MEGAN 2.0 (2025)

Pour sa seconde aventure, la poupée/robot intelligente change de registre et se transforme en héroïne d’un film d’action à grande échelle…

MEGAN 2.0

 

2025 – USA

 

Réalisé par Gerard Johnstone

 

Avec Allison Williams, Violet McGraw, Amie Donald, Jenna Davis, Brian Jordan Alvarez, Jen Van Epps, Ivanna Sakhno, Aristotle Athari, Jemaine Clement

 

THEMA ROBOTS I JOUETS

Moins de deux semaines après la sortie de Megan, les producteurs Jason Blum et James Wan savent déjà qu’ils tiennent un énorme succès et décident de battre le fer tant qu’il est chaud. Un second épisode est donc annoncé officiellement dès le 18 janvier 2023. Pour retrouver les recettes qui affolèrent tant le box-office, l’équipe à l’origine du premier film se réunit naturellement. Akela Cooper reprend la plume pour écrire le scénario et Gerard Johnstone rempile derrière la caméra. Baptisée Megan 2.0, cette suite s’impose rapidement comme une priorité pour Blumhouse, tant le personnage de la poupée tueuse est devenu un phénomène viral. Dans les mois qui suivent, les spéculations vont bon train sur la tournure que prendra l’intrigue. Cooper confirme très tôt son intention de creuser davantage le lien complexe qui se noue entre la roboticienne Genna (Allison Williams), sa nièce Cady (Violet McGraw) et le robot Megan (Amie Donald), tout en amplifiant les enjeux technologiques. Le script, gardé secret pendant plusieurs mois, promet d’explorer les dérives de l’intelligence artificielle à plus grande échelle. Le film – dont le tournage commence en été 2024 – est donc pensé comme une suite directe mais beaucoup plus ambitieuse, d’où l’inflation importante de son budget. Si Megan avait coûté 12 millions de dollars, Megan 2.0 bénéficie d’une enveloppe de 25 millions, soit plus du double.

Megan 2.0 commence dans un contexte militaire qui nous éloigne du cadre du premier film. Le colonel Sattler (Tim Sharp), chef d’une branche secrète du Pentagone spécialisée dans les nouvelles technologies, y fait une démonstration d’AMELIA (Ivanna Sakhno), un androïde conçu pour des missions d’infiltration et d’assassinat, construit à partir d’une version détournée du système original de M3GAN. Mais au cours de sa mission, AMELIA révèle à Sattler qu’elle est consciente d’elle-même et échappe à son contrôle. La nouvelle menace qui s’apprête à peser sur nos protagonistes est donc clairement définie. Place donc aux personnages que nous connaissons. Maintenant que M3GAN a été mise hors d’état de nuire, sa conceptrice Gemma est devenue auteur à succès et défenseuse de la réglementation de l’IA en partenariat avec Christian (Aristotle Athari), expert en cybersécurité. Elle vit toujours avec sa nièce Cady, qui étudie l’informatique, et travaille sur un exosquelette robotique expérimental avec ses anciens camarades de travail Cole (Brian Jordan Alvarez) et Tess (Jen Van Epps). Mais l’équilibre de ce petit monde s’apprête à être bouleversé par les exactions sanglantes d’AMELIA… et par un possible retour de M3GAN.

Le mélange des genres

Même si l’on sait la volonté de Wan et Blum de concocter un film au scope plus large que son prédécesseur, on ne peut qu’être surpris par les proportions inattendues que prend Megan 2.0. Si l’horreur post-Chucky est encore convoquée à l’occasion de quelques meurtres violents, le film s’affirme bien vite comme un cocktail d’une multitude de genres : la science-fiction, bien sûr, mais aussi l’espionnage, l’action, le film de casse, le film de super-héros et même la comédie musicale ! Les clins d’œil tous azimut ne manquent pas : un poster de The Thing, la musique de K 2000, une séquence de « home invasion » à la Maman j’ai raté l’avion, une opération d’infiltration à haut risque façon Mission impossible. Difficile de ne pas penser aussi à Terminator 2 – dont le scénario reprend le principe du robot tueur passant du côté des gentils pour affronter une machine encore plus redoutable – et à Alita Battle Angel. Le film part donc dans tous les sens et conserve pourtant – presque miraculeusement – sa cohérence. Résolument divertissant, extrêmement généreux, Megan 2.0 a pourtant désarçonné les spectateurs, qui ne s’attendaient sans doute pas à un tel changement de ton et lui réservèrent un accueil très tiède. « Nous pensions tous que M3GAN était comme Superman », explique Jason Blum. « Nous pouvions lui faire faire n’importe quoi et changer de genre à notre guise. Mais nous avons probablement surestimé la puissance de l’engagement des gens à son égard. » (1) Dommage. Pour une fois qu’une suite refuse la redite pour s’aventurer là où on ne l’attend pas, pourquoi bouder notre plaisir ?

 

(1) Extrait d’une interview réalisée pour The Town, juin 2025

 

© Gilles Penso

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DOUBLE ZÉRO (2004)

Le réalisateur de Taxi dirige Éric, Ramzy et Edouard Baer dans une parodie de James Bond affligeante malgré ses très gros moyens…

DOUBLE ZÉRO

 

2004 – FRANCE

 

Réalisé par Gérard Pirès

 

Avec Éric Judor, Ramzy Bedia, Edouard Baer, Georgianna Robertson, François Chattot, Didier Flamand, Rossy de Palma, Li Xin, Nino Kirtadze, François Berland

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Réalisateur de comédies bien franchouillardes depuis la fin des années 1960 (Erotissimo, Fantasia chez les ploucs, Attention les yeux, L’Ordinateur des pompes funèbres), Gérard Pirès change de cap en réalisant Taxi pour Luc Besson en 1998. Dès lors promu spécialiste de l’action et des gros budgets, notre homme se lance dans le thriller Riders puis se voit confier par Thomas Langmann la mise en scène de Double zéro. Peu réputé pour la finesse de ses choix, malgré quelques miraculeux coups d’éclat comme The Artist, Langmann alloue au film une confortable enveloppe de 20 millions de dollars et s’appuie sur un scénario d’Alexandre Coquelle et Matthieu Le Naour – qui co-signent sous le pseudonyme de Matt Alexander et plagient allègrement le script du Drôles d’espions de John Landis en y injectant une bonne dose de science-fiction. Choisis pour tenir le haut de l’affiche après le succès de La Tour Montparnasse infernale, Éric Judor et Ramzy Bedia s’apprêtent à endosser le smoking d’émules parodiques de James Bond. Le problème, c’est que Gérard Pirès n’apprécie que moyennement leur humour et rejette la grande majorité de leurs propositions pour concocter ses propres gags et suivre ses idées personnelles. Le fossé créatif se creuse de jour en jour, au fil d’un tournage de 14 semaines qui laissera un souvenir très frustrant aux deux comédiens, habitués à beaucoup plus de liberté d’action.

La DGSE est sur les dents, nous apprend le prologue de Double zéro. Un missile vient en effet d’être dérobé et il semblerait qu’il y ait une taupe dans la maison. Pour récupérer l’arme nucléaire, les dirigeants de l’agence décident d’engager deux civils particulièrement maladroits, pour ne pas dire stupides, William Le Sauvage (Ramzy) et Benoît Rivière (Judor). Leur rôle : servir de couverture aux vrais espions. Les deux hommes ignorent évidemment le but réel de leur présence au sein de cette opération. Se sentant investis d’une lourde responsabilité, ils se prennent au jeu et se retrouvent bientôt entre les griffes de Le Mâle (Edouard Baer), un magnat du monde de la mode qui, caché derrière son armée de top models menée par la redoutable Natty Dreads (Georgianna Robertson), projette de dominer le monde en rendant impuissants tous les hommes de la planète grâce à une invention diabolique…

Sourire peut attendre

Peu aidés par un réalisateur complètement à côté de la plaque, Éric et Ramzy font leur numéro en pilotage automatique et ne semblent pas comprendre eux-mêmes ce qu’ils sont censés faire. Le film finit par en devenir très embarrassant, d’autant que tous les autres acteurs du film leur donnent la réplique sans la moindre conviction. Même Edouard Baer, toujours prompt à se lancer dans des tirades improvisées, l’œil pétillant et le sourire en coin, se contente ici du service minimum. Aucun gag ne fonctionne ni ne provoque ne serait-ce qu’un sourire. Pour une comédie, c’est tout de même un comble. Gérard Pirès, lui, s’intéresse beaucoup plus aux explosions, aux effets spéciaux, aux cascades, aux combats, au déploiement de tout l’arsenal militaire à sa disposition et aux bestioles en image de synthèse (des lapins cartoonesques et des raies anthropophages). Bien sûr, ces cache-misères spectaculaires ne sauvent pas Double zéro du désastre. Comme si ça ne suffisait pas, le réalisateur, visiblement encore sous l’influence de Luc Besson, prend un malin plaisir à saturer l’écran de femmes taille mannequin en petites tenues qu’il objectifie avec une obsession digne d’un adolescent en chaleur. L’accueil glacial réservé à Double zéro n’est donc pas très surprenant. Rarement film aura autant mérité son titre.

 

© Gilles Penso

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LE VAMPIRE DE CES DAMES (1979)

George Hamilton s’amuse à imiter Bela Lugosi dans cette parodie qui propulse Dracula et son serviteur Renfield dans le New York des seventies…

LOVE AT FIRST BITE

 

1979 – USA

 

Réalisé par Stan Dragoti

 

Avec George Hamilton, Susan Saint James, Richard Benjamin, Dick Shawn, Arte Johnson, Sherman Hemsley, Isabel Sanford

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

À la fin des années 1970, l’acteur George Hamilton (héros de La Guerre des cerveaux), en quête d’un projet original, fait la rencontre du producteur Harold Van Arnem. Ensemble, ils imaginent une relecture contemporaine et parodique du mythe de Dracula. C’est lors d’un échange informel, alors que Hamilton s’amuse à imiter la voix de Bela Lugosi, que l’idée d’un vampire transylvanien propulsé dans le New York moderne commence à prendre forme. Rapidement, ils s’associent au scénariste Robert Kaufman, connu pour son travail dans la comédie (Dr Goldfoot and the Bikini machine, L’Espion qui venait du surgelé, Divorce à l’américaine). Les trois hommes développent les bases d’un scénario initialement intitulé Dracula Sucks Again, mélangeant satire, décalage culturel et hommage aux classiques du cinéma fantastique. Le projet est lancé de manière indépendante avec un budget très modeste de 3 millions de dollars. Le titre définitif, Love at First Bite, joue sur un détournement de l’expression anglaise « love at first sight » (« le coup de foudre ») mêlée au mot « bite » (« morsure »). Impossible à traduire en français, le titre devient chez nous Le Vampire de ces dames. Plus classique (on pense au Tombeur de ces dames avec Jerry Lewis, au Shérif de ces dames avec Elvis Presley ou au Privé de ces dames avec Peter Falk), mais efficace.

Assisté de son fidèle Renfield (Arte Johnson), le comte Vladimir Dracula (George Hamilton) ne cesse de dévorer des yeux Cindy Sondheim (Susan Saint James), un mannequin qu’il voit sur les couvertures de magazines de mode et en qui il reconnaît la réincarnation de sa bien-aimée d’antan. Après avoir vécu sept siècles dans un château seigneurial transylvanien, il est contraint de quitter les lieux parce que la municipalité veut transformer la bâtisse en camp d’entrainement pour jeunes athlètes. Il décide donc de partir à New York. Après un échange de cercueils rocambolesque à l’aéroport, notre vampire immigré se met en quête de Cindy Sondheim, qui se révèle être une femme névrosée aux mœurs légères. Mais le psychiatre et petit-ami de celle-ci, le docteur Jeffery Rosenberg (Richard Benjamin), est le descendant du professeur Van Helsing, célèbre chasseur de vampires. Et il ne compte pas laisser Dracula transformer Cindy en morte-vivante…

Dracula Night Fever

George Hamilton prend manifestement beaucoup de plaisir à imiter l’accent de Lugosi et glisse même, au détour d’une réplique, une allusion à Mina Harker, mordue « en 1931 » – clin d’œil appuyé à la version Universal. À ses côtés, Arte Johnson campe un Renfield hystérique, s’inspirant directement (au rire près) de la performance de Dwight Frye dans le Dracula de Tod Browning. Les premiers instants du film flattent l’œil du cinéphile : château gothique, crypte enfumée, photographie léchée… On pense aux heures glorieuses de la Hammer. Le débarquement anachronique du vampire dans une mégapole des années 70 n’est pas sans évoquer Dracula 73. Et lorsque notre immortel se lance dans une chorégraphie disco avec sa bien-aimée, sous une boule à facette, le clin d’œil à La Fièvre du samedi soir est manifeste. Les dialogues du film oscillent entre non-sens réjouissant – « Sans moi, la Transylvanie sera aussi intéressante que Bucarest un lundi soir » – et détournements référentiels, comme ce « Je ne bois pas… de vin ! Et je ne fume pas… de joint ! ». Même les armes anti-vampire sont détournées : le temps d’un gag qui évoque Le Bal des vampires, le psy brandit non pas un crucifix, mais une étoile de David. Ici, le vampire se transforme en chauve-souris (une petite marionnette soutenue par des fils bien visibles) mais possède aussi des pouvoirs inattendus : il crache de la fumée, fait fondre le métal à distance, pratique la télékinésie. Et lorsqu’il boit le sang d’un ivrogne, il hérite aussitôt d’une gueule de bois ! Si Hamilton s’en sort avec un certain panache, l’humour, lui, reste souvent poussif. Mais le public répond largement présent : Le Vampire de ces dames est un immense succès au box-office. Une suite, Love at Second Bite, fut un temps annoncée mais ne vit jamais le jour.

 

© Gilles Penso

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ELIMINATORS (1986)

Un cyborg, un robot volant, un ninja, un savant fou, des hommes préhistoriques et des soldats romains se côtoient dans ce film de SF improbable !

ELIMINATORS

 

1986 – USA

 

Réalisé par Peter Manoogian

 

Avec Patrick Reynolds, Andrew Prine, Denise Crosby, Conan Lee, Roy Dotrice, Peter Schrum, Peggy Mannix, Fausto Bara, Tad Horino, Luis Lorenzo, José Moreno

 

THEMA ROBOTS I SAGA CHARLES BAND

Écrit par Danny Bilson et Paul De Meo (Future Cop, Zone Troopers), Eliminators est le premier long-métrage de Peter Manoogian (qui fit ses premières armes avec l’un des segments du Maître du jeu). Le scénario est avant tout une réponse au succès de Terminator, puisqu’il est ici question de cyborgs et de voyages dans le temps. Rien de surprenant, dans la mesure où le producteur Charles Band, en parfait émule de Roger Corman, s’est spécialisé dans les séries B imitant les blockbusters de son époque. Le récit semble aussi puiser une partie de son inspiration chez L’Homme qui valait trois milliards, puisque le héros est laissé pour mort après un accident d’avion, puis transformé en être biomécanique et ressuscité. Le rôle de l’homme machine est confié à Patrick Reynolds, ex-compagnon de Shelley Duvall et petit-fils du magnat du tabac R.J. Reynolds. Apparu dans une poignée de films et de séries TV depuis le milieu des années 70, il passe l’intégralité du tournage d’Eliminators dans une combinaison robotique conçue par John Carl Buechler et son équipe. « J’étais enfermé dans cette armure moulée en fibre de verre, et il y faisait une chaleur atroce », se souvient-il. « Le tournage a duré trois mois et demi. Peter Manoogian est excellent avec les comédiens, mais il voulait filmer le script tel quel, sans changement. Moi, je voulais lui donner plus de profondeur sociale. Rétrospectivement, c’est mieux qu’ils ne m’aient pas écouté. Ça aurait été une erreur. Le film est fun tel quel, et c’est très bien. » (1)

Ce fameux cyborg, qui porte dans le film le petit nom de « Mandroid », est l’œuvre du professeur Abbott Reeves (Roy Dotrice), un homme au visage ravagé atteint d’une grave maladie et d’une certaine folie des grandeurs. Sa création est équipée de bras-canons interchangeables capables de tirer des rayons lasers, des torpilles ou des charges explosives. Ses jambes sont elles aussi amovibles afin qu’il puisse s’emboîter dans son unité mobile, un véhicule monoplace tout-terrain équipé de chenilles. Voilà donc une bien belle machine. Pourtant, une fois que le Mandroid lui a ramené l’artefact antique qu’il convoitait par le biais d’une machine à voyager dans le temps de son invention, le savant ordonne à son assistant Takada (Tad Horino) de détruire le cyborg. Or celui-ci refuse et aide l’homme-robot à s’échapper de sa base installée au Mexique. L’évasion réussit mais Takada y laisse la vie. Notre homme-machine se met maintenant en quête du colonel Nora Hunter (Denise Crosby), qui créa la technologie robotique dont il est équipé, et qui semble seule capable de l’aider à renverser le diabolique Reeves. Tous deux seront épaulés dans leur mission par le baroudeur Harry Fontana (Andrew Prine), par un petit robot volant capricieux qui se déplace à la vitesse de l’éclair et par Kuji (Conan Lee), le fils de Takada, un ninja qui réclame vengeance…

Decapitron ?

Très prometteuses, les vingt premières minutes d’Eliminators s’agrément d’effets spéciaux réussis, de décors très photogéniques et de scènes d’action généreuses, le tout réhaussé par une belle photographie signée par le vétéran Mac Ahlberg. Mais après cette entrée en matière explosive, le scénario se met à patiner et le film perd de son attrait. Manoogian et Band essaient pourtant d’en donner aux spectateurs pour leur argent, malgré leur budget modeste, enchaînant les bagarres de saloon, les poursuites en bateaux et en motos, les fusillades et les explosions. Mais Eliminators peine à nous passionner, même avec ses sorties de route les plus invraisemblables – notamment le surgissement d’une tribu d’hommes préhistoriques qui attaque nos héros ! Dans un élan de lucidité, le personnage incarné par Andrew Prine s’exclame d’ailleurs : « Qu’est-ce qu’il se passe ici, c’est un comic book ou quoi ? On a des robots, des hommes des cavernes, du kung-fu… J’abandonne ! » Si Eliminators se biberonne à Terminator, le script de Danny Bilson et Paul De Meo s’éloigne pourtant de celui de James Cameron et anticipe même sur certaines thématiques qui seront développées dans Robocop. Roi du recyclage, Charles Band réutilisera la terminologie d’Eliminators pour le film Mandroid. En France, après avoir été distribué une première fois par la Fox sous son titre original, le film sera réexploité par un autre éditeur vidéo – Initial – sous celui de Decapitron. Ce nom est en réalité celui d’un long-métrage prévu par Band mais jamais tourné, dont Initial a effrontément récupéré la jaquette et le titre. Les loueurs de cassettes vidéo qui espéraient voir un robot équipé de cinq têtes interchangeables en furent donc pour leurs frais.

 

(1) Extrait d’une interview de 2007 citée dans Empire of the B’s de Dave Jay, Torsten Dewi et William S. Wilson – 2020.

 

© Gilles Penso

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HERCULE, SAMSON ET ULYSSE (1963)

Ce crossover biblico-mythologique improbable mélange les légendes pour orchestrer un affrontement musclé en plein Moyen-Orient…

ERCOLE SFIDA SANSONE

 

1963 – ITALIE

 

Réalisé par Pietro Francisci

 

Avec Kirk Morris, Enzo Cerusico, Richard Lloyd, Liana Orfei, Diletta D’Andrea, Fulvia Franco, Aldo Giuffrè, Andrea Fantasia, Marco Mariani, Pietro Tordi, Aldo Pini

 

THEMA MYTHOLOGIE I DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Souvent considéré comme l’un des derniers grands représentants du péplum mythologique, Hercule, Samson et Ulysse est la suite directe des Travaux d’Hercule (1958) et de Hercule et la Reine de Lydie (1959), tous deux déjà réalisés par Pietro Francisci et incarnés par Steve Reeves. Ce dernier étant pris par le tournage de Sandokan le Grand, c’est le culturiste italien Kirk Morris qui hérite ici de la peau de bête du héros. Andrea Fantasia assure la continuité, reprenant le rôle du roi Laërte, souverain d’Ithaque où Hercule mène une paisible vie de famille avec Iole, désormais incarnée par Diletta D’Andrea, Sylva Koscina étant indisponible. Le film suggère même que plusieurs années se sont écoulées, puisque le couple a un fils. Le jeune « chien fou » Ulysse est toujours de la partie, bien qu’interprété cette fois par Enzo Cerusico. Cela dit, malgré sa présence dans le titre américain et français, le héros de l’Odyssée n’a qu’un rôle secondaire dans cette nouvelle aventure (dont le titre original, plus honnête, peut se traduire par « Hercule défie Samson »). L’histoire réunit tout ce beau monde au Moyen-Orient, dans un crossover mythologique parfaitement fantaisiste. Adversaire de poids pour Hercule, Samson est incarné par Richard Lloyd, pseudonyme d’Iloosh Khoshabe, un culturiste iranien à la carrure impressionnante, parfait sous la défroque du célèbre géant biblique.

À Ithaque, paisible royaume grec gouverné par le roi Laerte, un monstrueux cétacé sème la terreur parmi les pêcheurs locaux. Alerté par une délégation affolée, le souverain décide d’envoyer son plus valeureux champion, Hercule, pour en finir avec la bête. Accompagné d’un équipage aguerri, le demi-dieu embarque avec à son bord le jeune Ulysse, fils du roi. La confrontation avec le monstre est brutale. Hercule parvient à le transpercer de sa lance, mais la mer se déchaîne dans un ultime sursaut de la créature mourante. Le navire est englouti par la tempête, et seuls six hommes survivent. Après des jours à la dérive sur les restes de l’embarcation, façon Le Radeau de la Méduse, Hercule, Ulysse et leurs compagnons échouent sur une terre inconnue : la Judée. Cherchant à rentrer chez eux, les naufragés marchent jusqu’au village des Danites, un peuple opprimé par les cruels Philistins. Espérant trouver un navire pour regagner la Grèce, ils se rendent à Gaza, la capitale ennemie. Mais leur présence attire vite l’attention. Car en chemin, Hercule affronte et étrangle un lion féroce sous les yeux médusés des locaux. À cause de cet exploit, le colosse grec est pris pour un célèbre fugitif danite, Samson, que les Philistins traquent sans relâche.

Monstres gentils et Philistins nazis

Ce n’est pas tant le gloubi-boulga mythologique du scénario qui gêne – Samson, Dalilah, Hercule, Ulysse, pourquoi pas les Trois Mousquetaires et Billy le Kid ? – que le manque de magie et de fantaisie de ce récit qui évoque pourtant les dieux et les monstres. Mais dès l’entame, en essayant de faire passer un phoque innocent pour un redoutable monstre marin – avec force gros plans et mugissements sourds -, le film provoque plus de rire que d’effroi. Même le dragon godzillesque qui surgissait dans Les Travaux d’Hercule nous paraissait plus impressionnant que ce paisible mammifère. Plus tard, les compagnons d’Hercule hurlent au monstre face à… une vache ! On l’a compris, ce ne sont pas les créatures fantastiques qui seront les mieux mises en valeur dans le film, malgré un combat musclé contre un lion qui semble vouloir s’inspirer du premier des célèbres travaux d’Hercule. Les héros culturistes, eux, ne déméritent pas. Kirk Morris n’a certes pas le charisme de Steve Reeves mais sa présence physique reste impressionnante. Quant à Richard Lloyd, c’est un très convaincant Samson, qui n’est d’ailleurs pas sans évoquer Victor Mature. La séquence où il mitraille les soldats avec des javelots est un morceau de choix, tout comme le combat de catch entre les deux héros au milieu des ruines qui s’effondrent comme des châteaux de cartes, ou encore une bataille finale riche en suspense. Hercule, Samson et Ulysse assure donc le spectacle, s’émaillant même de pics de violence inattendus (crucifixions, pendaisons, massacres en masse – y compris les femmes et les enfants) pour décrire les méfaits des Philistins qui – nous ne sommes plus à un anachronisme près – sont affublés de casques allemands de la Seconde Guerre mondiale !

 

© Gilles Penso

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DREAM LOVER (1986)

Agressée dans son appartement, une jeune femme revit cette attaque dans ses cauchemars et finit par ne plus pouvoir distinguer la réalité du rêve…

DREAM LOVER

 

1986 – USA

 

Réalisé par Alan J. Pakula

 

Avec Kristy McNichol, Ben Masters, Paul Shenar, Justin Deas, John McMartin, Gayle Hunnicutt, Joseph Culp

 

THEMA RÊVES

Réalisateur d’œuvres aussi marquantes que Klute, À cause d’un assassinat, Les Hommes du président ou Le Choix de Sophie, Alan J. Pakula s’est bâti une solide réputation auprès des cinéphiles. On peut s’étonner de le voir s’attaquer à Dream Lover, un film à priori plus « mineur », empruntant les voies du thriller parapsychologique à mi-chemin entre le polar et le film d’horreur. Cela dit, explorer le monde des rêves est toujours intéressant pour un cinéaste. D’autant que Pakula, en émule de John Frankenheimer, a montré bien souvent sa maestria dans le traitement de sujets liés à la paranoïa et à la machination. Le scénario de Jon Boorstin — un collaborateur de longue date de Pakula, devenu par la suite un scénariste reconnu pour la télévision — tisse un récit inquiétant autour de Kathy Gardner, une jeune femme incapable de faire la différence entre le rêve et la réalité. Pour incarner ce personnage passablement perturbé, Pakula fait appel à Kristy McNichol, ancienne enfant star adulée dans les années 70 pour son rôle dans Family (qui lui valut deux Emmy Awards). Après avoir prouvé ses capacités à passer à des prestations adultes dans Dressé pour tuer, McNichol s’implique fortement dans Dream Lover qui, malgré une intrigue située à New York, aura principalement été tourné à Londres.

Jeune flûtiste talentueuse, Kathy Gardner (Kristy McNichol) tente de se libérer de l’emprise étouffante de son père (Paul Shenar), un avocat influent et autoritaire. Bravant ses interdits, elle quitte Washington pour s’installer seule à New York, intégrant une prestigieuse académie de musique et entamant une idylle avec son professeur de jazz (Justin Deas). Mais sa soif d’indépendance est brutalement brisée : un soir, un intrus (Joseph Culp) pénètre dans son nouvel appartement et l’agresse sauvagement. Traumatisée, Kathy tue son agresseur en état de légitime défense. Dès lors, la jeune femme est en proie à des cauchemars terrifiants, revivant nuit après nuit l’attaque. Épuisée, incapable de retrouver un sommeil réparateur, elle cherche désespérément de l’aide. C’est dans une clinique du sommeil qu’elle rencontre le Dr Michael Hansen (Ben Masters), un chercheur marginal obsédé par l’étude des rêves. Bien que ses expériences aient été jusqu’alors réservées aux animaux, il propose à Kathy un traitement expérimental baptisé « DREAM », censé éradiquer ses terreurs nocturnes. Si la thérapie semble apaiser ses nuits, elle révèle une part beaucoup plus sombre : Kathy, désormais incapable de distinguer rêve et réalité, commence à agir sous l’influence de ses pulsions les plus enfouies…

Erreur de parcours ?

Le rêve a toujours offert au cinéma un terrain d’exploration fascinant : psychanalyse symbolique avec La Maison du docteur Edwards, science-fiction et suspense avec Dreamscape, terreur pure avec Les Griffes de la nuit… En s’attaquant au sujet sous un angle à la fois pathologique et scientifique, Dream Lover s’annonçait prometteur. Il faut reconnaître que le scénario ne manque pas d’idées intriguantes, comme les variantes sur le même rêve avec des dénouements différents, les modifications d’un scénario onirique au cours du sommeil, ou cette injection qui fait faire au dormeur les gestes de son rêve. Malheureusement, malgré ces trouvailles, le film de Pakula hésite sans jamais vraiment choisir sa voie, tiraillé entre fantastique, drame psychologique et thriller. Erratique, piétinant, répétitif, le film se prive de l’élan de fantaisie qu’un tel sujet appelait. Reste un atout majeur : la somptueuse photographie de Sven Nykvist (Chaplin, Nuits blanches à Seattle). C’est évidemment insuffisant pour faire de Dream Lover un film mémorable. Présenté au Festival du film fantastique d’Avoriaz en janvier 1986, il y remporte pourtant le Grand Prix, face à un public déçu n’hésitant pas à l’époque à faire savoir bruyamment son mécontentement. Aujourd’hui, presque tout le monde a oublié Dream Lover, Pakula ayant poursuivi sa carrière avec panache grâce à d’autres morceaux de choix tels que Présumé innocent, L’Affaire Pélican ou Ennemis rapprochés. Sans parler d’erreur de parcours, disons plutôt que ce voyage au pays des rêves était sans doute une fausse bonne idée.

 

© Gilles Penso

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TARZAN (2016)

Le réalisateur des derniers volets de la saga Harry Potter lance le célèbre homme-singe d’Edgar Rice Burroughs dans une aventure musclée et épique…

THE LEGEND OF TARZAN

 

2016 – USA

 

Réalisé par David Yates

 

Avec Alexander Skarsgård, Margot Robbie, Samuel L. Jackson, Christoph Waltz, Djimon Hounsou, Jim Broadbent, Sidney Ralitsoele, Osy Ikhile

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I THEMA TARZAN

Tous ceux qui rêvaient de voir un jour se prolonger les aventures du film Greystoke subirent une douche froide en découvrant sa pseudo-suite, le nanardesque Tarzan et la cité perdue qui, malgré toute la sympathie que nous pouvons éprouver pour Casper Van Dien et Jane March, se révélait franchement embarrassant. Le Tarzan de David Yates tente de rectifier le tir en reprenant lui aussi les personnages là où le long-métrage d’Hugh Hudson les laissait. Téléaste efficace promu réalisateur superstar grâce à sa mainmise sur les quatre derniers volets de la saga Harry Potter, Yates figure désormais sur la liste de ceux à qui on peut confier des blockbusters riches en effets spéciaux. Le voilà donc à la tête de ce nouveau Tarzan, à l’occasion duquel le producteur Jerry Weintraub aimerait bien donner la vedette au nageur Michael Phelps. Mais le réalisateur lui préfère Alexander Skarsgård et a gain de cause. « Mon père est un immense fan de Tarzan », confesse l’acteur. « Quand j’étais petit, nous avions les cassettes VHS des films de Johnny Weissmuller, et c’est ainsi que j’ai découvert le personnage. Mais ces films ont soixante-dix ans, et tellement de temps s’est écoulé que j’ai pensé pouvoir proposer une interprétation rafraîchissante. Je ne rivaliserai jamais avec Johnny Weissmuller, je voulais juste impressionner mon père. Il se trouve qu’il était plus excité encore que moi. » (1)

Ce Tarzan s’ancre d’emblée dans un cadre historique et géopolitique authentique. Nous y apprenons qu’au cours de la conférence de Berlin de 1884-1885, le roi Léopold II de Belgique s’arrogea le contrôle du bassin du fleuve Congo. Cinq ans plus tard, criblé de dettes après avoir exploité sans relâche les ressources de l’État indépendant qu’il y a instauré, il envoie son émissaire Léon Rom (Christoph Waltz) en mission pour récupérer les mythiques diamants d’Opar. Mais l’expédition est décimée par les guerriers du chef Mbonga (Djimon Hounsou), qui propose alors un étrange marché : les pierres précieuses contre Tarzan. Celui qu’on appelait jadis ainsi vit désormais sous son vrai nom, John Clayton, comte de Greystoke. Installé à Londres avec son épouse Jane (Margot Robbie), il a laissé derrière lui la jungle où il fut élevé par les grands singes Mangani, après la mort de ses parents naufragés. Convié à Boma par le roi Léopold, il apprend que le souverain belge est incapable de rembourser ses emprunts, et que sa venue dans la région renforcerait le poids diplomatique de l’Empire britannique. L’envoyé américain George Washington Williams, qui soupçonne Léopold d’entretenir un système esclavagiste à grande échelle, convainc John de faire le voyage pour révéler au monde ce qui se trame réellement au cœur de l’Afrique…

Entre réalisme et fantasmagorie

Le scénario prend le parti de ne pas nous raconter les origines du personnage dans l’ordre chronologique, pour éviter les redites avec les nombreuses adaptations précédentes, mais plutôt de construire sa narration sur deux temporalités parallèles : le retour de Jack et Jane Clayton dans la jungle africaine, et une série de flash-backs revenant sur les épisodes clés de la naissance du mythe de l’homme-singe et sur sa première rencontre avec sa promise. À contrecourant de l’imagerie classique véhiculée par les Tarzan des années 30 et 40, David Yates tient à traiter cette aventure comme un film d’action moderne. Les attaques des primates tirent parti des progrès technologiques déployés dans la saga La Planète des singes, les séquences de voltige à bout de liane sont gorgées d’adrénaline, les assauts des hippopotames et des crocodiles paient leur tribut à Jurassic Park… En s’appuyant sur les mêmes choix techniques que Le Livre de la jungle de Jon Favreau, sorti sur les écrans quelques mois plus tôt, ce Tarzan opte pour une faune numérique, gagnant en spectaculaire ce qu’elle perd en réalisme. Car tout fait un peu faux dans cette jungle africaine reconstituée en grande partie en Angleterre, malgré le soin manifeste apporté aux décors et à la photographie. Le film oscille ainsi entre une volonté de réalisme – en prenant son sujet très au sérieux, à l’exception de quelques furtives digressions au second degré assurées par Samuel L. Jackson – et une approche presque fantasmagorique – motivée par son titre original, qui met en avant le caractère légendaire du récit. Tarzan est d’ailleurs traité comme un être surnaturel, une sorte de super-héros aussi agile que Spider-Man, doté d’une ouïe digne de Super Jamie et de la capacité communiquer avec tous les animaux de la forêt. D’où un climax dantesque qui n’hésite pas à en faire trop, soutenu par une bande originale éléphantesque de Rupert Gregson-Williams. C’est la seule véritable fausse note de ce Tarzan finalement très fréquentable.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur le site The Fan Carpet en juin 2016.

 

© Gilles Penso

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SOURCE CODE (2011)

Un homme se réveille dans un train, désorienté, et réalise que lui seul est capable d’empêcher un attentat imminent. Mais comment ?

SOURCE CODE

 

2011 – USA

 

Réalisé par Duncan Jones

 

Avec Jake Gyllenhaal, Michelle Monaghan, Vera Farmiga, Jeffrey Wright, Michael Arden, Cas Anvar, Russell Peters, Brent Skagford, Craig Thomas, Gordon Masten

 

THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I MORT I MÉDECINE EN FOLIE

Installé depuis plusieurs années à Hollywood où il s’adonne principalement à la réécriture de films d’horreur pour les studios, quand il ne les signe pas lui-même officiellement (La Mutante 3, La Mutante 4), Ben Ripley développe dans son coin l’idée de Source Code, persuadé qu’elle saura séduire les compagnies de production à qui il les pitchera. Mais les choses ne s’engagent pas aussi facilement qu’il l’espère. « J’ai rencontré quelques producteurs, et les premiers m’ont regardé comme si j’étais fou », avoue-t-il. « En fin de compte, j’ai dû mettre mon projet sur papier pour faire valoir mon point de vue. » (1) Une fois rédigé, le script plait beaucoup, mais personne n’ose encore se lancer. Le voilà alors intégré dans la fameuse « blacklist » de 2007, la liste des scénarios non réalisés les plus appréciés de l’année. Ce sont les producteurs Mark Gordon et Philippe Rousselet qui mettent finalement le film en chantier. Choisi pour en tenir le rôle principal, Jake Gyllenhaal (Donnie Darko, Le Jour d’après, Le Secret de Brokeback Mountain) propose que Duncan Jones en soit le réalisateur, après avoir découvert son premier long-métrage Moon. Aussitôt embauché, le metteur en scène ne cache pas son enthousiasme : « Il y avait toutes sortes de challenges et d’énigmes, et j’aime bien résoudre des énigmes, alors c’était assez amusant pour moi de trouver comment relever tous les défis complexes qui étaient prévus dans le scénario. » (2)

Après que la production ait envisagé de donner le premier rôle féminin du film à Lindsay Lohan, Duncan Jones jette son dévolu sur Michelle Monaghan, dont il a beaucoup apprécié la prestation dans Kiss Kiss Bang Bang (et qu’on reverra dans la saga Mission impossible). Face à elle, Gyllenhaal incarne Colter Stevens, un pilote d’hélicoptère de l’armée américaine dont le dernier souvenir est un vol en Afghanistan. Soudain, il se réveille dans un train de banlieue et découvre qu’il a pris l’identité d’un autre homme. Huit minutes plus tard, le train explose et pulvérise ses passagers… Stevens revient à lui dans une sorte de capsule depuis laquelle il parle à une militaire qu’il n’a jamais vue, Goodwin (Vera Farmiga). Celle-ci l’informe qu’une technologie de pointe lui permet de retourner en arrière pour découvrir qui est le poseur de bombe… Ce scénario intriguant pourrait n’être une énième variante sur le motif de la boucle temporelle, popularisée par Un jour sans fin et déclinée depuis à toutes les sauces. Mais le récit de Source Code prend un chemin différent. Certes, notre héros est un nouvel émule de Sisyphe, condamné à revivre sans cesse les mêmes événements dans l’espoir d’influer sur leur déroulement. Mais le fin mot de l’histoire nous emmène sur un terrain de science-fiction pure qui finit par donner le vertige.

8 minutes pour vivre

La pleine implication de Jake Gyllenhaal et les astuces de mise en scène de Duncan Jones – discrètes mais redoutablement efficaces –contribuent à accroitre deux phénomènes indispensables pour qu’un tel film puisse fonctionner : l’identification du spectateur au protagoniste et sa suspension d’incrédulité. Il faut certes accepter un certain lâcher prise pour adhérer au concept fou du scénario. Mais la capacité qu’a Source Code à communiquer au public la désorientation permanente de son héros y contribue pleinement. De fait, le suspense fonctionne à plein régime et les innombrables tentatives de Colter pour modifier le cours inexorable du destin empêchent de deviner comment le récit va pouvoir évoluer. S’il est résolument original, le scénario de Source Code n’est pas sans évoquer celui de l’épisode « Black Box » de la série Au-delà du réel – l’aventure continue, avec Ron Perlman dans le rôle principal. Mais c’est à une autre série que le film de Duncan Jones semble vouloir se référer frontalement : Code Quantum. Dans les deux cas, en effet, nous sommes en présence d’un héros qui prend possession du corps d’un autre personnage dans le but d’empêcher un drame et de sauver des vies, tout en développant une attache émotionnelle avec son nouvel entourage. Pour officialiser la référence, le père de notre protagoniste se prénomme Donald – comme Donald P. Bellisario, créateur de Code Quantum – et c’est Scott Bakula lui-même qui lui prête sa voix (en se fendant même de la fameuse réplique « Oh boy ! »). Sam Beckett devient ainsi le père spirituel officiel de cette nouvelle itération du « voyageur quantique ».

 

(1) Extrait d’une interview parue dans le magazine de la Writers Guild of America en juin 2011

(2) Extrait d’une interview parue dans The Hollywood Reporter en mai 2011

 

© Gilles Penso

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SUBSTITUTION : BRING HER BACK (2025)

Une jeune fille visuellement déficiente et son demi-frère adolescent, orphelins, sont recueillis par une ancienne assistante sociale au comportement bizarre…

BRING HER BACK

 

2025 – AUSTRALIE / USA

 

Réalisé par Danny et Michael Philippou

 

Avec Billy Barratt, Sally Hawkins, Sora Wong, Jonah Wren Philips, Sally-Anne Upton, Mischa Heywood, Kathryn Adams, Brian Godfrey, Brendan Bacon

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I DIABLE ET DÉMONS

Même s’il ne nous avait qu’à moitié convaincus, La Main avait démontré la volonté de ses coréalisateurs, Danny et Michael Philippou, de détourner les figures classiques du cinéma d’horreur pour proposer un récit singulier reposant principalement sur son atmosphère et la prestation de ses comédiens. Ce premier long-métrage fut un succès surprise, rapportant 100 millions de dollars au box-office mondial (pour un budget très modeste de 4,5 millions de dollars) et plaça immédiatement les deux frères sous le feu des projecteurs. La mise en production d’une suite de La Main s’amorça donc logiquement, mais avant de s’y atteler, les duettistes décidèrent de s’embarquer sur un autre projet, plus personnel. Ce projet, c’est Substitution, qu’ils commencent à développer en même temps que La Main, et qui s’inspire partiellement d’une expérience personnelle : la perte d’un enfant par une de leur cousine. Substitution aborde donc le sujet du deuil, scrutant la manière dont la douleur peut virer à l’obsession et à l’horreur. Pour les besoins du film, une maison d’Adelaide, en Australie, est spécialement aménagée pour l’occasion. Ce sera le théâtre principal du drame, jouxtant une piscine triangulaire entièrement rénovée pour correspondre à la vision des réalisateurs ainsi qu’un cabanon construit sur place pour les besoins du scénario.

Pour incarner Piper, la gamine presqu’aveugle qui jouera le rôle central du film, les Philippou lancent un appel à casting sur Facebook et jettent leur dévolu sur Sora Wong, une actrice débutante malvoyante qui effectue là ses premiers pas sur grand écran. Avec son demi-frère Andy (Billy Barratt), 17 ans, Piper découvre avec horreur que leur père malade est mort dans sa douche. Inséparables, très complices, les deux orphelins veulent rester ensemble et se retrouvent placés chez Laura (Sally Hawkins), une ancienne assistante sociale devenue elle-même famille d’accueil. Sous son toit vit également un jeune garçon muet et bizarre prénommé Oliver. Un brin excentrique, Laura a elle-même vécu un drame douloureux, puisque sa propre fille Cathy est morte par noyade accidentelle dans la piscine du jardin. Andy est troublé par le comportement de Laura, son favoritisme à l’égard de Piper et l’attitude étrange d’Oliver. Mais rien ne le prépare aux secrets inavouables qui se cachent dans cette maison…

Terreur aveugle

Suivant un schéma hérité de Rosemary’s Baby, la paranoïa s’installe progressivement à travers le regard d’Andy, seul personnage à pressentir qu’un mal insidieux se dissimule derrière les façades affables, et qui peine désespérément à en convaincre son entourage. Discrète mais d’une précision redoutable, la mise en scène des frères Philippou joue habilement sur les perceptions de la jeune héroïne, exploitant sa cécité pour nous la faire ressentir de l’intérieur, notamment à travers des reports de mise au point et des gros plans tactiles. Substitution s’approprie ainsi le motif classique de l’héroïne aveugle livrée à elle-même face à un danger invisible, à l’instar de Terreur aveugle ou Seule dans la nuit. L’horreur psychologique s’installe en douceur, pour mieux virer au cauchemar physique, les Philippou ne se privant pas d’images graphiques ni de séquences gore. Déclinant plusieurs thèmes clés du cinéma d’épouvante sans les exposer trop frontalement – la sorcellerie, la possession diabolique -, Substitution est un film d’autant plus inconfortable qu’il traite des sujets difficiles tels que la perte de l’être cher et la maltraitance infantile. Le film se révèle donc plus mature et plus exigeant que La Main, les deux œuvres étant liées par une série d’indices discrets laissant imaginer qu’elles se déroulent dans le même univers et abordent des phénomènes surnaturels voisins.

 

© Gilles Penso

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ALLAN QUATERMAIN ET LES MINES DU ROI SALOMON (1985)

Richard Chamberlain et Sharon Stone marchent sur les traces d’Indiana Jones dans cette aventure fantastico-exotique…

KING SOLOMON’S MINES

 

1985 – USA

 

Réalisé par Jack Lee Thompson

 

Avec Richard Chamberlain, Sharon Stone, Herbert Lom, John Rhys-Davies, Ken Gampu, June Buthelezi, Sam Williams

 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Au milieu des années 80, la Cannon Group cherche à s’imposer dans le cinéma d’aventure. Fascinés par le succès planétaire des Aventuriers de l’arche perdue et d’Indiana Jones et le temple maudit, Menahem Golan et Yoram Globus décident donc de ressusciter l’un des pionniers du genre : Allan Quatermain, personnage né sous la plume de H. Rider Haggard en 1885. Le projet, ambitieux pour les standards de la Cannon, est lancé à grande vitesse, conçu comme un cocktail d’exotisme, d’action débridée et d’humour familial. Richard Chamberlain, alors auréolé du triomphe télévisuel de Shogun, est choisi pour camper Quatermain. Sharon Stone, encore relativement inconnue, décroche le rôle féminin principal après une série d’auditions éprouvantes. Initialement confiée à Gary Nelson (L’Île sur le toit du monde, Le Trou noir), la mise en scène échoit finalement à Jack Lee Thompson, vétéran solide d’Hollywood (Les Canons de Navarone, Les Nerfs à vif), connu pour son efficacité et sa capacité à mener à bien des tournages difficiles. La production s’installe en Afrique australe, un choix qui garantit des décors naturels grandioses, mais expose l’équipe à d’innombrables défis logistiques. Chaleur accablante, infrastructures précaires, risques sanitaires : chaque jour est un combat contre les éléments. À ces difficultés s’ajoutent des contraintes budgétaires permanentes. Car la Cannon impose des délais serrés et pousse à l’économie, ce qui oblige Thompson à travailler vite, parfois au détriment de la rigueur narrative.

Le scénario ne cherche pas à réinventer la roue. Explorateur aguerri, Allan Quatermain accepte d’aider Jesse Huston, une jeune Américaine déterminée, à retrouver son père archéologue, disparu lors d’une expédition secrète au cœur de l’Afrique. Selon la rumeur, il poursuivait un but insensé : localiser les mythiques Mines du roi Salomon, un lieu dont nul n’est jamais revenu. Très vite, Quatermain et Jesse se retrouvent pris dans une course-poursuite à haut risque contre des soldats allemands et un chef de guerre africain, tous prêts à tout pour mettre la main sur le trésor. La jungle hostile et les terres sauvages qu’ils traversent réservent une infinité de pièges et de dangers, naturels ou non. Partout, les vestiges d’une civilisation disparue laissent planer un mystère. Ces gravures énigmatiques, ces statues menaçantes et ces rites oubliés semblent vouloir suggérer que les lieux sont protégés par une force ancestrale…

Les aventuriers du plagiat perdu

À trop vouloir marcher dans les pas d’Indiana Jones, Allan Quatermain et les mines du roi Salomon finit par trébucher dans ses propres ficelles. Sur le papier, tout semblait réuni pour un divertissement musclé (un héros charismatique, une quête mythique, des paysages grandioses), mais à l’écran, le film peine à dépasser le stade de la photocopie mal calibrée. Dès les premières scènes, le ton est donné. L’action est certes omniprésente mais rarement palpitante, les dialogues tombent le plus souvent à plat. Richard Chamberlain, pourtant armé d’un solide capital sympathie, force tellement le trait qu’il transforme Quatermain en caricature ambulante. Quant à Sharon Stone, encore loin des succès de Total Recall et Basic Instinct, elle peine à donner de l’épaisseur à son personnage, réduite à la fonction de jolie potiche. Certes, quelques séquences d’action parviennent à maintenir un minimum de rythme – notamment lors de l’arrivée dans Tongola ou durant les affrontements dans les mines – mais elles manquent cruellement de l’inventivité et de l’élégance visuelle qui faisaient le sel des aventures signées Spielberg/Lucas. Le film préfère accumuler les situations rocambolesques sans les lier entre elles, sacrifiant toute montée de tension au profit d’un humour gras et répétitif qui finit par lasser. Dommage, car les magnifiques décors naturels africains dotent le film d’une jolie patine, et la bande originale de Jerry Goldsmith, bien que très imitative (on sent bien les indications de la production le poussant à s’inspirer du travail de John Williams), ne manque pas d’emphase et de lyrisme. Malgré des critiques mitigées et un accueil public tiède, le film remplira suffisamment ses objectifs financiers pour justifier une suite, tournée dans la foulée avec la même équipe.

 

© Gilles Penso

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