STING (2024)

Non, rien à voir avec le chanteur de Police… Ce « sting » là est le dard d’une araignée géante d’origine extra-terrestre !

STING

 

2024 – USA

 

Réalisé par Kiah Roache-Turner

 

Avec Jermaine Fowler, Ryan Corr, Alyla Browne, Noni Hazlehurst, Robyn Nevin, Penelope Mitchell, Danny Kim, Silvia Colloca, Tony J Black, Rowland Holmes

 

THEMA ARAIGNÉES

Il est intéressant de constater à quel point Vermines et Sting, qui partent pourtant du même postulat – un jeune protagoniste recueille en secret une araignée qui échappe à tout contrôle et sème la mort à tous les étages dans son immeuble -, puissent être aussi dissemblables. Sortis sur les écrans à quelques mois d’écart, les films de Sébastien Vaniček et Kiah Roache-Turner sont en effet aux antipodes malgré leur point de départ quasiment identique. Signant là son premier film américain, l’Australien Roache-Turner assume totalement ses influences. « Parmi mes sources d’inspiration, il y a “Le Hobbit“ qui était mon livre préféré quand j’étais enfant, avec toute cette séquence dans laquelle ils combattent les araignées », raconte-t-il. « Bilbo a une petite épée qui s’appelle Sting et avec laquelle il les tue. C’est de là que vient le nom du film. J’ai aussi été très influencé par “Ça“ de Stephen King, qui est mon auteur favori. Attention spoiler : à la fin ce n’est pas un clown tueur mais une araignée géante venue de l’espace ! » (1). Voilà qui permet de mieux comprendre la nature du monstre de son long-métrage. Écrit pendant la pandémie du Covid, le scénario de Sting porte aussi les stigmates de cette période inédite, confinant ses personnages dans un lieu clos, obligeant les familles et les voisins à cohabiter 24 heures sur 24, pour le meilleur et parfois pour le pire.

Les deux personnages centraux de Sting sont une fille de 12 ans prénommée Charlotte (sans doute en hommage au roman pour enfants « La Toile de Charlotte » qui met en scène une araignée amicale) et son beau-père Ethan. Le film ne cesse d’alterner leurs points de vue, offrant ainsi aux spectateurs deux pôles d’identification complémentaires – et parfois opposés selon les péripéties. L’intégralité du récit se déroule dans un petit immeuble décrépit de New York. Les différents étages abritent une grand-mère sénile, une grand-tante acariâtre, une mère obnubilée par son travail, une voisine dépressive, un biologiste réservé et un bébé objet de toutes les attentions. Au sein de ce microcosme, Ethan rêve de devenir un dessinateur de bandes-dessinées à succès mais doit jouer les hommes à tout faire dans l’immeuble pour gagner sa vie, tandis que Charlotte se faufile dans les conduits du bâtiment pour tromper son ennui. C’est au fil d’une de ses escapades qu’elle trouve une petite araignée qu’elle surnomme « sting » et qu’elle cache dans un bocal. Ce qu’elle ne sait pas – contrairement aux spectateurs qui ont une longueur d’avance sur elle -, c’est que cette petite bête vient d’arriver de l’espace à bord d’une sorte d’astéroïde lumineux. L’arachnide se met bientôt à grossir à la vitesse grand V et à révéler un appétit insatiable…

« Il ne faut pas se lier d’amitié avec un truc qui a plus de quatre pattes ! »

Cultivant un humour qui semble hérité des films d’horreur des années 80 destinés au public adolescent, Sting offre au personnage de Frank, un exterminateur de nuisibles sous influence manifeste d’Arachnophobie, les répliques les plus absurdes, notamment : « Il ne faut pas se lier d’amitié avec un truc qui a plus de quatre pattes. » Au-delà de ses traits d’humour, le film joue efficacement sur la peur viscérale des araignées, troquant à mi-parcours l’image de synthèse (employée pour montrer la vilaine bête lorsque sa taille est encore raisonnable) contre des marionnettes animatroniques redoutablement efficaces conçues par les petits génies de Weta Workshop, sous la supervision du vétéran Richard Taylor (Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit, justement). Pour faire bonne mesure, les effets gore et les excès sanglants sont aussi de la partie. Si l’intrigue elle-même reste très basique, Kiah Roache-Turner s’efforce de creuser certains de ses personnages en décrivant notamment les relations complexes qui peuvent se nouer entre une petite fille rebelle en mal d’affection et un beau-père frustré qui cherche à bien faire malgré ses maladresses. Très soigné dans sa mise en forme, Sting bénéficie aussi d’une jolie photographie signée Brad Shield (directeur photo de seconde équipe sur Avengers, Spider-Man Homecoming, Godzilla vs. Kong et un paquet d’autres blockbusters). Sting n’a rien de bien transcendant, certes, mais s’offre au public comme une série B très honorable et pétrie de bonnes intentions.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans « Film Festival Today » en avril 2024

 

© Gilles Penso

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LES MEILLEURS FILMS FANTASTIQUES DE TOUS LES TEMPS

Quels sont les meilleurs films fantastiques, d'horreur et de science-fiction depuis les années 1920 jusqu'à nos jours ? Voici votre sélection…

Cliquez sur les posters pour lire les critiques

1920 : Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Viene

1921 : La Charrette fantôme de Victor Sjöström

1923 : Les Dix Commandements de Cecil B. De Mille

1924 : Les Nibelungen de Fritz Lang

1925 : Le Monde perdu d’Arthur O. Hoyt

1927 : Metropolis de Fritz Lang

1928 : La Chute de la maison Usher de Jean Epstein

1929 : La Femme sur la Lune de Fritz Lang

1930 : L’Amour en l’an 2000 de David Butler

1931 : Frankenstein de James Whale

1932 : Les Chasses du comte Zaroff d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel

1933 : King Kong d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper

1934 : La Mort prend des vacances de Mitchell Leisen

1935 : La Fiancée de Frankenstein de James Whale

1936 : Les Poupées du diable de Tod Browning

1937 : Les Horizons perdus de Frank Capra

1938 : J’accuse d’Abel Gance

1940 : Le Dictateur de Charlie Chaplin

1941 : Docteur Jekyll et Mister Hyde de Victor Fleming

1942 : La Féline de Jacques Tourneur

1943 : Vaudou de Jacques Tourneur

1944 : C’est arrivé demain de René Clair

1945 : Au cœur de la nuit de Cavalcanti, Dearden, Hamer et Crichton

1946 : La Belle et la Bête de Jean Cocteau

1947 : L’Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz

1948 : Le Portrait de Jennie de William Dieterle

1949 : La Beauté du diable de René Clair

1950 : Destination Lune d’Irving Pichel

1951 : Le Jour où la Terre s’arrêta de Robert Wise

1952 : Les Belles de nuit de René Clair

1953 : La Guerre des mondes de Byron Haskin

1954 : Godzilla d’Ishiro Honda

1955 : Tarantula de Jack Arnold

1956 : Planète interdite de Fred Mc Leod Wilcox

1957 : L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold

1958 : Le Cauchemar de Dracula de Terence Fisher

1959 : Le Monde, la chair et le diable de Ranald MacDougall

1960 : Psychose d’Alfred Hitchcock

1961 : Les Innocents de Jack Clayton

1962 : Carnival of Souls de Herk Harvey

1963 : La Maison du diable de Robert Wise

1964 : Docteur Folamour de Stanley Kubrick

1965 : Répulsion de Roman Polanski

1966 : Le Voyage fantastique de Richard Fleischer

1967 : Le Bal des vampires de Roman Polanski

1968 : La Planète des singes de Franklin J. Schafner

1969 : Danger planète inconnue de Robert Parrish

1970 : L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento

1971 : Orange mécanique de Stanley Kubrick

1972 : Silent Running de Douglas Trumbull

1973 : L’Exorciste de William Friedkin

1974 : Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper

1975 : Les Dents de la mer de Steven Spielberg

1976 : Carrie au bal du diable de Brian de Palma

1977 : La Guerre des étoiles de George Lucas

1978 : Zombie de George A. Romero

1979 : Alien, le huitième passager de Ridley Scott

1980 : Shining de Stanley Kubrick

1981 : Evil Dead de Sam Raimi

1982 : The Thing de John Carpenter

1983 : Christine de John Carpenter

1984 : Terminator de James Cameron

1985 : Retour vers le futur de Robert Zemeckis

1986 : La Mouche de David Cronenberg

1987 : Predator de John McTiernan

1988 : Qui veut la peau de Roger Rabbit de Robert Zemeckis

1989 : Abyss de James Cameron

1990 : Total Recall de Paul Verhoeven

1991 : Terminator 2 : le jugement dernier de James Cameron

1992 : Braindead de Peter Jackson

1993 : Jurassic Park de Steven Spielberg

1994 : The Crow d’Alex Proyas

1995 : Seven de David Fincher

1996 : Fantômes contre fantômes de Peter Jackson

1997 : Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol

1998 : Dark City d’Alex Proyas

1999 : Matrix d’Andy et Larry Wachowski

2000 : Pitch Black de David Twohy

2001 : La Communauté de l’anneau de Peter Jackson

2002 : 28 jours plus tard de Danny Boyle

2003 : Haute tension d’Alexandre Aja

2004 : L’Armée des morts de Zack Snyder

2005 : La Guerre des mondes de Steven Spielberg

2006 : Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

2007 : The Mist de Frank Darabont

2008 : Watchmen – Les Gardiens de Zack Snyder

2009 : District 9 de Neill Blomkamp

2010 : Inception de Christopher Nolan

2012 : Cloud Atlas de Andy Wachowski, Lana Wachowski et Tom Tykwer

2013 : Gravity d’Alfonso Cuaron

2014 : Ex Machina d’Alex Garland

2015 : Mad Max Fury Road de George Miller

2016 : Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho

2017 : Get Out de Jordan Peele

2018 : Hérédité d’Ari Aster

2019: Midsommar d’Ari Aster

2020 : Tenet de Christopher Nolan

2021 : Dune de Denis Villeneuve

2022 : Everything Everywhere All At Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert

2023 : Godzilla Minus One de Takashi Yamazaki

 

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DONALD SUTHERLAND EN 18 FILMS FANTASTIQUES

Hommage à l'un des plus grands acteurs de sa génération, disparu le 20 juin 2024…

PUBLIÉ LE 22JUIN 2024

L’élégance, la classe, le charisme… On n’en finirait plus d’égrener les vertus de Donald Sutherland, l’un des acteurs les plus impressionnants de sa génération. Né le 17 juillet 1935, il a touché à tous les styles et tous les genres, toujours avec la même présence qui justifiait souvent à elle seule le déplacement des spectateurs. Un film avec Donald Sutherland, ça ne se ratait pas ! Pour lui rendre hommage, voici une sélection de 18 films fantastiques qu’il illumina de son aura si particulière.

1964 : Le Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini

1965 : Le Train des épouvantes de Freddie Francis

1965 : Fanatic de Silvio Narizzano

1973 : Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg

1978 : L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman

1992 : Buffy, tueuse de vampires de Fran Rubel Kuzui

1994 : Les Maîtres du monde de Stuart Orme

1995 : Alerte ! de Wolfgang Petersen

1998 : Le Témoin du mal de Gregory Hoblit

1999 : Virus de John Bruno

2000 : Space Cowboys de Clint Eastwood

2004 : Salem de Mickael Salomon

2004 : Frankenstein de Kevin Connor

2005 : American Haunting de Courtney Solomon

2012 : Hunger Games de Gary Ross

2014 : The Calling de Jason Stone

2019 : Ad Astra de James Gray

2022 : Moonfall de Roland Emmerich

 

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ATLAS (2024)

Jennifer Lopez affronte un redoutable androïde terroriste dans un monde futuriste où l’intelligence artificielle s’est implantée partout…

ATLAS

 

2024 – USA

 

Réalisé par Brad Peyton

 

Avec Jennifer Lopez, Simu Liu, Sterling K. Brown, Gregory James Cohan, Abraham Popoola, Lana Parrilla, Mark Strong, Briella Guiza, Adia Smith-Eriksson

 

THEMA ROBOTS I FUTUR

Brad Peyton n’est pas réputé pour son sens de la finesse. Plus proche de l’habile pyrotechnicien que du metteur en scène au sens noble du terme, il orchestra les feux d’artifices délirants de Voyage au centre de la Terre 2, San Andreas et Rampage pour Dwayne Johnson. Le savoir à la tête d’Atlas, qui marque le grand retour de Jennifer Lopez dans un film de science-fiction, 24 ans après The Cell, avait donc de quoi laisser perplexe. Ce spécialiste de l’action musclée primitive allait-il pouvoir rendre justice au scénario de Leo Sardarian et Aron Eli Coleite s’attachant aux relations complexes nouées entre les humains et les intelligences artificielles ? Rien n’était moins sûr. Atlas se déroule une centaine d’années dans le futur. Harlan (Simu Liu, le héros de Shang-Chi), un androïde rebelle, a soulevé les machines contre les humains, provoquant une guerre aux terribles répercussions. Plusieurs millions de morts plus tard, le robot psychopathe est vaincu mais parvient à s’enfuir sur une lointaine planète. Jennifer Lopez incarne Atlas Shepherd, fille de la scientifique qui conçut Harlan. Brillante analyste ayant développé une méfiance bien compréhensible à l’égard de l’intelligence artificielle, elle accepte de se joindre à une mission militaire qui a pour objectif la capture du terroriste humanoïde. Or rien ne va se passer comme prévu…

Il n’est pas difficile de déceler les sources d’inspiration d’Atlas. Les premiers titres qui nous viennent logiquement à l’esprit sont Blade Runner et Terminator. Brad Peyton assume totalement, incapable de nier son admiration pour le cinéma de SF des années 80. L’entrée en scène d’un « mecha » qu’Atlas va être contrainte de piloter pendant la grande majorité du film évoque d’autres classiques du genre. On pense notamment au « power loader » d’Aliens et aux « AMP suits » d’Avatar, des exosquelettes robotiques qui sont entrés dans la légende. Le cinéaste avoue aussi s’être laissé influencer par le jeu « Titanfall » et même par Robot Jox de Stuart Gordon. Malgré tout, Atlas parvient à ne pas totalement crouler sous les poids de ses multiples références. Pour y parvenir, le film s’efforce de développer des péripéties qui lui soient propres tout en prenant les allures d’un « survival ». Car l’infortunée Atlas se retrouve bientôt seule dans un environnement particulièrement hostile, contrainte de se lier à une machine si elle veut avoir une chance d’en sortir vivante.

Bad Robot

« C’était mon premier film presque entièrement tourné sur fond vert », raconte Jennifer Lopez. « J’ai passé près de sept semaines dans cet exosquelette, donc toute seule, sans aucun autre acteur. C’était une manière de jouer différente de mes précédents projets » (1). À la fois actrice principale et productrice d’Atlas, elle semble effectivement s’investir corps et âme dans un tournage qu’on imagine complexe. L’efficacité du film s’appuie beaucoup sur sa performance. L’aventure prend la forme inattendue d’une sorte de voyage initiatique, d’une introspection au cours de laquelle, entre deux bastons explosives menées avec beaucoup de virtuosité, notre protagoniste s’interroge sur ses propres sentiments refoulés et sur son rapport d’amour/haine vis-à-vis de l’intelligence artificielle. En ce sens, Atlas dénote agréablement par rapport aux films précédents de Payton qui ne cherchaient jamais à dépasser leur simple statut d’attractions foraines. Dommage cependant que le film ne pousse pas plus loin la réflexion sur ce sujet brûlant d’actualité et ne cherche jamais à gratter au-delà de la couche purement récréative de son intrigue. Il aurait pourtant été passionnant d’explorer de plus près les motivations de ce robot supra-intelligent qui cherche à éradiquer la grande majorité de la population terrienne non par soif de pouvoir mais parce que c’est la seule solution, selon lui, pour sauver la race humaine. Un supplément d’âme et un peu plus d’audace n’auraient pas nui à cet Atlas qui, en l’état, s’apprécie sans déplaisir mais ne marquera pas les mémoires.

 

(1) Extrait d’une interview publiée sur TF1 info en mai 2024.

 

© Gilles Penso


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SOUS LA SEINE (2024)

Parisiennes, parisiens, vous êtes priés d’évacuer de toute urgence les quais et les berges : un requin géant se faufile entre les péniches !

SOUS LA SEINE

 

2024 – FRANCE

 

Réalisé par Xavier Gens

 

Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Léa Léviant, Sandra Parfait, Aksel Ustun, Aurélia Petit, Marvin Dubart, Daouda Keita, Ibrahima Ba, Anne Marivin, Stéphane Jacquot

 

THEMA MONSTRES MARINS

Xavier Gens n’est plus à un défi près. Un premier long-métrage choc qui marche sur les traces de Tobe Hooper (Frontière(s)), de l’action musclée et survitaminée (Hitman, Farang), un récit post-apocalyptique nihiliste (The Divide), de l’horreur surnaturelle (The Crucifixion), une fable marine aux confins des univers de Lovecraft (Cold Skin)… Alors pourquoi pas une version parisienne des Dents de la mer ? Le projet est amené par les producteurs Édouard Duprey et Sébastien Auscher, mais pour pouvoir financer une telle entreprise, il faut « pactiser avec le diable », autrement dit accepter une diffusion directe sur la plateforme Netflix sans passer par la case cinéma. Xavier Gens n’est pas dupe. Réunir près de 20 millions d’euros pour un tel film via un circuit de distribution classique aurait été impossible. Si le concept peut faire sourire (« un requin sous la Tour Eiffel »), le cinéaste n’entend pas s’inscrire dans la lignée de Sharknado. « J’avais envie de prendre ce genre de films au premier degré », explique-t-il. « Je me suis servi d’un pitch de série Z un peu nanardesque, qui peut être casse-gueule, pour pouvoir raconter un film qui fait part de mes obsessions et de mes convictions écologiques, qui propose une ironie dramatique sur la réalité » (1). Car depuis le classique de Spielberg, les requins n’ont plus si mauvaise presse et font partie d’un écosystème qu’il est urgent de préserver.

Le scénario de Sous la Seine s’inscrit donc dans une prise de conscience environnementale. C’est d’ailleurs dans l’épouvantable vortex de déchets en plastique du Pacifique Nord que démarre le film, siège du trauma initial de Sophia, l’héroïne campée par Bérénice Bejo. L’équipe de plongeurs dont elle fait partie est décimée par un squale à la croissance accélérée et au comportement anormalement agressif. Nous la retrouvons trois ans plus tard, désormais guide dans un aquarium parisien et toujours très marquée par le drame (elle vit seule, déprime en revoyant les vidéos du bon vieux temps et se nourrit de bonbons Haribo). Comme la formule établie par Herman Melville dans « Moby Dick » a fait ses preuves, Sophia va subitement se retrouver confrontée à son ennemi juré dans la mesure où le monstre marin a encore muté et se love désormais sous la Seine, prêt à bondir sur la première proie qui croisera ses mâchoires. Un malheur n’arrivant jamais seul, la ville de Paris s’apprête à accueillir pour la première fois les championnats du monde de triathlon, autrement dit des centaines de nageurs prêts à se transformer en amuse-gueule sous les yeux du public…

Bête de Seine

L’audace d’un tel projet, l’ampleur de ses ambitions artistiques et techniques et les moyens mis à sa disposition (autorisant un large déploiement d’effets spéciaux numériques et animatroniques) forcent le respect et permettent de passer outre ses personnages gentiment archétypaux, ses répliques qui ne sonnent pas toujours très justes et ses rebondissements un peu abracadabrants. C’est surtout là que se mesure l’écart abyssal entre l’accueil reçu par un tel film sur sa terre natale et outre-Atlantique. Alors que les critiques américains louent le caractère résolument divertissant de Sous la Seine, leurs homologues français s’offusquent violemment et crient au nanar. Bien sûr, le huitième long-métrage de Xavier Gens n’a rien d’un chef d’œuvre et le Bruce de Steven Spielberg peut tranquillement dormir sur ses deux ouïes. Mais pourquoi ne pas accepter cette distrayante série B pour ce qu’elle est ? Côté acteurs, donnons une mention spéciale à Anne Marivin, génialement détestable en maire de Paris à mi-chemin entre Murray Hamilton dans Les Dents de la mer et Anne Hidalgo (dont nous serions curieux de connaître la réaction face à cette caricature pas très flatteuse). Quant au climax, il prend des proportions dantesques impensables en rejouant les cartes de l’équilibre alimentaire de la planète.

 

(1) Extrait d’un entretien diffusé sur BFM en juin 2024

 

© Gilles Penso


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FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX (2024)

Anya Taylor-Joy et Chris Hemsworth s’affrontent dans cette « prequel » emplie de fureur, de folie et de barbarie…

FURIOSA – A MAD MAX SAGA

 

2024 – AUSTRALIE / USA

 

Réalisé par George Miller

 

Avec Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Alya Browne, George Shevtsov, Lachy Hulme, John Howard, Angus Sampson, Charlee Fraser

 

THEMA FUTUR I SAGA MAD MAX

Pour pouvoir raconter l’histoire de Mad Max Fury Road de la manière la plus cohérente possible, George Miller avait déjà écrit en détail l’enfance et le passé du personnage de Furiosa incarné par Charlize Theron. Non content de griffonner quelques notes sur un carnet, le cinéaste avait poussé la démarche jusqu’à rédiger un scénario complet garni d’illustrations. Lorsque Fury Road souleva l’enthousiasme que l’on sait en 2015, tout était donc en place pour un nouvel opus de la saga Mad Max s’attardant cette fois-ci sur les événements survenus dans la vie de Furiosa avant sa rencontre avec Max. Le film aurait logiquement dû se tourner dans la foulée, mais des démêlées juridiques entre Miller et le studio Warner compliquèrent les choses Neuf ans séparent donc Fury Road de Furiosa. Pour incarner l’enfant devenue guerrière, il eut semblé judicieux de solliciter à nouveau Charlize Theron. « J’ai réfléchi à la question et j’ai commencé à me dire qu’on pourrait peut-être la rajeunir numériquement », raconte le réalisateur. « Ensuite, j’ai vu de grands réalisateurs, Ang Lee et Martin Scorsese, mettre en scène Gemini Man et The Irishman. J’ai alors constaté que le procédé n’était pas encore tout à fait au point » (1). Pour choisir une version plus jeune du personnage, Miller opte finalement pour une actrice qui l’a impressionné dans Last Night in Soho : Anya Taylor-Joy.

Furiosa : une saga Mad Max offre une nouvelle fois à George Miller l’occasion de décliner un sujet qui lui tient particulièrement à cœur – Trois mille ans à t’attendre le prouvait avec panache – : la transmission des histoires. Au-delà du leitmotiv des « Warboys » qui demandent à leurs congénères d’être témoins de leurs exploits et sacrifices (« soyez témoins », donc soyez en mesure de raconter plus tard ce que vous avez vu), ce motif prend corps à travers chacun des actes exubérants du fou de guerre Dementus. Sous les traits d’un Chris Hemsworth presque méconnaissable, ce dictateur grotesque décide en effet de s’affubler d’un nouveau qualificatif chaque fois que les événements évoluent, pour que l’histoire se souvienne de lui sous différentes facettes. Sa volonté de se draper d’un statut de « mythe » semble dicter le moindre de ses actes. Sans oublier cet étonnant personnage d’« History Man », un homme couvert d’inscriptions et de tatouages qui joue le rôle de mémoire vivante, d’encyclopédie ambulante capable de tout définir, de tout mémoriser et de tout raconter. Nous ne sommes pas loin des « hommes-livres » de Fahrenheit 451.

Les raconteurs d'histoires

Mais chez George Miller, la narration ne passe pas forcément par les mots. Si Dementus déverse sans cesse des flots de monologues emphatiques, sa némésis Furiosa se révèle très économe côté répliques (elle n’en prononce qu’une trentaine dans tout le film). Le cinéaste préfère s’attarder sur les regards d’Anya Taylor-Joy, surlignés par un maquillage et un éclairage qui nous ramènent quasiment à l’époque des films noirs avec Joan Crawford, et la montrer dans le feu de l’action. À ce titre, Furiosa redouble une nouvelle fois d’énergie, de démesure et de folie, ponctuant son intrigue de séquences de poursuites toutes plus inventives et ébouriffantes les unes que les autres. C’est à bout de souffle que nous laissent chacune de ces scènes virtuoses et ultra-immersives, déchaînement de fureur mécanique et de bestialité qui ramène presque les hommes à l’ère préhistorique, celle des instincts de survie les plus basiques et les plus primitifs. Or la préhistoire, période charnière s’il en est, précède justement l’ère de la transmission des récits par l’écriture. C’est donc au cœur de ce paradoxe mêlant l’avarie de mots et la grandiloquence des discours que Miller construit cette « origin story » au rythme tellement soutenu que ses 2h30 de métrage nous semblent défiler en un éclair…

 

(1) Extrait d’une interview parue dans « Empire » en 2024.

 

© Gilles Penso


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Saga ROGER CORMAN

Plus qu’un producteur, plus qu’un réalisateur, plus qu’un scénariste, Roger Corman est une véritable légende, une institution dans le monde du cinéma. Si son champ d’activité s’est toujours exercé dans le domaine de la série B (les petits films bricolés avec les moyens du bord mais souvent pleins d’ambitions), l’homme a révélé une infinité de talents qui ont ensuite pesé lourd à Hollywood, de James Cameron à Jack Nicholson en passant par Joe Dante ou Jonathan Demme. En s’éteignant le 9 mai 2024, il laisse derrière lui un immense vide mais aussi une filmographie impressionnante. Près de 500 longs-métrages portent son nom dans leur générique ! Il en signa lui-même 56 en tant que réalisateur, dont le somptueux cycle Edgar Poe dans les années 60. Voici un panorama coloré de tous les films rattachés au genre fantastique qu’il mit en scène.

Cliquez sur les affiches pour lire les critiques

1955: The Beast With a Million Eyes

 

1958: La Guerre des satellites

1960: La Dernière femme sur Terre

1961: Atlas

1962: La Tour de Londres

LA PLANÈTE DES SINGES : LE NOUVEAU ROYAUME (2024)

Le réalisateur de la trilogie Le Labyrinthe s’empare de la célèbre saga simiesque et plonge ses héros dans un monde post-apocalyptique en ébullition…

KINGDOM OF THE PLANET OF THE APES

 

2024 – USA

 

Réalisé par Wes Ball

 

Avec Owen Teague, Freya Allan, Kevin Durand, Peter Macon, William H. Macy, Lydia Peckham, Travis Jeffery, Sara Wiseman, Neil Sandilands, Eka Darville

 

THEMA SINGES I SAGA LA PLANÈTE DES SINGES

Tout a commencé par une histoire de souris. Réalisateur des trois volets de la franchise Le Labyrinthe, Wes Ball est en effet en pleins préparatifs d’une adaptation sur grand écran de « La Légende de la Garde », une série de comic books créés par David Petersen et narrant les exploits d’un petit rongeur héroïque dans un monde médiéval fantaisiste anthropomorphique, lorsqu’il apprend la nouvelle : ce projet ne se fera pas, à cause de l’acquisition du studio 20th Century Fox par Disney. Une souris qui annule une autre souris, en quelque sorte. Cruelle ironie ! Ball et son ami producteur Matt Reeves sont dépités mais souhaitent rester dans la même énergie et développer aussitôt un autre long-métrage. Et s’il s’agissait d’un nouvel opus de La Planète des singes? Reeves ayant réalisé les deux volets précédents et Disney étant preneur d’un quatrième épisode suite au succès du reboot né en 2011, l’idée tombe sous le sens. Mais Wes Ball est intimidé par la trilogie que constituent La Planète des singes : les origines, La Planète des singes : l’affrontement et La Planète des singes : suprématie. Pas question pour lui d’écorner un triptyque qu’il juge parfait. L’idée lui vient alors d’une suite qui se déroulerait non pas dans la directe continuité de l’épisode précédent, mais plusieurs siècles plus tard. Ainsi naît La Planète des singes : le nouveau royaume.

Le film se déroule donc trois siècles après la mort de César. Le monde a bien changé depuis La Planète des singes : suprématie. Désormais, les primates vivent par clans répartis un peu partout dans le monde et l’espèce humaine semble avoir presque disparu. Réduits à quelques petits groupes privés de paroles et d’intelligence qui vivotent dans les bois, les hommes n’ont plus de rôle à jouer sur cette planète qui a oublié le temps lointain où ils y régnaient. Le protagoniste de cette nouvelle histoire s’appelle Noa (Owen Teague), membre d’un groupe de chimpanzés fauconniers dirigés par son père Koro (Neil Sandilands). Noa se prépare avec ses amis Soona (Lydia Pechma) et Anaya (Travis Jeffery) à un rite de passage à l’âge adulte en ramassant des œufs d’aigle dans la montagne. Mais la cérémonie est bouleversée par le surgissement d’une tribu de singes guerriers qui attaquent le village. Pour sauver la situation, Noa va devoir entamer un voyage initiatique aux côtés de deux compagnons inattendus : l’orang-outan Raka (Peter Macon) et une jeune humaine qui semble se distinguer de ses semblables (Freya Allan)…

Il faut rendre à César ce qui lui appartient

Si l’épilogue de La Planète des singes : suprématie annonçait l’aube d’un nouveau monde, ce quatrième volet nous plonge dans un univers ouvertement post-apocalyptique où la nature a repris ses droits, où les constructions humaines ne sont plus que des vestiges recouverts de végétation sauvage et où d’immenses carcasses de navires rouillés se dressent sur les plages. Imaginé comme un trait d’union entre la trilogie des années 2010 et la pentalogie originale, le film de Wes Ball tient à rendre plusieurs hommages directs au classique de Franklin J. Schaffner, en reprenant certains éléments de décors, en laissant le compositeur Joe Paesano décliner les thèmes originaux et les sonorités tribales de Jerry Goldsmith, mais aussi en réinventant la célèbre séquence de la chasse aux humains par des cavaliers simiesques équipés de filets. La démarche n’est pas du tout celle du fan service mais plutôt de l’imbrication de cet épisode dans un tout cohérent. D’autres allusions émergent, non seulement au Secret de la planète des singes, à La Conquête de la planète des singes et à La Bataille de la planète des singes mais aussi à la série TV La Planète des singes (on pense notamment au fameux épisode « The Trap »). Bourré de séquences d’action époustouflantes et souvent vertigineuses, repoussant plus loin que jamais les possibilités techniques offertes par la « performance capture », offrant à Freya Allan (transfuge de la série The Witcher) un rôle délicieusement ambigu, La Planète des singes : le nouveau royaume aborde au fil de son scénario aux rebondissements multiples le thème de l’appropriation d’une figure messianique (en l’occurrence Cesar) à des fins politiques. C’est sans doute l’un de ses aspects les plus fascinants, s’assortissant d’une absence de manichéisme tranché qui laisse en suspens une question sans réponse : deux espèces intelligentes et dominantes peuvent-elles cohabiter sans heurt sur la même planète ?

 

© Gilles Penso

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IMAGINARY (2024)

Depuis qu’elle a emménagé avec sa famille dans une nouvelle maison, Alice a un ami imaginaire : un ours en peluche pas aussi mignon qu’il en a l’air…

IMAGINARY

 

2024 – USA

 

Réalisé par Jeff Wadlow

 

Avec DeWanda Wise, Taegen Burns, Pyper Braun, Betty Buckley, Tom Payne, Veronica Falcon, Samuel Salary, Matthew Soto, Alix Angelis, Wanetah Walmsley

 

THEMA JOUETS

Réalisateur du slasher Cry Wolf et de Kick-Ass 2, Jeff Wadlow est un habitué des productions Blumhouse pour lesquelles il a déjà mis en scène Action ou vérité et Nightmare Island. Il rempile cette fois-ci à l’occasion d’un projet au concept alléchant : Imaginary, qui détourne le principe des amis imaginaires pour les muer en entités démoniaques se nourrissant de l’imagination et de la créativité des enfants dans le but d’alimenter leur propre monstruosité. Wadlow écrit lui-même le scénario avec Greg Erb et Jason Oremland (La Princesse et la grenouille). Sur le papier, Imaginary est très prometteur. A l’écran, hélas, le château de cartes s’effondre lamentablement. C’est d’autant plus dommage que les prémices laissaient entrevoir le joli potentiel d’un tel film. Après une séquence de cauchemar introductive qui doit beaucoup à la saga Freddy Krueger, l’intrigue nous familiarise avec Jessica (DeWanda Wise, que nous avions vue faire face aux dinosaures de Jurassic World : le monde d’après). Auteur de livres pour enfant dont le héros est une araignée nommée Simon, elle a vécu un trauma d’enfance qui explique ses fêlures et son apparente fragilité. Sa mère étant décédée et son père ayant sombré dans la démence, elle a trouvé un certain équilibre en épousant Max (Tom Payne, le « Jesus » de The Walking Dead) qui lui-même traîne un certain passif. Sa première épouse est en effet internée dans un institut psychiatrique, ce qui a laissé un vide dans la vie de ses deux filles Alice et Taylor.

Le tableau étant dressé, l’histoire peut commencer. La famille recomposée emménage ainsi dans la maison d’enfance de Jessica. En fouillant dans la cave, Alice découvre un petit ours en peluche qu’elle baptise Chauncey et qui devient son ami imaginaire. Elle le trimballe partout avec elle, lui parle, l’écoute, le fait participer à ses dinettes et se lance dans une chasse au trésor dont il serait – selon elle – l’initiateur. Il s’agit de collecter toutes sortes d’objets, du plus innocent au plus effrayant. Le comportement de la petite fille se révélant de plus en plus étrange, voire dangereux, on décide de solliciter une psychologue qui s’efforce de comprendre le lien étrange en train de se nouer entre Alice et Chauncey. Or l’ourson en peluche n’est pas si innocent qu’il n’y paraît et cache bien son jeu derrière sa frimousse. Bientôt, la petite vie tranquille de tout ce beau monde va basculer dans le cauchemar…

Demonic Toy

Si nous sommes encore indulgents en début de métrage, tous disposés à jouer le jeu d’un scénario qu’on sent un peu mécanique mais plein d’intéressantes intentions, les choses vont bientôt de mal en pis. L’un des problèmes majeurs d’Imaginarium tient au traitement de ses personnages, tellement archétypaux et caricaturaux qu’ils semblent presque échappés d’une parodie. Il y a la petite fille qui s’appelle Alice (au cas où le public n’aurait pas compris l’allusion à la traversée du miroir) et qui nous joue rapidement un remake de Poltergeist, l’adolescente rebelle qui n’aime pas sa belle-mère et entend bien le lui faire savoir, le père qui disparaît purement et simplement du film à mi-parcours parce que les scénaristes n’ont plus besoin de lui et – cerise sur le gâteau – la vieille voisine qui sait tout et nous donne soudain d’interminables explications sur les esprits qui se cachent derrière les amis imaginaires (livre illustré à l’appui !). Le film ne cherche même plus à cacher ses ficelles au cours de sa seconde moitié, débitant les informations dans le but de donner aux protagonistes un mode d’emploi précis pour combattre le mal et muant tous les protagonistes en marionnettes au comportement invraisemblable. Le climax lui-même, censé nous offrir une vision de ce qu’est l’esprit d’un enfant imaginatif, est d’une désespérante platitude, exempt de la moindre idée visuelle novatrice. Dommage, il y avait tant à faire avec un tel sujet…

 

© Gilles Penso


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REBEL MOON – PARTIE 2 : L’ENTAILLEUSE (2024)

Le deuxième chapitre du space opera de Zack Snyder raconte la violente bataille opposant des villageois à un dictatorial empire galactique…

REBEL MOON – PART 2: THE SCARGIVER

 

2024 – USA

 

Réalisé par Zack Snyder

 

Avec Sofia Boutella, Djimon Hounsou, Ed Skrein, Michiel Huisman, Doona Bae, Ray Fisher, Anthony Hopkins, Staz Nair, Fra Free, Cleopatra Coleman, Stuart Martin

 

THEMA SPACE OPERA

Le second volet de l’épopée Rebel Moon concoctée par Zack Snyder pour Netflix (après que les dirigeants de Lucasfilm aient refusé d’intégrer les concepts du cinéaste à la saga Star Wars) raconte exactement ce que le premier opus annonçait : les préparatifs des villageois opprimés et des champions intergalactiques rameutés par la guerrière Kora (Sofia Boutella) pour faire front face à l’oppresseur impérial personnifié par le vil amiral Attikus Noble (Ed Skrein). La mécanique des Sept samouraïs et des Sept mercenaires est donc convoquée une fois de plus. Toujours aussi impressionnant dans le rôle de l’antagoniste, Skrein campe ici un super-vilain aux pouvoirs quasi-surnaturels, puisque son dernier affrontement avec Kora aurait logiquement dû lui faire passer l’arme à gauche. Ressuscité par les miracles technologiques de la Mère-Monde, il semble désormais indestructible, porteur d’une cicatrice au beau milieu de la poitrine qui justifie le sous-titre de cet épisode 2 : The Scargiver en V.O. (la « donneuse de cicatrice »), L’entailleuse en VF. Réfugiés parmi les fermiers de Veldt, les survivants de la bataille précédente s’échauffent donc en prévision du futur assaut de Noble et de ses troupes. C’est l’occasion pour chaque mercenaire de raconter en flash-back son passé et ses motivations dans ce combat imminent.

Fidèle à ses habitudes, Zack Snyder multiplie les séquences très graphiques, affirmant une volonté de stylisation qui dote certes le film d’une impeccable patine (le réalisateur signe lui-même la très belle photographie du métrage) mais confine souvent au maniérisme, d’autant que la dramaturgie ne justifie pas toujours ces abus d’ultra-ralentis, ces couchers de soleil de carte postale, ces angles de prises de vue insolites (la contre-plongée sur Djimon Hounsou depuis l’intérieur d’un tonneau plein d’eau, par exemple) ou cette bande originale envahissante chargée en vocalises orientalisantes qui appuie chacune des scènes bucoliques. À cette esthétisation quelque peu « forcée », Snyder ajoute des idées singulières mais parfois saugrenues qui privilégient l’originalité au détriment de la crédibilité, comme cet orchestre de chambre cagoulé qui reste imperturbable alors qu’une fusillade se déclenche et vire au massacre.

Plus d’un tour dans son Zack

Si l’influence de Star Wars est beaucoup moins prégnante dans ce second volet que dans le précédent, avec un déferlement de machines de guerre et de vaisseaux aux designs atypiques, la trame reste extrêmement basique et très prévisible. Peu concerné par cette spectaculaire échauffourée à cause de la caractérisation très primitive des belligérants, le spectateur se réfugie alors dans le spectacle pur dont on ne peut nier l’incroyable générosité. Très ouverte, la fin de cette deuxième partie laisse imaginer de nouvelles aventures et de nouvelles batailles. « J’aimerais beaucoup réaliser d’autres films autour de la saga Rebel Moon », déclarait Snyder quelques jours avant la diffusion de The Scargiver. « Attendons d’abord que le film sorte, y compris sa version director’s cut, et ensuite nous déciderons quoi faire » (1). Un montage plus long et plus violent (classé R aux États-Unis) est en effet prévu. Mais l’accueil de Rebel Moon – partie 2 ayant été particulièrement glacial (avec une virulence souvent exagérée de la part de certaines critiques), l’avenir de cette saga reste à ce jour très incertain.

 

(1) Extrait d’une interview publiée dans GamesRadar+ en avril 2024.

 

© Gilles Penso


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