SQUID GAME (2021-2025)

Habitants de Séoul : si vous êtes endettés jusqu’au cou et que les créanciers vous harcèlent, il existe une solution à tous vos problèmes !

OJING-EO GEIM

 

2021/2025 – CORÉE DU SUD

 

Créée par Hwang Dong-hyuk

 

Avec Lee Jung-jae, Wi Ha-joon, Lee Byung-hun, Park Hae-soo, Hoyeon, Yasuhi Iwaki, Oh Yeong-su, Jeon Young-soo, Heo Sung-tae, Lee Seo-hwan, Yim Si-wan

 

THEMA TUEURS

Qui aurait pu prévoir que cette série coréenne devienne un tel phénomène ? Le concept, pour attrayant qu’il soit, recycle beaucoup d’idées lues ou vues ailleurs. Pèle mêle, on pense au Prix du danger, à Running Man, Punishment Park, Ultimate Game, Slashers, Hunger Games, Jeux d’enfants, bref les précédents ne manquent pas. Hwang Dong-hyuk, le créateur de la série, ne le nie pas, confessant par ailleurs s’être largement laissé inspirer par des mangas comme Kaiji, Liar Game ou Battle Royale. Mais Squid Game possède cette singularité, ce grain de folie, ce jusqu’auboutisme, cette absence de concessions qui semblent n’appartenir qu’aux artistes coréens et font toute la différence. L’accouchement de ce show n’aura pourtant pas été une mince affaire. En 2009, lorsque Hwang Dong-hyuk commence à faire circuler le scénario, personne n’en veut. Top sanglant, trop bizarre, trop grotesque, trop peu crédible. Ni les producteurs, ni les chaînes de télévision, ni les acteurs à qui il en parle ne prennent ce projet au sérieux. Entretemps, notre homme se fait connaître dans le milieu du cinéma coréen en réalisant plusieurs films : le drame Ma-i pa-deo, le polar Silenced, la comédie fantastique Soo-sang-han geun-yeo et la fresque historique The Fortress. Son nom n’est plus inconnu lorsque Netflix tombe sur le script de Squid Game et s’emballe. Le concept de la série tape dans l’œil des dirigeants de la plateforme au N rouge qui cherchent justement à élargir leur offre de programmes étrangers.

Squid Game choisit comme personnage principal l’archétype du loser. Seong Gi-hun (Lee Jung-jae) est un père divorcé incapable de subvenir aux besoins de sa fillette, addict aux jeux, endetté jusqu’au cou, vivant toujours avec sa mère âgée qui s’épuise en travaillant comme vendeuse de rue. Alors qu’il semble au bord du gouffre, un inconnu l’aborde dans le métro et lui propose de participer à une série de jeux qui lui offriraient une chance de remporter une immense somme d’argent. Seong Gi-hun n’a plus rien à perdre. Il accepte donc et se retrouve transporté dans un lieu inconnu. Soumis à un gaz soporifique, il s’éveille comme Patrick McGoohan dans Le Prisonnier, au beau milieu d’hommes et de femmes qui portent un uniforme numéroté. Il est devenu le joueur numéro 456. Tous les autres sont, comme lui, des êtres à la dérive en proie à de très graves difficultés financières. Sous la garde de soldats masqués en combinaison rose, ces centaines de joueurs se voient offrir une solution à tous leurs problèmes. S’ils acceptent de participer à six jeux les confrontant les uns aux autres, la fortune est peut-être au bout du chemin. Le grand vainqueur de cette série d’épreuves aura en effet la chance de remporter un pactole de 45,6 milliards de wons, soit plus de 35 millions de dollars. Comment refuser ? D’autant que les épreuves en question sont inspirées des jeux de cours de récréation. Sauf que les joueurs éliminés vont perdre beaucoup plus que des points…

Un, deux, trois… Soleil !

Si de nombreuses situations décrites dans Squid Games peuvent raviver les souvenirs des cinéphiles et des lecteurs de mangas, le show de Hwang Dong-hyuk se distingue par des choix artistiques radicaux qui affirment d’emblée son originalité. Les combinaisons unisexes et anonymes des employés du jeu, dont les masques aux allures de tête d’insecte arborent un carré, un triangle ou un cercle selon leur rôle dans cette « fourmilière » savamment hiérarchisée, sont particulièrement iconiques et placent l’intrigue sur un plan dystopique déconnecté de la réalité. Il en est de même pour l’incroyable décor de l’escalier labyrinthique que doivent emprunter les joueurs (sorte de relecture façon lego des célèbres architectures impossibles de M.C. Escher), des cercueils emballés comme des paquets cadeaux, de cette tirelire en forme de gigantesque cochon translucide et bien sûr de ces terrains de jeu tous plus surréalistes les uns que les autres – avec une poupée géante qui ouvre les hostilités pour une mémorable partie de « Un, deux, trois… Soleil ! » Au-delà de son aspect purement graphique, Squid Game dresse un portrait bien peu reluisant d’une société coréenne où les inégalités se creusent inexorablement, où les citoyens âgés sans retraite s’astreignent à des métiers épuisants jusqu’à la mort, où les stigmates de la guerre de 1950 sont encore à vif, où « marche ou crève » semble être le mantra d’une immense frange de la population. Quand on sait que le créateur de la série lui-même vécut dans le dénuement le plus complet avant de pouvoir vendre son premier scénario, on mesure à quel point les excès et les exubérances du show s’appuient sur une réalité bien tangible.

 

© Gilles Penso

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2024 : LE TOP / FLOP

L'heure du bilan est arrivée. Voici un classement très subjectif de nos dix films fantastiques/horreur/science-fiction préférés de l'année… et des dix pires.

PUBLIÉ LE 31 DÉCEMBRE 2024

TOP 10

FLOP 10

 

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NOSFERATU (2024)

Le réalisateur de The Witch et The Lighthouse réinvente le classique de Murnau sous un angle baroque et excessif…

NOSFERATU

 

2024 – USA / GB / HONGRIE

 

Réalisé par Robert Eggers

 

Avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Nicholas Hoult, Aaron Taylor-Johnson, Willem Dafoe, Emma Corrin, Ralph Ineson, Simon McBurney, Adéla Hesova, Milena Konstantinova

 

THEMA DRACULA I VAMPIRES

S’il est aujourd’hui considéré comme un des jalons incontournables de l’histoire du septième art, le Nosferatu de F.W. Murnau fut le fruit d’un important compromis, dans la mesure où la production n’eut pas les moyens de payer les droits d’adaptation du Dracula de Bram Stoker et en tira donc une version officieuse (ce qui ne fut pas du tout du goût de la veuve de l’écrivain, comme on peut l’imaginer). Mais la force du film et son impact furent tels qu’il parvint sans mal à s’extraire de l’ombre de son immense prédécesseur littéraire pour imposer sa propre imagerie. De fait, il servit de terreau à d’autres création cinématographiques singulières : Nosferatu fantôme de la nuit de Werner Herzog, L’Ombre du vampire d’E. Elias Merhige, le peu connu Nosferatu de David Lee Fisher et désormais celui de Robert Eggers. Voir le réalisateur de The Witch à la tête d’une telle entreprise procède d’une certaine logique, dans la mesure où il rendait déjà un hommage direct au cinéma expressionniste en général – et à Murnau en particulier – dans The Lighthouse. Dès le lycée, d’ailleurs, Eggers montait sur scène une adaptation théâtrale du classique de 1922. Il fallait donc bien qu’un jour où l’autre notre homme se frotte frontalement au redoutable comte Orlock.

Annoncé dès 2015, ce Nosferatu mettra pourtant près d’une décennie à se concrétiser. En toute logique, Robert Eggers envisage de confier le rôle féminin principal à Anya Taylor-Joy, qu’il avait révélée dans The Witch. Mais le film tardant à entrer en production, cette dernière finit par être occupée ailleurs, en l’occurrence sur le tournage de Furiosa. C’est finalement Lily-Rose Depp qui la remplace, et force est de constater que la jeune actrice donne pleinement de sa personne, livrant une impressionnante performance à fleur de peau. Son malheureux époux, bientôt dépassé par les événements, est incarné par Nicholas Hoult qui, ironiquement, campait l’assistant de Dracula dans Renfield. Willem Dafoe, quant à lui, retrouve Eggers après The Lighthouse et The Northman pour entrer dans la peau d’un émule du docteur Van Helsing. Sa présence dans le film est d’autant plus savoureuse qu’il incarnait lui-même le comte Orlock – ou du moins son interprète Max Schreck – dans L’Ombre du vampire. Restait à trouver l’interprète idéal du monstre. Habitué aux métamorphoses – il fut le Pennywise de Ça, le Kro des Eternels ou encore Eric Draven dans The Crow -, Bill Skarsgård se prête au jeu avec tant d’intensité qu’il ressortira lessivé de cette expérience.

Quelles noces feras-tu ?

Volontairement, Eggers s’éloigne du look popularisé par les films précédents pour tenter une autre approche, en équilibre instable entre la monstruosité décrépie et les vestiges d’une aristocratie en bout de course. D’où le détournement de certaines caractéristiques physiques attribuées à Vlad Tepes, prince de Valachie du 15ème siècle qui inspira le personnage de Dracula. Le cinéaste n’oublie pas pour autant de rendre hommage à ses prédécesseurs. L’ombre de Murnau plane au sens propre sur de nombreuses séquences du film, notamment à travers les silhouettes des mains griffues d’Orlock qui rampent sur les murs ou recouvrent la cité tout entière pour bien signifier l’emprise du vampire sur les pauvres humains à sa merci. Mais l’esthétique convoquée par Eggers paie aussi son tribut à Herzog, notamment via la sarabande des porteurs de cercueils, l’invasion des rats dans la ville ou la pâleur diaphane de Lily-Rose Depp qui succède à celle d’Isabelle Adjani. Les scènes du château d’Orlock sont d’ailleurs filmées dans les mêmes décors que ceux du Nosferatu de 1979. Persuadé que la juste tonalité de son récit passe par un refus ostensible de la demi-mesure, Eggers pousse Skarsgård à exagérer sa voix gutturale, Dafoe à forcer le trait de ses interventions exaltées, Depp à surcharger ses alternances de neurasthénie et d’hystérie. Les noces contre-nature entre la belle et la bête prennent par conséquent une tournure monstrueuse s’achevant sur un climax déchirant où l’amour et la mort fusionnent définitivement.

 

© Gilles Penso

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KRAVEN THE HUNTER (2024)

Le chasseur de fauves bien connu des amateurs de Spider-Man fait ses premiers pas à l’écran sous les traits d’Aaron Taylor-Johnson…

KRAVEN THE HUNTER

 

2024 – USA

 

Réalisé par J.C. Chandor

 

Avec Aaron Taylor-Johnson, Ariana DeBose, Fred Hechinger, Alessandro Nivola, Christopher Abbott, Russell Crowe, Yuri Kololnokov, Levi Miller, Tom Reed

 

THEMA SUPER-VILAINS I SAGA MARVEL COMICS

Après trois Venom, un Morbius et une Madame Web, le studio Sony/Columbia continue à faire du « Spider-Man sans Spider-Man » en capitalisant sur les personnages périphériques de l’univers de l’homme-araignée dont il a encore les droits. D’où la mise en avant de Kraven le chasseur, apparu pour la première fois dans les pages d’Amazing Spider-Man en août 1964. Ce fameux émule du comte Zaroff, vêtu d’une peau de lion comme s’il voulait faire de la concurrence au demi-dieu Hercule, aura longtemps joué l’arlésienne au cinéma. Sam Raimi l’envisageait pour un Spider-Man 4 qui ne vit jamais le jour. Le film Sinister Six (lui aussi annulé) devait le mettre en scène aux côtés de cinq autres vilains dans la foulée de The Amazing Spider-Man 2. Ryan Coogler quant à lui voulait l’opposer au prince T’Challa dans Black Panther avant d’apprendre que les droits du personnage n’appartenaient pas au studio Marvel… Bref, la balle était dans le camp de Sony, qui décida enfin de porter le chasseur à l’écran en confiant l’écriture du scénario à Richard Wenk sur la foi de son travail sur The Equalizer 2. Le rôle-titre est attribué à Aaron Taylor-Johnson qui, depuis Kick-Ass, aura fait du chemin. Le frêle adolescent s’est en effet mué en montagne de muscles. Après ses prestations remarquées dans Godzilla, Avengers : l’ère d’Ultron, Tenet et Bullet Train, le voilà donc dans la peau de Sergeï Kravinoff, alias Kraven.

Kraven the Hunter surprend d’emblée par la violence de ses scènes de combat, le chasseur n’hésitant pas à semer les cadavres ensanglantés sur son chemin (avec quelques écarts presque gore plutôt inattendus). Mais paradoxalement, puisque Sony a décidé de transformer les super-vilains en héros, cet assassin est « politiquement correct », dans la mesure où il défend les espèces protégées et ne tue que les gangsters et les braconniers. Le personnage initialement créé par Stan Lee et Steve Ditko est donc totalement dénaturé, puisqu’il s’agissait d’un chasseur de fauves fier de remplir ses appartements avec les dépouilles de toutes les bêtes sauvages ayant eu le malheur de croiser sa route. Le Kraven de Sony n’est clairement pas du même calibre. Il a un code d’honneur, luttant non seulement contre les mafieux mais aussi contre d’autres super-vilains dont le studio possède encore les droits, y compris – attention spoiler, ne pas lisez les lignes qui suivent si vous souhaitez conserver certaines surprises et passez directement au paragraphe suivant – y compris donc un Rhino beaucoup plus convaincant que la version Transformers que nous proposait The Amazing Spider-Man 2, même si son intervention reste finalement très anecdotique. Sans compter la présence d’un second couteau né dans les pages de Spectacular Spider-Man, L’Étranger, et l’annonce lourdement insistante d’un autre méchant que les lecteurs des Marvel comics connaissent bien puisqu’il s’agit du propre frère de Kraven, autrement dit le Caméléon.

Les chasses du comte Kravinoff

Les précédents opus du « Sonyverse » nous avaient tellement déçu qu’il n’y avait rien à espérer de cette sixième itération. La surprise est donc agréable. Si l’on considère la médiocrité globale des épisodes du Marvel Cinematic Universe déployés dans le sillage d’Avengers Endgame, on aurait même tendance à marquer ce Kraven d’une pierre blanche. Certes, le scénario est d’une balourdise assez exaspérante, la prestation de Russell Crowe dénuée de toute finesse et les motivations des personnages aussi crédibles que Francis Huster dans Parking. Mais Aaron Taylor-Johnson entre fort bien dans la peau du personnage, mouille visiblement la chemise et se plonge dans des scènes d’action folles qui – même si elles sollicitent des doubles numériques souvent très voyants – savent mettre le paquet question adrénaline, notamment une poursuite frénétique qui commence à pied, continue en voiture et se prolonge en hélicoptère. Le dernier acte semble chercher son inspiration quelque part à mi-chemin entre Predator et Robowar (oui, oui) jusqu’à un climax qui en fait trop, saturant la forêt qui n’en demandait pas tant de milliers d’animaux numériques en furie. Rien qui mérite d’inscrire Kraven the Hunter au registre du patrimoine culturel, certes, mais la mission divertissante est accomplie. Dans un monde parallèle, nous n’aurions d’ailleurs pas été contre un affrontement entre ce Kraven et le Spidey de Sam Raimi. Il faudra nous contenter d’en rêver.

 

© Gilles Penso

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RED ONE (2024)

Panique à bord : le Père Noël vient d’être kidnappé juste avant sa tournée des cadeaux ! Un commando spécial se forme alors pour le retrouver…

RED ONE

 

2024 – USA

 

Réalisé par Jake Kasdan

 

Avec Dwayne Johnson, Chris Evans, Lucy Liu, J.K. Simmons, Bonnie Hunt, Kristofer Hivju, Kiernan Shipka, Mary Elizabeth Ellis, Wesley Kimmel, Nick Kroll, Wyatt Hunt

 

THEMA CONTES

Les blockbusters qui jalonnent la carrière de Dwayne Johnson rivalisent généralement de balourdise. Çà et là émergent pourtant parfois, entre deux films d’action écervelés, quelques sympathiques pellicules offrant à cette montagne de muscles échappée des rings de catch autre chose à faire que bomber le torse, froncer les sourcils ou esquisser des sourires en coin. Sans chercher à être autre chose qu’une divertissante comédie fantastique tout public, le Jumanji de 2017 permettait ainsi à l’acteur de jouer habilement le jeu de l’autodérision et laissait entrevoir le potentiel jusqu’alors sous-exploité de l’ex-The Rock. Architecte de cette honorable réussite, le réalisateur Jake Kasdan dirigea à nouveau Johnson dans la suite Jumanji : Next Level avant de le retrouver à l’occasion de Red One, un film au concept surprenant mêlant la comédie, le conte de Noël, le fantastique débridé et l’action musclée. Ces retrouvailles semblaient de bon augure. Sauf que la star multiplie les caprices sur le tournage, débarque chaque jour en retard, voire pas du tout, bref fait preuve de beaucoup de mauvaise volonté. Ce qui ne l’empêche pas d’empocher un salaire indécent de 50 millions de dollars, soit un cinquième du colossal budget du film. Le reste servira notamment à payer d’autres têtes d’affiche (Chris Evans, Lucy Liu, J.K. Simmons) mais aussi à saturer l’écran d’effets spéciaux spectaculaires et de séquences d’action explosives.

Le comportement peu professionnel de Johnson entraîne de nombreux retards et dépassements de budget. Prévu pour une sortie en décembre 2023, Red One ne sera finalement distribué qu’un an plus tard, d’abord en salles sur le territoire américain puis sur la plateforme d’Amazon Prime. Toutes ces déconvenues laissent logiquement imaginer un film incohérent, maladroit et sans queue ni tête. Or Red One tient miraculeusement la route. La finesse n’est certes pas à l’ordre du jour, les péripéties s’enchaînent de manière souvent chaotique et les acteurs semblent ne croire qu’à moitié à ce qu’ils font (notamment Lucy Liu, en pilote automatique). Mais le concept imaginé par le scénariste Hiram Garcia, qui s’amuse à mêler la figure du Père Noël avec d’autres mythes nordiques, en l’occurrence le démon Krampus et la sorcière Gryla, offre une infinité de possibilités que Jake Kasdan exploite du mieux qu’il peut. Si J.K. Simmons – qui prêtait déjà sa voix au Père Noël dans le film d’animation Klaus de Sergio Pablos et Carlos Martinez Lôpez – campe une intéressante variante du vieux Santa, athlétique et sportif malgré son grand âge, c’est Chris Evans qui tire le mieux son épingle du jeu, se prêtant avec une bonne humeur communicative à un contre-emploi aux antipodes du Captain America qui fit de lui une superstar.

« L’Autorité de Surveillance et de Restauration de la Mythologie »

La mécanique de Red One est celle d’un buddy movie, le mauvais garçon sympathiquement agaçant campé par Evans faisant équipe bien malgré lui avec le garde du corps râleur et bougon que joue Johnson. Le hacker qui se vend au plus offrant et le chef de la sécurité du MORA (« Autorité de Surveillance et de Restauration de la Mythologie ») s’associent donc pour le meilleur et pour le pire, lancés sur la trace de ceux qui ont osé kidnapper le Père Noël le jour du 24 décembre. L’une des idées surprenantes sur lesquelles repose le script présente la nuit de Noël comme une opération militaire millimétrée et savamment répétée pendant 364 jours par une équipe surentraînée. Fort de son postulat excentrique, Red One enchaîne les séquences joyeusement loufoques (Johnson qui change de taille pour se battre, l’attaque des méchants bonhommes de neige, l’intervention des jouets robots) et nous offre une jolie ménagerie de monstres à la cour de Krampus (lui-même incarné par Kristofer Hivju sous d’impressionnantes prothèses conçues par Daniel Carrasco). Compensant son absence de subtilité et sa tendance à « cacher la misère » avec une profusion d’effets numériques (pas tous très réussis d’ailleurs) par une tonalité légère et une générosité indiscutable, Red One remplit allègrement son contrat, offrant une alternative originale aux sempiternels téléfilms de Noël qui saturent les écrans en fin d’année. Au Québec, le film est connu sous le titre Opération Code Rouge.

 

© Gilles Penso


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HERETIC (2024)

À contre-emploi, Hugh Grant incarne un homme étrange que viennent visiter deux jeunes missionnaires envoyées par une église mormone…

HERETIC

 

2024 – USA / CANADA

 

Réalisé par Scott Beck et Bryan Woods

 

Avec Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace, Elle Young, Julie Lynn Mortensen, Elle McKinnon, Hanna Huffman, Anesha Bailey, Miguel Castillo

 

THEMA TUEURS I DIEU, LES ANGES ET LA BIBLE

Scott Beck et Bryan Woods ayant écrit l’histoire du remarquable Sans un bruit avant de se lancer dans la mise en scène du poussif 65 : la Terre d’avant, il était difficile de savoir à quoi s’attendre face à leur nouvel opus, un thriller horrifique bâti autour du sujet épineux de la croyance religieuse. L’idée leur vient suite à une série de discussions tournant autour de deux films n’ayant à priori aucun lien l’un avec l’autre : Le Souffle de la haine et Contact. « Beaucoup de films d’horreur utilisent le catholicisme comme justification d’une sorte de menace surnaturelle », explique Bryan Woods. « Mais il est très rare de voir des films comme ceux de Stanley Kramer et Robert Zemeckis capables de discourir de manière adulte sur la religion tout en restant destinés au grand public. Nous rêvions nous-mêmes, avec Scott, de réaliser un jour un film qui aborde tous nos sentiments, toutes nos peurs, toutes les choses que nous trouvons belles et terrifiantes à propos de la religion. Mais pour être honnête, cela semblait impossible. » (1) Il faudra un drame personnel, le décès du père de Bryan Woods, pour décider les deux hommes à franchir le pas. Choisir Hugh Grant pour incarner le rôle principal, celui d’un homme étrange au comportement de plus en plus inquiétant, peut sembler surprenant. Mais l’ex-star des comédies romantiques des années 90 cherche justement à casser son image. En ce sens, Heretic tombe à point.

Pour éviter de décrire le mormonisme de manière caricaturale et simpliste, Beck et Woods s’entretiennent avec de nombreux représentants de l’église et poussent même la minutie jusqu’à embaucher dans le rôle des deux jeunes missionnaires du film deux actrices qui furent elles-mêmes élevées dans la religion mormone avant de s’en éloigner. Leur discours, leur comportement et leurs relations sonnent donc très juste. Dès qu’elles entrent en scène, dans le rôle de sœur Barnes et de sœur Paxton, il n’est pas difficile de croire à leurs personnages. L’une semble confiante et plutôt sûre d’elle, l’autre timide et un peu plus introvertie. Elles ont répété leur petite routine de nombreuses fois. Aussi, lorsqu’elles pénètrent sur le seuil de la maison de Monsieur Reed, un homme anglais d’âge moyen aux petites manies étranges, leur numéro est bien rôdé. Sauf que Reed, qui les invite à discuter avec lui dans le salon pendant que sa femme prépare une tarte aux myrtilles, a un comportement de plus en plus déconcertant et se met à aborder le sujet de la religion sous un angle embarrassant qui rend la situation très inconfortable. Peu à peu, les choses vont dégénérer…

Crise de foi

L’aspect le plus fascinant d’Heretic est sa remise en question des croyances, de la foi et de l’endoctrinement. L’intention de Scott Beck et Bryan Woods n’est pas nécessairement de tirer à coups de boulets rouges sur les religions mais d’en démonter les mécanismes et d’analyser ce qui pousse les fidèles à se plier à leurs règles, si irrationnelles et incohérentes soient-elles. L’argument que défend Reed face à ses deux visiteuses repose sur l’idée que chaque confession est l’itération (le plagiat ?) d’une conviction précédente, et que toutes ces variantes finissent par masquer ce qu’est la « vraie religion ». Pour étayer son propos, l’homme multiplie les exemples : les jeux de sociétés, les reprises musicales ou les pensées philosophiques et théologiques réadaptées à la culture populaire. Ainsi, une même citation peut évoquer Voltaire ou Spider-Man, Robert Frost ou la Créature du Marais ! L’immaculée conception elle-même n’a-t-elle pas été revisitée dans La Menace fantôme ? Mais Heretic ne se borne évidemment pas à un simple échange d’opinions autour d’une table basse. Le huis-clos devient de plus en plus étouffant, à mesure que l’invitation de Reed prend la tournure d’un piège dont l’issue semble fatale. Discrète, la mise en scène de Beck et Woods n’en est pas moins redoutablement efficace, osant quelques échappées lyriques comme cet hallucinant plan en plongée au-dessus d’une maquette qui fusionne l’espace d’un instant deux échelles distinctes et rappelle le plan d’ouverture d’Hérédité. Heretic est donc une excellente surprise, doublée d’un joli succès critique et public.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans Gizmodo en novembre 2024

 

© Gilles Penso


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FILMS FANTASTIQUES DE NOËL : NOTRE SÉLECTION 2024

Quels films fantastiques voir ou revoir en cette période de Noël 2024 ? Voici 40 propositions. Il y en aura pour tous les goûts !

Les fêtes de fin d’année se suivent et ne se ressemblent pas. Mais une tradition ne changera jamais : les films de Noël. Chacun a ses préférences, bien sûr, et pour les fantasticophiles le choix est varié. Voici une sélection parfaitement subjective de 40 films qui brasse volontairement large, selon que vous souhaitiez une programmation familiale, enjouée, inquiétante ou horrifique. Des robots, des serial killers, des petits monstres, des elfes, des rennes, des fantômes, des clowns, des bonhommes de neige, des calendriers piégés, des sapins psychopathes, il devrait y en avoir pour tous les goûts… 

Les plus classiques

Les plus féeriques

Les plus monstrueux

Les plus grincheux

Les plus meurtriers

Les plus drôles

Les plus gore

Les plus ludiques

Les plus improbables

Les pas très catholiques

 

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WICKED (2024)

La première partie de l’adaptation de la comédie musicale racontant la jeunesse de la méchante sorcière de l’ouest du Magicien d’Oz

WICKED

 

2024 – USA

 

Réalisé par Jon M. Chu

 

Avec Cynthia Erivo, Ariana Grande, Jeff Goldblum, Michelle Yeoh, Jonathan Bailey, Marissa Bode, Peter Dinklage

 

THEMA CONTES

Wicked est l’adaptation d’une comédie musicale à succès qui se joue à New-York et Londres depuis 2003, elle-même tirée du roman homonyme de Gregory Maguire, auteur prolifique qui, à plusieurs reprises, a revisité les contes pour en renverser le manichéisme. Il imagine ici la jeunesse d’Elphaba (Cynthia Erivo) (un nom dérivé phonétiquement des initiales de L. Frank Baum, l’auteur des romans originaux) et les circonstances qui l’amèneront à devenir la tristement célèbre sorcière de l’Ouest, incarnée par Margaret Hamilton dans le Magicien d’Oz. Wicked débute d’ailleurs là ou s’achevait le classique de Victor Fleming, les habitants de Munchkinland célébrant la mort de la vilaine à la peau verte, une victoire qui laisse néanmoins un goût amer à la bonne sorcière du Sud, Glinda (Ariana Grande, succédant à Billie Burke), qui se remémore l’amitié qui la liait jadis à Elphaba, lorsque toutes les deux étudiaient à l’Université de magie de Shiz. Wicked ne reprend que le premier acte de la comédie musicale, pour une durée pourtant égale au show complet et un second film à sortir en décembre 2025. Si on pouvait craindre légitiment que la sauce s’en trouverait diluée, il n’en est rien : conservant toute la richesse dramatique et thématique du texte original, le réalisateur Jon M. Chu a ainsi le temps (et les moyens !) de poser l’univers et les personnages et d’ajouter des petites respirations là où tout devait s’enchainer à un rythme effréné sur scène. Il opte également pour des décors « en dur », afin d’assurer la continuité esthétique avec le film de 1939, une rupture bienvenue avec le tout numérique des productions Disney des années 2010 (Le Monde fantastique d’Oz de Sam Raimi notamment). Et au détour d’un bref plan en contreplongée sur la fameuse route de briques jaunes, on se prend à croire que nous sommes de retour dans le même décor qu’arpentait Judy Garland en 1939. Le chef décorateur Nathan Crowley qui, pour avoir régulièrement collaboré avec Christopher Nolan, n’est plus à un défi près, aura pu dépenser sans compter : pour sa ville des Munchkin édifiée en extérieur et visible une dizaine de minutes à l’écran, il a ainsi fait planter des milliers de jonquilles dans les collines à l’arrière-plan plutôt que de recourir à une peinture numérique. À ce niveau, on peut parler d’une production pharaonique digne de l’âge d’or hollywoodien !

Ces décors fastueux offrent de plus une liberté totale de cadrage et de placement à la caméra, permettant de nous immerger totalement dans un monde crédible. A l’instar de la saga Harry Potter, Wicked se déroule en grande partie dans une université. Intégrant des éléments de l’architecture vénitienne, le lieu met d’emblée en exergue la marginalité d’Elphaba avec ses habits noirs et sa peau verte, alors que Glinda, en émule de la Reese Witherspoon de La Revanche d’une blonde, tout de rose vêtue, se fond parfaitement dans le décor. Bien sûr, ILM (et d’autres prestataires) se charge d’augmenter numériquement les panoramas de ce monde merveilleux mais les acteurs sont toujours ancrés dans leurs environnements. Au niveau musical, c’est le parolier et compositeur du show, Stephen Schwartz (déjà à l’œuvre sur Pocahontas et Le Bossu de Notre-Dame pour Disney, ou encore Le Prince d’Égypte chez Dreamworks) qui se charge de réorchestrer sa partition, en passant d’une quinzaine de musiciens au théâtre à un ensemble symphonique ici. Et grâce à sa distribution composée de chanteurs émérites, toutes les performances vocales ont pu être enregistrées en direct sur le plateau, ce qui permet de lier parfaitement les intonations au jeu d’acteur. Bien que le doublage des chansons soit un mal nécessaire pour ne pas s’aliéner le public français, il parait impensable de ne pas découvrir Wicked en version originale pour apprécier la précision et la subtilité des textes de Schwartz. Soutenue par des chorégraphies hypnotisantes, chaque numéro a des allures de grand final, en un crescendo menant au titre « Defying Gravity » emportant tout sur son passage en mêlant le drame intimiste à l’action, les dilemmes personnels devenant les principaux enjeux du suspens.

En vert et contre tous

Comme tout conte qui se respecte, Wicked décrit le combat du bien et du mal, sauf que la frontière entre les deux y est décrite comme floue et tortueuse. L’affiche du show représentait les silhouettes d’Elphaba et Glinda, respectivement noire et blanche, s’entremêler comme le symbole du Ying et du Yang, ce qui illustre parfaitement le propos du film, les personnages déjouant toujours nos premières impressions. Voire ainsi comment la chanson « Dancing through Life », dans laquelle plusieurs couples se déclarent leur flamme, entre en échos contradictoires avec la scène sur le quai de la gare, durant laquelle les sentiments et intentions réels mais réprimés nous sont signifiés. Quant à Elphaba, elle est tout à la fois portée aux nues par la directrice de l’université pour ses capacités, et rejetée par les autres étudiants pour son apparence physique et son attitude mal assurée en société. C’est cette souffrance et sa foi déçue dans les institutions qui vont la pousser à enfourcher son balai et employer ses pouvoirs pour imposer sa justice ; un chemin pavé de bonnes intentions qui la mènera à sa perte et qu’Anakin Skywalker avait déjà emprunté dans La Revanche des Sith : une similitude parmi d’autres avec les préquelles de Star Wars, mais aussi une thématique dans l’air du temps puisque depuis la fin des années 90, le public semble avoir succombé au pouvoir de séduction des figures du mal : les antagonistes d’antan sont devenus les héros, ceux auxquels on aime s’identifier, de Darth Vader à Hannibal Lecter, en passant par Dexter, Norman Bates ou… Elsa ! Oui, la Reine des neiges… car il apparait clairement que Disney a emprunté à Wicked son arc dramatique principal pour ce qui reste son plus grand succès populaire de ce siècle. Aveu silencieux de cette inspiration : c’est Idina Menzel, la Elphaba originale, qui prête sa voix à Elsa. Même la fameuse chanson « Let it go » (« Liberée, delivrée ») est un démarquage brillant mais évident de « Defying Gravity ». Ainsi, le parcours tragique d’Elsa suit celui d’Elphaba, et leur relation respective avec Anna et Glinda repose sur la même dynamique. Il y a fort à parier que Wicked parviendra à conquérir le cœur des fans de la Reine des neiges qui ont aujourd’hui grandi, ce qui parait déjà chose faite aux États-Unis où le film suscite un engouement populaire totalement inattendu. Reprenant au mot et à la mimique près le show de Broadway, on attribuera donc plus volontiers la réussite du film à Stephen Schwartz qu’à Jon M. Chu, tout en reconnaissant la maestria visuelle et l’application de ce dernier dans la mise en scène. Impossible aussi de ne pas mentionner le charisme des deux actrices principales : Ariana Grande, célèbre fan du show depuis son plus jeune âge, prend un plaisir non dissimulé à incarner la très superficielle Glenda. Quant à Cynthia Erivo, elle parvient à exprimer tout à la fois la force intérieure d’Elphaba, sa colère contenue et une sensibilité à fleur de peau, faisant d’elle une véritable bombe à retardement. Si l’actrice militante semble vouloir faire du personnage un porte-étendard de la communauté noire américaine, il serait dommage de le limiter la portée du message du film à cette unique dimension raciale, la couleur de peau verte représentant initialement toutes formes de discriminations. Des nominations aux Oscars pour les décors, costumes, chansons et musiques semblent déjà acquises et il n’est pas impossible que Grande et Erivo retiennent également l’attention de l’académie.

 

 © Jérôme Muslewski


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DEAR SANTA (2024)

En croyant envoyer une lettre au Père Noël, un garçon dyslexique écrit « Satan » à la place de « Santa »… Et Jack Black débarque !

DEAR SANTA

 

2024 – USA

 

Réalisé par Bobby Farrelly

 

Avec Jack Black, Robert Timothy Smith, Brianne Howey, Hayes MacArthur, Jaden Carson Baker, Kai Cech, Keegan-Michael Key, Post Malone, P.J. Byrne

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

C’est au tout début des années 2010 que les scénaristes Pete Jones et Kevin Barnett pitchent aux frères Farelly l’idée de Dear Santa : un enfant envoie une lettre au Père Noël mais se trompe dans l’orthographe, écrivant « Satan » au lieu de « Santa ». Les créateurs de Mary à tout prix et Dumb & Dumber sont immédiatement conquis. Il leur faudra pourtant plus de dix ans pour monter le film, trouver la juste tonalité et les interprètes idéaux. « Nous ne voulions pas faire de film d’horreur, nous voulions faire un vrai conte de Noël qui puisse s’adresser à toute la famille », explique Bobby Farrelly. « Voilà pourquoi nous avons choisi Jack Black dans le rôle principal. Il a un côté diabolique, et en même temps vous ne pouvez pas vous empêcher de l’aimer, parce qu’il est très drôle. » (1) La star du King Kong de Peter Jackson retrouve ainsi les Farrelly deux décennies après L’Amour extra large. Bizarrement, un autre film produit en même temps repose exactement sur le même principe et possède d’ailleurs un titre très similaire : Dear Satan, réalisé par le Philippin RC Delos Reyes et prévu pour une sortie en septembre 2024, mais jamais distribué à cause de sérieuses démêlées avec la censure (visiblement, on ne s’amuse pas à mélanger le diable et les fêtes de fin d’années dans cette partie de l’Asie). Il est donc difficile de savoir s’il y a plagiat ou s’il s’agit d’un étrange hasard.

Dear Santa tourne autour de la vie de Liam Turner (Robert Timothy Smith), un gamin de onze ans sympathique mais un peu à l’écart, qui souffre de dyslexie et surtout de la tension permanente qui règne entre ses parents. Un drame passé semble avoir frappé la petite famille, mais à ce stade nous n’en savons pas plus. Amoureux d’une fille qui lui semble inaccessible, ami avec un garçon aussi peu populaire que lui, Liam est un peu trop grand pour croire encore au Père Noël. Mais s’il y a ne serait-ce qu’une infime chance qu’il existe, pourquoi ne pas lui écrire et formuler un vœu ? Qu’y a-t-il à perdre ? Malgré la réaction embarrassée de son père (Hayes MacArthur), qui voudrait le voir grandir, et avec l’approbation de sa mère (Brianne Howey), qui a tendance à le surprotéger, Liam rédige donc une lettre à l’attention de ce bon vieux Santa Claus. Mais la dyslexie lui joue des tours : au lieu de « Cher Santa », il écrit « Cher Satan ». Aussitôt, la missive arrive à bon port, c’est-à-dire en Enfer. Le soir-même, Satan (Jack Black) débarque dans la chambre de Liam et lui propose d’exaucer trois de ses vœux en échange de son âme…

Un Noël d’enfer

Au-delà de la force de son concept, Dear Santa s’appuie sur la justesse de son casting. Jack Black dévore bien sûr l’écran dans le rôle de ce diable sympathique mais machiavélique. Les Farrelly le laissent en totale roue libre, permettant à son enthousiasme exubérant de se propager chez les spectateurs. Robert Timothy Smith lui donne la réplique avec beaucoup de conviction, dans le rôle d’un garçon complexé mais particulièrement vif qui désarçonne Satan par sa logique imparable et son empathie incompréhensible. Du côté des adultes, Brianne Howey et Hayes MacArthur nous livrent une prestation à fleur de peau en perpétuel équilibre entre le rire et l’émotion, offrant au film son supplément d’âme. On note aussi la présence toujours délectable de Keegan-Michael Key, qui campe ici un psychiatre hilarant. Pris séparément, tous ces ingrédients fonctionnent à merveille. Le mélange a pourtant du mal à prendre. Dear Santa nous donne sans cesse le sentiment de ne pas aller assez loin, comme si Bobby Farrelly se bridait, partagé entre l’envie de faire rire en gardant son impertinence naturelle et celle de ne pas trop heurter le grand public. Nous nous retrouvons de fait avec un film hybride qu’on aurait aimé plus percutant dans ses rebondissements et plus incisif dans ses traits d’humour. Un peu tiède, le résultat ne convainquit sans doute qu’à moitié les dirigeants de Paramount, qui le sortirent directement sur leur plateforme de streaming en toute discrétion.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur ComingSoon.net en novembre 2024.

 

© Gilles Penso


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STREET TRASH (2024)

Cette suite tardive du film culte de Jim Muro peine à convaincre malgré sa profusion de séquences gore et dégoulinantes…

STREET TRASH

 

2024 – USA

 

Réalisé par Ryan Kruger

 

Avec Sean Cameron Michael, Donna Cormack-Thomson, Joe Vaz, Lloyd Martinez Newkirk, Shuraigh Meyer, Gary Green, Warrick Grier, Andrew Roux, Ryan Kruger

 

THEMA MUTATIONS I FUTUR

Très amateur du cinéma fantastique des années 80, l’acteur/réalisateur Ryan Kruger avait créé une petite surprise avec son film déjanté Fried Barry qui, à travers son histoire invraisemblable de junkie enlevé par des extra-terrestres, ne cessait de rendre hommage à la pop culture des eighties (les films de Spielberg, Cameron, Dante, Carpenter, mais aussi les clips musicaux de l’époque). Lorsque se présente pour lui l’opportunité de revisiter Street Trash, il n’hésite pas longtemps. « Dans les années 80 et au début des années 90, Street Trash faisait partie de ces films que mes amis et moi regardions en vidéo à deux heures du matin – nous l’avions en VHS et nous le faisions circuler », raconte-t-il. « Cela faisait partie de notre enfance. » (1) Pour autant, Kruger ne veut pas se lancer dans un remake (contrairement à ce que pourrait faire croire la simple reprise du titre original) mais plutôt dans une suite centrée sur d’autres personnages et d’autres péripéties. « Il était très important pour moi, en tant que fan du film original, de ne pas le copier mais de proposer autre chose » (2), confirme-t-il. Installé en Afrique du Sud depuis 2008, il y situe logiquement son action. Et si un dialogue mentionne rapidement « l’incident survenu à New York en 1987 », l’intrigue suit sa propre voie, indépendamment de celle du film de Jim Muro.

Nous sommes à Cape Town, 25 ans dans le futur. Le chômage s’est mis à grimper à la vitesse grand V, la misère a gagné les rues et les pronostics de réélection du maire Mostert (Warrick Grier) ne sont pas très engageants. Pour régler le problème des sans-abris une bonne fois pour toutes, Mostert demande à un groupe de scientifiques de créer secrètement et de produire à la chaîne un gaz susceptible de liquéfier tous les clochards, seul moyen selon lui de nettoyer enfin les rues de la cité. Pour plus d’efficacité, ce gaz est installé dans des drones qui sillonnent les quartiers mal famés en pleine nuit. Dans ce contexte sinistre, le scénario s’intéresse à un petit groupe de « homeless » survivant comme ils peuvent dans cette jungle urbaine qui prend vaguement les allures de celle de New York 1997 : l’ancien vétéran Ronald (Sean Cameron Michael), le philosophe Chef (Joe Vaz), les frères Wors et Paps (Lloyd Martinez et Shuraigh Meyer), le taciturne 2-Bit (Gary Green) et la nouvelle venue Alex (Donna Cormack-Thomson). Cette « famille » hétéroclite ne va pas tarder à se retrouver au cœur d’un affrontement explosif avec les forces de l’ordre…

Liquéfactions

La volonté de s’écarter du film original en installant celui-ci dans un cadre futuriste et dystopique est compréhensible, mais Ryan Kruger n’a ni les moyens de ses ambitions (l’étroitesse du budget est très souvent palpable, notamment dans les séquences de mouvement de foule), ni de véritables enjeux dramatiques à défendre. Ses personnages sont en effet des archétypes volontiers caricaturaux auxquels il est bien difficile de s’intéresser, et dont l’interprétation varie entre le charisme solide (Sean Cameron Michael) et le cabotinage embarrassant (Warrick Grier). Kruger continue de multiplier ses clins d’œil au cinéma qu’il aime (2-Bit est habillé comme Roger Rabbit, Alex joue les émules de Ripley dans Aliens, Chef a le même look que Stanley Kubrick) et développe quelques idées surprenantes (l’ami imaginaire qui apparaît sous forme d’un petit monstre bleu hargneux et lubrique). Mais une grande partie de ses effets comiques tombe à plat (notamment ce gag récurrent au cours duquel les personnages se tournent vers la caméra en s’adressant à un certain Offley dont on ne voit que les mains). Le bilan reste donc très mitigé. Fort heureusement, ce Street Trash a la bonne idée de ne jamais se réfréner sur les effets gore excessifs. En digne successeur de son modèle, il éclabousse donc régulièrement l’écran d’explosions de pustules multicolores, de liquéfactions visqueuses et de décompositions gluantes, en s’appuyant sur des effets spéciaux 100% physiques particulièrement efficaces. C’est hélas la seule chose véritablement réjouissante qu’il faudra se mettre sous la dent.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur Gizmodo en novembre 2024

 

© Gilles Penso


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