L’AUBE DES ZOMBIES (1981)

Une momie et des morts-vivants surgissent de leur tombe égyptienne ancestrale pour massacrer ceux qui ont profané leur sépulture…

DAWN OF THE MUMMY

 

1981 – USA / ÉGYPTE

 

Réalisé par Frank Agrama

 

Avec Brenda Siemer Scheider, Barry Sattels, George Peck, John Salvo, Ibrahim Khan, Joan Levy, Ellen Faison, Diane Beatty, Ali Gohar, Ahmed Rateb

 

THEMA MOMIES I ZOMBIES

Producteur, scénariste et réalisateur américano-égyptien, Frank Agrama met en scène une bonne dizaine de films en Iran avant de s’attaquer au marché international avec le polar L’Ordre et la violence en 1972 et la parodie Queen Kong en 1976 (qui parait-il agaça beaucoup Dino de Laurentiis, peu enclin à laisser cette concurrence potache entacher son coûteux King Kong). Son film suivant est L’Aube des zombies, qu’il tourne en Égypte avec une équipe majoritairement italienne. Le prologue se situe en plein désert du Caire, au quatrième millénaire avant J.-C. Des esclavagistes à cheval y enlèvent des villageois pour les contraindre à devenir des serviteurs lors de l’enterrement du pharaon Seferaman. Alors qu’ils se tiennent autour du sarcophage, les malheureux sont tués par un gaz toxique et l’entrée de sa tombe est scellée. Des milliers d’années plus tard, trois hommes, Rick (George Peck), Tariq (Ali Gohar) et Karib (Ibrahim Khan), découvrent l’entrée du tombeau et décident de le piller dans l’espoir d’y trouver un trésor. Une vieille femme surgit soudain pour leur annoncer que le tombeau est maudit, mais rien ne stoppe le trio appâté par le gain. Après avoir ouvert l’entrée à coup de dynamite, ils se mettent en quête d’un hypothétique butin.

Cette situation étant installée, voilà que débarque une équipe de photographes et de mannequins américains, venus en Égypte pour une séance de photo de mode avec la bénédiction du gouvernement local. Alors qu’ils découvrent eux aussi le tombeau, au grand dam des pilleurs, ils décident de faire des clichés à l’intérieur. Personne ne se rend compte que la chaleur des projecteurs provoque une réaction chimique sur la momie de Seferaman. Un liquide poisseux commence en effet à se propager sous ses bandelettes et à gargouiller sinistrement. Bien sûr, le pharaon ne va pas tarder à revenir d’entre les morts, prélude à un joyeux massacre que Frank Agrama filme manifestement sous haute influence du cinéma d’horreur italien de l’époque, dans le sillage du Zombie de George Romero. Car L’Aube des zombies est un film hybride. Si le redoutable Seferaman a les allures classiques d’une momie vengeresse (dont le look n’est pas sans évoquer celui de Christopher Lee dans La Malédiction des Pharaons), l’armée des morts qui l’accompagne n’aurait pas dépareillé dans un film de Lucio Fulci.

L’enfer des momies

La séquence de leur résurrection, au cours de laquelle ils émergent de la terre en gémissant, affublés de haillons déchiquetés et exhibant des visages putréfiés, semble presque échappée de L’Enfer des zombies. Ces cadavres ambulants se repaissent d’ailleurs de la chair et des entrailles des vivants. D’où un titre français qui oublie toute référence aux momies pour évoquer frontalement Dawn of the Dead. Pour se conformer à ses références horrifiques, L’Aube des zombies ne lésine pas sur le gore. Décapitations, têtes qui se décomposent, peau calcinée, coup de machette dans le crâne, gorge arrachée à coups de dents, énucléations, éviscérations à mains nues, c’est un carnage en bonne et due forme qui vaudra au film de nombreuses démêlées avec la censure anglaise, exigeant près de deux minutes de coupes pour pouvoir l’exploiter. Dans la lignée des sous-Zombie qui fleurirent sur les écrans à la fin des années 70, L’Aube des zombies ravira les amateurs d’horreur graphique mais aussi les fans de comique involontaire, car le jeu outré de la plupart des acteurs (notamment de George Peck, qui prononce chacune de ses répliques en hurlant, en écarquillant les yeux et en ouvrant grand la bouche) vaut son pesant de cacahuètes.

 

© Gilles Penso

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PRÉMONITIONS (2007)

Sandra Bullock interprète une femme perturbée par des rêves de plus en plus envahissants au cours desquels son époux meurt… puis renaît !

PREMONITION

 

2007 – USA

 

Réalisé par Mennan Yapo

 

Avec Sandra Bullock, Julian McMahon, Shyann McClure, Courtney Taylor Burness, Nia Long, Marc Macaulay, Kate Nelligan, Irene Ziegler, Philip DeVona

 

THEMA RÊVES

Prémonitions marque les débuts hollywoodiens de Mennan Yapo, un réalisateur germano-turc jusqu’alors méconnu du grand public. Après quelques courts-métrages et le thriller Soundless (2004) remarqué en Allemagne, Yapo attire l’attention des studios américains grâce à sa capacité à insuffler une tension sourde et une esthétique soignée à ses récits. C’est précisément ce que recherche le scénariste Bill Kelly, connu pour la comédie romantique Première sortie (1999), désireux ici de creuser un registre plus sombre et métaphysique. Le projet prend forme sous la houlette des producteurs de Hyde Park Entertainment, qui souhaitent surfer sur le succès de thrillers psychologiques comme Les Autres ou Sixième sens. Le rôle principal est confié à Sandra Bullock, alors en pleine reconquête critique après des années de comédies romantiques. Forte du succès de Collision (Oscar du meilleur film en 2006), l’actrice veut démontrer l’étendue de sa palette dramatique. Elle incarne ici une femme prise dans une boucle temporelle angoissante. À ses côtés, Julian McMahon, surtout connu pour son rôle dans la série Nip/Tuck, campe son époux. L’alchimie fonctionne d’autant plus que le film repose entièrement sur la confusion psychologique de l’héroïne.

Linda Hanson a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles adorables, une maison de rêve… Mais un jour, tout s’effondre : Linda est avertie que son mari, Jim, est mort dans un accident de la circulation. Le lendemain matin, à son réveil, Linda constate que Jim est bien vivant. Ce n’était donc qu’un banal cauchemar… Mais voilà que ce mauvais rêve, loin de se dissiper, revient la hanter, jour après jour, sans cesse changeant, et toujours plus perturbant. Certains matins, Linda se retrouve veuve ; d’autres fois, c’est aux côtés d’un Jim en pleine forme qu’elle s’éveille. Quel sens donner à ces prémonitions ? Privée de ses repères habituels, ballottée entre des émotions contradictoires, et craignant de sombrer dans la folie, Linda résiste de toutes ses forces à une tragédie imminente. Un seul but désormais : arrêter la ronde infernale du temps pour tenter de sauver son mariage, son bonheur, son avenir…

Cauchemars en boucle

Au départ, Prémonitions ressemble donc à un mauvais rêve. Mais ce rêve se répète, se transforme, ajoute des inconnues, des faits étranges. Et au réveil, certains détails prennent un sens troublant. S’agit-il d’un enchaînement de cauchemars, de deux réalités parallèles alternatives, ou de visions prémonitoires comme semble l’indiquer le titre du film ? La mise en scène de Mennan Yapo est raffinée, tout en sobriété. Le cinéaste évite en effet les effets faciles pour installer une angoisse diffuse et constante. Cette atmosphère instable entre pleinement en résonance avec la prestation de Sandra Bullock, qui prouve une fois encore combien elle peut exceller dans le registre dramatique. Autour d’elle, les seconds rôles restent en retrait mais justes. La musique de Klaus Badelt sait éviter la trop forte influence de Hans Zimmer pour accompagner en finesse la montée en tension. Au-delà de sa structure fragmentée et de son ambiguïté temporelle, Prémonitions interroge aussi la foi et le libre arbitre. « Les gens qui ne croient en rien sont comme des vaisseaux vides, ils risquent davantage de se retrouver soumis à des forces qui les dépassent », dit ainsi à Linda le prêtre qu’elle rencontre en désespoir de cause, la visite chez le psychiatre n’ayant rien donné de concluant. Si le film culmine vers un excellent suspense final, il trébuche sur un épilogue en queue de poisson qui affaiblit son impact. Dommage. Reste une œuvre troublante, élégante, qui ose parler de deuil, de destin et de salut sans sombrer dans le mélodrame.

 

© Gilles Penso

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COUPLE MODÈLE (2014)

Une femme commence à soupçonner son époux d’être un redoutable tueur en série, coupable des pires exactions…

A GOOD MARRIAGE

2014 – USA

Réalisé par Peter Askin

Avec Joan Allen, Anthony LaPaglia, Stephen Lang, Cara Buono, Kristen Connolly, Mike O’Malley, Theo Stockman, Will Rogers, Pun Bandhu, Terra Mackintosh

THEMA TUEURS I SAGA STEPHEN KING

Dans le recueil Nuit noire, étoiles mortes, publié en 2010, Stephen King essaye de retrouver la hargne du jeune écrivain qu’il était à l’époque de son premier roman, Marche ou crève, signé du pseudonyme Richard Bachman. L’une des nouvelles de cette anthologie, Bon ménage, lui est inspirée par un tueur en série bien réel, Dennis Rader, qui perpétra ses crimes au Kansas entre 1974 et 1991, et dont l’épouse jura jusqu’au bout n’avoir jamais rien su de ses agissements. King jugeant que sa nouvelle possède suffisamment de potentiel pour devenir un film, il en tire un scénario qui sera mis en scène et produit par Peter Askin. En guise de clin d’œil, le film se déroule à Cleaves Mills, une ville fictive du Maine qui figurait dans le roman Dead Zone de King. Après la sortie du film, la propre fille du tueur Dennis Rader exprimera publiquement son mécontentement, à cause de trop fortes similitudes entre le scénario et l’histoire de son père. King ayant toujours été fasciné par l’horreur commise par les êtres humains faits de chair et de sang, plus encore que par celle attribuée à des êtres surnaturels, son attrait pour une telle affaire ne surprend pas.

Après vingt-cinq ans de mariage heureux, Darcy (Joan Allen, héroïne de Volte/Face et Pleasantville) se met à soupçonner son époux Bob (Anthony LaPaglia, acteur récurrent de FBI Portés disparus) d’être un tueur en série. Ses doutes sont-ils fondés ? S’agit-il de paranoïa ? A-t-elle vraiment pu épouser un assassin et un violeur sans jamais s’en rendre compte ? Au fil des pages de la nouvelle, sur laquelle plane l’ombre de Barbe Bleue, King traduit les tourments de l’épouse fidèle avec des mots justes et saisissants jouant la carte de la métaphore. « Toutes ces années, elle avait vécu avec un fou, mais comment aurait-elle pu le savoir ? », raconte-t-il. « Sa folie ressemblait à une mer souterraine. Il y avait une couche de roche par-dessus, et une couche de terre par-dessus la roche, dans laquelle poussaient des fleurs. Vous pouviez vous y promener sans vous douter de la présence de l’eau empoisonnée en dessous… mais elle était là. »

Pour le meilleur et surtout le pire

A l’écran, Couple modèle s’appuie sur un rythme lent et surtout sur la prestation très juste de ses comédiens principaux, dans un registre pourtant difficile qui aurait pu les entrainer vers l’archétype et la caricature. Aux côtés du couple déchiré, Stephen Lang joue le rôle d’un vieux policier malade à la retraite qui a tout deviné depuis le début. Sans doute le scénario insiste-t-il trop sur sa présence dès le début de l’intrigue. A cette réserve près, l’approche du film est subtile, presque anti-dramatique, ce qui renforce le réalisme du récit. L’horreur des agissements de Bob est évoquée et implicite, mais nous ne la voyons jamais, le réalisateur Peter Askin privilégiant le thriller psychologique à la violence graphique. Couple modèle questionne ses spectateurs sur la part d’ombre de chacun, qui peut rester secrète malgré l’intimité et les années de vie commune, mais aussi sur les sacrifices qu’on est capable de faire par amour. Sorti discrètement en salles aux États-Unis le 3 octobre 2014, Couple modèle sera directement exploité en vidéo en France.

© Gilles Penso

 

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HERCULE CONTRE MOLOCH (1963)

Un prince à la force surhumaine décide de renverser la tyrannie d’une dictatrice en affrontant son fils monstrueux, avide de sacrifices humains…

ERCOLE CONTRO MOLOCH

1963 – ITALIE / FRANCE

Réalisé par Giorgio Ferroni

Avec Gordon Scott, Rosalba Neri, Alessandra Panaro, Jany Clair, Michel Lemoine, Arturo Dominici, Nerio Bernardi, Nello Pazzafini, Gaetano Scala, Geneviève Grad

THEMA MYTHOLOGIE

 

Quand Les Travaux d’Hercule de Pietro Francisci débarque en 1959, porté par un Steve Reeves sculptural, il déclenche une véritable déferlante dans les salles obscures du monde entier. Ce succès planétaire propulse le péplum italien – cocktail flamboyant de mythologie, de testostérone et de décors en carton-pâte – au sommet du box-office. Pendant quelques années, Rome devient l’épicentre d’un genre aussi musclé qu’exubérant, à la croisée de l’épique et du kitsch. C’est dans cette ambiance survoltée que Giorgio Ferroni, artisan chevronné du cinéma populaire transalpin, se lance dans Hercule contre Moloch. Déjà passé par le néo-réalisme et les fresques antiques, Ferroni suit la trajectoire caméléon typique des cinéastes italiens de l’époque. Mais ici, son Hercule n’en est pas vraiment un : point de demi-dieu grec à l’horizon, mais un prince doté d’une force hors du commun, qui endosse l’identité du héros légendaire pour mieux dissimuler la sienne. George Scott, qui incarne ce faux Hercule, est alors un visage familier du genre. Cinq fois Tarzan à l’écran, il a également endossé le rôle-titre dans Maciste contre le fantôme. Le film flirte tout de même avec le fantastique grâce au personnage de Moloch, une créature monstrueuse et sanguinaire, dont le nom évoque un démon biblique amateur de sacrifices humains.

Le film s’ouvre sur un grand incendie qui ravage la cité de Mycène et l’effondrement spectaculaire de la statue du sanguinaire dieu Moloch. Pour respecter la volonté du roi, qui a laissé la vie dans le cataclysme, les survivants se lancent dans un exode à la recherche d’une terre plus accueillante. Le peuple finit par rebâtir la nouvelle Mycène, et Demeter (Rosalba Neri), l’épouse du souverain défunt, donne naissance à un enfant qui – selon la prophétie – est la réincarnation de Moloch. La cité devient rapidement l’une des plus puissantes de la région, et toutes les provinces environnantes sont contraintes d’offrir des tributs en argent et en otages à Moloch, redoutant sa colère. Les villes qui tentent de se rebeller contre ce régime sont détruites. Hideux, Moloch dissimule son visage sous un masque de chacal et fait souffrir – avant de les assassiner – les jeunes filles de la cité qui lui sont sacrifiées. Car il est allergique à la beauté, qui lui rappelle sa propre monstruosité. Glaucos (Gordon Scott), prince de Tyrinthe, décide un jour de mettre fin à cette violence et d’affronter Moloch. « Moloch est le symbole d’un régime cruel, ce n’est pas un dieu ! », s’écrie-t-il. Notre homme se fait donc passer pour un simple paysan et entre au service de la reine tyrannique, sous le nom d’Hercule…

Moi, Moloch et méchant

Ici, le spectacle visuel règne en maître : très grosse figuration en costume, centaines de chevaux, décors grandioses, cascades, combats et effets spéciaux ambitieux. Pour économiser sur le budget tout en s’offrant le scope d’une superproduction, Giorgio Ferroni emprunte la plupart des scènes militaires à La Guerre de Troie, son film précédent. Si l’emploi des maquettes est facilement repérable – la cité incendiée trahissant notamment ses proportions miniatures -, elles contribuent à l’esthétique d’un cinéma artisanal qui mise sur l’ingéniosité plus que sur le réalisme. Le film assume son goût du studio et en tire même une certaine poésie visuelle. Le décor souterrain de Moloch, véritable temple païen, est d’ailleurs l’un des points d’orgue du film : ambiance tribale, jeunes femmes en pagne, victimes suppliciées, pièges et couloirs sinueux évoquant le labyrinthe du Minotaure. On glisse alors dans le versant le plus fascinant du genre, où le fantastique, l’onirisme et l’épouvante s’immiscent. Tout en réinventant à sa sauce quelques grandes figures mythologiques, le récit déploie des thématiques universelles : la lutte contre l’oppression, la quête de justice et l’éveil d’une conscience collective. Glaucus/Hercule, n’est pas seulement un lutteur émérite, c’est un libérateur, l’incarnation physique d’une force morale. Gordon Scott, mâchoire sculptée et port altier, incarne avec autorité cette figure de justicier. À ses côtés, Rosalba Neri est une envoûtante émule de Cléopâtre, tandis que notre Michel Lemoine national assure le rôle du soldat lassé par la dictature du régime qu’il sert. L’intrigue emprunte donc les voies classiques du péplum tout en offrant aux spectateurs son lot de rebondissements, de trahisons, de batailles épiques, de combats au corps à corps ou à l’épée et de moments de suspense savamment orchestrés.

© Gilles Penso

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EVIL BONG 3 (2011)

Un bong extra-terrestre atterrit sur Terre et commence à capturer tous ceux qui ont le malheur d’aspirer sa fumée…

EVIL BONG 3 : THE WRATH OF BONG / EVIL BONG 3 : REEFER MADNESS

 

2011 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec John Patrick Jordan, Brian Lloyd, Mitch Eakins, Peter Stickles, Sonny Carl Davis, Jacob Witkin, Robin Sydney, Christina DeRosa, Amy Paffrath

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA EVIL BONG I CHARLES BAND

Le scénario d’Evil Bong 3 est né d’un malentendu. Patrick Klepek, critique de jeux vidéo, a proposé l’intrigue du film après avoir mal interprété les règles d’un concours en ligne organisé autour du troisième volet de la saga. Pensant qu’il fallait soumettre une histoire complète plutôt qu’un simple titre, il envoie un pitch détaillé. Surprise : son idée séduit Charles Band et son équipe, qui décident d’utiliser non seulement son titre (The Wrath of Bong, clin d’œil à Star Trek 2) mais aussi son histoire originale, celle d’un bong extraterrestre maléfique qui s’écrase sur Terre. L’objet venu d’ailleurs est recueilli par un type patibulaire (Irwin Keyes) qui vient d’enterrer sa femme. Le personnage d’Allistair McDowell, intello à lunettes récurrent de la série, change une nouvelle fois de visage. Après David Weidoff et Brent Chukerman, c’est Peter Stickles qui hérite du rôle. Employé de l’institut spatial, il se rend sur le lieu du crash pour l’étudier, bientôt rejoint par son ancien colocataire Larnell (John Patrick Jordan), habillé désormais comme un émule de Karaté Kid. Bientôt, tous deux découvrent que le bong venu de l’espace cherche à dominer le monde. Pour atteindre ses ambitions hégémoniques, l’engin grimaçant capture les humains et les transporte dans un monde parallèle où ils sont la proie de tentatrices extraterrestres à moitié nues qui les traient comme des vaches pour extraire leur semence ! Leur seul espoir de s’échapper et de sauver la planète Terre : retrouver Eebee, le bong maléfique original.

Les effets spéciaux de ce troisième Evil Bong sont signés Tom Devlin, fidèle artisan du bis (Poultrygeist, Zombies of Mass Destruction, Mega Piranha). « J’ai reçu un appel de Charlie Band, qui ne m’avait toujours pas payé pour Killjoy 3, sur lequel j’avais travaillé un an plus tôt », raconte-t-il. « Je ne sais pas pourquoi il m’a contacté, je crois qu’il n’avait plus personne d’autre sous la main. Jeff Farley (à l’œuvre sur les deux précédents Evil Bong) avait sans doute décliné. » Malgré ce passif, Devlin accepte avec enthousiasme : « J’adore Full Moon et j’ai toujours voulu faire partie de cette famille. Je ne lui ai jamais tenu rigueur de ne pas m’avoir payé intégralement, parce qu’en échange, j’ai eu droit à un voyage gratuit en Chine – ce qui était plutôt cool. » Déterminé à offrir quelque chose de marquant pour ce troisième volet, Devlin s’applique tout particulièrement sur les bouches des bongs. Il conçoit un système radiocommandé pour Eebee et le Bong Alien, leur permettant enfin de bouger les lèvres en synchronisation avec leurs répliques. Une avancée par rapport aux précédents films, où l’animation des bouches se faisait par câbles. « J’ai travaillé chaque mot, chaque syllabe, mais le montage final ne rend pas justice à mes efforts », déplore-t-il. (1) Si les effets spéciaux physiques se sont améliorés, on ne peut pas en dire autant des trucages numériques, toujours aussi fauchés et tape-à-l’œil. Cette esthétique cheap est certes en accord avec la tonalité du film, mais on peut regretter que le travail en ce domaine ne soit pas plus soigné. Pour être honnête, c’est le film tout entier qui sent le bâclage à plein nez.

Rencontres du troisième spliff

Car à trop vouloir prolonger une formule déjà épuisée, Evil Bong 3 finit par s’étouffer dans ses propres volutes de fumée. Le film multiplie les tunnels de dialogues inutiles – pas spécialement drôles – et peine à retrouver la fraîcheur absurde du premier volet. Si une tentative d’autodérision surnage – les personnages se moquant eux-mêmes du bong spatial, qualifié d’accessoire de cinéma bon marché -, elle ne suffit pas à masquer la paresse du scénario. Charles Band profite tout de même du film pour renouer avec une vieille passion : la 3D. Nostalgique du relief récréatif qu’il avait jadis expérimenté dans Parasite et Metalstorm, il profite du « 3 » du titre pour lui coller un « D », comme à l’époque de Amityville 3D et Jaws 3D. Par chance, le directeur de la photographie Terrance Ryker vient alors de travailler sur un autre projet en 3D doté d’un budget plus confortable, ce qui lui permet de louer du matériel adapté. Le film est donc miraculeusement tourné en 8 jours avec un système stéréoscopique modeste mais efficace. Mais Evil Bong 3 ne sera exploité en relief que lors de sa brève sortie en salles en 2011, à l’occasion de laquelle le public aura même droit à des cartes à gratter inspirées des films en odorama de John Waters. Si le générique de fin nous promet un Evil Bong vs. The Killa Crack Pipe, cet épisode imaginaire ne verra jamais le jour. L’opus suivant sera en effet un crossover avec la « saga » Gingerdead Man.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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À MINUIT JE PRENDRAI TON ÂME (1964)

Le diabolique « Zé du cercueil » imaginé par le cinéaste brésilien Jose Mojica Marins fait ses débuts dans ce film d’horreur excessif et surréaliste…

A MEIA NOITE LEVAREI SUA ALMA

 

1963 – BRÉSIL

 

Réalisé par Jose Mojica Marins

 

Avec Jose Mojica Marins, Magda Mei, Nivaldo Lima, Valéria Vasquez, Ilidio Martins, Eucaris Moraes, Robinson Aielo

 

THEMA SUPER-VILAINS I SAGA ZÉ DU CERCUEIL

Cinquième long-métrage du très controversé cinéaste brésilien José Mojica Marins, A minuit je prendrai ton âme met en scène un personnage démoniaque que le réalisateur joue lui-même, et qui répond au doux nom de « Zé do Caixao », autrement dit « Zé du cercueil ». Tout de noir vêtu, capé comme un vampire, coiffé d’un haut de forme, les ongles crochus et la barbe touffue, Zé sera le personnage récurrent de Mojica Marins, et reviendra régulièrement hanter ses films. Il aurait d’ailleurs été inspiré au cinéaste au cours d’une nuit de cauchemars et de fièvre intense. « J’ai rêvé d’un homme vêtu de noir, avec un chapeau haut-de-forme, qui me fixait intensément », raconte-t-il. « À mon réveil, j’ai su que ce personnage devait exister à l’écran. » (1) À l’encontre des méthodes de travail traditionnelles, Mojica Marins commence le tournage sans idée précise du scénario, qu’il élabore au fur et à mesure. Zé est à la fois le fossoyeur du village et son tyran. Il terrorise les habitants, blasphème au cimetière, défie la foi et la morale. On le croit possédé par le diable, mais lui se proclame humaniste. Il ne croit ni en Dieu, ni aux esprits, seulement en la supériorité de l’homme et en son pouvoir de se perpétuer.

Son obsession : engendrer un fils parfait qui dominera le monde. Pour cela, il cherche la femme idéale et l’agresse violemment. Une fois son forfait accompli, la jeune femme se suicide, et Zé bascule dans la folie. Mais avant d’être puni, Zé est d’abord une machine de violence. Il tranche les doigts d’un joueur de cartes avec un tesson de bouteille, fouette un homme jusqu’au sang, endort sa propre femme avec de l’éther pour laisser une énorme tarentule ramper sur son visage, puis la tue. Il noie un rival dans sa baignoire, bat sa compagne Maria, la viole, assassine le médecin qui découvre la vérité en lui crevant les yeux avec ses griffes avant de le brûler. Au bar, il enlève la couronne d’épines d’une sculpture de Jésus pour la planter dans la joue d’un fiancé. Bref, c’est un véritable festival d’ignominies, de sacrilèges et d’hérésies…

Les « tests de courage »

L’ensemble est filmé avec des moyens dérisoires, dans un studio exigu de São Paulo, avec des comédiens amateurs et un scénario souvent réduit à de longs dialogues en plan-séquence. Mais À minuit je prendrai ton âme est riche en séquences horrifico-poétiques inventives : des apparitions spectrales aux contours flous, des images en négatif, des visages en décomposition sur lesquels rampent des araignées ou grouillent des asticots. Le cinéaste n’hésite pas à tester la bravoure de ses comédiens en employant des moyens souvent extrêmes. « Je soumettais mes acteurs à des “tests de courage“, comme les couvrir d’araignées ou de serpents vivants, les enterrer vivants ou brandir une arme non chargée devant eux, juste pour voir s’ils étaient assez courageux pour faire partie de mon film », confesse-t-il (2). Le film vire parfois à la transe macabre, où le grotesque flirte avec le surréalisme. Certains critiques n’ont d’ailleurs pas hésité à comparer Mojica Marins à Luis Buñuel. Le point culminant survient dans la forêt, lorsque Zé, averti par une gitane, se retrouve hanté par les spectres de ses victimes. Il est alors lui-même transporté dans un cercueil, entouré de morts. Les douze coups de minuit résonnent tandis que son corps, les yeux révulsés, gît dans la crypte. Aux États-Unis, Zé do Caixao deviendra une icône culte sous le nom de Coffin Joe.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur Offscreen en juin 2005

(2) Extrait d’une interview publiée sur Vice en 2008

 

© Gilles Penso

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LA CRÉATURE DE LA MER HANTÉE (1961)

Des gangsters volent le trésor national cubain et s’enfuient en mer où ils se heurtent à un invraisemblable monstre visqueux…

CREATURE FROM THE HAUNTED SEA

 

1961 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Anthony Carbone, Edward Wain, Betsy Jones-Moreland, Beech Dickerson, Robert Bean, Elisio Lopez, Sonia Noemi Gonzalez, Esther Sandoval

 

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA ROGER CORMAN

Roger Corman n’est pas du genre à laisser passer l’occasion de tourner un film à petit budget. Coup sur coup, pendant trois semaines consécutives, notre homme met donc en boîte le film de guerre Battle of Blood Island, la fable d’anticipation La Dernière femme sur Terre et cet improbable Créature de la mer hantée. Un jour de préparation et six jours de tournage, pas un de plus, telle est la discipline à laquelle Corman et son équipe s’astreignent. Tourné à Porto Rico comme les deux films précédents, La Créature de la mer hantée doit mettre en vedette un monstre marin, mais Beach Dickerson, en charge de sa conception, n’a que 150 dollars pour le fabriquer. « Avec Roger, quand les dés sont jetés, il ne vous reste plus qu’à faire ce que vous avez à faire », raconte ce dernier. « Ils venaient tout juste de terminer leur film de guerre, j’ai donc décidé de réutiliser cinq casques et de fabriquer cette tête géante. Puis on a récupéré une combinaison de plongée, de la mousse et des tonnes de grattoirs d’éponge. Ensuite, on a pris des balles de tennis pour faire les yeux, des balles de ping-pong pour faire les pupilles et des cure-pipes pour faire les griffes. On a recouvert le tout de toile cirée noire pour le rendre visqueux. Le résultat était tout à fait somptueux ! Et je dois reconnaître que ce salaud a marché sur la terre ferme et a nagé sous l’eau pendant toute la durée du tournage et qu’à la fin, il a rejoint le paradis. » (1)

La révolution gronde à La Havane. Tandis que la voix off nous annonce une « histoire de vol, de trahison et de meurtre », l’intrigue se met en place : un groupe d’exilés cubains engage le gangster Renzo Capetto (Antony Carbone, qui joue façon Humphrey Bogart) pour faire passer clandestinement un coffre rempli d’or, destiné à financer la contre-révolution et renverser Castro. Capetto, flanqué de sa « poule » Mary Belle Monahan (Betsy Jones-Moreland) et de son jeune frère Jack (Robert Bean), embarque à bord d’un yacht en compagnie de militaires cubains, du cambrioleur Pete Peterson Junior (Beach Dickerson)… et d’un intrus : l’agent américain XK150 (Robert Towne, oui le futur scénariste oscarisé de Chinatown !), infiltré sous l’identité du mafieux Sparks Moran. Mais Capetto a d’autres projets. Il prévoit de s’emparer de l’or pour son propre compte et commence à éliminer les passagers indésirables. Pour couvrir ses crimes, il invente la présence d’un monstre marin légendaire, censé attaquer l’équipage. Tout semble fonctionner… jusqu’à ce qu’un véritable monstre fasse son apparition et sème la panique à bord…

Caoutchouc Monster

Lorsque le film commence, avec cet agent secret qui se cache derrière une fausse moustache et raconte ses états d’âme en voix off (« J’aurais pu me noyer dans ces yeux magnifiques »), Roger Corman s’amuse à détourner les codes du polar et du film d’espionnage, pour mieux les tourner en dérision. Le ton se précise au moment du générique avec une animation déjantée façon Hanna-Barbera, signée par le célèbre dessinateur de Mad Magazine, Sergio Aragonés. Le film bascule alors rapidement dans l’absurde, notamment lorsque le personnage de Pete se met à imiter tous les animaux possibles, grimaces à l’appui. Corman semble s’amuser comme un petit fou, mais cette approche burlesque empêche de s’intéresser aux personnages et à ce qui leur arrive, d’autant que les gags et les traits d’humour ne sont pas particulièrement désopilants et que les péripéties semblent s’improviser au fur et à mesure. La Créature de la mer hantée reste donc très anecdotique. Le film est pourtant entré dans la légende grâce à sa créature aquatique sublimement grotesque. Bizarrement, la promotion du film, et notamment son poster, jouaient à l’époque la carte du film de monstre au premier degré. On imagine la surprise des spectateurs face à cette parodie sans queue ni tête !

 

(1) Extrait de la biographie Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990

 

© Gilles Penso

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DEFENDOR (2009)

Woody Harrelson incarne un super-héros pathétique et sans pouvoir qui décide de mettre son courage au profit de la lutte contre le crime…

DEFENDOR

 

2009 – USA

 

Réalisé par Peter Stebbings

 

Avec Woody Harrelson, Elias Koteas, Michael Kelly, Sandra Oh, Kat Dennings, Clark Johnson, Lisa Ray, Alan C. Peterson

 

THEMA SUPER-HÉROS

En quelques années, et ce même avant que le Marvel Cinematic Universe se mette officiellement en place, les amateurs de super-héros ont pu apprécier les exploits de toutes sortes de justiciers masqués sur grand écran : des adolescents tourmentés (Spider-Man), des milliardaires névrosés (The Dark Knight), d’anciens redresseurs de torts mis sur la touche (Watchmen), ou encore des clochards surpuissants (Hancock). Mais aucun d’entre eux ne ressemble à Defendor. Derrière son accoutrement grotesque et son nom maladroitement orthographié se cache un héros profondément original, portée à bout de bras par un Woody Harrelson au sommet de son art. Dans le rôle d’Arthur Poppington, le héros de Tueurs Nés nous offre une extraordinaire prestation en demi-mesure. Arthur est un citoyen à l’esprit simple, un homme brisé, travaillant comme ouvrier de chantier, gagnant quelques cents, vivant seul dans un local désaffecté transformé en repaire bancal. La nuit, il devient Defendor, un justicier de pacotille à la voix grave et aux gadgets dérisoires (billes, citrons, guêpes en pot), déterminé à combattre un ennemi imaginaire : le « Capitaine Industrie ».

Ce mystérieux trafiquant, auquel Arthur attribue tous ses malheurs passés, prend peu à peu corps à travers les indices qu’il glane, mais reste plus une chimère qu’une cible réelle. À ses côtés, Kat, une prostituée toxicomane (interprétée avec une justesse désarmante par Kat Dennings), devient sa protégée et le miroir de sa solitude. Elle incarne la seule lueur dans un monde sans repères. Le concept aurait pu virer à la parodie déjantée ou à la satire potache. Mais telle n’est pas l’intention de Peter Stebbings. Defendor est une comédie, certes, mais une comédie amère, sincère, qui prend son héros au sérieux sans jamais se moquer de lui. Si les situations absurdes et les maladresses d’Arthur provoquent le rire, c’est un rire teinté de tristesse, qui laisse souvent place à une émotion inattendue. Defendor évite les clins d’œil référentiels faciles ou le second degré cynique. Le récit se construit autour de l’humain, de sa douleur, sa fragilité et sa quête de justice naïve mais honnête. Le concept évoque bien sûr Kick-Ass de Matthew Vaughn ou Super de James Gunn, mais s’en distingue par une absence totale d’ironie.

La veuve et l’orphelin

Les seconds rôles sont excellents. Elias Koteas campe un flic ambivalent, tiraillé entre agacement et fascination, tandis que Sandra Oh, en psychiatre perplexe, tente de percer la vérité derrière le masque de Defendor. À mesure que l’histoire progresse, les motivations d’Arthur se dévoilent : une enfance traumatisée, une mère disparue, un esprit figé dans la douleur, trouvant dans l’illusion du combat une forme de guérison. Ses actes, absurdes en surface, finissent par déranger les truands et intriguer les policiers. Il s’impose peu à peu comme un grain de sable dans les rouages d’un système corrompu. Defendor pose en substance une question cruciale : faut-il être sain d’esprit pour vouloir changer le monde ? Ou est-ce précisément cette faille, cette blessure, qui rend l’acte héroïque possible ? Peter Stebbings signe un film modeste, imparfait, mais infiniment touchant. Un ovni doux-amer qui trouve dans la sincérité de son propos une force rare.

 

© Gilles Penso

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ALI BABA ET LES QUARANTE VOLEURS (1954)

Fernandel incarne le célèbre héros des mille et une nuits dans une relecture comique signée par l’un des plus grands cinéastes français de l’époque…

ALI BABA ET LES QUARANTE VOLEURS

 

1954 – FRANCE

 

Réalisé par Jacques Becker

 

Avec Fernandel, Samia Gamal, Henri Vilbert, Dieter Borsche, Édouard Delmont, Julien Maffre, José Casa, Edmond Ardisson, Manuel Gary, Gaston Orbal

 

THEMA MILLE ET UNE NUITS

En 1954, Jacques Becker, figure majeure du cinéma français et ancien assistant de Jean Renoir, s’aventure pour la première fois sur le terrain du film de commande avec Ali Baba et les 40 voleurs. Réputé pour des œuvres intimistes et puissantes comme Casque d’or ou Le Trou, Becker change ici radicalement de registre, répondant à une demande des studios Pathé qui veulent capitaliser sur le succès de Touchez pas au grisbi, énorme carton populaire. Le but est d’offrir un grand spectacle exotique porté par Fernandel, alors au sommet de sa popularité. Le réalisateur s’entoure de Marc Maurette et de Cesare Zavattini (scénariste du Voleur de bicyclette) pour concocter une relecture libre et fantaisiste du célèbre conte des Mille et une nuits. Le tournage débute en avril 1954 dans le sud marocain, près de Taroudant, à Ouarzazate et dans la vallée d’Agadir, avec une large figuration locale. La chaleur, les conditions de transport et la logistique complexe rendent l’expérience parfois épuisante. Les intérieurs sont ensuite reconstitués dans les studios de Billancourt. Treize semaines de tournage seront nécessaires pour mettre le film en boîte.

Dans un Orient de légende, Ali Baba (Fernandel), homme modeste et débrouillard au grand cœur, vit au service de Cassim (Henri Vilbert), un riche marchand qu’il seconde fidèlement dans la gestion de sa maison, de ses affaires et de son harem. Ami des pauvres, Ali ne se départit jamais de sa générosité, même lorsqu’il est contraint d’acheter une jeune esclave, Morgiane (Samia Gamal), sur ordre de son maître. Touché par sa grâce et sa détresse, il la protège en l’empêchant d’être livrée à Cassim, avec l’aide d’un somnifère bien dosé. Mais les choses se compliquent lorsqu’Ali doit retrouver le marchand ambulant à qui Morgiane appartenait. Il se lance à la poursuite d’une caravane, franchissant les limites de la ville jusqu’à une région désertique et peu sûre. Là, le convoi est attaqué par une bande de quarante voleurs surgis des dunes. Les marchands s’enfuient dans la panique, abandonnant leurs biens. Coincé dans une nacelle, Ali assiste en secret à une scène étonnante : les brigands font disparaître leur butin dans une montagne, dont l’entrée se referme par enchantement grâce à une formule magique – « Sésame, ouvre-toi ! ». Ali retient la formule, revient sur place et pénètre dans la caverne. Un trésor inestimable s’étale alors sous ses yeux…

Marseille Bagdad

À sa sortie en décembre 1954, Ali Baba et les 40 voleurs déroute les amateurs de Jacques Becker. Le cinéaste s’attaque ici à un registre que nous ne lui connaissions guère, dans un cadre oriental où les éléments fantastiques restent en retrait, l’aspect féerique du conte originel y perdant en intensité. L’exotisme de studio, malgré un tournage partiel au Maroc, donne à l’ensemble un parfum d’artifice, renforcé par des dialogues aux accents méridionaux qui évoquent davantage Marseille que Bagdad. Ce ton décalé, qualifié d’« Orient de Canebière » par François Truffaut, illustre bien la difficulté du film à trouver son juste équilibre. Truffaut finira pourtant par tomber sous le charme. « À la première vision, Ali Baba m’a déçu, à la seconde ennuyé, à la troisième passionné et ravi », avoue-t-il. « Il faut avoir dépassé le stade de la surprise, il faut connaître la structure du film pour que s’évanouisse la sensation de déséquilibre tout d’abord éprouvée » (1). Car malgré sa rigidité et son aspect factice, Ali Baba déploie un charme indiscutable. Fernandel impose sa bonhomie et son rythme comique avec une énergie communicative, poussant même la chansonnette sur une musique de Paul Misraki. Les décors grandioses et la présence magnétique de la danseuse Samia Gamal sont également des atouts de poids. Le résultat ? Un divertissement généreux et bigarré, qui attire plus de quatre millions de spectateurs dans les salles et continue de faire sourire petits et grands au fil de ses nombreuses rediffusions.

 

(1) Extrait d’un article paru dans Les Cahiers du cinéma, février 1955

 

© Gilles Penso

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UN NOMMÉ JOE (1943)

Spencer Tracy incarne un aviateur de la deuxième guerre mondiale qui, après avoir été abattu, revient visiter sa bien-aimée sous forme d’ange-gardien…

A GUY NAMED JOE

 

1943 – USA

 

Réalisé par Victor Fleming

 

Avec Spencer Tracy, Irene Dunne, Van Johnson, Ward Bond, James Gleason, Lionel Barrymore, Barry Nelson, Esther Williams, Henry O’Neill, Don DeFore

 

THEMA FANTÔMES I MORT

Deux ans après Docteur Jekyll et Mister Hyde, Victor Fleming et Spencer Tracy se retrouvent sur une note moins grave, quoique la légèreté d’Un nommé Joe ne soit qu’apparente. En 1942, alors que les États-Unis viennent d’entrer en guerre, la MGM décide de produire un film de propagande optimiste à destination des soldats et de leurs familles. Contre toute attente, c’est Dalton Trumbo, connu pour ses prises de position pacifistes et ses engagements à gauche, qui est choisi pour écrire l’histoire. L’écrivain surprend tout le monde en livrant en une nuit un scénario achevé, dicté aussitôt à deux secrétaires, sans qu’aucune réécriture ne soit nécessaire. À la réalisation, Fleming imprime son style classique et efficace, tandis que Tracy, très impliqué dans le projet, apporte de nombreuses idées. Une réplique entendue auprès d’un militaire (« Ce n’est pas dur de voler, c’est s’écraser qui est dur ») trouve ainsi naturellement sa place dans le script. Mais l’acteur peine à s’accorder avec sa partenaire Irene Dunne, lui préférant Katharine Hepburn, qu’il n’a pas réussi à faire engager. Le tournage est ensuite bouleversé par un accident grave de Van Johnson, jeune premier à peine embauché par le studio. Malgré la tentation de le remplacer, Fleming et Tracy défendent son maintien au casting, quitte à suspendre la production. Quatre mois plus tard, Johnson reprend le rôle, tandis qu’une seconde équipe profite de l’interruption pour filmer des scènes aériennes en Floride.

En pleine Seconde Guerre mondiale, Pete Sandidge (Spencer Tracy) est un pilote de bombardier audacieux, tête brûlée peu respectueux de l’autorité. Il partage avec Dorinda Durston (Irene Dunne), pilote elle aussi, une histoire d’amour faite de piques, de fierté et de passion rentrée. Trop orgueilleux pour lui avouer ses sentiments, Pete préfère les compliments disons imagés (« Tu es belle comme une hélice neuve ») et tente de la convaincre de rester au sol, loin des dangers du ciel. Car notre homme est un brin macho. Mais c’est justement le tempérament fort et indépendant de la jeune femme qui l’attire. Un jour, juste après un mauvais pressentiment de Dorinda, Pete meurt en mission, abattu par des chasseurs allemands. Alors qu’il se retrouve dans un au-delà paisible et brumeux (une vaste étendue céleste dans laquelle il semble marcher au milieu des nuages), Pete reçoit une nouvelle mission : revenir sur Terre, invisible aux vivants, pour guider un jeune pilote prometteur, Ted Randall (Van Johnson). Pete accepte, sans se douter que Ted croisera Dorinda et tombera amoureux d’elle…

Ghost in the machine

Sous ses airs de romance patriotique, Un nommé Joe creuse une veine surtout émotive, presque métaphysique. Le concept, particulièrement original, part du principe que chaque pilote vivant vole avec, en lui, la mémoire active des morts. La jalousie posthume du héros, le deuil en suspens et les sentiments refoulés sont alors au cœur du récit. Tout repose sur l’équilibre fragile entre pudeur et lyrisme. Les séquences où les interventions de Pete – que personne ne voit ou n’entend – s’intercalent au milieu des dialogues des vivants bénéficient d’un formidable sens du timing. Précise comme une horlogerie, la mise en scène de Victor Fleming n’en est pas pour autant ostentatoire, son faux classicisme se mettant pleinement au service des comédiens, du récit et des dialogues brillants de Dalton Trumbo. Entre deux moments de drame ou de comédie, Fleming nous offre quelques scènes de batailles aériennes très spectaculaires, conçues à l’aide de véritables cascades en vol, de maquettes, de rétro-projections et d’effets pyrotechniques. C’est du grand art. Initialement dotée d’une fin plus tragique, la version finale conserve pourtant une puissance intacte. Steven Spielberg, qui découvrit le film enfant, en signa un remake en 1989, Always, transposant l’histoire dans un contexte contemporain.

 

© Gilles Penso

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