouvé du « whodunit », c’est surtout la prestation de Barbara Steele qui retient l’attention dans Le Silence qui tue. Déguenillée, le regard fou, le geste syncopé, la névropathe qu’elle incarne écoute de vieux standards sur son tourne-disque, recroquevillée sur son lit et contre une poupée à laquelle elle s’agrippe comme une bouée de secours. Dans le rôle de cette femme-enfant tourmentée et muette, vecteur paradoxal de fragilité et de terreur, la reine du cinéma horrifique italien des années 60 s’avère franchement inquiétante, sa beauté s’évaporant presque sous un masque rigide de dureté et de folie. Peu confiants dans les résultats au box-office du premier long-métrage de Denny Harris, les distributeurs ne lui offrent d’abord qu’une sortie limitée en novembre 1979. Mais l’accueil enthousiaste que lui réserve le public les pousse à en tirer de nombreuses autres copies pour élargir son exploitation en salles. La manœuvre est habile : Le Silence qui tue sera l’un des films d’horreur indépendants les plus rentables de la fin des années 70.

 

© Gilles Penso


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L’ÉTRANGE CAS DEBORAH LOGAN (2014)

Le tournage d’un documentaire consacré à la vie d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer bascule dans l’horreur…

THE TAKING OF DEBORAH LOGAN

 

2014 – USA

 

Réalisé par Adam Robitel

 

Avec Jill Larson, Anne Ramsay, Michelle Ang, Brett Gentile, Jeremy DeCarlos, Ryan Cutrona, Tonya Bludsworth, Anne Bedian, Randell Haynes, Jeffrey Woodard

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

En 2014, le « found footage » n’est plus une nouveauté depuis longtemps. Cannibal Holocaust a ouvert le bal en 1980, C’est arrivé près de chez vous a relancé les hostilités en 1992, Le Projet Blair Witch a popularisé le gimmick en 1999, puis [Rec], Diary of the Dead et Cloverfield ont transformé le procédé en phénomène de mode qui a fini par perdre peu à peu de son impact et de son caractère novateur. Il était légitime de s’interroger sur l’intérêt de s’adonner une nouvelle fois à cette technique narrative usée jusqu’à la corde pour mettre en scène un énième faux reportage. Pour son premier long-métrage, Adam Robitel s’engouffre pourtant dans la brèche et nous prend agréablement par surprise. Sans révolutionner le genre, le réalisateur tire parti avec une belle virtuosité de son postulat de départ, ancré dans un contexte très réaliste, pour mieux s’acheminer pas à pas vers le surnaturel le plus exubérant. Confiant dans le potentiel de cet Étrange cas Deborah Logan, Bryan Singer accepte d’en être le producteur via sa compagnie Bat Hat Harry Productions. Le budget alloué au film reste raisonnable – environ 1 500 000 dollars -, mais il n’en faut pas plus à Robitel pour mettre en image l’histoire qu’il a co-écrite avec Gavin Heffernan, futur scénariste de deux opus de la franchise Paranormal Activity. Dans ce genre d’exercice de style, l’économie de moyens aurait même tendance à jouer en faveur du résultat final.

C’est la réalisation d’un documentaire consacré à la maladie d’Alzheimer qui sert de prétexte aux prémices du film. La réalisatrice Mia (Michelle Ang), l’ingénieur du son Gavin (Brent Gentile) et le cameraman Luis (Jeremy DeCarlos) parviennent à convaincre Deborah Logan (Jill Larson), atteinte des premiers stades de cette sénilité dégénérative, et sa fille Sarah (Anne Ramsay) de s’immiscer dans leur quotidien et de placer des caméras un peu partout dans leur maison pour tourner un film sur le sujet, en échange d’une somme d’argent conséquente. Harris (Ryan Cutrona), voisin et ami de la famille, voit d’un mauvais œil l’arrivée de ces intrus. Mais Sarah sait que cette contrepartie financière serait bénéfique, et sa mère accepte dans la mesure où le documentaire a des vertus éducatives. Plus la petite équipe filme la vie diurne et nocturne de Deborah Logan, plus celle-ci se met à adopter un comportement étrange. Visiblement, la maladie est en train de prendre une forme de plus en plus agressive. À moins qu’il ne s’agisse d’autre chose ?

Dégénérescence

L’excellente interprétation de la petite troupe d’acteurs menée par Adam Robitel est le premier atout majeur de film, sans lequel toute crédibilité s’effondrerait comme un château de cartes. Le naturalisme des comédiens est en effet la condition sine qua non d’un found footage réussi. Tandis que le film avance, il devient clair que les symptômes de Deborah Logan dépassent allègrement ceux de la maladie d’Alzheimer pour révéler quelque chose de beaucoup plus inquiétant. Les médecins de l’hôpital voisin qui l’auscultent régulièrement cherchent forcément une explication rationnelle. « Changement de voix, automutilation, désappropriation du corps, autant de signes de schizophrénie » avance ainsi l’un des docteurs. Mais les spectateurs qui connaissent L’Exorciste sur le bout des doigts pensent forcément à une cause plus surnaturelle. Le diable finit en effet par s’immiscer dans ce huis-clos anxiogène, ou du moins l’esprit maléfique insidieux d’une créature qui transforme peu à peu le tournage de nos trois vidéastes en véritable cauchemar. Le stress monte donc sans cesse d’un cran jusqu’à un climax oppressant situé dans une caverne souterraine, avec comme point d’orgue une vision brève horriblement surréaliste qui fit tant d’effet à l’époque que l’image fut partagée abondamment sur les réseaux sociaux. Bref, voilà une jolie réussite qui mit le pied à l’étrier de Robitel. Celui-ci persista dans le genre, mais hélas de manière plus routinière, comme en témoignent Insidious : la dernière clé, Escape Game et Escape Game 2.

 

© Gilles Penso


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TIMESLINGERS (1999)

Deux adolescents se retrouvent propulsés en plein Far West et doivent sauver la vie de deux créatures extra-terrestres en perdition…

ALIENS IN THE WILD WILD WEST / TIMESLINGERS

 

1999 – USA

 

Réalisé par George Erschbamer

 

Avec Taylor Locke, Carly Pope, Barna Moricz, Markus Parilo, Gerry Quigley, Gloria Slade, George Olie, Ovidiu Bucurenciu, Marcel Cobzariu, Marius Florea Vizante

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA CHARLES BAND

À partir du milieu des années 90, le producteur Charles Band se lance dans une discipline singulière : le western de science-fiction roumain ! Pour les besoins du diptyque Oblivion et Oblivion 2, il fait en effet construire une ville de Far West sur les plateaux extérieurs de Castel Studio, à Bucarest, puis décide d’amortir ce décor en variant les plaisirs, en initiant par exemple le western érotico-futuriste Petticoat Planet ou le conte fantastique Phantom Town. C’est en suivant la même logique de recyclage qu’est lancée la production de Timeslingers, d’abord connu sous son premier titre Aliens in the Wild Wild West. Le concept ? Une sorte de mélange invraisemblable entre E.T. et Retour vers le futur 3. Le scénario est confié à Alon Kaplan, créateur de la série Thrills, et la mise en scène à George Erschbamer. Réalisateur d’épisodes de séries TV et de téléfilms depuis la fin des années 80, pilier de la série Supercopter, ce dernier démarra sa carrière dans le domaine des effets spéciaux en participant à des films aussi variés que Rambo, Le Ruffian, Le Guerrier de l’espace, Iceman, Runaway ou Rocky IV.

Sara et Tom Johnson (Carly Pope et Taylor Locke) sont deux adolescents désœuvrés, souvent en conflit avec leur famille. Tom passe son temps à filmer et commenter tout ce qu’il fait avec son caméscope, tandis que Sara multiplie les mauvaises fréquentations et finit souvent ses soirées au poste de police. Pour resserrer les liens familiaux, leur père (Mircea Constantinescu) décide de les emmener en vacances dans une ville fantôme du vieil Ouest. Dès leur arrivée, le frère et sa sœur découvrent un appareil étrange sous le plancher du bureau du shérif. Cet objet les transporte subitement à la fin des années 1800, où ils assistent au crash d’une soucoupe volante. En explorant le vaisseau échoué, ils découvrent un petit extra-terrestre qui, grâce à un appareil de traduction instantanée, peut communiquer avec eux. L’alien leur révèle que sa mère a été capturée par des habitants cupides et enfermée dans une prison, où elle risque de mourir si elle n’est pas secourue à temps. Aidés d’un cow-boy sympathique, Johnny Coyle (Barna Moricz), Tom et Sara décident de tout mettre en œuvre pour sauver l’extraterrestre et sa mère, avant que le temps ne s’écoule et que le portail temporel ne les ramène à leur époque.

E.T. le kid

Au début, nous sommes prêts à nous prendre au jeu. Le ton léger du film, son humour frais, sa description décomplexée d’une famille au bord de la rupture créent une sympathique connivence avec le spectateur. Certes, avec la meilleure volonté du monde et malgré une bande originale mi-rock mi-blues, le réalisateur a bien du mal à faire passer les routes nationales roumaines pour des highways californiennes. Pour autant, l’entame fonctionne à peu près et lorsque nos jeunes héros basculent dans le passé, force est de constater qu’Erschbamer tire parti du mieux qu’il peut du décor et de l’importante figuration costumée à sa disposition. Hélas, les choses finissent assez vite par se gâter, Timeslingers se muant lentement mais sûrement en nanar pur et dur. L’OVNI en images de synthèse bâclées passe encore. Mais quand les extra-terrestres conçus par Gabe Bartalos (Frère de sang, Elmer le remue-méninges) montrent le bout de leur nez, rien ne va plus. La « maman » ressemble à une grosse peluche au faciès de yéti et aux oreilles pointues (maladroitement interprétée par un acteur étouffant dans un costume mal-fichu). Quant au rejeton, c’est une imitation bas de gamme de E.T. recouverte de poils. D’ailleurs toute l’histoire finit par se résumer à une sorte de relecture de E.T. au Far West : le petit alien est perdu sur Terre, il veut rentrer chez lui, les enfants le cachent aux adultes… Les acteurs étant globalement médiocres, la mise en scène très télévisuelle et l’intrigue bien peu palpitante, l’intérêt de Timeslingers est tout relatif. Dans le rôle de Sara, la jeune Carly Pope sort tout de même du lot. Elle poursuivra d’ailleurs une carrière assez florissante à la télévision et au cinéma.

 

© Gilles Penso

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LUDO : LE JEU MAUDIT (2015)

Deux jeunes couples investissent un centre commercial après la fermeture et font soudain face à des phénomènes effrayants et mortels...

LUDO

 

2015 – INDE

 

Réalisé par Qaushiq Mukherjee et Nikon

 

Avec Rii Sen, Kamalika Bernejee, Soumendra Bhattacharya, Murari Mukherjee, Ranodeep Bose, Joyraj, Battacharjee, Anamya Biswas, Subholina Sen

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I CANNIBALES

Inscrit dans la mouvance du cinéma indépendant indien, Qaushiq Mukherjee, plus connu sous le surnom de Q, est un réalisateur, monteur, directeur de la photographie et documentariste radical, s’évertuant dans chacune de ses œuvres à décrire une jeunesse indienne en perdition, phagocytée par les traditions religieuses omniprésentes. Ses productions sont souvent crues, violentes et érotiques, suscitant de vives controverses comme en témoigne son succès critique et public Gandu (2010), chronique d’un jeune rappeur désœuvré qui navigue entre le vol d’argent (directement dans les poches de l’amant de sa mère) et la consommation de drogue avec un ami aussi paumé que lui. Filmé en noir et blanc, traversé par des séquences musicales punk-rock, violent et très explicite dans les scènes de sexe, Gandu est devenu un petit phénomène du cinéma underground indien et a subi une interdiction de diffusion en Inde, contribuant ainsi à sa réputation de brûlot poétique et social. On est extrêmement loin du Bollywood coloré et dansant s’étirant sur des durées interminables (Ludo et Gandu n’excèdent pas les 90 minutes). Engagé, Q est entouré d’une équipe fidèle au sein de sa société de production Overdose Joint, et dépeint une Inde rongée par l’ennui, les interdits et l’emprise religieuse et morale. Cette envie de dépoussiérer les codes et clichés du cinéma indien était déjà esquissée dans son autre incursion dans le fantastique avec The Land of Cards, en 2012, fable hallucinée et expérimentale inspirée d’une légende indienne.

Ludo ne déroge pas à la règle en suivant l’errance nocturne de quatre adolescents minés par l’ennui, qui ne cherchent qu’à s’amuser et faire l’amour dans une société puritaine et autoritaire. Au gré de leurs pérégrinations, ils finissent par échouer dans un centre commercial après la fermeture et décident de s’y installer. Ainsi, à l’abri des regards, ils peuvent enfin explorer les lieux et s’adonner aux plaisirs qu’ils recherchaient. Mais une présence maléfique ne va pas tarder à les traquer et les plonger dans un cauchemar mortel. Le premier tiers du film suit donc la virée de ces quatre amis, dans une Inde sclérosée par la corruption de la police et la crainte qu’elle suscite. Dans sa description brute et directe, Q inscrit son récit horrifique dans sa vision nihiliste et désenchantée d’une jeunesse sans avenir et contrainte dans ses désirs de liberté. Ces thématiques sont fondatrices de son cinéma et de ses propositions artistiques. Sa réalisation rugueuse, son montage abrupt – avec des ruptures de rythmes précises – et sa bande-son rock rappellent tout au long du métrage que Q vient du ciné underground, expérimental et épris de liberté.

Sang concession

Ainsi, les deux premiers tiers nous plongent dans un récit urbain et social, traversé d’une dose d’horreur brutale, avant de basculer presque sans prévenir dans une autre forme plus onirique, par le biais d’un flash-back sur les origines du fameux jeu maudit. Dès lors, le rythme et le ton changent, ainsi que l’époque, offrant une parabole à peine voilée du consumérisme et du capitalisme. Dès que le jeu vous séduit et vous prend dans ses filets, vous perdez, quelle que soit l’issue de la partie. Les antagonistes, couple maudit et immortel, prisonniers du jeu, sombrent lentement dans la monstruosité et le cannibalisme tout en conservant leur amour réciproque. Héros tragiques mais tueurs impitoyables, les amants traversent le temps en semant la mort, étanchant la soif de sang de ce jeu démoniaque. Et nos quatre amis en feront les frais rapidement. Rii Sen, fidèle de l’équipe d’Overdose Joint, campe ici une amante maudite, vouée à ne pas pouvoir mourir, en perpétuelle recherche de sang et de chair. Dans les autres rôles, de jeunes acteurs très convaincants et investis donnent vie à ce conte macabre qui arrive tout de même à captiver par son ambiance unique. Si Ludo est beaucoup moins expérimental dans sa forme que Gandu ou Land of Cards, il n’en reste pas moins une incursion singulière dans l’univers punk et irrévérencieux de Qaushiq Mukherjee.

 

© Christophe Descouzères


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TOTEM (1999)

Six jeunes gens qui ne se connaissent pas se retrouvent inexplicablement dans une vieille maison isolée, cernée par des démons…

TOTEM

 

1999 – USA

 

Réalisé par David DeCoteau

 

Avec Jason Faunt, Marissa Tait, Eric W. Edwards, Sacha Spencer, Tyler Anderson, Alicia Lagano

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I PETITS MONSTRES I SAGA CHARLES BAND 

À la fin des années 1990, David DeCoteau souhaite se lancer dans la réalisation du thriller d’épouvante Voodoo Academy. Le producteur Charles Band lui donne le feu vert à condition qu’il tourne d’abord pour lui Totem, un petit film d’horreur au budget minuscule. Habitué à sacrifier la qualité au profit de la quantité (son rythme de travail reste très impressionnant), DeCoteau accepte et boucle les prises de vues en quatre jours seulement, avec six acteurs et deux décors. Difficile de faire plus efficace. Pas très fier du résultat final – et nous le comprenons -, le réalisateur choisit le pseudonyme de Martin Tate pour signer le film. Pour ceux qui sont habitués à sa filmographie, son style est pourtant facilement identifiable. Totem commence presque comme un épisode de La Quatrième dimension. Six jeunes gens qui ne se connaissent pas se retrouvent du jour au lendemain dans une cabane isolée au milieu des bois. Tous ont reçu le même message mental les guidant sur place, et les voilà désormais coincés dans un lieu qui semble entouré par une barrière invisible les empêchant de rentrer chez eux.

Cette demi-douzaine de protagonistes semble échappée d’un catalogue de mannequins. Les filles ont un visage angélique et les garçons bandent leurs muscles sous leurs débardeurs. DeCoteau a beau cacher son nom, nous le reconnaissons dès les premières minutes. Ces pimpants héros sont Alma (Marissa Tait), Paul (Jason Faunt), Leonard (Eric W. Edwards), Tina (Alicia Lagano), Roz (Sacha Spencer) et Robert (Tyler Anderson). Trois filles, trois garçons, donc plein de possibilités. Mais le film n’explore pas le potentiel romantico-érotique de la situation, préférant s’orienter vers une intrigue surnaturelle nébuleuse. En visitant le cimetière voisin, nos six héros découvrent en effet un étrange totem orné de trois sculptures inquiétantes. Bientôt, celles-ci reviennent à la vie et les attaquent. Pour s’en sortir vivants, certains d’entre eux vont devoir accepter de se transformer en meurtriers et de sacrifier les autres. C’est du moins la règle qu’édicte dans un langage inconnu l’une des filles, soudain possédée façon Evil Dead. Trois monstres, trois assassins, trois victimes, telle est l’équation macabre qui régit les lieux…

Petits monstres, vikings et zombies

Détendus, blagueurs, taquins, les jeunes héros de Totem réagissent face à la situation angoissante dans laquelle ils sont plongés avec une légèreté tellement peu crédible qu’elle ôte d’emblée toute possibilité de nous intéresser à leur sort. Tout sonne faux dans le film : leurs répliques, leur comportement, les coups de tonnerre qui ne cessent de ponctuer la bande son (comme dans Witchouse). DeCoteau tente bien de créer de l’étrangeté en laissant sa caméra tanguer autour de ses personnages (une technique elle aussi héritée de Witchouse), mais l’ennui s’installe rapidement. Le film se résume en effet à une interminable litanie de dialogues insipides récités par des acteurs sans conviction. Charles Band profite de ce scénario translucide pour décliner une nouvelle fois son obsession des petits monstres. Il s’agit cette fois-ci d’un démon ailé grimaçant, d’un golem cornu habillé comme un bourreau et d’une créature mi-singe mi-grenouille. Les marionnettes censées leur donner vie sont hélas animées très sommairement (« agitées » serait sans doute un terme plus exact). DeCoteau fait ce qu’il peut pour essayer de nous faire croire à leur présence maléfique, secouant sa caméra, abusant des fumigènes, recourant à un montage très nerveux. Mais rien n’y fait : ces petits jouets en plastique n’ont pas plus de crédibilité que les personnages humains qu’ils côtoient. Ne sachant visiblement pas comment terminer son film, DeCoteau insère dans son climax un flash-back constitué d’extraits des Vikings de Richard Fleischer puis fait surgir des zombies dans son cimetière. Pourquoi pas ? Au point où on en est…

 

© Gilles Penso


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SOUVIENS-TOI L’ÉTÉ DERNIER 2 (1998)

Un an après les événements racontés dans le premier film, le tueur psychopathe armé d’un crochet revient faire des siennes…

I STILL KNOW WHAT YOU DID LAST SUMMER

 

1998 – USA

 

Réalisé par Danny Cannon

 

Avec Jennifer Love Hewitt, Freddie Prinze Jr., Brandy Norwood, Mekhi Phifer, Muse Watson, Bill Cobbs, Matthew Settle, Jeffrey Combs, Jennifer Esposito

 

THEMA TUEURS I SAGA SOUVIENS-TOI L’ÉTÉ DERNIER

On ne peut pas dire que Souviens-toi l’été dernier ait été un film d’horreur follement novateur. Son succès fut cependant suffisamment important – en grande partie grâce à son casting attrayant et sa réappropriation des codes du slasher popularisés par Scream – pour que l’envie d’un second épisode se profile rapidement. D’autant que sa fin ouverte laissait en suspens plusieurs possibilités de prolongations de l’intrigue. Dès la sortie du film, Mike Mendez (futur réalisateur de Le Couvent et Lavalantula) propose une suite. Le studio, de son côté, préfèrerait confier le scénario à Kevin Williamson, auteur du premier film. Mais Williamson est alors sur tous les fronts, occupé à la fois par la série Dawson, The Faculty, Halloween 20 ans plus tard et Mrs Tingle. C’est finalement Trey Callaway, auteur de plusieurs épisodes de la série Timon & Pumba, qui est chargé d’écrire Souviens-toi l’été dernier 2. En toute logique, Jim Gillespie est envisagé pour reprendre en main la réalisation, à la grande joie de Jennifer Love Hewitt qui a gardé un excellent souvenir du précédent tournage. Mais Gillepsie tire finalement sa révérence – à cause des sempiternelles « divergences créatives » avec le studio, probablement – et se voit remplacé par le Britannique Danny Cannon, metteur en scène du moyennement convaincant Judge Dredd avec Sylvester Stallone et futur signataire d’épisodes clés de la série Les Experts.

Nous revoilà donc dans un contexte familier. Un an après la vague de meurtres perpétrés par le pêcheur vengeur Ben Willis (Muse Watson), Julie James (Jennifer Love Hewitt) suit des cours d’été à Boston. Mais son quotidien est troublé par d’affreux cauchemars liés au massacre de ses amis. Un beau jour, Karla Wilson (Brandy Norwood), sa colocataire, reçoit un appel téléphonique d’une station de radio locale et gagne un voyage aux Bahamas. Pour se changer les idées, Julie accepte de l’y accompagner. Mais la saison des ouragans venant de débuter, nos vacanciers se retrouvent seuls à l’hôtel. Et Julie, qui croyait avoir déjà connu la pire des terreurs, va s’apercevoir qu’elle se trompait. Le tueur au crochet est en effet de retour et reprend le massacre qu’il avait commencé dans le film précédent…

La reine des hurlements

Comme on pouvait le craindre, aucun cliché ne nous est épargné dans cette séquelle prévisible qui enchaîne jusqu’à la parodie involontaire les séquences au cours desquelles Julie sursaute et pousse des hurlements : dans son sommeil, en pleine salle de classe suite à un cauchemar, chez elle lorsque sa copine vient lui emprunter des habits, à cause du bruit de son micro-ondes, dans la rue en voyant passer des cyclistes, en boîte de nuit en croyant apercevoir la silhouette du tueur au crochet… Vouloir muer Jennifer Love Hewitt en « scream queen » au sens le plus strict, pourquoi pas ? Mais ici, nous frôlons dangereusement le ridicule. L’actrice décidera d’ailleurs d’arrêter les films d’horreur après celui-ci, pour éviter d’être cataloguée et étiquetée « reine des hurlements ». Moins percutant que son modèle – qui déjà foulait de nombreux sentiers battus -, Souviens-toi l’été dernier 2 s’enfonce très vite dans la routine, et si le succès est encore au rendez-vous, ses résultats au box-office sont incomparables avec ceux de son modèle. En 2006, un troisième opus sera produit directement pour une exploitation en vidéo, Souviens-toi l’été dernier 3.

 

© Gilles Penso


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JOSH KIRBY : TIME WARRIOR ! CHAPITRE 1 – PLANET OF THE DINO KNIGHTS (1995)

Le premier chapitre d’une saga délirante dans laquelle un ado voyage dans le temps jusque dans un moyen-âge alternatif peuplé de dinosaures…

JOSH KIRBY TIME WARRIOR! CHAPTER 1: PLANET OF THE DINO KNIGHTS

 

1995 – USA

 

Réalisé par Ernest Farino

 

Avec Corbin Allred, Jennifer Burns, Derek Webster, Barrie Ingham, John DeMita, Spencer Rochfort, Sandra Guibord, Jonathan C. Kaplan, Time Winters

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I DINOSAURES I SAGA CHARLES BAND I JOSH KIRBY

Après avoir créé Moonbeam, un label de petits films « direct-to-video » destinés à un public familial, le producteur Charles Band envisage d’enchaîner les longs-métrages autonomes (Le Château du petit dragon, Prehysteria) et de créer parallèlement une grande saga de films à suivre reprenant l’esprit rocambolesque des serials de science-fiction des années 30. C’est ainsi que naît le projet Josh Kirby. Le scénario est confié à Ethan Reiff et Cyrus Voris. « Charlie nous a montré une demi-douzaine de posters originaux, des peintures qu’il avait commandées à des dessinateurs de couvertures de bandes dessinées », raconte Reiff. « C’est là qu’il a commencé à nous parler de la série de films qu’il voulait créer en s’inspirant de ces visuels. » (1) L’intention de Band est claire : s’inspirer directement – mais officieusement, pour ne pas à avoir de payer de copyrights – de la bande dessinée de SF « Rip Hunter, Time Master », publiée par DC dans les années 60. Une série de six films s’articulant sur le même arc narratif sont donc écrits par les duettistes, chaque épisode s’achevant sur un cliffhanger qui annonce le suivant. Prévu initialement à Salt Lake City, le tournage se déroule finalement au Castel Studio de Bucarest, que Band inaugura avec Subspecies. Le premier opus de cette saga, Planet of the Dino Knights, est confié à Ernest Farino, un homme d’effets spéciaux qui fit son baptême de metteur en scène au tout début des années 90.

Le 13 septembre 2420, à 2h15 du matin, des hommes mystérieux en tenue de vulcanologues, dirigés par un scientifique nommé Irwin 1138 (Barrie Ingham), démontent le Nullifier, un mystérieux artefact extraterrestre capable de détruire l’univers. Alors qu’ils dispersent ses six morceaux dans un portail spatio-temporel, ils sont attaqués par le diabolique Dr Zoetrope 366 (Derek Webster), revêtu d’une armure robotique massive armée de rayons laser. Voilà comment commence le premier chapitre de Josh Kirby : Time Warrior ! Le temps d’un bond temporel, nous voilà propulsés en 1994. Josh Kirby (Corbin Allred), un adolescent passionné de montres et malmené à l’école par une brute qui l’oblige à faire ses devoirs, découvre l’un des morceaux du Nullifier dans la niche de son chien. Lorsque le Dr Zoetrope tente de le récupérer, Josh se retrouve accidentellement dans la capsule temporelle d’Irwin. Avant de pouvoir rentrer chez lui, il va devoir l’accompagner dans sa mission, autrement dit récupérer les morceaux dispersés avant Zoetrope. Leur première escale les mène dans l’Angleterre de 1205 où ils rencontrent Azabeth Siege (Jennifer Burns), une guerrière intrépide, et Henry, un seigneur maléfique qui sème la terreur grâce à son dinosaure apprivoisé…

Système D

La « production value » de ce premier Josh Kirby est beaucoup plus importante que celle des films Moonbeam habituels. Les décors sont variés, les effets visuels ambitieux, la figuration costumée abondante, bref Charles Band se donne pour une fois les moyens de ses ambitions. Certes, on sent bien qu’une grande partie des trucages sont bricolés avec les moyens du bord, que les dinosaures en stop-motion (des figurines recyclées de Prehysteria et animées par Rob Maine) bougent de manière saccadée, que la marionnette qui donne vie à la mascotte extra-terrestre Prism (créée par Mark Rappaport) manque singulièrement de fluidité ou que les images de synthèse (supervisées par Randy Cook et Michael Hoover) restent très basiques. Mais ce système D permanent contribue justement au charme de Josh Kirby et le dote d’une singularité bien à part, comme si ce film délirant et généreux avait été concocté par de grands enfants à qui on aurait donné des jouets et une caméra. De nombreuses allusions à l’univers du comic book (le nom Kirby, le Nullifier échappé d’une aventure des Quatre Fantastique) et du cinéma (le Zoetrope de Francis Ford Coppola, le 1138 de George Lucas) ponctuent d’ailleurs le métrage. Pulp, distrayant, léger, Planet of the Dino Knight s’achève en plein suspense, afin de pousser le public à se précipiter illico dans la seconde aventure de Josh Kirby.


(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017) 

© Gilles Penso


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