Théma CANNIBALES

« Un cannibale est un homme qui aime son prochain avec de la sauce. »

(Jean Rigaux)

Le mot « cannibale » fut probablement utilisé pour la première fois à la fin du 15ème siècle, puisqu’il désigne en espagnol une tribu d’Indiens des Caraïbes qui avaient la fâcheuse réputation de se nourrir de chair humaine et que rencontra l’équipage de Christophe Colomb. La pratique elle-même semble remonter à beaucoup plus loin, les paléontologues en ayant déniché les premières traces quelque cinq mille ans avant notre ère, en pleine période néolithique. Rite religieux chez diverses peuplades antiques ou acte barbare motivé par le déséquilibre mental d’une poignée de désaxés, l’anthropophagie est aussi, parfois le seul recours contre la mort. Comme purent en témoigner les rescapés de l’équipe de football d’Uruguay contrainte de se nourrir du cadavre de leurs compagnons après un crash aérien survenu en 1972, épisode tragique qui fut relaté dans l’extraordinaire Les Survivants de Frank Marshall.

 

Véritable défouloir pour les réalisateurs italiens des années 70/80, le cannibalisme a donné naissance à un sous-genre éphémère du cinéma d’horreur. Sous un prétexte vaguement ethnologique, une demi-douzaine de films exotiques douteux décrivent ainsi les pires atrocités et flattent les plus bas instincts, accumulant sans retenue les massacres humains (avec trucages) et animaux (sans trucages), le plus célèbre spécimen de cette génération spontanée étant le Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato. Enfant illégitime du Délivrance de John Boorman, le « survival » s’efforce quant à lui, dans un registre encore différent, d’opposer citadins modernes et campagnards amateurs de chair humaine retournés à l’état bestial dans un environnement naturel, sauvage et hostile. Les œuvres les plus marquantes en la matière sont probablement Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper et La Colline a des yeux de Wes Craven. Le thriller policier mâtiné d’épouvante reprend lui aussi à son compte le cannibalisme, s’inspirant de faits divers abominables pour brosser le portrait de tueurs en série à l’appétit volontiers carnivore. Le plus fameux d’entre eux est Hannibal Lekter, imaginé par le romancier Thomas Harris.

FILMS CHRONIQUÉS
1972: Le Métro de la mort de Gary Sherman

1973: Cannibal Girls d’Ivan Reitman

1974: Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper

1977: Ilsa la tortionnaire de Jess Franco
1977: La Colline a des yeux de Wes Craven

1977: Emanuelle et les derniers cannibales de Joe d’Amato

1978: Le Dernier monde cannibale de Ruggero Deodato

1978: La Montagne du dieu cannibale de Sergio Martino
1979: La Terreur des zombies de Marino Girolami

1980: Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato
1980: Anthropophagous de Joe d’Amato

1980: La Nuit de la mort de Raphaël Delpard

1980: Nuits de cauchemar de Kevin Connor

1980: Pulsions cannibales d’Antonio Margheriti

1982: Cannibal Ferox d’Umberto Lenzi

1982: Humongous de Paul Lynch

1983: Adam et Eve contre les cannibales d’Enzo Doria et Luigi Russo

1985: La Colline a des yeux 2 de Wes Craven
1986: Massacre à la tronçonneuse 2 de Tobe Hooper
1986: Le Sixième sens de Michael Mann

1989: Cannibal Women de J.F. Lawton

1989: Society de Brian Yuzna

1990: Le Silence des agneaux de Jonathan Demme
1990: Leatherface de Jeff Burr

1991: Delicatessen de Caro et Jeunet

1991: Le Sous-sol de la peur de Wes Craven 
1994: Texas Chainsaw de Kim Henkel

1996: Ebola Syndrome de Herman Yau

1999: Vorace d’Antonia Bird
2001: Hannibal de Ridley Scott

2001: La Planète des cannibales de Hans-Christoph Blumenberg

2001: Trouble Every Day de Claire Denis
2002: Détour mortel de Rob Schmidt 

2002: Dragon rouge de Brett Ratner 
2003: Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel
2006: The Descent de Neil Marshall
2006: La Colline a des yeux d’Alexandre Aja  

2006: Massacre à la tronçonneuse, le commencement de Jonathan Liebesman

2007: La Colline a des yeux 2 de Martin Weisz
2007: Hannibal Lecter : les origines du mal de Peter Webber

2007: Sweeney Todd de Tim Burton
2008: Frontière(s) de Xavier Gens
2008: Doomsday de Neil Marshall

2009: Offspring de Andrew van den Houten
2009: The Descent part 2 de Jon Harris

2010: Ne nous jugez pas de Jorge Michel Grau

2012: The Theatre Bizarre de Douglas Buck, Buddy Giovinazzo, David Gregory, Karim Hussain, Jeremy Kasten, Tom Savini et Richard Stanley

2013: The Green Inferno d’Eli Roth
2013: Texas Chainsaw 3D de John Luessenhop
2015: Bone Tomahawk  de S. Craig Zahler
2016: Grave de Julia Ducournau

2016: K-Shop de Dan Pringle

2017: Leatherface de Julien Maury et Alexandre Bustillo

2021: Barbaque de Fabrice Éboué

2022: Massacre à la tronçonneuse de David Blue Garcia

Théma DRACULA

« Le visage me déplaisait – dur, cruel, sensuel. Ses dents, surtout, me mettaient mal à l’aise : elles étaient pointues, comme celles d’un carnassier. »

(Bram Stoker, “Dracula”)

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le vampire romanesque le plus célèbre de tous les temps trouve ses origines dans un épisode bien réel de l’histoire du quinzième siècle. Monté sur le trône de la Valachie, ancienne principauté danubienne limitrophe des Carpathes, le prince Vlad II combattait sous la bannière de l’Ordre du Dragon créé par le roi de Hongrie, d’où son surnom de Dracul (synonyme de dragon mais aussi de diable). Détrôné en 1442, il fut bientôt relayé par son fils Vlad III, qui hérita en toute logique du sobriquet de Dracula, autrement dit « petit diable ». Sa lutte féroce et sans concession contre les Ottomans et sa prédilection pour le supplice du pal lui forgèrent bientôt la réputation d’un meneur de troupes à la cruauté incomparable. Fasciné par ce personnage hors norme, l’écrivain irlandais Abraham Stoker s’en inspira très librement, non pour se lancer dans un récit historique romancé, mais pour bâtir de toutes pièces la légende du vampire Dracula, à l’occasion d’un roman publié en 1897. Certes, vampirisme et littérature avaient déjà connu quelques mariages heureux, notamment avec « Carmilla » de Sherdidan le Fanu, mais Stoker greffa à son récit toute la mythologie qui, depuis, est indissociable des histoires de suceurs de sang. Notamment le château transylvanien, le cercueil mué en refuge diurne du monstre, l’ail pour le faire fuir et le pieu pour le détruire.

 

Afin de mieux toucher le lecteur de cette fin de siècle, le romancier ne confine pas le vampire dans son folklorique fief roumain mais l’envoie perpétrer ses méfaits dans le Londres contemporain, tandis que le roman reprend pour sa part un procédé narratif fort prisé depuis le 18ème siècle : le mélodrame épistolaire, à la façon des « Liaisons Dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos. Echanges de courriers, extraits de journaux intimes, télégrammes, comptes rendus médicaux et articles de journaux constituent ainsi le cœur de l’ouvrage, chaque portion du récit se complétant pour former un gigantesque puzzle. Très vite, l’œuvre de Stoker passa à la postérité et fut aussitôt adaptée au théâtre puis au cinéma. De nombreux interprètes prêtèrent leur visage au monstre, mais deux resteront à tout jamais liés au rôle, se muant en références incontournable et en pôle permanent de comparaison : Bela Lugosi, héros de la première adaptation officielle du roman en 1931, et Christopher Lee, figure récurrente d’une dizaine de variantes concoctées par le studio britannique Hammer à partir de 1958. D’autres comédiens de renom endosseront cependant la cape noire du vampire, notamment Lon Chaney Jr, John Carradine, David Niven, Klaus Kinski, Jack Palance et Gary Oldman.

FILMS CHRONIQUÉS
1922: Nosferatu de F.W. Murnau
1931: Dracula de Tod Browning
1936: La Fille de Dracula de Lambert Hillyer

1943: Le Fils de Dracula de Robert Siodmak

1944: La Maison de Frankenstein d’Erle C. Kenton

1944: La Maison de Dracula d’Erle C. Kenton
1958: Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher
1966: Dracula, Prince des Ténèbres de Terence Fisher
1966: Billy the Kid vs. Dracula de William Beaudine
1968: Dracula et les Femmes de Freddie Francis

1969: Dracula ce vieux cochon de William Edwards
1969: Dracula contre Frankenstein de Tulio Demichelli et Hugo Fregonese
1969: Une Messe pour Dracula de Peter Sasdy
1970: Les Nuits de Dracula de Jess Franco
1970: Les Cicatrices de Dracula de Roy William Neill 
1972: Dracula 73 d’Alan Gibson
1972: Blacula de William Crain

1972: La Fille de Dracula de Jess Franco

1973: Dracula vit toujours à Londres d’Alan Gibson

1974: Du Sang pour Dracula de Paul Morrissey
1974: Dracula et ses femmes vampires de Dan Curtis

1974: La Légende des 7 vampires d’or de Roy Ward Baker 
1976: Dracula père et fils d’Edouard Molinaro 
1977: Zoltan le chien sanglant de Dracula d’Albert Band
1979: Dracula de John Badham

1979: Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog
1980: Les Charlots contre Dracula de Jean-Pierre Desagnat
1987: Monster Squad de Fred Dekker
1988: Waxwork d’Anthony Hickox
1992: Dracula de Francis Ford Coppola

1995: Dracula, mort et heureux de l’être de Mel Brooks

2000: Dracula 2001 de Patrick Lussier

2000: L’Ombre du vampire de E. Elias Merhige

2002: La Fiancée de Dracula de Jean Rollin
2004: Van Helsing de Stephen Sommers

2006: Dracula de Bill Eagles
2012: Dracula 3D de Dario Argento

2014: Dracula Untold de Gary Shore

2023: Renfield de Chris McKay

2023: Le Dernier voyage du Demeter d’André Øvredal