VAMPIRE RESURRECTION (2003)

Après l’assassinat de sa bien-aimée, un homme du 19ème siècle se transforme en vampire pour traverser les siècles et retrouver sa réincarnation…

SONG OF THE VAMPIRE / VAMPIRE RESURRECTION

 

2003 – USA

 

Réalisé par Denice Duff

 

Avec Denice Duff, James Horan, Jillian McWhirter, Frank Bruynbroek, Marilyn O’Connor, Geoffrey Lewis, Julie Michaels, John Mese, Scott Spearman

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Actrice principale de la saga Subspecies, Denice Duff rempile pour une nouvelle histoire de vampires écrite au début des années 2000 par Ron Ford (Terreur, Hollywood Mortuary) et Jose Prendes (La Porte de l’enfer, The Terminators). Duff connaît bien Prendes, qui vient alors de la diriger dans The Monster Man. Elle accepte non seulement de jouer dans le film mais aussi de le réaliser. La comédienne voit là l’occasion de s’essayer à la mise en scène dans le cadre d’un projet modeste aux risques limités. Titré d’abord Song of the Vampire avant d’être rebaptisé Vampire Resurrection lorsque le producteur Charles Band en acquiert les droits de distribution, le film est tourné en 2001 pendant quatre semaines, principalement à Los Angeles et à Bâton Rouge. Après les prises de vues, l’actrice / réalisatrice se voit contrainte de laisser le long-métrage en suspens pour honorer le contrat qui la lie au soap opera Les Feux de l’amour (dans lequel elle joue Amanda Browning). « Lorsque je suis revenue du tournage de la série, j’ai commencé l’enfer de la postproduction de mon film », raconte-t-elle. « Je sais maintenant pourquoi il y a si peu de femmes réalisatrices. Elles sont occupées à être de bonnes mères, à élever leurs enfants, contrairement à moi qui ai passé une année entière à essayer d’arriver au bout de ce film. Je n’étais pas souvent là, et quand je l’étais, j’étais toujours au téléphone. Mais j’ai réussi à le finir tant bien que mal. Le résultat est pas mal, sans plus. » (1)

La réalisatrice est un peu sévère avec son galop d’essai, même s’il n’y a effectivement pas de quoi crier au chef d’œuvre. Enfoui sous terre depuis cent ans, Jonathon Travers (James Horan) a dû sacrifier son âme et devenir un vampire pour retrouver son véritable amour, Caroline (Denice Duff), morte assassinée dans ses bras un siècle plus tôt. Nous faisons alors connaissance de Victoria (Duff toujours), une jeune femme des années 2000 qui se réveille régulièrement en sursaut, troublée par des rêves récurrents où elle se voit dans bras de Jonathon un siècle plus tôt. Serait-elle la réincarnation de Caroline ? Après sa longue « hibernation », le vampire décide de sortir de sa tombe. Nous le découvrons alors dans un état souffreteux digne du Udo Kier pâlichon de Du sang pour Dracula. Mais après avoir bu quelques litres de sang prélevés directement à la gorge d’un croque-mort et d’une jeune femme rencontrée dans la rue, Jonathon se sent mieux. Pris en flagrant délit par la police, il est abattu et ramené à la morgue. Mais il ne lui faut pas longtemps pour se relever, aussi nu que Mathilda May dans Lifeforce, et prendre la fuite. Entretemps, l’ex-mari de Victoria, Marty (Frank Bruynbroek), une crapule de la pire espèce, sort de prison. Les choses ne vont donc pas tarder à se compliquer, d’autant que tôt ou tard, il faudra bien que Jonathon croise la route de Victoria…

Ralentis, fumigènes et synthétiseurs

À travers les séquences romantico-gothiques dont elle nimbe son film, Denice Duff cherche manifestement à retrouver l’élégance et le caractère victorien d’Entretien avec un vampire – ou dans une plus modeste mesure de Journal intime d’un vampire. Mais les moyens lui manquent cruellement pour esthétiser correctement son film. De fait, l’imagerie naïve à laquelle elle sacrifie (comme cette silhouette féminine en nuisette qui bouge au ralenti au milieu de la fumée sur fond de chœurs synthétiques) n’est pas vraiment convaincante. Le film souffre aussi de comédiens manifestement peu concernés qui récitent leurs répliques sans une once de crédibilité (notamment les deux policiers chargés de mener l’enquête). Mais il faut reconnaître à Denice Duff sa capacité à emballer le film malgré les infinités d’obstacles qui se dressèrent sur son chemin et sa volonté ambitieuse de ne pas s’inscrire dans la même mouvance que la saga Subspecies pour tenter autre chose. C’est du reste – et de loin – l’actrice la plus convaincante du casting. Au passage, le film réserve aux fans de cinéma fantastique quelques clins d’œil ciblés, comme la secrétaire qui lit la revue Femmes Fatales, la présence d’une photo de Lon Chaney Jr. en loup-garou, ou une réplique mentionnant le prince Vadislav de Roumanie. Les amateurs apprécieront.

 

(1) Extrait d’un entretien publié dans Film Threat en 2004.

 

© Gilles Penso

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COLOUR FROM THE DARK (2008)

Dans cette adaptation libre de la nouvelle La Couleur tombée du ciel de Lovecraft, une ferme italienne des années 40 est frappée par un mal étrange…

COLOUR FROM THE DARK

 

2008 – ITALIE

 

Réalisé par Ivan Zuccon

 

Avec Debbie Rochon, Michael Segal, Marysia Kay, Gerry Shanahan, Eleanor James, Matteo Tosi, Alessandra Guerzoni, Emmett J. Scanlan

 

THEMA MUTATIONS I DIABLE ET DÉMONS

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le réalisateur italien Ivan Zuccon est un amateur des écrits de H.P. Lovecraft. Notre homme s’est déjà largement laissé inspirer par l’écrivain de Providence à travers ses longs-métrages The Darkness Beyond (2000) et Unknown Beyond (2001), qui tournaient tous deux autour du fameux grimoire maléfique Necronomicon, mais aussi à l’occasion du film à sketches The Shunned House (2003), qui adaptait la nouvelle La Maison maudite. Sur la même lancée, Zuccon décide de s’attaquer à l’une des pièces maîtresses de son auteur favori, en l’occurrence la mythique Couleur tombée du ciel, une histoire courte considérée par beaucoup comme le chef d’œuvre de son auteur. Déjà porté deux fois à l’écran (Le Messager du diable en 1965 et La Malédiction céleste en 1987), ce récit terrifiant méritait sans doute une relecture plus fidèle, les films précédents s’éloignant souvent de l’ambiance du matériau littéraire pour bâtir leur propre atmosphère. Zuccon se lance donc et, avec son scénariste Ivo Gazzarini, choisit de déplacer l’action dans un cadre différent. La campagne aride du Massachussetts des années 1880 cède donc le pas à une petite communauté agricole italienne de 1943. Ce n’est pas la seule entorse majeure que Coulour from the Dark fera au texte original.

Nous sommes au cœur de la seconde guerre mondiale. Si Pietro (Michael Segal) n’est pas parti sur le front, contrairement à ses frères, c’est à cause de son genou blessé. Il occupe donc ses journées à travailler la terre dans la petite ferme isolée qu’il partage avec sa femme Lucia (Debbie Rochon) et sa belle-sœur Alice (Marysia Kay). Celle-ci a bientôt 22 ans, mais son esprit est celui d’un enfant. Muette, introvertie, elle ne se sépare jamais de sa poupée Rosina qui, le soir, semble lui chuchoter des secrets à l’oreille. Un climat singulier baigne ainsi le métrage avant même qu’un quelconque élément surnaturel ne s’y invite. Le drame survient lorsque Pietro et Alice, en essayant de récupérer un seau tombé au fond du puits à l’aide d’une perche, semblent libérer une force ancienne et inconnue. Une couleur étrange clignote soudain sous l’eau, au fond du puits, puis disparaît. Dans le film de Zuccon, la couleur maléfique ne vient donc pas du ciel – contrairement à la nouvelle de Lovecraft dans laquelle l’horreur se déclenchait après la chute d’une météorite – mais semble s’être éveillée après un sommeil immémorial dans les entrailles de la terre.

La couleur tombée du fiel

L’étrangeté s’installe par petites touches : cette fameuse teinte indéfinissable, une sorte de vapeur pestilentielle, des espèces de voix indistinctes qui résonnent au fond du puits… Ensuite, ce sont de petits miracles inexplicables, comme l’abondance soudaine de fruits et légumes énormes et magnifiques, le genou de Pietro qui guérit, Alice qui se met à parler. S’agit-il d’une intervention divine ? Le crucifix qui se détache du mur pour tomber au sol dément aussitôt cette supposition. Le comportement de Lucia devient d’ailleurs très perturbant. Elle montre un appétit sexuel soudainement insatiable, exhibe des prunelles noires, sombre dans la folie et se livre à l’automutilation. Nous sommes donc visiblement en présence d’une possession diabolique. D’où l’imagerie récurrente des croix qui chutent ou se noircissent. En désespoir de cause, Pietro fait même appel à un prêtre. « Elle est possédée par le diable » affirme celui-ci en guise de diagnostic. Ce choix scénaristique condamne hélas le film à arpenter les voies conventionnelles dictées depuis 1973 par L’Exorciste. C’est d’autant plus dommage que l’idée prometteuse d’intégrer dans le récit la présence d’une jeune femme juive persécutée par la milice fasciste est trop vite escamotée. Malgré toutes les libertés qu’il prend avec le texte de Lovecraft, Zuccon reste très fidèle à l’esprit de la nouvelle, dont il retranscrit souvent l’ambiance oppressante, et dont il reprend même quelques dialogues, notamment le douloureux monologue final de Pietro affirmant que l’entité démoniaque « aspire la vie ». Deux ans plus tard, le réalisateur Huan Vu signera sa propre adaptation de La Couleur tombée du ciel, Die Farbe, située elle aussi dans les années 40, mais cette fois-ci dans un village allemand.

 

© Gilles Penso

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LE CERVEAU DE LA PLANÈTE AROUS (1957)

Une matière grise flottante venue de l’espace possède le corps d’un éminent scientifique dans le but de dominer la Terre…

THE BRAIN FROM PLANET AROUS

 

1957 – USA

 

Réalisé par Nathan Herz (alias Nathan Juran)

 

Avec John Agar, Joyce Meadows, Robert Fuller, Thomas B. Henry, Ken Terrell, Henry Travis, E. Leslie Thomas, Tim Graham, Bill Giorgio, Kenner G. Kemp

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

La carrière de réalisateur de Nathan Juran se divise en deux groupes de films : ceux qu’il a signés de son véritable nom – la grande majorité – et ceux pour lesquels il a utilisé le pseudonyme de Nathan Herz. Ce choix bicéphale reflète la qualité variable de ses longs-métrages. Car si Juran est par exemple fier de ses collaborations avec Ray Harryhausen (A des millions de kilomètres de la Terre, Le 7ème voyage de Sinbad, Les Premiers hommes dans la Lune), il n’assume pas vraiment la poignée de séries B de science-fiction fauchées qu’il commit dans les années 50, dont l’archétype est le fameux Attack of the 50 Foot Woman avec sa femme géante revancharde. C’est aussi dans cette catégorie qu’entre Le Cerveau de la planète Arous. Il faut dire que le réalisateur de La Chose surgit des ténèbres et Jack le tueur de géants ne peut pas faire des miracles avec les 58 000 dollars que met à sa disposition le producteur/directeur de la photographie Jacques R. Marquette. Si sa mise en scène reste dynamique, efficace et rythmée, et si ses comédiens tiennent la route (notamment John Agar, héros de Tarantula et La Revanche de la créature), rien ne va plus lorsqu’interviennent les effets spéciaux.

Au milieu du désert se dresse le Mont des Mystères, sur lequel personne n’a mis les pieds depuis bien longtemps. Or de grosses émissions de radiations sont soudain détectées dans les parages. Steve March (John Agar) et Dan Murphy (Robert Fuller), deux scientifiques spécialisés dans le nucléaire, décident d’aller explorer les lieux. Leur Jeep étant bloquée par un monticule rocheux, ils continuent à pied et découvrent une caverne fraîchement creusée dans laquelle brille une lueur étrange. Soudain surgit un énorme cerveau volant qui les fige sur place. Lorsque Steve retrouve sa fiancée Sally (Joyce Meadows) après une semaine d’absence, elle ne peut s’empêcher de le trouver changé. Sa libido semble s’être mué en élan bestial et son propre chien s’attaque à lui. Car notre homme est désormais possédé par le cerveau venu de l’espace ! « Je suis Gor, j’ai besoin de ton corps comme hôte pendant mon séjour sur ta Terre », lui dit la masse gélatineuse flottante. « Je te commanderai comme on dirige une machine. » Par conséquent, le scientifique n’est plus qu’un jouet aux mains du cerveau qui envisage rien moins que la domination de notre planète…

« Je suis Gor, j’ai besoin de ton corps ! »

John Agar se lance donc dans une sorte d’interprétation schizophrénique, incarnant tour à tour le savant en lutte contre cette entité maléfique et l’homme possédé mué en dictateur sans état d’âme. Lorsqu’il atteint le pic de ses crises de folie hégémonique, ses yeux prennent une teinte noire et luisante, par l’entremise de lentilles de contact très inconfortables pour le comédien (un effet qui sera presque repris à l’identique dans L’Horrible cas du docteur X). Il possède alors des pouvoirs surnaturels qui lui permettent d’irradier les gens à distance ou de faire exploser des avions en plein vol. Le Cerveau de la planète Arous ne manque pas d’idées visuelles intéressantes, comme le visage de Steve cadré à travers une fontaine d’eau, qui donne à sa tête des allures difformes et hydrocéphales. Mais comment ne pas s’esclaffer face au spectacle invraisemblable de ce cerveau géant affublé de deux gros yeux lumineux, qui flotte dans le décor via des surimpressions incroyablement maladroites ? Et comment ne pas se tenir les cotes lorsque la cervelle volante avoue développer des appétits sexuels grandissants pour la belle Sally, ou lorsqu’un autre cerveau venu de l’espace – gentil celui-là – entre dans le corps du chien du scientifique pour pouvoir lutter contre lui ? Ce scénario improbable et ces trucages hilarants sabotent de fait tous les efforts déployés par Nathan Juran… qui signera donc logiquement le film sous le nom de Nathan Herz.

 

© Gilles Penso

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LE MANOIR MAUDIT (1963)

Tout l’arsenal du cinéma gothique italien est convoqué dans ce film d’horreur onirique mettant en vedette un monstre défiguré et psychopathe…

METEMPSYCO

 

1963 – ITALIE

 

Réalisé par Antonio Boccaci

 

Avec Annie Alberti, Adriano Micantoni, Marco Mariani, Flora Carosello, Antonio Boccaci, Bernard Blay, Emy Eco, Terry Thompson, Fred Pizzot

 

THEMA FREAKS I MORT

Les amateurs de fantastique gothique à l’italienne auront été gâtés en 1963, profitant d’œuvres aussi mémorables que Le Corps et le fouet, Les Trois visages de la peur, Le Spectre du professeur Hichcock ou La Vierge de Nuremberg. Si Le Manoir maudit date de la même époque, son impact sur le public et auprès des amateurs du genre aura été moindre, à cause de son budget très réduit, de son absence d’acteurs connus, de son intrigue filiforme et de son réalisateur au prestige tout relatif. Antonio Boccaci ne peut en effet pas combattre dans la même catégorie que Mario Bava, Riccardo Freda ou Antonio Margheriti. Scénariste d’une poignée de films de cape et d’épée (La Révolte des mercenaires, Capitani di Ventura) et d’un western spaghetti (Furie au Missouri), auteur de romans policiers bon marché dans les années 50, Boccaci n’aura d’ailleurs réalisé que ce film-là, sous le pseudonyme américanisé d’Anthony Kristye. Co-écrit par Giovanni Simonelli (Les Diablesses, Nightmare Concert) et tourné principalement dans le château d’Orsini à Nerola, près de Rome, Le Manoir maudit ne manque pourtant pas de qualités ni de charme. Du reste, il sera paradoxalement un peu mieux accueilli en France, en Allemagne et aux États-Unis qu’en Italie, malgré une distribution en salles écourtée et discrète.

Au cours du prologue, deux jeunes femmes (Terry Thompson et Emy Eco) s’aventurent dans un grand manoir apparemment abandonné. Elles y découvrent le portrait de la comtesse Irene, mystérieusement disparue depuis deux décennies, et y sont accueillies très fraîchement par la propriétaire des lieux, la revêche comtesse Elizabeth (Flora Carosello). Sur place, un rien les fait sursauter : un buste, une chauve-souris qui passe, une porte qui se ferme, une armure qui tombe, une lumière qui vacille, un rideau qui bouge… Jusqu’au moment où surgit un homme hideux et ricanant au visage à moitié décomposé qui les emprisonne, les torture et les tue. Le Manoir maudit commence donc assez fort. La suite du récit s’intéresse au docteur Darnell (Adriano Micantoni), qui débarque sur les lieux avec sa fille Anna (Annie Alberti), portrait craché de la comtesse Irene. La jeune femme étant obsédée par des rêves récurrents liés au manoir et à cette femme qui lui ressemble tant, son père espère l’apaiser en lui permettant de séjourner quelques jours dans la région. Là, Anna fait la connaissance de George (Marco Mariani), un journaliste qui enquête sur la mort des deux jeunes femmes retrouvées à proximité du manoir. Alors que le mystère s’épaissit, le tueur difforme ne tarde pas à refaire son apparition…

La gueule de l'emploi

Cryptes pleines de toiles d’araignées, passages secrets, squelettes qui ricanent, chaînes qui pendouillent, armures qui bougent toutes seules, monstres qui surgissent des tombeaux, apparitions spectrales, voix d’outre-tombe, machinations, trésor caché… Le Manoir maudit capitalise sur tous les lieux communs du cinéma gothique de l’époque et prend rapidement les atours d’une sorte de trip expérimental onirique, aux accents d’une musique psychédélique d’Armando Sciascia (3 Winchester pour Ringo, Les Expériences érotiques de Frankenstein). Toutes ces facéties sont en partie justifiées par la folie apparente de la jeune héroïne, hantée par des visions macabres, et notamment par le sort funeste de la comtesse Irene dont elle semble être la réincarnation. En rupture avec tout cet arsenal de train fantôme, le film s’offre quelques écarts guillerets et humoristiques, comme la première rencontre entre Anna (qui se baigne entièrement nue dans un lac) et George (dans son costume étriqué et sa voiture capricieuse), rythmée par une musique soudain légère et joyeuse. Affublé de dialogues naïfs, de personnages sans finesse (le prince Raman qui ne quitte jamais son turban) et d’une mise en scène souvent théâtrale (au cours de laquelle les personnages restent figés dans un coin du décor en attendant manifestement les indications du metteur en scène), Le Manoir maudit nous offre tout de même quelques scènes de cauchemar expérimentales très réussies. Le film retrouve d’ailleurs toute sa verve et sa folie sépulcrale au moment du grand final, dont les péripéties se précipitent vers un dénouement choc qui ne se réfrène pas sur la violence.

 

© Gilles Penso

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DECADENT EVIL (2005)

Un chasseur de vampires affronte la redoutable Morella, capable de transformer les humains en créatures miniatures…

DECADENT EVIL

 

2005 – USA

 

Réalisé par Charles Band

 

Avec Debra Mayer, Jill Michelle, Phil Fondacaro, Raelyn Hennessee, Daniel Lennox, Roger Toussaint, April Gilbert, John F. Schaeffer, Harmony Rose, Jessie K. Walters

 

THEMA VAMPIRES I SAGA CHARLES BAND

Soucieux de renouveler son catalogue en perte de vitesse et de retrouver un peu de sa gloire d’antan, le producteur Charles Band décide en 2005 de réunir les ingrédients de plusieurs de ses films précédents. Les vampires et les poupées ayant généreusement alimenté deux de ses franchises les plus fructueuses – Subspecies et Puppet Master -, pourquoi ne pas les fusionner au sein d’un film qu’il réaliserait lui-même ? Reprenant l’idée d’un club de strip-tease abritant des suceuses de sang (déjà exploité dans Cryptz), sollicitant l’un de ses acteurs fétiches Phil Fondacaro (Ghoulies 2, Dollman vs. Demonic Toys, Meridian, The Creeps, Blood Dolls, Sideshow) et saupoudrant le tout d’une bonne dose d’érotisme déviant, Band pense avoir trouvé la formule idéale. Ainsi naît Decadent Evil, premier d’une série de petits films fantastiques présentés sous le label Wizard Video. Pas question pour autant de dépenser le moindre centime superflu. Band joue donc la carte de l’économie, bouclant son tournage en six jours dans un nombre limité de décors et recyclant des images issues de son propre fonds. Les dix premières minutes de Decadent Evil sont donc un remontage de Journal intime d’un vampire. Cette version accélérée du film de Ted Nicolaou, au cours de laquelle les vampires Ash et Zachary s’affrontent pour les beaux yeux d’une pianiste, fait ainsi office de prologue.

Cette méthode de « reconditionnement » permet à Decadent Evil de prendre les allures d’une sorte de spin-off bizarre de Journal intime d’un vampire. La voix off nous apprend qu’Ash a contaminé plusieurs personnes avant de trépasser. Or Morella (Debra Mayer), qu’il mua jadis en créature de la nuit, décide de devenir le vampire le plus puissant de tous les temps en buvant le sang de sa dix-millième victime. Ses pouvoirs déjà immenses lui permettent de transformer les humains en homuncules monstrueux, sortes de créatures primitives mi-hommes mi-reptiles. C’est dans cet état qu’elle conserve au fond d’une cage Marvin, l’un de ses anciens amants. Les deux jeunes femmes aux canines pointues qui vivent avec Morella dans son grand manoir, Spyce (Raelyn Hennessee) et Sugar (Jill Michelle), travaillent dans un club de strip-tease où elles rabattent de nombreuses victimes. Mais les choses se compliquent dans la mesure où Sugar est tombée amoureuse d’un mortel à qui elle n’ose dire son secret. C’est là qu’intervient Ivan (Phil Fondacaro), un chasseur de vampires bien décidé à mettre Morella hors d’état de nuire…

Cherchez la petite bête

Sorte de variante dégénérée des petits monstres de Ghoulies, enfant illégitime des jouets mortels de Puppet Master et des minions de Subspecies, Marvin aurait dû être l’attraction principale de ce film de vampires à l’intrigue par ailleurs très classique. Mais cette créature conçue par Christopher Bergschneider (qui lui prête aussi sa voix) ressemble à l’écran à ce qu’elle est, c’est-à-dire une marionnette en plastique animée de manière très sommaire, et n’a finalement pas grand-chose à faire sinon gémir derrière ses barreaux. Ce qui ne l’empêche pas d’intervenir dans les deux scènes les plus délirantes de Decadent Evil : celle où elle rampe sur le corps d’une femme à moitié nue, attachée dans un lit, et l’impensable plan final du film qui dépasse toutes les audaces (nous donnant presque un avant-goût de ce que Trey Parker osera dans Team America). « Visiblement, Charles Band a un penchant personnel pour les monstres minuscules », commente Bergschneider. « Mais qui suis-je pour refuser l’opportunité de voir mes designs se transformer en jouets et en produits dérivés ? » (1) Car Marvin, comme les Puppet Masters et les Demonic Toys, sera commercialisé sous forme de poupée collector après la distribution du film. Comme toujours chez Band, rien ne se perd, tout se recycle. Le film réutilise d’ailleurs plusieurs plans aériens « empruntés » à Shrunken Heads pour rallonger un peu la sauce, ce qui lui permet tout juste de dépasser la durée de 65 minutes.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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FRANKENSTEIN CONTRE LE MONSTRE DE L’ESPACE (1965)

Après avoir été sérieusement endommagé, un astronaute robot se transforme en tueur sanguinaire et affronte un monstre velu venu de l’espace…

FRANKENSTEIN MEETS THE SPACE MONSTER

 

1965 – USA

 

Réalisé par Robert Gaffney

 

Avec Marilyn Hanold, James Karen, Lou Cutell, Robert Reilly, Nancy Marshall, David Kerman, Robert Alan Browne, Robert Fields, Bruce Glover, Joe King

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I ROBOTS

Malgré son titre, cette série B de science-fiction complètement délirante n’a pas grand-chose à voir avec le classique de Mary Shelley. La toute première version du scénario, co-écrite par les étudiants R.H.W. Dillard, George Garrett et John Rodenbeck, puisait pourtant un peu – quoique de manière lointaine – dans le mythe de Frankenstein. Envisagé comme une parodie du cinéma d’horreur et de SF, ce script mettait en vedette un astronaute robot fabriqué avec différentes parties de corps humain assemblées les unes avec les autres. Ses jambes, par exemple, étaient celles d’un ancien danseur de claquettes. L’un des gags récurrents voulait que cette créature se mette à danser de manière incontrôlable dès qu’elle entendait la chanson « Sweet Georgia Brown » ! Les producteurs qui découvrent ce scénario apprécient son concept mais n’ont nullement l’intention de se lancer dans une comédie. Selon eux, Frankenstein contre le monstre de l’espace doit être un film au premier degré. Voilà qui explique en partie le caractère parfaitement invraisemblable du résultat final. Le fait que le budget mis à la disposition du réalisateur Robert Gaffney soit ridiculement faible n’arrange évidemment pas les choses.

Des extraterrestres dont la planète est ravagée par une guerre nucléaire détruisent plusieurs sondes spatiales terriennes, pensant qu’il s’agit de missiles envoyés pour les anéantir. Leur dirigeante est une princesse autoritaire aux allures de Cléopâtre d’opérette (Marilyn Hanold), conseillée par un vil assistant nommé Nadir (Lou Cutell). Chauve, blafard, les oreilles pointues, ce dernier passe son temps à grimacer et à ricaner. La dernière fusée qu’ils détruisent est pilotée par le colonel Frank Sanders (Robert Reilly), un androïde semblable à un être humain qui se crashe à Porto Rico. Lors d’une échauffourée avec les soldats extra-terrestres, Sanders est gravement endommagé et devient fou, massacrant tous ceux qui croisent sa route sur l’île. Tandis que le docteur Adam Steele (James Karen), créateur du robot, et son assistante Karen Grant (Nancy Marshall) se mettent sur sa trace pour le réparer, les aliens se lancent dans une mission de la plus haute importance : kidnapper autant de Terriennes que possible afin qu’elles puissent s’accoupler avec les mâles de leur planète pour aider à la repeupler !

Robot Monster

Frankenstein contre le monstre de l’espace ne recule devant aucun dialogue pseudo-scientifique (« Nous continuons de capter des signaux à modulation de fréquences hydrogénées de 21 centimètres, Princesse ») ou exagérément emphatique (« La science, associé à l’armée, peut faire des miracles ! »). D’apparence d’abord humaine, l’astronaute robot perd de sa superbe après avoir essuyé un tir nourri de l’ennemi extra-terrestre. La moitié de son visage prend alors les allures d’une bouillie de latex avec des transistors apparents. Les amateurs de nanardises old school sont donc déjà aux anges. Mais l’attraction vedette du film est le monstre Mull, avec son corps de gorille aux longs poils qui pendouillent, ses mains griffues, sa tête en caoutchouc, ses gros yeux globuleux, ses dents pointues, ses longues oreilles et ses deux jolies petites antennes. Notons que la bête est incarnée par Bruce Glover, père de l’acteur Crispin Glover (George McFly dans Retour vers le futur). Le combat que nous promet le titre du film ne dure hélas que quelques minutes, le reste du métrage étant empli avec des péripéties ennuyeuses, rythmées par du rock’n roll des années 60 totalement hors sujet, et des tonnes d’images d’archives récupérées dans les fonds de la NASA et de l’armée de l’air dans l’espoir de donner un peu d’ampleur à cette impensable « épopée » digne de Ed Wood.

 

© Gilles Penso

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LA MALÉDICTION CÉLESTE (1987)

Cette adaptation de La Couleur tombée du ciel de Lovecraft montre les effets d’une contamination monstrueuse dans une ferme du Tennessee…

THE CURSE

1987 – USA / ITALIE

Réalisé par David Keith

Avec Will Wheaton, Claude Akins, Malcolm Danare, Cooper Huckabee, John Schneider, Amy Wheaton, Steve Carlisle, Kathleen Jordon Gregory, Hope North

THEMA MUTATIONS

 

Un peu plus de vingt ans après Le Messager du diable, première adaptation cinématographique officielle de la nouvelle La Couleur tombée du ciel d’H.P. Lovecraft, le producteur Ovidio G. Assonitis (Le Démon aux tripes, Tentacules, Piranhas 2) décide d’en initier une nouvelle version. Au vu du passif de notre homme, clairement porté sur les séries B au niveau qualitatif très discutable, on se doute qu’il ne s’agira pas d’un long-métrage destiné à marquer les mémoires. Étrangement, le roi du gore poétique Lucio Fulci, qui fut lui-même largement influencé par Lovecraft (Frayeurs, La Maison près du cimetière, L’Au-delà), participe au film en tant que producteur associé (crédité ici sous le nom francisé de Louis Fulci). Il aurait également assuré la réalisation de deuxième équipe et la supervision des effets optiques sans en être crédité. Le nom de Lovecraft n’apparaît pas non plus au générique, ce qui peut surprendre dans la mesure où le scénariste David Chaskin (La Revanche de Freddy, Lectures diaboliques) s’y réfère directement. Annoncé sous le titre The Well (« Le puits »), tourné sous celui de The Farm (« La Ferme ») et finalement baptisé The Curse (« La malédiction »), le film est mis en scène par David Keith, un acteur à la carrière prolifique mais discrète qui fait ici ses débuts derrière la caméra.

Transposée au milieu des années 80, l’histoire reprend les grandes lignes de celle du texte original. Nathan Crane (Claude Akins), un fermier autoritaire et très religieux, est le père d’un grand dadais à la bêtise congénitale (Malcolm Danare) qui l’aide aux champs. En épousant Frances (Kathleen Jordon Gregory), il a recueilli ses enfants Zach (Will Wheaton) et Alice (Amy Wheaton), qui vivent sous son emprise. Cette famille recomposée repose sur un équilibre très instable, que vient troubler un promoteur immobilier aux dents longues (Steve Carlisle) qui se pavane dans sa Cadillac rutilante et cherche à acquérir la terre de Crane. Frances, de son côté, souffre d’une irrépressible frustration sexuelle. Chaque fois qu’elle tente une approche dans le lit conjugal, Nathan se renfrogne en déclamant des versets de la bible, tels que « abstenez-vous des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme. » En désespoir de cause, elle se jette dans les bras de l’homme à tout faire de la ferme, un grand type trapu et velu qui la fait monter au septième ciel. Au cours d’une nuit d’adultère, alors qu’un terrible orage frappe les cieux, un objet lumineux non identifié s’écrase sur le terrain des Crane. Un liquide étrange en suinte et pénètre la terre. Une terrible contamination commence alors…

Le malheur est dans le pré

Les effets néfastes de cette substance venue d’ailleurs ne se révèlent que progressivement, conformément à la prose de Lovecraft. Les fruits et légumes se gorgent de liquides poisseux et nauséabonds, les pommes sont infestées de vers grouillants, les chevaux et les poules deviennent agressifs, les vaches se couvrent de plaies purulentes dans lesquelles rampent des insectes qui jaillissent au visage des fermiers… Les effets gore sollicités par le film ne reculent devant aucun excès, Chris Walas (La Mouche) prenant en charge les métamorphoses. Car les humains n’échappent évidemment pas à la contagion. Aveuglé comme toujours par sa foi, Nathan est persuadé que Dieu punit leurs péchés. Le titre français sous lequel le film fut exploité en VHS en France, La Malédiction céleste, peut donc s’interpréter de deux manières complémentaires : le mal venu de l’espace et la punition divine. C’est finalement une très honnête série B que nous concoctent David Keith et ses producteurs, Claude Akins (Ouragan sur le Caine, Rio Bravo) dominant le casting de manière fort impressionnante. Pour le jeune Will Wheaton, qui a 14 ans à l’époque et joue ici aux côtés de sa sœur cadette Amy, le tournage de The Curse reste un très mauvais souvenir. « Nous avons été maltraités quotidiennement », racontera-t-il des décennies plus tard. « La production n’a respecté aucune loi sur le travail. Ils nous faisaient travailler douze heures par jour, sans pause, cinq jours par semaine. J’étais épuisé tout le temps. Je me sentais si peu soutenu que je n’en ai parlé à personne. Je savais que mon père ne me croirait pas et que ma mère m’en voudrait. » (1) Échec au box-office, The Curse servira bizarrement de point de départ à une fausse franchise réutilisant son titre pour d’autres films n’ayant pourtant aucun rapport les uns avec les autres : Curse II : The Bite (La Morsure de Federico Prosperi, 1989), Curse III : Blood Sacrifice (Panga, le sorcier de Sean Barton, 1991) et Curse IV : The Ultimate Sacrifice (Catacombs, les couloirs de l’enfer, David Schmoeller, 1988).

 

(1) Extrait d’un article écrit par Will Wheaton en août 2022

 

© Gilles Penso

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VAMPYR, OU L’ÉTRANGE AVENTURE DE DAVID GRAY (1932)

Alors qu’il se promène dans un village au milieu de la campagne, un étudiant se retrouve confronté à une créature assoiffée de sang…

VAMPYR

 

1932 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par Carl Theodor Dreyer

 

Avec Julian West, Henriette Gérard, Sibylle Schmitz, Rena Mandel, Jan Hieronimko, Albert Bras

 

THEMA VAMPIRES

Pour son premier long-métrage parlant, le cinéaste danois Carl Dreyer décide de s’attaquer au thème du vampirisme en adaptant très librement deux nouvelles de Sheridan Le Fanu issues du recueil Les Créatures du miroir : Carmilla et L’Auberge du dragon volant. En réalité, la prose originale n’a plus grand-chose à voir avec le scénario de Vampyr (une orthographe étrange qui serait due à une erreur du distributeur) puisque Dreyer invente quasiment toutes les péripéties du film. Le baron Nicolas de Gunzburg, membre de la noblesse russe né en France, accepte de financer Vampyr en échange du rôle principal qu’il endossera sous le pseudonyme de Julian West. L’homme n’a aucune expérience de la comédie, mais Dreyer n’y voit aucun inconvénient dans la mesure où il aime faire travailler des acteurs amateurs. Du reste, à l’exception de deux personnages, la totalité des rôles du film sont tenus par des gens qui n’ont jamais joué dans un film. Tourné simultanément en version allemande, anglaise et française, Vampyr n’utilise aucun décor en studio. Tous les sites qui apparaissent à l’écran sont naturels, captés dans la campagne française et dans un château qui servira aussi d’hébergement pour l’équipe du film. Dreyer s’adjoint les services du directeur de la photographie Rudolph Maté (futur réalisateur du Choc des mondes) qui, suite à une erreur, filme les premières bobines avec un voile qui opacifie l’image et diffuse exagérément les lumières. Surpris, le réalisateur aime tellement cet « accident » heureux qu’il décide d’en faire le parti pris visuel de l’ensemble du film.

L’étudiant Allan Gray (devenu David Gray dans la version française) nous est présenté comme un jeune homme oisif au tempérament fantasque qui s’intéresse de près à la sorcellerie, au surnaturel et aux mythes. Rêveur, il erre un soir sans but, comme à son habitude, et se retrouve dans une auberge isolée le long du fleuve du hameau de Courtempierre. L’ambiance y est pesante et sinistre, les gens y adoptent un comportement étrange, mais il décide d’y passer la nuit. Alors qu’il est plongé dans le sommeil, un inconnu pénètre dans sa chambre et lui délivre un message énigmatique (« elle n’a pas le droit de mourir ») avant de repartir et de lui laisser un paquet sur lequel il écrit : « à ouvrir après ma mort ». Au matin, Gray se promène dans la campagne avoisinante et se retrouve dans le château qu’habite l’homme mystérieux avec ses deux filles et quelques domestiques. Soudain, un coup de fusil tonne, un corps tombe au sol. Et le vampire entre en scène…

Un cauchemar éveillé

À cheval entre deux époques, Vampyr emprunte beaucoup de dispositifs au cinéma muet (notamment via l’usage d’intertitres et de séquences sans dialogues) tout en révélant une étonnante modernité de mise en scène, avec ses usages audacieux du montage parallèle et sa caméra sans cesse en mouvement. En rupture à la fois avec le cinéma expressionniste allemand et avec le cycle des Universal Monsters entamé par Dracula et Frankenstein, le film de Dreyer se situe dans une zone stylistique très singulière lui donnant les allures d’un cauchemar éveillé. Très tôt, l’image en contre-jour d’un homme portant une faux et sonnant une cloche (un tocsin ?) face à une étendue aquatique aux allures de Styx donne le ton. Vampyr regorge de visions de cet acabit (l’apparition d’un homme au visage difforme, l’ombre d’un jardinier qui se déplace à l’envers, celle d’un cul-de-jatte qui bouge indépendamment de l’homme auquel elle appartient, un reflet qui semble courir dans l’eau). Dreyer nous plonge ainsi dans une sorte de monde poétique où les portes s’ouvrent seules, où les crânes bougent pour mieux nous regarder, où le récit importe moins que la manière dont il est raconté. Le summum de cette approche poétique est atteint lorsque le corps astral du héros se détache de lui, tandis que la caméra adopte le point de vue de sa dépouille transportée dans son cercueil jusqu’à sa dernière demeure. Tant d’audaces visuelles et d’étrangetés permettront à Vampyr d’accéder au statut d’œuvre culte.

 

© Gilles Penso

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NECRONOMICON (1968)

Jess Franco suit les déambulations d’une jeune femme hantée par des rêves étranges issus peut-être d’une vie antérieure…

NECRONOMICON

 

1968 – ALLEMAGNE / ESPAGNE / PORTUGAL

 

Réalisé par Jess Franco

 

Avec Janine Reynaud, Jack Taylor, Adrian Hoven, Howard Vernon, Nathalie Nort, Michel Lemoine, Pier A. Caminnecci, Americo Coimbra, Lina De Wolf, Eva Brauner

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Amateurs de H.P. Lovecraft, passez votre chemin. Malgré le titre de ce long-métrage érotico-horrifique, rien ne saurait le rattacher à l’œuvre de l’inventeur du mythe de Cthulhu. Il y a fort à parier que Jess Franco s’est simplement servi du mot « Necronomicon » pour sa sonorité et l’atmosphère lugubre qu’il évoque. Le grimoire maudit brille donc par son absence. Le film est d’ailleurs connu sous d’autres titres sans doute plus proches de son sujet : Les Yeux verts du diable pour l’une de ses distributions sur le territoire français, ou Succubus pour son exploitation américaine et internationale. La première intention de Franco est de tourner son long-métrage en Espagne avec des fonds locaux. Mais la censure ibérique, alors très sévère, refuse de financer le film tel quel et exige une révision complète. Lorsque les Allemands proposent de produire Necronomicon en laissant au cinéaste la bride sur le cou, notre homme n’hésite pas une seconde. L’ex-mannequin Janine Reynaud en tiendra la vedette, aux côtés de Michel Lemoine (qui est à l’époque son époux), de Jack Taylor et d’Howard Vernon (acteur fétiche de Franco). Pour l’anecdote, on note que la garde-robe de l’actrice principale est l’œuvre d’un styliste allemand alors en plein essor : Karl Lagerfeld.

Janine Reynaud incarne Lorna Green, une artiste de cabaret spécialisée dans les reconstitutions de séquences sadomasochistes au cours desquelles elle simule la torture et l’assassinat de captifs ligotés sur des potences, face à un public snob et blasé. Son producteur William Francis Mulligan (Jack Taylor) est aussi son amant, avec lequel elle se livre à toutes sortes de jeux de séduction. Parfois, la belle est assaillie par des rêves étranges au cours desquels elle se voit comtesse dans un château portugais (la tour de Belem à Lisbonne), multipliant les aventures amoureuses et assassinant à l’arme blanche tous ses prétendants (hommes et femmes) comme si elle était en transe, manipulée par un homme étrange au regard émeraude (Michel Lemoine, dont les yeux perçants motivèrent sans doute le titre français du film, comme c’était déjà le cas pour Le Monstre aux yeux verts en 1962). Bientôt, Lorna se retrouve dans l’incapacité de faire la distinction entre la réalité et les rêves…

Rêves cotonneux et strip-teases maniérés

Bien malin serait celui capable de comprendre ce que Jess Franco essaie de nous raconter à travers ce scénario erratique qui enchaîne les scènes de rêves cotonneux, de strip-teases langoureux maniérés, de soirées mondaines décadentes absurdes, le tout saupoudré d’un érotisme bon chic bon genre nimbé de flous artistiques à la David Hamilton. Dans un éclair de sincérité, le cinéaste avouera lui-même ne pas trop savoir de quoi le film parle. Se laissant visiblement porter par une sorte d’écriture automatique, Franco est sous l’influence des surréalistes, d’où une poignée de séquences insolites comme l’intervention de ce vendeur ambulant de harpes d’occasion ou ce pianiste dont les partitions sont des pages de géométrie. Mais il s’imprègne aussi fortement du travail de la Nouvelle Vague française, mentionne dans les dialogues des noms de cinéastes un peu au hasard  (Luis Buñuel, Fritz Lang, Jean-Luc Godard), cligne de l’œil vers les monstres du répertoire classique (la caméra se promène sur des figurines à l’effigie de L’Étrange créature du lac noir, Dracula, Le Fantôme de l’Opéra, Godzilla, le monstre de Frankenstein), concocte des séquences inspirées par Mario Bava (une jeune femme se croit assaillie par des mannequins en plastique), bref part dans tous les sens et nous laisse déconcertés.

 

© Gilles Penso

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CANDYMAN 2 (1995)

Le tueur au crochet et au corps empli d’abeilles est de retour, sévissant désormais en plein carnaval à la Nouvelle Orléans…

CANDYMAN : FAREWELL TO THE FLESH

 

1995 – USA

 

Réalisé par Bill Condon

 

Avec Kelly Rowan, Tony Todd, Veronica Cartwright, Bill Nunn, William O’Leary, Matt Clark, Randy Oglesby, Glen Gomez, Russell Buchanan, Timothy Carhart

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS SAGA CANDYMAN

Énorme succès au moment de sa sortie en salles, Candyman ne pouvait pas décemment rester sans suite. Alors que les producteurs couvent déjà d’un œil gourmand la franchise qui pourrait en découler, le réalisateur Bernard Rose imagine d’autres épisodes qui continueraient à explorer la nature des mythes d’horreur urbaine, sans référence au personnage incarné par Tony Todd. Évidemment, le studio ne veut rien entendre. Pas question de réitérer ce que John Carpenter avait tenté avec Halloween 3. Leur croquemitaine doit être la vedette de la saga. Rose révise alors sa copie, sans succès. « La suite que Bernard voulait faire était un prequel où l’on voyait le Candyman et Helen tomber amoureux », raconte l’actrice Virginia Madsen. « Le projet a été refusé parce que le studio ne voulait pas d’une histoire d’amour interraciale. » (1) Exit donc Bernard Rose, qui passe la main à Rand Ravich et Mark Kruger pour l’écriture du scénario. « Ils ont fait du Candyman un esclave, ce qui était terrible parce que ce personnage a été éduqué et élevé comme un homme libre », se plaint Madsen. « Bernard voulait en faire un Dracula afro-américain, ce qui, je pense, a beaucoup plu à la communauté afro-américaine. Candyman était poète et intelligent. Ce n’était pas vraiment un monstre. C’était une sorte de figure classique. » (2) Mais les scénaristes et les producteurs en décident autrement.

C’est Bill Condon qui prend le relais de Bernard Rose. Extrêmement éclectique, ce réalisateur a touché à tout : le drame horrifique (Sister Sister), le biopic (Gods and Monsters), la comédie musicale (Dreamgirls), le conte de fées (La Belle et la Bête), le film de vampires pour ados (Twilight 4 et Twilight 5). Alors pourquoi pas Candyman 2 ? Cette suite se déroule trois ans après les faits dramatiques survenus à Chicago et racontés dans le premier film. À la Nouvelle Orléans, le professeur Philip Purcell (Michael Culkin) donne une conférence sur le mythe de Candyman. Nous y apprenons que Daniel Robitaille, fils d’un esclave, fut lynché par la foule, mutilé et donné en pâture aux abeilles. Mais le pouvoir de celles-ci le ressuscita d’entre les morts. Pour prouver à l’assistance qu’il ne croit pas au mythe, le conférencier prononce cinq fois son nom devant son propre reflet et organise même un bref canular au cours duquel un de ses assistants l’attaque avec un crochet. On soupire, on rit, on se réconforte en se disant que toute cette histoire n’est que le fruit de racontars superstitieux. Évidemment, la suite va nous prouver que non…

Au pays de Candy

Si Tony Todd est toujours aussi impressionnant sous la défroque du croquemitaine, l’héroïne campée par Kelly Rowan (une enseignante qui mène l’enquête après que son frère ait été accusé de meurtre) manque singulièrement de charisme et d’expressivité. Le seul visage familier du casting, au-delà de Todd, est Veronica Cartwright (Les Oiseaux, Alien), qui campe la mère de la jeune femme (et que Bill Condon avait dirigé dans le téléfilm Dead in the Water). Certes, le film profite de l’ambiance du carnaval pour multiplier les images baroques et excessives, tout en jouant le jeu du faux semblant (le vrai monstre se cache parmi les faux), la musique de Philip Glass est toujours aussi envoûtante et l’équipe des décorateurs a fait du bon boulot dans l’ancienne maison de l’héroïne, désormais abandonnée et couverte de peintures sinistres. Mais cette suite ne raconte rien de très intéressant et s’encombre d’une mise en scène qui sacrifie à tous les lieux communs. On ne compte plus le nombre de « jump scares » qui ponctuent le film (un touriste déguisé qui se colle à une vitrine, le petit ami qui entre brutalement dans le champ, un corbeau qui coasse, un SDF qui surgit dans le cadre, une main posée sur une épaule). Nous ne sommes pas loin de la parodie involontaire. Bref, Candyman 2 passe le plus clair de son temps à démontrer son inutilité, exercice dans lequel Candyman 3 excellera tout autant.

 

(1) et (2) Extraits d’une interview publiée dans Horror News Network en décembre 2012

 

© Gilles Penso

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