FANTÔME D’AMOUR (1981)

Marcello Mastroianni et Romy Schneider sont plongés dans une romance d’outre-tombe où s’entremêlent fantasme et réalité…

FANTASMA D’AMORE

 

1981 – ITALIE / FRANCE / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Dino Risi

 

Avec Marcello Mastroianni, Romy Schneider, Eva Maria Meineke, Wolfgang Preiss, Michael Kroecher, Paolo Baroni, Victoria Zinny, Giampiero Becherelli

 

THEMA FANTÔMES

Le prolifique Dino Risi est surtout connu pour ses comédies (Les Monstres, La Femme du prêtre, Rapt à l’italienne). Mais Risi est aussi le réalisateur de Parfum de femme ou Dernier amour, qui jouent plus volontiers sur la corde sensible, s’attachent à l’inquiétude de personnages hantés par le passage du temps et par les souvenirs douloureux d’un passé trop lointain. C’est dans cette veine que s’inscrit Fantôme d’amour, en y injectant une forte touche surnaturelle que son titre annonce sans détour (Âmes perdues de Risi titillait déjà la fibre nostalgique sous un angle fantastique). Fantôme d’amour est tiré d’un roman de Mino Milani publié en 1977, que le cinéaste italien transforme en scénario avec l’aide de son co-auteur Bernardino Zapponi. Ce dernier n’est pas étranger aux codes du genre puisqu’il a notamment collaboré aux scripts de Histoires extraordinaires, Fellini Satyricon, Les Frissons de l’angoisse, Léonor ou encore La Cité des femmes. La combinaison du texte de Milani et de la sensibilité combinée de Risi et Zapponi donne naissance à un récit envoûtant, sorte de romance macabre d’outre-tombe qui n’est pas sans évoquer l’atmosphère de certains romans de Boileau et Narcejac.

À Pavie, dans les années 1970, Nino Monti (Marcello Mastroianni), juriste d’une cinquantaine d’années, mène une vie rangée auprès de sa femme Teresa (Eva Maria Meineke). Un jour, dans un autobus, il paie la place d’une femme à l’air misérable et malade, incapable de régler son ticket. Le soir même, elle lui téléphone pour lui rendre les cent lires et se présente comme Anna Brigatti, l’amour passionné de sa jeunesse (Romy Schneider). Troublé, Nino cherche à la revoir, mais cette vieille femme blafarde et usée par la maladie n’a plus rien à voir avec la jeune femme radieuse qu’il chérit encore dans ses souvenirs. Sa photo, soigneusement cachée dans sa bibliothèque, témoigne d’un passé qu’il n’a jamais vraiment dépassé, son mariage avec Teresa lui paraissant terne en comparaison. Lorsqu’il confie cette rencontre à un ami médecin, ce dernier lui révèle qu’Anna est morte trois ans plus tôt. Pourtant, leurs retrouvailles bouleversent la réalité : Nino la revoit telle qu’elle était autrefois, belle et pleine de vie. Mais les frontières entre mémoire, désir et vérité se brouillent, laissant Nino face à une énigme où passé et présent se mêlent inexorablement…

À la recherche du temps perdu

Si Dino Risi multiplie les étrangetés au fil de cette histoire tourmentée (les apparitions successives d’Anna vieille puis rajeunie, la confirmation de son décès, les morts suspectes et violentes dans l’entourage immédiat de Nino, la présence récurrente d’une pièce de 100 lires), il ne cherche jamais à tromper les spectateurs sur la nature véritable d’Anna dans le film. C’est un fantôme, à n’en pas douter. Don Gaspare, ce prêtre bizarre qu’incarne Michael Kroecher, est peut-être le seul à pouvoir mettre des mots sur l’étrange phénomène. « La mort est une autre forme de vie », affirme-t-il. « Nous la vivrons tous un jour. Peut-être l’avons-nous déjà vécue. » Autrement dit : si les fantômes peuvent hanter les vivants, pourquoi la réciproque ne serait-elle pas possible ? « Je sais haïr parce que je sais aimer sans limite » finit par dire Anna. Ce fantôme d’amour serait-il donc aussi celui de la rancune et de la vengeance ? Mais Nino refuse de voir l’évidence et choisit de se voiler la face pour laisser le bonheur passé contaminer son quotidien, quitte à en perdre la raison. Épaulé par le directeur de la photographie Tonino Delli Colli, Dino Risi saisit la triste photogénie des rues pluvieuses et embrumées de la vieille ville de Pavie, comme pour mieux symboliser la quête désespérée d’un temps définitivement perdu. À l’avenant, les violons envoûtants de la bande originale de Riz Ortolani, sur lesquels se promène la clarinette mélancolique de Benny Goodman, nous accompagnent pas à pas jusqu’à un épilogue languide que chacun sera libre d’interpréter comme lumineux ou lugubre.

 

© Gilles Penso

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DOWNSIZING (2017)

Et si la solution, pour sauver la planète et lutter contre la surpopulation, était la miniaturisation des êtres humains ?

DOWNSIZING

 

2017 – USA

 

Réalisé par Alexander Payne

 

Avec Matt Damon, Christoph Waltz, Hong Chau, Kristen Wiig, Rolf Lassgård, Ingjerd Egeberg, Udo Kier, Søren Pilmark, Jason Sudeikis, Maribeth Monroe

 

THEMA NAINS ET GÉANTS

Dès son premier long-métrage Citizen Ruth, avec Laura Dern dans le rôle principal, Alexander Payne attire l’attention de la critique et de la profession qui admirent son style et son univers, à mi-chemin entre la comédie satirique et le drame contemporain. Ses films suivants (L’Arriviste, Monsieur Schmidt, Sideways, The Descendants, Nebraska) creusent un sillon voisin et lui valent bon nombre de nominations et de récompenses. Voir Payne se lancer dans une grande fresque de science-fiction avec Downsizing peut surprendre, dans la mesure où ce genre lui est à priori étranger (même si l’homme a tout de même co-écrit en 2001 le scénario de Jurassic Park 3 pour Joe Johnston). Ce projet lui tient pourtant particulièrement à cœur. Il le développe avec son partenaire d’écriture Jim Taylor dès 2005, mais le film ne se concrétise finalement qu’une décennie plus tard. Étant donnée son ambition visuelle, Downsizing est le long-métrage le plus coûteux de son réalisateur (son budget est estimé entre 68 et 74 millions de dollars). Paramount Pictures entre dans la danse, et après un petit jeu des chaises musicales lié à l’attribution des personnages principaux (les noms de Reese Whitherspoon, Paul Giamatti, Sacha Baron Cohen, Alec Baldwin sont évoqués tour à tour), Matt Damon hérite du premier rôle et Kristen Wiig de celui de son épouse.

Pour lutter contre la surpopulation et le réchauffement climatique, le scientifique norvégien Jørgen Asbjørnsen (Rolf Lassgård) a mis au point un procédé révolutionnaire appelé le « downsizing ». Ce processus irréversible réduit la taille des êtres humains à environ 12 cm, diminuant ainsi leur consommation de ressources et leurs déchets. Les premiers essais, menés sur un groupe de volontaires, s’avèrent concluants, et cinq ans plus tard, les résultats présentés lors d’une conférence suscitent une immense fascination mondiale. Dix ans après cette découverte, Paul et Audrey Safranek (Matt Damon et Kristen Wiig), un couple d’Omaha confronté à des difficultés financières, envisagent de changer de vie. Lors d’une réunion d’anciens élèves, ils rencontrent un couple d’amis ayant adopté le downsizing. Ces derniers insistent sur un avantage inattendu : l’argent a bien plus de valeur dans ce mode de vie miniature. Intrigués, Paul et Audrey visitent Leisureland, une communauté prospère dédiée aux petites personnes, où ils réalisent qu’ils pourraient s’offrir un mode de vie luxueux. Séduits par cette opportunité, ils décident de franchir le pas et de se soumettre au processus…

Chérie, j’ai rétréci le script !

Le point de départ de Downsizing est à la fois original et très intriguant, d’autant qu’il détourne un motif connu du cinéma fantastique (décliné dans des œuvres aussi variées que L’Homme qui rétrécit, Le Voyage fantastique, Chérie j’ai rétréci les gosses ou L’Aventure intérieure) pour l’intégrer dans un contexte très réaliste. Ici, le processus de la miniaturisation est non seulement justifié par des préoccupations environnementales très tangibles, mais également mis en scène dans un cadre plausible nous donnant l’aperçu de ce que pourrait vraiment donner une population réduite de quinze fois sa taille. Le problème, c’est qu’une fois le contexte mis en place et l’intrigue amorcée sur cette base, le film se perd dans les méandres d’un scénario qui ne sait plus trop où aller. Le potentiel d’un tel concept était pourtant énorme, tant dans le domaine de la satire sociale que dans celui de la comédie de situation, de l’aventure fantastique, de la fable de science-fiction ou même du film catastrophe. Or si une infinité d’idées sont amorcées (les coulisses peu reluisantes de ce « meilleur des mondes » miniature, les trafics illicites que génère la diminution de taille, les dangers de la confrontation avec des insectes, les risques imminents de l’extinction de l’humanité), aucune d’entre elles n’est exploitée, Payne se contentant de mettre en scène des personnages inutiles (à quoi servent Christopher Waltz et Udo Kier dans ce film ?) ou horripilants (la prestation caricaturale de Hong Chau est très embarrassante) en laissant sur le bas-côté un Matt Damon qui semble sans cesse à la traine. L’échec cuisant de Downsizing au box-office confirmera ce sentiment de belle opportunité gâchée.

 

© Gilles Penso

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KILLJOY GOES TO HELL (2012)

Pour sa quatrième aventure, le clown monstrueux se retrouve prisonnier en Enfer où le Diable l’accuse de ne pas être assez démoniaque !

KILLJOY GOES TO HELL

 

2012 – USA

 

Réalisé par John Lechago

 

Avec Trent Haaga, Victoria De Mare, Al Burke, Tai Chan Ngo, Jessica Whitaker, John Karyus, Lisa Goodman, Aqueela Zoll, Cecil Burroughs, Jason R. Moore

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA KILLJOY I CHARLES BAND

L’accueil réservé à Killjoy 3 était d’autant plus enthousiaste que l’attente n’était pas très élevée, si l’on tient compte du caractère très dispensable des deux premiers épisodes de cette saga bizarre. Rasséréné par ce succès, le producteur Charles Band laisse à nouveau les clés de la franchise au scénariste et réalisateur John Lechago. Ce dernier prend alors deux décisions : concevoir un quatrième épisode qui s’inscrive directement dans la continuité narrative du troisième – contrairement aux opus précédents qui ne présentaient qu’un très vague rapport les uns avec les autres – et emmener les spectateurs là où ils ne s’attendent pas en concoctant un récit résolument original situé principalement… en Enfer ! Band ne peut mettre à sa disposition qu’un budget minuscule, un nombre limité de décors et une petite semaine de tournage. Il en faut plus pour intimider Lechago, qui redouble d’inventivité et d’idées pour proposer non seulement l’épisode le plus fou de la saga mais aussi l’un des films les plus réjouissants produits par Full Moon Entertainment depuis longtemps. Contrairement à Killjoy 3, celui-ci est entièrement tourné à Los Angeles, en partie dans les locaux de Full Moon réaménagés pour l’occasion.

Seule survivante du massacre précédent, Sandie (Jessica Whitaker) est sous surveillance médicale, dans un état second où elle est sans cesse secouée de rires nerveux. Alors que la police se demande si elle n’est pas responsable de la mort de ses amis – ce que semble confirmer l’ADN retrouvé sur ses vêtements -, la jeune femme semble avoir perdu pied avec la réalité. Pendant ce temps, le diabolique Killjoy (Trent Haaga) se retrouve pieds et poings liés dans une geôle au fin fond de l’Enfer. Contre toute attente, le voilà sur le banc des accusés, jugé par un diable cornu et barbu (Stephen F. Cardwell) et accablé par une procureure qui semble lui en vouloir personnellement (Aqueela Zoll). Le chef d’accusation ? Il ne serait pas suffisamment maléfique, puisqu’il a laissé survivre Sandie. Pour se disculper et éviter de disparaître dans les limbes de l’oubli, Killjoy invoque ses trois précédents compagnons, autrement dit le clown vagabond Punchy (Al Burke), le mime Freakshow (Tai Chan Ngo) et la succube Batty Boop (Victoria De Mare). Le problème, c’est que Punchy s’exprime dans un jargon incompréhensible, que Freakshow est muet et que Batty refuse de témoigner en sa faveur…

Une fournée en Enfer

Le film s’amuse alors à monter en parallèle le procès de Killjoy, sur le point d’être rayé à jamais de l’histoire par un scribe qui efface un à un tous ses noms démoniaques, et l’enquête menée autour de la culpabilité de Sandie. Visiblement très motivé par la créativité en ébullition de John Lechago, Trent Haaga livre ici la meilleure de ses prestations. Le monstre déchu qu’il campe exprime ainsi une palette variée d’émotions, du cynisme agressif à l’abattement pathétique en passant par quelques tentatives de séduction de la dernière chance. Les excellents maquillages spéciaux de Tom Devlin permettent non seulement de relooker une fois de plus Killjoy (qui apparaît ici avec des cornes brisées) mais aussi de montrer le nouveau bébé mécanique greffé au corps de Freakshow (qui n’est pas sans rappeler le Baby Oopsie de Demonic Toys), la métamorphose finale d’un clown monstrueux cartoonesque ou le déchaînement d’une horde de freaks (sorte de variante comique des monstres de Cabal) qui se livrent à un gigantesque combat de catch en Enfer. Bref, le délire bat son plein dans la joie et la bonne humeur, prélude à un cinquième épisode toujours confié à John Lechago.

 

© Gilles Penso

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PROGRAMMÉ POUR TUER (1995)

Denzel Washington incarne un ex-flic du futur chargé de mettre hors d’état de nuire un tueur psychopathe virtuel que joue Russell Crowe…

VIRTUOSITY

 

1995 – USA

 

Réalisé par Brett Leonard

 

Avec Denzel Washington, Russel Crowe, Kelly Lynch, Stephen Spinella, William Fichtner, Louise Fletcher, William Forsythe, Costas Mandylor, Kevin J. O’Connor

 

THEMA MONDES PARALLÈLES ET VIRTUELS

Programmé pour tuer est le quatrième long-métrage de Brett Leonard après Re-Animator Hospital, Le Cobaye et Souvenirs de l’au-delà. Et force est de constater qu’il y a une constante dans la filmographie de ce réalisateur (également spécialisé dans les clips musicaux, notamment pour Billy Idol ou Peter Gabriel) : des concepts alléchants généralement gâchés par une mise en forme balourde. Comme on pouvait le craindre, Programmé pour tuer ne fait pas exception. Promu « spécialiste du cinéma numérique » grâce aux images de synthèse avant-gardistes – quoique très primitives, même pour l’époque – du Cobaye, Leonard creuse ce sillon en mêlant une intrigue policière classique avec un argument de science-fiction anticipant de manière fantaisiste les possibilités de la réalité virtuelle. Le scénario signé Eric Bernt (Que la chasse commence !) est sérieusement remanié par Denzel Washington qui tient à retravailler son personnage et ses dialogues – et à supprimer l’idylle que le script prévoyait avec le personnage campé par Kelly Lynch. Toute la promotion du film se fait d’ailleurs à l’époque autour du nom de Washington (déjà superstar grâce à Malcolm X, Beaucoup de bruit pour rien, L’Affaire Pélican, Philadelphia et USS Alabama). Russel Crowe n’étant pas encore connu en dehors de son Australie natale, il attendra les ressorties ultérieures de Programmé pour tuer en VHS et en DVD pour que son nom occupe lui aussi le haut de l’affiche.

Los Angeles, 1999. Le ministère américain de la justice a mis au point le prototype du système d’entrainement le plus sophistiqué du monde pour ses services de police : un criminel virtuel, Sid 6.7, qui combine les personnalités des assassins les plus sanguinaires de tous les temps et que les stagiaires traquent sur simulateur. Mais soudain, aidé par un programmateur exalté, Sid 6.7 brise les limites de la réalité virtuelle et pénètre dans le monde réel. Voilà désormais le plus redoutable des « organismes synthétiques à structure neuronale » lâché dans la nature. Pour stopper ses agissements, les autorités ne voient qu’une seule solution : solliciter les services de Parker Barnes, un ancien policier emprisonné pour avoir exécuté le terroriste politique Matthew Grimes, qui avait tué sa femme et sa fille, ainsi que deux journalistes accidentellement abattus pendant l’opération. Condamné à une peine de 17 ans d’emprisonnement, Barnes a la possibilité de s’amender s’il parvient à arrêter Sid. Mais comment mettre la main sur un tueur psychopathe insaisissable qui est insensible aux balles et peut reconstituer les parties de son corps endommagées ?

Virtual Killer

Le concept de l’ex-flic du futur libéré de sa peine de prison pour arrêter un super-criminel que lui seul semble pouvoir mettre hors d’état de nuire rappelle fortement Demolition Man, même si les deux films divergent par de nombreux points. Lorsque le film commence, on s’amuse face à la reconstitution de ce simulateur dans lequel tous les figurants en costume ressemblent aux PNJ (personnages non joueurs) d’un jeu vidéo, avec des gestes répétitifs et des phrases en boucle. Hélas, la plupart du temps, les images de synthèse sollicitées pour le film sont franchement hideuses, même selon les critères de 1995 (nous sommes tout de même deux ans après Jurassic Park et quatre ans après Terminator 2). Le classique de James Cameron sert d’ailleurs d’inspiration manifeste pour toutes les séquences de poursuite et de fusillade au cours desquelles Sid, blessé par balle, se reconstitue sans sourciller. Mais le problème majeur de Programmé pour tuer est lié à son scénario qui prend l’eau de toutes part. Comment comprendre par exemple la motivation de l’informaticien qui décide sans aucune raison de faire surgir le psychopathe virtuel dans le monde réel ? Si Denzel Washington est impeccable comme toujours, Russel Crowe cabotine jusqu’au point de rupture (la scène où il se transforme en DJ dans une boîte de nuit est un grand moment de gêne) et la pauvre Kelly Lynch n’a pas grand-chose à défendre. Ironiquement, Crowe et Washington rejoueront au chat et à la souris douze ans plus tard dans American Gangster de Ridley Scott, si ce n’est que les rôles du tueur de sang-froid et du policier sur ses traces seront alors inversés.

 

© Gilles Penso

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EDEN LAKE (2008)

Le week-end idyllique que passent deux fiancés dans un coin reculé de la campagne anglaise se transforme en horrible cauchemar…

EDEN LAKE

 

2008 – GB

 

Réalisé par James Watkins

 

Avec Kelly Reilly, Michael Fasbender, Tara Ellis, Jack O’Connell, Finn Atkins, Jumayn Hunter, Thomas Turgoose, James Burrows, Tom Gill, Lorraine Bruce

 

THEMA ENFANTS I TUEURS

Rien ne nous avait préparé au choc d’Eden Lake. Scénariste spécialisé dans le cinéma d’horreur (My Little Eye, Gone, The Descent 2), James Watkins s’attaque ici à son premier film qu’il veut sec, rude, froid et sans concession. La terreur y est palpable parce qu’inscrite dans un contexte banal et réaliste. En tête d’affiche, Watkins convoque deux très solides comédiens pas encore connus du grand public malgré une carrière déjà riche. Future actrice clé de la série Yellowstone aux côtés de Kevin Costner, Kelly Reilly avait été repérée par le public français grâce à L’Auberge espagnole et Les Poupées russes de Cédric Klapisch. Michael Fassbender, lui, n’est pas encore devenu le Magneto de X-Men : le commencement, le David de Prometheus ou l’incarnation de Steve Jobs. Encore provisoirement en dehors du star system, tous deux sont donc les interprètes idéaux de personnages simples auxquels il sera facile de s’identifier… pour le meilleur et surtout pour le pire ! Tout commence pourtant sans signe avant-coureur de l’horreur à venir. Jenny Greengrass et son compagnon Steve Taylor partent en week-end à Eden Lake, un endroit isolé dans la campagne anglaise. Avant le chantier qui défigurera ce petit coin de paradis, Steve tient à faire découvrir à sa fiancée le lac magnifique et la forêt inviolée, cadre parfait selon lui pour la demander en mariage.

Le malaise s’installe lentement mais sûrement. Ce sont d’abord des incivilités, des comportements grossiers, des enfants mal élevés, des adultes rustres, une certaine hostilité générale, même si elle reste encore un peu lointaine et diffuse. Il n’empêche que chacune de ces micro-agressions entame un peu plus la virilité de l’homme venu revive le jardin d’Eden avec sa promise. Cette sorte de communion avec la nature et ce retour aux sources primitives du couple sont donc mis à mal par un environnement moins idyllique que prévu. La première référence qui nous vient alors à l’esprit est Long week-end de Colin Eggleston, si ce n’est qu’ici la nature n’est qu’un décor. L’adversité vient d’ailleurs. C’est un groupe d’adolescents violents, idiots, turbulents et querelleurs qui fait basculer la situation. Steve essaie de les ramener à l’ordre. Après tout, ce ne sont que des enfants, lui un adulte dans la force de l’âge et en pleine possession de ses moyens. Mais les choses vont vite dégénérer jusqu’au point de non-retour.

Le paradis perdu

Le cadre paradisiaque promis par le titre, cette nature sauvage et encore vierge que les citadins viennent apprécier avant que leur excursion ne vire au cauchemar, n’est pas sans nous évoquer Délivrance de John Boorman. Mais s’il assume ce prestigieux précédent, Watkins s’en éloigne peu à peu. Ici, la transformation du jardin d’Eden en enfer semble vouloir symboliser la mort de l’innocence que sont censés symboliser les charmantes têtes blondes que notre héroïne côtoie en tout début de métrage (puisqu’elle travaille dans une école maternelle). Eden Lake se montre très dérangeant, pas tant par la violence qu’il montre que par celle qu’il raconte, celle d’une enfance sans repère muée en terreau de monstruosité. Maîtrisant le suspense comme personne, le cinéaste joue sans cesse sur les nerfs des spectateurs, n’en finissant pas de créer de nouveaux obstacles, éliminant une à une toutes les échappatoires qui pourraient permettre aux héros de s’en sortir, resserrant son intrigue comme un étau impitoyable. Parfaits, pleinement impliqués, Reilly et Fassbender se font pourtant presque voler la vedette par Jack O’Connell, terrifiant en petite frappe brutale et impulsive dont le cerveau semble imperméable à toute notion de morale. Watkins n’excuse pas ses personnages, pas plus qu’il ne justifie socialement leurs actes ou ne les explique. Il se contente de dresser un constat sans appel qui fait froid dans le dos et laisse persister le malaise longtemps après le générique de fin.

 

© Gilles Penso

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KILLJOY 3 (2010)

Très supérieur aux deux épisodes précédents, ce troisième opus ressuscite le clown démoniaque, flanqué de trois compagnons de jeu monstrueux…

KILLJOY 3 / KILLJOY’S REVENGE

 

2010 – USA

 

Réalisé par John Lechago

 

Avec Darrow Igus, Mark Freedom, Trent Haaga, Al Burke, Tai Chan Ngo, Victoria De Mare, Jessica Whitaker, Spiral Jackson, Michael Rupnow, Olivia Dawn York

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA KILLJOY I CHARLES BAND

Réalisateur de films d’horreur indépendants à tout petit budget (Bloodgnome, Magus), John Lechago attire l’attention de Stuart Gordon, le légendaire metteur en scène de Re-Animator et From Beyond, qui organise sa rencontre avec le producteur Charles Band. Or ce dernier cherche un artiste multi-talents pour concevoir les effets visuels de son film Ghost Poker. Heureux de cette collaboration, Band propose à Lechago de réaliser pour lui le troisième épisode de la saga Killjoy. Cette décision peut sembler surprenante, dans la mesure où les deux premiers opus n’avaient pas soulevé un grand enthousiasme. Mais au tout début des années 2010, Band cherche à donner un second souffle à d’anciennes franchises en sommeil. D’où la réalisation conjointe de Demonic Toys 2, Puppet Master : Axis of Evil et Killjoy 3ces deux derniers présentant la particularité d’être tournés en même temps en Chine, sur les plateaux de la compagnie ACE Studio qui participe à leur financement. Convaincre Trent Haaga de revenir faire le clown huit ans après le second épisode n’est pas une mince affaire, d’autant qu’entre-temps le producteur/scénariste/acteur a connu un beau succès d’estime en écrivant le script de Deadgirl. Mais la lecture du scénario de Killjoy 3 et la perspective d’un tournage en Chine le séduisent.

La séquence d’ouverture crée déjà une rupture avec les deux films précédents. Un homme (Darrow Igus) y verse son sang pour invoquer le démoniaque Killjoy. Celui-ci apparaît sous une forme « primitive », sa perruque de clown étant remplacée par une paire de cornes et des oreilles pointues de diable. À ses côtés surgissent aussitôt trois autres personnages hauts en couleur : Punchy le clown clochard géant (Al Burke), Freakshow le mime sinistre dont le flanc est raccordé à un bébé monstrueux (Tai Chan Ngo), et la succube lascive Batty Boop (Victoria De Mare). Mais avant que ce quatuor grotesque n’ait le temps de faire quoi que ce soit, le charme se rompt et ils se volatilisent dans les limbes. Le film nous présente alors ses personnages principaux : quatre étudiants qui gardent la maison d’un de leur professeur pendant son absence. Un matin, ils découvrent un mystérieux paquet laissé pendant la nuit sur le pas de la porte. A l’intérieur se trouve un vieux miroir antique qu’ils accrochent au mur. Mais s’ils ont le malheur de s’en approcher, le miroir les transporte dans un monde parallèle coloré où sévissent Killjoy et ses sbires, avides d’âmes à collecter et de jeux infernaux à organiser.

Les jeux du cirque

De toute évidence, John Lechago est ce qui pouvait arriver de mieux à la bancale franchise Killjoy. Non content de soigner tout particulièrement la mise en forme du film (la photographie, les décors, la direction artistique, les maquillages spéciaux), l’auteur/réalisateur tient à enrichir le mythe du clown diabolique en réinterrogeant sa nature démoniaque. « Nous avons créé les démons,  nous avons créé les religions, nous avons créé les livres pour les invoquer, nous les nourrissons avec nos pensées, nos prières et nos sacrifices » explique le personnage du professeur pour justifier l’existence et les agissements du monstre. S’il refuse de poursuivre dans la voie des « films urbains » de post-blaxploitation (qu’il juge très stéréotypés et datés), Lechago tisse malgré tout un lien direct avec le premier film, clé du rebondissement final de Killjoy 3. Bourré de surprises, d’idées visuelles originales (le combat de boxe avec les poings surdimensionnés, les meurtres au marteau géant, le macabre banquet final) et de gags (l’un des protagonistes parle d’inégalités sociales avec un des clowns pour le pousser à refuser d’être exploité par son boss), Killjoy 3 offre également la possibilité à Trent Haaga de transcender sa prestation précédente. Cette fois-ci, son démon ne se contente pas de ricaner bêtement. Il est drôle, effrayant et même pathétique. Bref, voilà une étonnante résurrection à laquelle personne n’aurait cru.

 

© Gilles Penso

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LINK (1986)

Une étudiante accepte de servir d’assistante à un professeur spécialisé dans l’étude des singes sans se douter que la situation va virer au cauchemar…

LINK

 

1986 – GB

 

Réalisé par Richard Franklin

 

Avec Elizabeth Shue, Terence Stamp, Steven Pinner, Richard Garnett, David O’Hara, Kevin Lloyd, Joe Belcher, Daisy Ashford, Geoffrey Beevers

 

THEMA SINGES

Richard Franklin est l’un des cinéastes importants de la « Ozploitation », ayant contribué comme ses confrères Peter Weir, George Miller ou Russell Mulcahy à faire découvrir le cinéma de genre australien au reste du monde. En 1979, alors qu’il a terminé Patrick et qu’il planche déjà sur Déviation mortelle, Franklin met une option sur un scénario qui ressemble, selon ses propres dires, à une sorte de « Dents de la mer avec des chimpanzés ». Lorsque son scénariste attitré Everett de Roche lui montre un article du National Geographic décrivant les actes de sauvagerie perpétrés par certains singes se livrant à des guerres intertribales et pratiquant même le cannibalisme, son intérêt augmente considérablement. Désireux de faire produire ce film en Australie, Franklin est stoppé dans son élan par deux longs-métrages que lui propose de réaliser Universal Pictures sur le sol américain : Psychose 2 et Jouer c’est tuer. Ce n’est qu’au milieu des années 80 qu’il peut remettre son film de singes sur le tapis. Thorn EMI accepte de le produire en conseillant fortement au réalisateur d’utiliser des hommes déguisés en singes, comme dans Greystoke, pour faciliter le tournage. Mais Franklin n’y tient pas. Link s’inscrit dans un cadre réaliste qui nécessite selon lui l’emploi de véritables primates.

Link est un chimpanzé tout à fait remarquable. Autrefois attraction-vedette dans un cirque, il est aujourd’hui le plus intelligent des sujets pour le docteur Philipp Stevens (Terence Stamp, impeccable en scientifique pédant, misanthrope et solitaire), un anthropologue passionné, qui enseigne à l’Académie des Sciences de Londres et vient de recruter une jeune étudiante, Jane Chase (Elizabeth Shue, découverte deux ans plus tôt dans Karate Kid), pour lui servir d’assistante. Jane est plutôt surprise quand elle entre dans ce grand manoir de bord de mer où Link joue les majordomes en smoking. Et c’est sa présence, justement, qui va perturber insensiblement ce monde clos où trois singes vivaient en harmonie avec l’homme. Ce qui s’annonçait comme une passionnante expérience scientifique va bientôt se muer en traque sauvage où tous les coups seront permis…

Le chaînon manquant

« Malin comme un singe, meurtrier comme un homme » était l’accroche qui ornait à l’époque les posters du film, signifiant bien le positionnement du primate comme chaînon manquant entre les deux espèces. Son nom Link n’a évidemment pas été choisi au hasard. Il faut saluer le travail impressionnant du dresseur Ray Berwick, grâce auquel le chimpanzé vedette (en réalité un orang-outang maquillé pour les besoins du film) nous semble terriblement humain, l’intelligence de son regard nous effrayant au moins autant que son anthropomorphisme. Le jeu des contrastes s’invite par ailleurs très tôt dans le film, notamment l’opposition de la sauvagerie des chimpanzés avec la rigidité de la vieille Angleterre, mais aussi le paradoxe que représente le professeur Stevens, dont la sophistication apparente masque des instincts primaires. « Vous savez cuisiner et faire le ménage ? » demande-t-il spontanément à Jane. « Je suppose qu’en tant que femme, c’est inscrit dans mes gènes » lui répond-elle du tac au tac en brocardant des clichés sexistes tenaces. La plupart du temps seule à l’écran avec les singes, Elizabeth Shue livre ici une excellente performance, même si l’on peut s’étonner que son personnage mette autant de temps à mesurer la gravité de la situation et le danger dans lequel elle se trouve. En pleine période d’expérimentations électroniques, le compositeur Jerry Goldsmith mêle pour les besoins du film l’orchestre et les synthétiseurs, reprenant les motifs de la fanfare d’un cirque avec une dynamique qui évoque beaucoup la bande originale de Gremlins. Présenté en première mondiale au Festival du film fantastique d’Avoriaz en janvier 1986, Link y reçoit le prix spécial du jury mais n’est pas le succès escompté en salle, annulant le projet d’un film sur un thème voisin que Richard Franklin avait en tête.

 

© Gilles Penso

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LE MASSACRE DES MORTS-VIVANTS (1974)

Dans la campagne anglaise, une expérience menée par des scientifiques pour remplacer les insecticides provoque le réveil des morts…

NO PROFANAR EL SUEÑO DE LOS MUERTOS

 

1974 – ESPAGNE / ITALIE

 

Réalisé par Jorge Grau

 

Avec Cristina Galbo, Ray Lovelock, Arthur Kennedy, Aldo Massasso, Giorgio Trestini, Roberto Posse, Jose Lifante, Jeanine Mestre, Gengher Gatti

 

THEMA ZOMBIES

Dire que La Nuit des morts-vivants fit l’effet d’une bombe au moment de sa sortie est un doux euphémisme. Plusieurs cinéastes s’efforcèrent de s’engouffrer logiquement dans cette brèche, mais les émules immédiats du chef d’œuvre de Romero ayant marqué les mémoires se comptent sur les doigts de la main, du moins jusqu’à ce que Zombie puis les œuvres de Lucio Fulci n’ouvrent littéralement la porte à un sous-genre à part entière du cinéma d’horreur : le film de zombies. Dixième long-métrage de Jorge Grau, qui avait réalisé Cérémonie sanglante un an plus tôt, Le Massacre des morts-vivants est donc à marquer d’une pierre blanche. Reprenant à son compte plusieurs figures imposées par La Nuit des morts-vivants, ainsi qu’une partie de son discours politique et social, il s’inscrit résolument dans les préoccupations du milieu des années 70 et nous attache à des protagonistes atypiques dans une campagne anglaise morne et rigide. Car s’il s’agit d’une co-production hispano-italienne, le film de Grau est tourné en anglais, principalement aux alentours de Manchester. Au fil de ses distributions internationales, il connaîtra de nombreux titres alternatifs, notamment The Living Dead at Manchester Morgue (« Les morts-vivants de la morgue de Manchester »), Don’t open the Window (« N’ouvrez pas la fenêtre ») ou Let Sleeping Corpses Lie (« Laissez reposer les cadavres endormis »).

Tout commence comme un week-end banal qui tourne au vinaigre. George (Ray Lovelock) quitte son magasin d’antiquités de Manchester et part à la campagne pour passer du temps avec ses amis. Mais alors qu’il fait le plein dans une station-service, sa moto est accidentellement endommagée par une automobiliste, Edna (Cristina Galbo). Celle-ci accepte de le déposer à destination avant d’aller retrouver sa sœur qui traverse visiblement une mauvaise passe. Mais tandis qu’ils demandent leur chemin en rase campagne, Edna est agressée par un homme sinistre au regard hagard, à la respiration bruyante et au corps trempé. Ce n’est que le début d’un enchaînement d’événements terrifiants qui trouvent leur origine dans une expérimentation menée par le ministère de l’agriculture. La machine à ultrasons qu’ils ont conçue pour remplacer les insecticides affecte le système nerveux des insectes qui deviennent fous et s’entretuent. Or les vibrations influent aussi sur le cerveau des morts qui, aussitôt, ressuscitent…

Le choc des générations

Le Massacre des morts-vivants se distingue dès les premières minutes par sa mise en scène libre et spontanée, mêlant les acteurs à des images incongrues qui semblent « volées » dans la rue (la fille nue qui se promène au milieu des voitures). Le film s’inscrit de toute évidence dans une mouvance indépendante héritée de la Nouvelle Vague et du Nouvel Hollywood. Jorge Grau s’amuse d’ailleurs à opposer ses jeunes protagonistes à la vieille génération, représentée par un sergent de police raciste, homophobe et réactionnaire (« vous êtes tous les mêmes avec votre dégaine de hippies drogués et votre coupe de cheveux de gays ! » lance-t-il au héros trop rebelle à son goût). Par ailleurs, le scénario fait régulièrement allusion aux inquiétudes liées au non-respect de l’environnement, à la pollution, à la nature défigurée. Le Massacre des morts-vivants est donc un film de son temps. Mais lorsqu’il s’agit de décrire les exactions commises par ses zombies, Grau ne cherche pas à faire du « cinéma d’auteur » et fonce dans le tas en assumant pleinement les codes du genre. Le sang coule donc à flots, les corps sont mutilés, déchirés, éviscérés, sous les bons auspices du maquilleur Gianetto de Rossi, futur collaborateur régulier de Lucio Fulci. Culminant vers un climax nihiliste et un final cruellement ironique, Le Massacre des morts-vivants remportera le prix de la meilleure actrice (pour Cristina Galbo) et des meilleurs effets spéciaux au Festival de Sitges en 1974.

 

© Gilles Penso

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LA COCCINELLE À MONTE-CARLO (1977)

Une grande course à travers la France, un diamant volé, une romance mécanique : tels sont les ingrédients de la troisième aventure d’Herbie…

HERBIE GOES TO MONTE CARLO

 

1977 – USA

 

Réalisé par Vincent McEveety

 

Avec Dean Jones, Don Knotts, Julie Sommars, Jacques Marin, Roy Kinnear, Bernard Fox, Eric Braeden, Xavier Saint-Macary, François Lalande, Gérard Jugnot

 

THEMA OBJETS VIVANTS I SAGA LA COCCINELLE

Si les deux premiers opus de la saga La Coccinelle ont été réalisés par Robert Stevenson, pilier du studio Disney depuis la fin des années 50, cette troisième aventure est signée Vincent McEveety, un vétéran de la télévision américaine à qui nous devons plusieurs épisodes des Incorruptibles, Le Fugitif, Rawhide, Bonanza, Mannix, Star Trek ou Gunsmoke. Absent d’Un nouvel amour de Coccinelle, Dean Jones est ici de retour dans le rôle du champion de course automobile Jim Douglas, flanqué cette fois-ci d’un autre mécanicien. Tennessee (Buddy Hackett) cède donc le pas à Wheely Applegate (Don Knotts), peu avare comme son prédécesseur en grimaces et en excentricités. Manifestement sous l’influence des films de la série La Panthère rose (qui en sont à l’époque à leur quatrième épisode, avec un succès jamais démenti), les scénaristes Arthur Alsberg et Don Nelson font reposer une partie des enjeux de l’histoire de La Coccinelle à Monte-Carlo sur le vol du plus gros diamant du monde, réputé impossible à dérober, et sur les efforts des malfrats pour remettre la main dessus suite à une série quiproquos cartoonesques.

Dans l’espoir de relancer sa carrière après douze ans d’absence sur les circuits, Jim Douglas et son bras droit Wheely débarquent à Paris pour participer à une course prestigieuse, la Trans-France, qui part de la capitale française pour s’achever à Monte Carlo (variante fictive du véritable rallye automobile Monte-Carlo organisé par l’Automobile Club de Monaco). Leurs principaux adversaires seront Bruno von Stickle (Eric Braeden), un coureur impitoyable décidé à gagner coûte que coûte, et Diane Darcy (Julie Sommars), seule femme de la compétition. Or Herbie, la coccinelle qui n’en fait qu’à sa tête, a soudain le coup de foudre pour la Lancia que pilote Diane et se lance avec elle dans une improbable romance. Comme si ça ne suffisait pas à compliquer les choses, deux voleurs caricaturaux, Max (Bernard Fox) et Quincy (Roy Kinnear), viennent de s’emparer du célèbre diamant « L’Étoile de Joie » et le cachent dans le réservoir d’Herbie afin d’éviter d’être fouillés par la police…

Perte de vitesse

Si La Coccinelle à Monte-Carlo parvient encore à tirer son épingle du jeu, on sent bien que la franchise est en sérieuse perte de vitesse, ce que confirmeront les épisodes suivants. Les cascadeurs et les responsables des effets spéciaux mécaniques continuent à faire des merveilles (Herbie valse sur la route pour draguer la Lancia, roule toute seule dans les rues de Paris, se cabre sur la piste comme un cheval sauvage) et assurent le spectacle. Mais il faut bien reconnaître que l’intrigue n’a rien de bien palpitant, le film passant le plus clair de son temps à faire du tourisme sur les sites les plus célèbres de Paris, puis sur les routes de France, et enfin à Monte-Carlo. On se rattrape avec le cabotinage savoureux de Jacques Marin, habitué des productions Disney, dans le rôle d’un inspecteur de police dépassé par les événements, de Xavier Saint-Macary qui campe son exaspérant co-équipier, et de quelques seconds rôles français insolites comme Gérard Jugnot en serveur de brasserie ou Jean-Marie Proslier en portier d’hôtel, tous deux éberlués par les facéties de Herbie. La Coccinelle à Monte-Carlo se déclinera sous forme de deux romans de poche et d’une bande dessinée, publiés dans la foulée de la sortie du film.

 

© Gilles Penso

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KILLJOY 2 (2002)

Le clown diabolique est de retour, terrorisant cette fois-ci cinq délinquants juvéniles isolés au milieu des bois…

KILLJOY 2

 

2002 – USA

 

Réalisé par Tammi Sutton

 

Avec Austin Priester, Wayland Geremy Boyd, Bobby Marsden, Aaron Brown, Logan Alexander, Debbie Rochon, Nicole Pulliam, Choice Skinner, Olimpia Fernandez

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA KILLJOY I CHARLES BAND

Entre 1999 et 2001, Charles Band et Mel Johnson Jr. ont produit quatre films de blaxploitation confrontant un casting d’acteurs afro-américains à des entités surnaturelles diverses : Ragdoll, The Horrible Doctor Bones, Killjoy et The Vault. Le départ de Johnson Jr. aurait dû logiquement stopper cet élan. Mais Band se dit qu’il y a sans doute matière à poursuivre dans cette lancée, notamment avec le personnage du clown maléfique Killjoy qui a le potentiel de devenir un croquemitaine populaire (malgré l’accueil très mitigé réservé au premier film). J.R. Bookwalter se voit donc confier la production de Killjoy 2 et Tammi Sutton sa réalisation. Engagé pour écrire le scénario, Douglas Snauffer a comme instruction de partir dans une toute autre direction que celle du premier film. « Je suis un grand fan de Quentin Tarantino, et j’aime beaucoup Une nuit en enfer », raconte-t-il. « J’aimais le principe d’un film qui passe brutalement d’un genre à l’autre. D’abord ils font un casse et s’enfuient, puis ils se retrouvent dans un relais routier assiégé par des vampires. J’ai essayé de retrouver une structure proche en écrivant Killjoy 2. » (1) Sur le papier, l’idée tient la route. À l’écran, c’est une autre histoire.

En route depuis Los Angeles vers un refuge délabré, qu’ils doivent rénover dans le cadre de travaux d’intérêt général, un groupe de cinq jeunes délinquants et les deux chaperons qui les accompagnent (Logan Alexander et Debbie Rochon) rencontrent un petit problème lorsque leur van tombe en panne en pleine campagne, au milieu de la nuit. En essayant de trouver un téléphone, l’un des voyous se fait tirer dessus par une campagnarde qui croit qu’on veut la cambrioler et le groupe trouve refuge auprès d’une femme étrange (Rhonda Claerbaut) qui n’a ni téléphone, ni voiture, mais propose de les aider. Face à l’état critique de leur ami, deux des jeunes gens, qui ont entendu parler de la légende de Killjoy, décident d’invoquer cet esprit diabolique et le libèrent. Le monstre au nez rouge et aux grosses chaussures entame alors un massacre méthodique.

Le clown du spectacle

Conformément à l’envie initiale du scénariste, le clown se fait attendre, le temps pour les spectateurs de se familiariser avec les sept personnages principaux. La dynamique du groupe est intéressante, le sort des petites frappes et des policiers qui les ont sous leur responsabilité parvient à nous intéresser, bref la situation de départ fonctionne plutôt bien. Ces protagonistes ne sont d’ailleurs pas sans nous évoquer ceux du Ticks de Tony Randell, des ados à problème et leurs chaperons attaqués eux aussi par une monstruosité dans les bois. Bien sûr, le manque de moyen se fait cruellement sentir, la prise de son est souvent catastrophique, certains acteurs nous convainquent plus que d’autres (Debbie Rochon surjoue hélas sans subtilité en appuyant chacune de ses répliques avec un accent de cowboy). Mais la tonalité pour laquelle optent Snauffer et Sutton est intrigante. Le problème, c’est qu’il faut bien faire surgir le clown à un moment donné. Et à partir de là, rien ne va plus. Remplaçant au pied levé Angel Vargas, qui incarnait le démon dans le premier film, le producteur associé Trent Haaga fait ce qu’il peut pour nous distraire en forçant sur les ricanements hystériques, mais dès lors le scénario patine, les dialogues deviennent insipides, les rebondissements ne riment plus à rien et le film s’achève n’importe comment. La franchise Killjoy ne s’arrêtera pourtant pas là. Quand Charles Band tient un filon, il ne lâche pas si facilement l’affaire !

 

(1) Propos extraits du livre « It Came From the Video Aisle ! » (2017)

 

© Gilles Penso

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