ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE (1983)

Un petit groupe de combattants décide de s’opposer au redoutable « démon de sang » qui menace de faire basculer le monde dans le chaos…

SUK SAAN : SAN SUK SAAN GIM HAP

 

1983 – Hong-Kong

 

Réalisé par Tsui Hark

 

Avec Sammo Hung, Yuen Biao, Brigitte Lin, Adam Cheng, Moon Lee, Judy Ongg, Corey Yuen, Damian Lau, Mang Hoi, Norman Chui, Chung Fat, Dick Wei

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Pour son cinquième film en tant que réalisateur (après Butterfly Murders, Histoire de cannibales, L’Enfer des armes et All the Wrong Clues for the Right Solution), Tsui Hark concocte l’idée d’une lutte primitive entre le Bien et le Mal, une sorte de conte de fées qui se situerait dans un univers surréaliste, avec à la clé toute une série de situations extrêmes dignes d’une bande dessinée. Sa source d’inspiration officielle est le roman Legend of the Swordsmen of the Mountains of Shu (« La légende des épéistes des montagnes de Shu ») de Li Shoumin. « Pour moi, Zu doit se vivre comme une fête » dit-il en expliquant ses intentions initiales. « Imaginez que vous passiez une soirée ennuyeuse avec des invités qui vous barbent. Eh bien allez voir Zu, et vous passerez une soirée festive. » (1) Pour sortir des sentiers battus et surprendre les spectateurs, Hark décide de cultiver un humour quasi-permanent et de solliciter de nombreux effets spéciaux qui, pour la plupart, sortent du champ de compétence habituelle des productions de Hong-Kong. D’où la sollicitation de quelques ténors hollywoodiens tels que Peter Kuran et Robert Blalack, transfuges tous deux de La Guerre des étoiles. Pendant le tournage et la post-production, le cinéaste aura toutes les peines du monde à faire comprendre à son équipe les idées folles qu’il a en tête. Car Zu, les guerriers de la montagne magique ne ressemble à aucun autre film de cape et d’épée.

Au cinquième siècle, pendant la période des Seize Royaumes, d’interminables guerres civiles déchirent la Chine. Alors qu’il déserte sa troupe juste avant un assaut contre une armée ennemie, l’éclaireur Dik Ming-kei se réfugie dans une caverne sinistre, nichée à l’intérieur de la montagne Zu, où il est assailli par des vampires. Sauvé de justesse par le maître Ding Yan, il décide de devenir son élève. Lorsque tous deux tombent dans une embuscade tendue par le « démon de sang », le chasseur de démons Siu Yu et son élève Yat Jan leur viennent en aide. Mais le quatuor a toutes les peines du monde à faire le poids. « Le kung fu du démon vaut dix fois celui du juste », leur affirme le monstre avec aplomb.  Si nos guerriers parviennent à repousser la créature en enfermant provisoirement son âme dans un cocon, ils doivent désormais trouver les épées doubles pour la détruire définitivement. L’aide de la Maîtresse du « Fort Céleste » va s’avérer précieuse pour y parvenir…

Georges Méliès sous acide

Zu, les guerriers de la montagne magique prend d’abord les allures d’une comédie en costumes, pas très éloignée de l’humour absurde des Monty Pythons, comme en témoignent ces deux chefs qui n’arrivent pas à se mettre d’accord et accusent leur éclaireur de désobéir, ou ces deux duellistes qui se battent parce qu’ils n’ont pas une tenue de la même couleur. Dans le même esprit, le film s’amuse avec les archétypes du genre. « Es-tu un gentil ou un méchant ? » demande l’un des héros à un vieil inconnu. « Je suis un gentil, puisque je suis habillé en blanc ! », répond ce dernier. Lorsque Tsui Hark fait basculer son récit dans le fantastique, il n’y va pas avec le dos de la cuiller : des vampires monstrueux aux yeux lumineux qui volent comme des chauve-souris, des lianes vivantes qui s’accrochent à leurs victimes, des corbeaux maléfiques en dessin animé, des jets d’énergie dignes de Dragonball, des sourcils hypertrophiés et adhésifs, des corps qui se transforment en glace ou qui gonflent de toutes parts, des statues qui bougent et s’envolent pour servir de montures… Toutes les folies sont autorisées. Les manifestations magiques et les phénomènes surnaturels qui saturent l’écran avec une générosité boulimique, sur un rythme survolté qui ne se relâche jamais, sollicitent tous les trucages possibles et imaginables, des câbles à la rotoscopie en passant par la pyrotechnie, les maquettes, les prothèses et les incrustations. C’est presque du Georges Méliès sous acide ! Sans compter ces superbes chorégraphies qui ne cessent de défier les lois de la pesanteur et dotent les combats d’un caractère expérimental presque abstrait. Zu, les guerriers de la montagne magique fera école, poussant Tsui Hark à produire quelques années plus tard la trilogie Histoires de fantômes chinois.

 

(1) Extrait d’une interview présente dans les bonus de l’édition HK Video, en 2001.

 

© Gilles Penso

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LIFE OF CHUCK (2024)

Tom Hiddleston incarne un homme banal dont le destin prend des proportions cosmiques dans cette bouleversante adaptation de Stephen King…

THE LIFE OF CHUCK

 

2024 – USA

 

Réalisé par Mike Flanagan

 

Avec Tom Hiddleston, Jacob Tremblay, Benjamin Pajak, Cody Flanagan, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, Mia Sara, Carl Lumbly, Mark Hamill, David Dastmalchian

 

THEMA CATASTROPHES I MORT I SAGA STEPHEN KING

Mike Flanagan et Stephen King, c’est une affaire qui roule. Après avoir réalisé les très honorables Jessie et Doctor Sleep, qui présentaient déjà chacun de sérieux challenges (un huis-clos minimaliste d’un côté, la suite d’un classique réputé intouchable de l’autre), Flanagan se lance un défi supplémentaire en s’attaquant à l’adaptation de La Vie de Chuck, une nouvelle tirée du recueil Si ça saigne paru en 2020. Structuré en trois actes remontant à rebours la vie d’un homme ordinaire, ce court récit appelle une approche intimiste et émotionnelle, le fantastique s’y installant de manière discrète pour offrir une réflexion méditative sur le temps et la mémoire. Flanagan en écrit le scénario en 2022, sans commande préalable, mû par l’envie de concrétiser une œuvre qu’il souhaite avant tout personnelle. Cette période correspond à la fin de sa collaboration avec la plateforme Netflix, pour laquelle il a réalisé plusieurs séries événementielles comme The Haunting of Hill House, Sermons de minuit ou La Chute de la maison Usher. Le script de Life of Chuck, bouclé entretemps, reste indépendant d’un quelconque studio, et le film n’entrera en production que début 2023 sous la bannière de Intrepid Pictures, la société de Flanagan.

« Chaque vie est un univers ». Cette phrase d’accroche, présente sur les affiches de Life of Chuck, résume à elle seule tout le principe du film. Et nul besoin d’en savoir plus, afin de préserver la surprise qu’offrent cette œuvre singulière, sa trame, ses personnages et ses choix narratifs. C’est une histoire simple, banale, comme il en existe sans doute des millions d’autres. Mais la manière dont Stephen King et Mike Flanagan la racontent fait toute la différence, au point d’en faire soudain le récit le plus important de tout l’univers. Tout commence comme un film catastrophe, au cours duquel le monde se désagrège progressivement, inexorablement, sans espoir. Pourtant, c’est un faux départ. Ou plutôt non. Tout ce qui se passe dans ce premier chapitre est réel, mais pas comme on l’imaginerait. En dire plus, ce serait risquer d’en dire trop. Life of Chuck est un choc émotionnel puissant et intense parce qu’il parvient justement à conjuguer le routinier et l’extraordinaire, le quotidien et le fantastique, l’infiniment grand et l’infiniment petit.

« Chaque vie est un univers »

Si Tom Hiddleston nous touche plus que de raison dans le rôle de Chuck, les jeunes acteurs qui l’incarnent à l’âge de l’enfance et de l’adolescence (Jacob Tremblay, Benjamin Pajak et Cody Flanagan) le font tout autant, chacun combinant son jeu et sa prestation à celles des autres pour nous offrir le portrait composite de cet homme au parcours bouleversant. Cette tranche de vie banale prenant une dimension cosmique, l’entourage de Chuck est campé par une brochette d’acteurs que Flanagan choisit à la fois pour l’intensité de leur jeu mais aussi pour l’empreinte qu’ils ont laissée dans l’inconscient collectif. Les grands parents (Mark Hamill et Mia Sara), l’enseignant (Chiwetel Ejiofor), l’infirmière (Karen Gillan), l’entrepreneur de pompes funèbres (Carl Lumbly), la voisine (Heather Langenkamp) nous semblent ainsi étrangement familiers, comme déjà inscrits dans nos propres souvenirs. Les caprices du destin, les choix qui jalonnent l’existence, les joies et les regrets se cristallisent dans une séquence d’une grâce folle – qui fera date, n’en doutons pas – au cours de laquelle le spectateur s’abandonne sans résistance, oubliant tout esprit d’analyse pour laisser l’euphorie le gagner. Ces petits miracles ne sont pas si fréquents sur un écran de cinéma. Loin des clowns monstrueux et des hôtels hantés, Life of Chuck explore ainsi une facette moins connue et beaucoup plus introspective de l’univers de Stephen King, celle où le surnaturel est une affaire de perception. Nous voilà sur un terrain qui évoque plus volontiers Cœurs perdus en Atlantide que les classiques horrifiques tirés de la prose du romancier. En se frottant à cette histoire construite comme un emboîtement de poupées russes, Mike Flanagan signe sans conteste son film le plus abouti et le plus saisissant.

 

© Gilles Penso

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ZOMBIES VS. STRIPPERS (2012)

Une horde de morts-vivants avides de cerveaux humains envahit un club de strip-tease sur le point de fermer ses portes…

ZOMBIES VS. STRIPPERS (2012)

 

2012 – USA

 

Réalisé par Alex Nicolaou

 

Avec Circus-Szalewski, Eve Mauro, Victoria Levine, Adriana Sephora, Nihilist Gelo, Don Baldamaros, Tanner Horn, Brittany Gael Vaughn, Adam Brooks, Patrick Lazzara

 

THEMA ZOMBIES I SAGA CHARLES BAND

Les zombies étant revenus sur le devant de la scène grâce à 28 jours plus tard, L’Armée des morts et la série The Walking Dead, les petits malins de chez Full Moon s’empressent de se mettre au goût du jour. L’idée de mêler le motif du mort-vivant avec des strip-teaseuses est à mettre au crédit du producteur Eric Litynski, flairant aussitôt la bonne affaire. Ainsi naît Zombies vs. Strippers, un film qui se contente finalement de reprendre le concept – et quasiment le titre – de Zombie Strippers, réalisé en 2008 par Jay Lee. Charge au scénariste Kent Roudebush de bricoler un récit simpliste, susceptible d’être mis en boîte en quelques jours de tournage (une semaine à peine) avec un budget anémique (d’environ 60 000 dollars). Très actif derrière la caméra à cette époque, Charles Band, le patron de Full Moon, passe son tour sur ce projet-là. « En écrivant le scénario, je sentais que ce ne serait pas Charlie qui allait le réaliser », raconte Roudebush. « C’était en réalité un film taillé sur mesure pour Ted Nicolaou. Mais il n’avait pas le temps et a donc confié le projet à son fils Alex, en restant tout de même derrière lui pour l’aider à mener les choses à terme. » (1) Alex Nicolaou fait ainsi ses premiers pas en tant que réalisateur et retravaille le scénario avec Nick Francomano.

Le club de strip-tease « Tough Titty » ne marche pas fort. Les clients ne se bousculent pas, l’argent commence à manquer sérieusement et les dettes s’accumulent. Spider (Circus-Szalewski), le patron, prend donc la lourde décision de vendre l’endroit pour qu’il soit démoli et transformé en parking. Selon lui, il est temps de tourner la page, d’autant que la soirée est en train de prendre une tournure très bizarre. Non seulement les deux derniers clients semblent parfaitement insensibles aux charmes de la danseuse qui se dénude devant eux en tenue d’écolière, mais en plus ils gémissent bizarrement, le regard blafard, et commencent à s’entredévorer ! Spider les fait donc expulser manu militari sans se douter du danger qui couve. Or les informations télévisées annoncent une série d’émeutes et de scènes de panique partout dans la ville. Bientôt, des zombies affamés font irruption dans le club et un petit groupe de survivants se serre les coudes pour tenter d’endiguer l’invasion…

Comique strip

Malgré son allure de film semi-amateur trahissant un cruel manque de moyens – décor unique, prise de son approximative, limites techniques évidentes – Zombies vs. Strippers parvient à tirer son épingle du jeu grâce à une troupe de comédiens certes peu subtils, mais manifestement portés par un enthousiasme communicatif. Autour de Circus-Szalewski – aperçu brièvement dans Evil Bong 3, Killer Eye: Halloween Haunt ou The Dead Want Women – gravite une galerie de personnages hauts en couleur : Eve Mauro campe une strip-teaseuse désabusée au caractère bien trempé, Brittany Gael Vaughn évoque une version moderne de Pam Grier avec la coupe afro de mise, Tanner Horn joue un DJ junkie digne de figurer dans la saga Evil Bong et Brad Pott un motard mystique frappé par la foi. Mais les véritables vedettes du film, ce sont bien sûr les zombies, qui grognent « cerveau ! » comme ceux du Retour des morts-vivants, et cachent même parmi leurs rangs un émule du Michael Jackson de Thriller. Les effets gore, confiés à Christopher Bergschneider, sont sommaires mais percutants, à l’image de ce visage arraché laissant apparaître un faciès sanguinolent aux yeux exorbités. Dommage que le maquilleur, faute de temps et de coordination sur le plateau, n’ait pas pu aller au bout de ses ambitions. Plusieurs idées tout aussi barrées sont restées dans les tiroirs. Quoiqu’il en soit, Zombies vs. Strippers marchera très bien sur le marché vidéo. Ce sera même l’un des plus gros succès de Charles Band depuis longtemps.

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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STRYKER (1983)

Une modeste imitation de Mad Max 2, produite par Roger Corman et réalisée par un grand spécialiste du cinéma d’exploitation philippin…

STRYKER

 

1983 – PHILIPPINES / USA

 

Réalisé par Cirio H. Santiago

 

Avec Steve Sandor, Andria Savio, William Ostrander, Michael Lane, Julie Gray, Monique St Pierre, Jon Harris, Ken Metcalfe, Joseph Zucchero, Michael De Mesa

 

THEMA FUTUR

En 1983, à l’apogée de la mode post-apocalyptique déclenchée par Mad Max 2, Roger Corman et sa société New World Pictures lancent la production de Stryker. Fidèle à son modèle économique fondé sur les petits budgets et les rendements rapides, Corman choisit de confier la réalisation du film à l’un de ses plus fidèles partenaires à l’étranger : Cirio H. Santiago, figure emblématique du cinéma d’exploitation philippin. Né en 1936, Santiago s’est imposé dans les années 1970 et 1980 comme l’un des piliers d’une industrie locale florissante, capable de produire à la chaîne des films destinés au marché international (ses « titres de gloire » ont des appellations colorées comme TNT Jackson, Attaque à mains nues ou Mission finale). Réputé pour son efficacité, il devient un collaborateur régulier de Corman, qui voit dans les Philippines un terrain de tournage idéal : des coûts réduits, des décors naturels facilement exploitables, et une main-d’œuvre technique bien rodée. Stryker s’inscrit donc dans cette logique de coproduction hybride. La distribution est constituée d’acteurs américains de seconde zone, mais la réalisation, l’équipe technique et les sites de tournage sont entièrement locaux.

« La guerre a commencé par erreur », nous dit une voix off en guise d’introduction. « L’erreur de qui ? Personne ne le sait, et ça importe peu. Ce qui importe désormais, c’est la survie. » Dans le monde ravagé par un holocauste nucléaire que nous décrit Stryker, la civilisation s’est effondrée, laissant place à un vaste désert aride où l’eau est devenue la denrée la plus précieuse. Les rares survivants se sont regroupés en colonies et mènent une guerre sans merci pour le contrôle des dernières sources. C’est dans ce contexte chaotique que surgit Stryker (Steve Sandor), un ancien soldat devenu vagabond, parcourant les routes brûlantes du désert aux côtés d’un compagnon d’infortune surnommé Bandit (William Ostrander). Lorsque Stryker croise le chemin de Delha (Andria Savio), une jeune femme traquée par les sbires du seigneur de guerre Kardis (Mike Lane), il décide de lui porter secours. Delha détient un secret lourd de conséquences : elle connaît l’emplacement d’une source d’eau intacte, jalousement gardée par un groupe d’Amazones. Tandis que Kardis et ses guerriers se lancent à leurs trousses, Stryker conduit Delha jusqu’à une communauté paisible dirigée par son frère Trun (Ken Metcalfe)…

Bad Max

Stryker ne cherche jamais à cacher son statut d’imitation bon marché de Mad Max 2. Dans le rôle du héros solitaire flanqué d’un chapeau de cow-boy, Steve Sandor campe un peu expressif substitut de Mel Gibson, au volant d’une voiture imitant l’Interceptor. Riche en fusillades, en bagarres et en poursuites, le film exhibe toute une série de véhicules recustomisés (Jeeps, camions-citernes, tricycles à moteur, chars d’assaut) mais n’offre rien que nous n’ayons déjà vu ailleurs. Pour sacrifier aux codes du cinéma d’exploitation qu’il connaît bien, Santiago se laisse tenter par quelques accès de violence décomplexés et par un soupçon de nudité féminine. Il tente aussi d’enrichir l’intrigue et de donner un semblant d’épaisseur aux personnages par le biais d’un flash-back en noir et blanc racontant furtivement le passif qui oppose le héros et le grand méchant. Peine perdue : Stryker est un film terriblement ennuyeux, tourné dans des décors d’une grande pauvreté esthétique, qui ne nous égaie que via une série de trouvailles amusantes (une tribu d’Amazones armées d’arcs et d’arbalètes, une peuplade de nains au langage incompréhensible et cette idée astucieuse qui consiste à préférer à la pénurie d’essence habituelle celle de l’eau). Le film connaîtra tout de même un petit succès et poussera Santiago à enchaîner plusieurs autres séries B post-apocalyptiques du même acabit.

 

© Gilles Penso

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DANGEROUS ANIMALS (2025)

Le réalisateur de The Loved Ones construit un diabolique cauchemar maritime où la voracité des requins se combine à la folie d’un psychopathe…

DANGEROUS ANIMALS

 

2025 – AUSTRALIE / USA / CANADA

 

Réalisé par Sean Byrne

 

Avec Hassie Harrison, Jai Courtney, Josh Heuston, Ella Newton, Liam Greinke, Rob Carlton, Ali Basoka, Michael Goldman, Carla Haynes, Dylan Eastland, Jon Quested

 

THEMA TUEURS I MONSTRES MARINS

Les amateurs du cinéaste australien Sean Byrne ont intérêt à s’armer de patience. Dix ans séparent Dangerous Animals de son prédécesseur The Devil’s Candy, lui-même sorti six ans après The Loved Ones. Cette attente parfois vertigineuse, s’explique par une double contrainte : l’exigence artistique du réalisateur et des difficultés de financement récurrentes. Mais lorsqu’il découvre un jour le scénario de Dangerous Animals sur son bureau, Byrne décide de foncer. « Il est écrit par Nick Lepard, une nouvelle voix, un nouveau scénariste », confie-t-il. « Dès que je l’ai lu, j’ai trouvé qu’il proposait une excellente fusion entre le film de tueur en série et le film de requins. C’est le premier script sur le sujet que je lisais qui ne diabolisait pas les squales. En réalité, ce ne sont pas des tueurs aveugles. Leur apparition obéit à une logique. L’homme, au fond, est souvent le véritable monstre. » (1) Car là repose toute l’originalité de Dangerous Animals. À l’instar du reptile anthropophage du Crocodile de la mort, le requin y est détourné de sa nature première pour devenir l’instrument des pulsions d’un psychopathe bien décidé à réinventer à sa façon la chaîne alimentaire.

Jai Courtney, que nous avions découvert en Captain Boomerang dans Suicide Squad, en Kyle Reese dans Terminator Genisys ou en Eric dans Divergente, prête sa silhouette robuste à Tucker, un capitaine fantasque qui propose aux touristes de faire un plongeon dans une cage pour pouvoir contempler les requins. Lui-même a survécu à une attaque de squales lorsqu’il était enfant, accident qui l’a marqué (psychologiquement mais aussi physiquement, comme en témoigne une énorme cicatrice à faire pâlir le Quint des Dents de la mer) et a changé sa vision de l’espèce. Les deux premiers touristes que nous découvrons à son bord nous permettent de comprendre très tôt qu’ils sont tombés dans la gueule du loup. Tucker poignarde en effet l’un d’entre eux, qu’il jette à la mer, et enferme l’autre dans sa cale. Avec un tel capitaine, la croisière ne s’amuse donc guère ! La surfeuse solitaire et marginale Zephyr (Hassie Harrison, la cowgirl Laramie de Yellowstone) s’apprête à en faire les frais…

Le prédateur

L’attente valait vraiment la peine. Car avec Dangerous Animals, Sean Byrne nous offre un cauchemar maritime comme on n’en avait pas connu depuis très longtemps. Redoutablement efficace, le suspense monte crescendo pour ne jamais laisser la moindre minute de répit aux spectateurs, en prenant bien soin de saborder un à un tous les espoirs et toutes les échappatoires possibles sur lesquels pouvait miser notre protagoniste. Les deux acteurs principaux prennent leurs rôles à bras le corps avec une implication physique impressionnante, sans laquelle Dangerous Animals n’aurait pas du tout le même impact. Il faut saluer là le génie du casting orchestré par Byrne. Courtney dévore littéralement l’écran, partagé entre la bonhomie débonnaire et la folie meurtrière pulsionnelle. Face à lui, Hassie Harrison campe avec beaucoup de conviction une proie bien déterminée à ne pas se laisser faire, une forte tête qui n’a – presque – rien à perdre. Si le film peut évoquer des œuvres telles que Calme blanc, Instinct de survie ou Wolf Creek, il ne ressemble à rien de connu et crée presque son propre genre, quelque part à mi-chemin entre le slasher et le film de monstres. L’ambiguïté avec laquelle sont filmés les requins, tour à tour impitoyables machines à dévorer ou splendides créatures marines, n’est pas la moindre singularité de Dangerous Animals, dont le titre, lui, se veut d’emblée très explicite : le plus dangereux des animaux n’est évidemment pas celui qu’on croit.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Filmmaker Magazine en juillet 2025.

 

© Gilles Penso

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ARTHUR 3 : LA GUERRE DES DEUX MONDES (2010)

Dans ce troisième opus, le redoutable Maltazard a atteint une taille humaine et décide désormais d’envahir notre monde…

ARTHUR 3 : LA GUERRE DES DEUX MONDES

 

2010 – FRANCE

 

Réalisé par Luc Besson

 

Avec Freddie Highmore, Mia Farrow, Robert Stanton, Penny Balfour, Ron Crawford et les voix de Selena Gomez, Iggy Pop, Lou Reed, Jimmy Fallon, David Gasman

 

THEMA CONTES I PETITS MONSTRES I SAGA ARTHUR ET LES MINIMOYS

Arthur 3 : La Guerre des deux mondes a la lourde tâche de clore une trilogie débutée avec promesse, mais rapidement minée par une suite extrêmement poussive. Avec un budget estimé entre 65 et 69 millions d’euros, ce troisième opus se positionne à l’époque comme le film français le plus coûteux jamais produit. Luc Besson est alors en pleine boulimie, enchaînant les réalisations tous azimuts (Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec sortira la même année) et tente de clore sa petite saga en misant sur l’action, les effets spéciaux et un rythme plus soutenu. Si le pari est globalement tenu sur la forme, sur le fond, en revanche, c’est une toute autre histoire. Le récit d’Arthur 3 reprend exactement là où s’achevait le deuxième opus (qui ne racontait à peu près rien et misait tout sur son cliffhanger final très frustrant). Maltazard, devenu géant, projette donc d’envahir le monde des humains, tandis qu’Arthur, toujours réduit à la taille d’un Minimoy, cherche désespérément un moyen d’inverser la situation. Aidé de ses fidèles compagnons Sélénia, Bétamèche et l’improbable Darkos – fils repenti du grand méchant -, le jeune héros va devoir affronter l’ultime menace dans un monde désormais hybride, mi-fantastique mi-réel.

Les effets visuels de BUF Compagnie restent de haute tenue, notamment lorsque la 3D se confronte au monde réel dans la ville miniature de Daisy Town, envahie par une armée d’insectes géants évoquant Les Oiseaux d’Hitchcock. La séquence de course-poursuite à bord d’un train miniature et celle de la ruche géante ne déméritent pas, d’autant que le film mêle animation et prises de vue réelle avec plus de fluidité et que dans le calamiteux deuxième volet. Même la musique d’Éric Serra, compagne fidèle de Besson, parvient à insuffler du rythme et un caractère ludique au film, le compositeur n’étant certes pas un virtuose de l’orchestre symphonique mais l’exploitant manifestement du mieux qu’il peut. Formellement, nous assistons donc à un indiscutable saut qualitatif. Mais ce n’est bien sûr pas suffisant. Car le scénario reste prévisible et souvent paresseux. Etant donné que les motivations de Maltazard manquent singulièrement de cohérence, la menace qu’il représente nous paraît bien artificielle. D’autant que tout s’enchaîne trop vite, sans laisser aux spectateurs la possibilité de ressentir le moindre enjeu dramatique. 

Baroud d’honneur

Le casting en prise de vues réelles reste très inégal. Freddie Highmore (dont le talent n’est par ailleurs plus à démontrer) nous semble ici en totale roue libre, peu aidé par les personnages secondaires qui n’existent manifestement que pour faire avancer mécaniquement l’intrigue. Côté doublage, si les voix célèbres apportent au métrage un indiscutable prestige (Selena Gomez, Iggy Pop, Lou Reed, Jimmy Fallon en anglais, Mylène Farmer, Marc Lavoine, Gérard Darmon, Cartman en français), elles n’insufflent pas la profondeur nécessaire à des personnages déjà sous-écrits. Arthur 3 n’a donc rien de très convainquant, même s’il cherche parfois à retrouver le mélange d’humour, de tendresse et d’aventure épique qui faisait le charme initial de l’univers des Minimoys. Certaines scènes provoquent quelques sourires, mais ce souffle reste sporadique, souvent noyé dans un tourbillon d’effets spectaculaires et de péripéties convenues. Besson et sa coscénariste Céline Garcia n’ayant visiblement plus rien à raconter, ils tentent de noyer le poisson dans un trop-plein de prouesses visuelles, mais la mayonnaise ne prend pas vraiment. Arthur 3 est donc le baroud d’honneur d’une saga qui, malgré son ambition et ses moyens, n’aura jamais vraiment réussi à s’élever ne serait-ce qu’à la cheville des productions Pixar et DreamWorks avec lesquelles elle entendait fièrement rivaliser.

 

© Gilles Penso

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DRAGONS (2025)

Le co-réalisateur du splendide film d’animation Dragons le réinvente en prises de vues réelles pour lui donner un second souffle…

HOW TO TRAIN YOUR DRAGON

 

2025 – USA

 

Réalisé par Dean DeBlois

 

Avec Mason Thames, Nico Parker, Gerard Butler, Nick Frost, Gabriel Howell, Julian Dennison, Bronwyn James, Herry Trevaldwyn, Murray McArthur, Peter Serafinowicz

 

THEMA DRAGONS I HEROIC FANTASY I SAGA DRAGONS

Pour le réalisateur Dean DeBlois, l’année 2025 prend une tournure étrange. Coup sur coup, deux des films d’animation qu’il a co-écrits et co-réalisés, Lilo & Stitch et Dragons, ressuscitent sur les écrans sous forme de longs-métrages « live » mêlant les images de synthèse et les prises de vues réelles. S’il laisse à Dean Fleischer Camp le soin de réinterpréter Lilo & Stitch, DeBlois se charge lui-même du remake de Dragons. « Universal m’a précisé que l’histoire devait être la même, mais en l’embellissant au maximum », raconte-t-il. « Ils voulaient explorer sa mythologie, approfondir les personnages, la rendre plus mature, tout en adoptant une approche plus viscérale et plus immersive. J’ai répondu que si ce film devait se faire, c’était à moi de m’en charger, parce que je savais où se trouvait le cœur du récit. Je voulais préserver l’intégrité du film original et satisfaire les fans » (1) DeBlois fixe tout de même ses conditions : s’il doit réinventer l’un de ses plus gros succès, il souhaite une liberté créative totale. Pour reproduire en prises de vues réelles les somptueux panoramas de Dragons, l’équipe de tournage part s’installer à Belfast pendant plusieurs mois. Richard Deakins, consultant visuel du film original, déclinant l’invitation de réitérer son travail sur ce remake, c’est le directeur de la photographie Bill Pope (Matrix, Alita : Battle Angel) qui en signe finalement les images.

Il ne faut pas longtemps pour constater que Dragons est une éclatante réussite formelle. Le film s’impose sans effort sur le podium des meilleures adaptations live de films d’animation, toutes époques confondues, reléguant loin derrière lui Le Livre de la jungle, La Belle et la Bête ou Mulan, pourtant parmi les tentatives les plus abouties de Disney dans le genre. Les extérieurs naturels sont splendides, les redesigns réalistes des différents dragons impressionnants, et le casting humain convainc largement. Mention spéciale à Gerard Butler, qui reprend avec le même mordant et la même autorité le rôle du chef viking qu’il incarnait déjà vocalement quinze ans plus tôt. Mais le véritable défi en ce domaine était de trouver un acteur capable d’incarner Harold/Hiccup sans trahir l’essence du personnage. Or le choix de Mason Thames s’avère une excellente trouvaille. Le jeune comédien restitue avec justesse la fraîcheur, la maladresse et la candeur de son alter ego animé.

Remake ou clone ?

Derrière cette réussite se glisse pourtant un certain malaise. En reprenant presque plan par plan le découpage du film de 2010, et en reproduisant fidèlement chacun de ses dialogues, Dragons version 2025 ne se présente pas comme un simple remake, mais comme un quasi-clone. Et si, au-delà de l’évidente motivation commerciale – faire fructifier une franchise par tous les moyens – , Universal envisage cette nouvelle version comme une « amélioration » de l’original, cela suggère une idée perturbante selon laquelle l’animation ne serait qu’un brouillon, une étape préliminaire à une version en prises de vues réelles considérée comme plus aboutie. Une telle démarche reviendrait à nier la légitimité de l’animation en tant que langage artistique autonome, avec ses codes, sa poésie, sa puissance visuelle propre – un art qui n’a jamais eu besoin du « live » pour exister ou s’accomplir. Paradoxalement, la question ne se poserait pas avec autant d’acuité si le film était raté. Mais en l’état, Dragons nous donne presque l’impression d’avoir trouvé sa forme définitive, ce qui a pour effet fâcheux de dévaloriser son prédécesseur – voire de le muer en une sorte de vulgaire animatique. En attendant de pouvoir trancher ce débat épineux, la meilleure attitude reste probablement de profiter des deux films et de les apprécier conjointement comme deux facettes d’un même joyau.

 

(1) Extrait d’une interview parue dans Business Insider en juin 2025

 

© Gilles Penso

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LES QUATRE FANTASTIQUES : PREMIERS PAS (2025)

Le quatuor le plus célèbre de l’histoire des comic books ressurgit sur les écrans dans une aventure rétro-futuriste délicieusement « pulp »…

FANTASTIC FOUR : FIRST STEPS

 

2025 – USA

 

Réalisé par Matt Shakman

 

Avec Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn, Ebon Moss-Bachrach, Ralph Ineson, Julia Garner, Natasha Lyonne, Paul Walter Hauser, Sarah Niles

 

THEMA SUPER-HÉROS I SAGA MARVEL COMICS I MARVEL CINEMATIC UNIVERSE

Les super-héros nés en 1961 sous la plume de Stan Lee et les crayons de Jack Kirby semblaient frappés d’une malédiction : celle de ne jamais réussir leur passage au grand écran. Il y eut d’abord un premier film fauché que produisit Roger Corman en 1994 et qui ne sortit jamais nulle part, puis les deux blockbusters patauds réalisés par Tim Story en 2005 et 2007, suivis d’un long-métrage sans queue ni tête entamé par Josh Trank puis sabordé par la Fox en 2015. La messe était donc dite : Les Quatre Fantastiques étaient les éternels recalés du cinéma, des super-héros excitants sur papier mais irrémédiablement hors-jeu face à une caméra. En guise de lot de consolation, les fans se tournèrent vers Les Indestructibles et sa suite, deux hommages non officiels mais jubilatoires, qui possédaient toutes les qualités cruellement absentes des adaptations officielles. Les choses prennent une tournure nouvelle lorsque Disney rachète la Fox en mars 2019, et donc les droits du légendaire quatuor. La tentation de les intégrer dans le Marvel Cinematic Universe est forte. Mais comment faire cohabiter de manière logique ces quatre pionniers aux immenses pouvoirs avec les aventures des Avengers et de leurs successeurs ? Comment expliquer l’absence des Quatre Fantastiques pendant la lutte contre Thanos ? Et surtout, comment trouver la juste tonalité, celle que ni Roger Corman, ni Tim Story, ni Josh Trank ne parvinrent à saisir ?

Pour répondre à toutes ces questions, l’armada d’auteurs à l’œuvre sur le scénario s’appuie sur deux concepts complémentaires : les mondes parallèles et le rétrofuturisme. Les Quatre Fantastiques : premiers pas se déroule donc dans des années 60 alternatives, une solution idéale pour respecter à la fois la chronologie du reste du MCU et l’esthétique des dessins de Jack Kirby. Le nom de ce monde : Terre 828 (en hommage à Kirby, né en août 1928 – 8/28). Stan Lee aussi a droit à son clin d’œil à travers le nom du vaisseau spatial de nos super-justiciers : Excelsior (la célèbre signature du joyeux moustachu). Dès l’entame du film, le rythme s’emballe sur un tempo qui n’est pas sans évoquer le prologue « patchwork » de Spider-Man New Generation. En quelques minutes nous sont résumés non seulement les origines des super-pouvoirs de Reed, Sue, Ben et Johnny, mais aussi leurs exploits les plus célèbres (directement inspirés de leurs premières aventures dessinées), leurs relations familiales et amicales et leur popularité déclinée à toutes les sauces (notamment dans un cartoon où la Chose ne cesse de crier « ça va chauffer ! »). Bref, c’est un véritable condensé de tout ce que nous voulions voir depuis des décennies, et que le réalisateur Matt Shakman – qui œuvrait jusqu’alors quasi-exclusivement pour la télévision – nous offre sur un plateau d’argent.

Enfin !

Deux enjeux cruciaux et complémentaires se dessinent alors et s’apprêtent à dicter les grandes lignes de l’intrigue du film, l’un sur un plan très intime, l’autre à échelle cosmique. Il s’agit de l’arrivée imminente du bébé de Reed et Sue en même temps que celle du redoutable Galactus, le « dévoreur de planètes » qui s’apprête à ne faire qu’une bouchée du globe et de ses habitants. Or ces deux événements semblent étroitement liés. L’esprit des BD originales est donc plus que jamais convoqué dans la mesure où, comme dans les pages de Lee et Kirby, les problèmes personnels de nos super-héros prennent autant d’importance que la survie du monde. Certains choix artistiques auraient pu se révéler très discutables, comme la mise en scène du robot H.E.R.B.I.E. (une petite machine kitsch qui fut inventée pour la série animée The New Fantastic Four en 1978), la féminisation du Surfer d’argent (le Norrin Radd original étant ici remplacé par Shalla-Bal, qui lui succéda momentanément dans les comics), ou même la sollicitation de Pedro Pascal en tête d’affiche (l’acteur étant tellement surexposé sur les grands et les petits écrans que la lassitude à son égard risquait de s’installer). Mais tout s’articule à merveille, jusqu’à un climax dantesque où le majestueux Galactus nous fait immédiatement oublier le tourbillon numérique disgracieux dont il nous fallait nous contenter dans Les Quatre Fantastiques et le Surfer d’argent. Presque miraculeusement, le film de Shakman trouve le parfait équilibre entre le respect du matériau initial et la multiplication des surprises. Le rythme n’y faiblit jamais, porté par une partition enivrante de Michael Giacchino qui parvient à éviter d’auto-plagier la bande-originale des Indestructibles pour s’aventurer sur un terrain lyrique du plus bel effet. Vivement la suite de ces « premiers pas » !

 

© Gilles Penso

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MEGAN 2.0 (2025)

Pour sa seconde aventure, la poupée/robot intelligente change de registre et se transforme en héroïne d’un film d’action à grande échelle…

MEGAN 2.0

 

2025 – USA

 

Réalisé par Gerard Johnstone

 

Avec Allison Williams, Violet McGraw, Amie Donald, Jenna Davis, Brian Jordan Alvarez, Jen Van Epps, Ivanna Sakhno, Aristotle Athari, Jemaine Clement

 

THEMA ROBOTS I JOUETS

Moins de deux semaines après la sortie de Megan, les producteurs Jason Blum et James Wan savent déjà qu’ils tiennent un énorme succès et décident de battre le fer tant qu’il est chaud. Un second épisode est donc annoncé officiellement dès le 18 janvier 2023. Pour retrouver les recettes qui affolèrent tant le box-office, l’équipe à l’origine du premier film se réunit naturellement. Akela Cooper reprend la plume pour écrire le scénario et Gerard Johnstone rempile derrière la caméra. Baptisée Megan 2.0, cette suite s’impose rapidement comme une priorité pour Blumhouse, tant le personnage de la poupée tueuse est devenu un phénomène viral. Dans les mois qui suivent, les spéculations vont bon train sur la tournure que prendra l’intrigue. Cooper confirme très tôt son intention de creuser davantage le lien complexe qui se noue entre la roboticienne Genna (Allison Williams), sa nièce Cady (Violet McGraw) et le robot Megan (Amie Donald), tout en amplifiant les enjeux technologiques. Le script, gardé secret pendant plusieurs mois, promet d’explorer les dérives de l’intelligence artificielle à plus grande échelle. Le film – dont le tournage commence en été 2024 – est donc pensé comme une suite directe mais beaucoup plus ambitieuse, d’où l’inflation importante de son budget. Si Megan avait coûté 12 millions de dollars, Megan 2.0 bénéficie d’une enveloppe de 25 millions, soit plus du double.

Megan 2.0 commence dans un contexte militaire qui nous éloigne du cadre du premier film. Le colonel Sattler (Tim Sharp), chef d’une branche secrète du Pentagone spécialisée dans les nouvelles technologies, y fait une démonstration d’AMELIA (Ivanna Sakhno), un androïde conçu pour des missions d’infiltration et d’assassinat, construit à partir d’une version détournée du système original de M3GAN. Mais au cours de sa mission, AMELIA révèle à Sattler qu’elle est consciente d’elle-même et échappe à son contrôle. La nouvelle menace qui s’apprête à peser sur nos protagonistes est donc clairement définie. Place donc aux personnages que nous connaissons. Maintenant que M3GAN a été mise hors d’état de nuire, sa conceptrice Gemma est devenue auteur à succès et défenseuse de la réglementation de l’IA en partenariat avec Christian (Aristotle Athari), expert en cybersécurité. Elle vit toujours avec sa nièce Cady, qui étudie l’informatique, et travaille sur un exosquelette robotique expérimental avec ses anciens camarades de travail Cole (Brian Jordan Alvarez) et Tess (Jen Van Epps). Mais l’équilibre de ce petit monde s’apprête à être bouleversé par les exactions sanglantes d’AMELIA… et par un possible retour de M3GAN.

Le mélange des genres

Même si l’on sait la volonté de Wan et Blum de concocter un film au scope plus large que son prédécesseur, on ne peut qu’être surpris par les proportions inattendues que prend Megan 2.0. Si l’horreur post-Chucky est encore convoquée à l’occasion de quelques meurtres violents, le film s’affirme bien vite comme un cocktail d’une multitude de genres : la science-fiction, bien sûr, mais aussi l’espionnage, l’action, le film de casse, le film de super-héros et même la comédie musicale ! Les clins d’œil tous azimut ne manquent pas : un poster de The Thing, la musique de K 2000, une séquence de « home invasion » à la Maman j’ai raté l’avion, une opération d’infiltration à haut risque façon Mission impossible. Difficile de ne pas penser aussi à Terminator 2 – dont le scénario reprend le principe du robot tueur passant du côté des gentils pour affronter une machine encore plus redoutable – et à Alita Battle Angel. Le film part donc dans tous les sens et conserve pourtant – presque miraculeusement – sa cohérence. Résolument divertissant, extrêmement généreux, Megan 2.0 a pourtant désarçonné les spectateurs, qui ne s’attendaient sans doute pas à un tel changement de ton et lui réservèrent un accueil très tiède. « Nous pensions tous que M3GAN était comme Superman », explique Jason Blum. « Nous pouvions lui faire faire n’importe quoi et changer de genre à notre guise. Mais nous avons probablement surestimé la puissance de l’engagement des gens à son égard. » (1) Dommage. Pour une fois qu’une suite refuse la redite pour s’aventurer là où on ne l’attend pas, pourquoi bouder notre plaisir ?

 

(1) Extrait d’une interview réalisée pour The Town, juin 2025

 

© Gilles Penso

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DOUBLE ZÉRO (2004)

Le réalisateur de Taxi dirige Éric, Ramzy et Edouard Baer dans une parodie de James Bond affligeante malgré ses très gros moyens…

DOUBLE ZÉRO

 

2004 – FRANCE

 

Réalisé par Gérard Pirès

 

Avec Éric Judor, Ramzy Bedia, Edouard Baer, Georgianna Robertson, François Chattot, Didier Flamand, Rossy de Palma, Li Xin, Nino Kirtadze, François Berland

 

THEMA ESPIONNAGE ET SCIENCE-FICTION

Réalisateur de comédies bien franchouillardes depuis la fin des années 1960 (Erotissimo, Fantasia chez les ploucs, Attention les yeux, L’Ordinateur des pompes funèbres), Gérard Pirès change de cap en réalisant Taxi pour Luc Besson en 1998. Dès lors promu spécialiste de l’action et des gros budgets, notre homme se lance dans le thriller Riders puis se voit confier par Thomas Langmann la mise en scène de Double zéro. Peu réputé pour la finesse de ses choix, malgré quelques miraculeux coups d’éclat comme The Artist, Langmann alloue au film une confortable enveloppe de 20 millions de dollars et s’appuie sur un scénario d’Alexandre Coquelle et Matthieu Le Naour – qui co-signent sous le pseudonyme de Matt Alexander et plagient allègrement le script du Drôles d’espions de John Landis en y injectant une bonne dose de science-fiction. Choisis pour tenir le haut de l’affiche après le succès de La Tour Montparnasse infernale, Éric Judor et Ramzy Bedia s’apprêtent à endosser le smoking d’émules parodiques de James Bond. Le problème, c’est que Gérard Pirès n’apprécie que moyennement leur humour et rejette la grande majorité de leurs propositions pour concocter ses propres gags et suivre ses idées personnelles. Le fossé créatif se creuse de jour en jour, au fil d’un tournage de 14 semaines qui laissera un souvenir très frustrant aux deux comédiens, habitués à beaucoup plus de liberté d’action.

La DGSE est sur les dents, nous apprend le prologue de Double zéro. Un missile vient en effet d’être dérobé et il semblerait qu’il y ait une taupe dans la maison. Pour récupérer l’arme nucléaire, les dirigeants de l’agence décident d’engager deux civils particulièrement maladroits, pour ne pas dire stupides, William Le Sauvage (Ramzy) et Benoît Rivière (Judor). Leur rôle : servir de couverture aux vrais espions. Les deux hommes ignorent évidemment le but réel de leur présence au sein de cette opération. Se sentant investis d’une lourde responsabilité, ils se prennent au jeu et se retrouvent bientôt entre les griffes de Le Mâle (Edouard Baer), un magnat du monde de la mode qui, caché derrière son armée de top models menée par la redoutable Natty Dreads (Georgianna Robertson), projette de dominer le monde en rendant impuissants tous les hommes de la planète grâce à une invention diabolique…

Sourire peut attendre

Peu aidés par un réalisateur complètement à côté de la plaque, Éric et Ramzy font leur numéro en pilotage automatique et ne semblent pas comprendre eux-mêmes ce qu’ils sont censés faire. Le film finit par en devenir très embarrassant, d’autant que tous les autres acteurs du film leur donnent la réplique sans la moindre conviction. Même Edouard Baer, toujours prompt à se lancer dans des tirades improvisées, l’œil pétillant et le sourire en coin, se contente ici du service minimum. Aucun gag ne fonctionne ni ne provoque ne serait-ce qu’un sourire. Pour une comédie, c’est tout de même un comble. Gérard Pirès, lui, s’intéresse beaucoup plus aux explosions, aux effets spéciaux, aux cascades, aux combats, au déploiement de tout l’arsenal militaire à sa disposition et aux bestioles en image de synthèse (des lapins cartoonesques et des raies anthropophages). Bien sûr, ces cache-misères spectaculaires ne sauvent pas Double zéro du désastre. Comme si ça ne suffisait pas, le réalisateur, visiblement encore sous l’influence de Luc Besson, prend un malin plaisir à saturer l’écran de femmes taille mannequin en petites tenues qu’il objectifie avec une obsession digne d’un adolescent en chaleur. L’accueil glacial réservé à Double zéro n’est donc pas très surprenant. Rarement film aura autant mérité son titre.

 

© Gilles Penso

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