Théma DOUBLES

« Des jumeaux vrais ne sont qu’un seul être dont la monstruosité est d’occuper 

deux places différentes dans l’espace. »
(Michel Tournier, Les Météores)

 

Jumeaux, sosies, clones, alter-egos ou personnalités multiples, le double se décline sous maintes formes, et le cinéma fantastique s’est avidement emparé de ces dualités variées pour en exploiter tout le potentiel dramatique. « On dirait un autre être enfermé en moi, qui veut sans cesse s’échapper, agir malgré moi, qui s’agite, me ronge, m’épuise » , racontait Guy de Maupassant dans sa nouvelle « Un fou ? » en 1884. Car le double peut aussi symboliser la perte de sa propre identité – voire de sa raison. Face à un être qui lui ressemble en tous points, l’homme n’a-t-il pas le sentiment d’avoir été coupé en deux, de découvrir des failles et des travers qui restaient jusqu’alors cachés au plus profond de son être, de voir son intégrité s’évaporer ? Lorsqu’en 1960 furent réalisées les premières expériences réussies de clonages, la fiction n’allait pas tarder à se faire rattraper par la réalité…

FILMS CHRONIQUÉS
1926: L’Étudiant de Prague d’Henrik Galeen

1945: Le Portrait de Dorian Gray de Albert Lewin

1968: Histoires extraordinaires de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini

1970: Dorian Gray de Massimo Dallamano

1970: La Seconde mort d’Harold Pelham de Basil Dearden
1972: L’Autre de Robert Mulligan
1973: Sœurs de Sang de Brian de Palma
1974: Le Seuil du Vide de Jean-François Davy
1982: Frère de Sang de Frank Hennenlotter

1988: Faux-semblants de David Cronenberg

1992: L’Esprit de Caïn de Brian de Palma
1993: Le Double maléfique d’Avi Nesher
1993: La Part des Ténèbres de George A. Romero

1994: Rampo, la proie et l’ombre de Kazuyoshi Okuyama

1995: La Cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro

1996: Mes doubles, ma femme et moi de Harold Ramis

1997: Lost Highway de David Lynch
2000: A l’Aube du Sixième Jour de Roger Spottiswoode
2001: Replicant de Ringo Lam

2002: The One de James Wong

2004: À ton image d’Aruna Villiers
2005: The Island de Michael Bay

2006: Incontrôlable de Raffy Shart
2006: Le Prestige de Christopher Nolan
2006: Sisters de Douglas Buck
2007: Ne te retourne pas de Marina de Van

2008: La Personne aux deux personnes de Nicolas et Bruno

2012: ABC of Death par 26 réalisateurs
2016: Split de M. Night Shyamalan

2017: Seven Sisters de Tommy Wirkola

2019: Gemini Man d’Ang Lee

2019: Glass de M. Night Shyamalan

2019: Us de Jordan Peele

2022: Egō d’Hanna Bergholm

2023: Excroissance d’Anna Zlokovic

Théma DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

« Dieu a créé l’homme. Et ensuite, pour le remercier, l’homme a créé Dieu. »
Philippe Geluck, Entrechats

Au-delà de leur caractère religieux et spirituel, les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament regorgent d’éléments purement fantastiques dignes de la plus folle des mythologies : un Créateur Tout-Puissant qui jouit de l’immortalité et de l’omniprésence, des anges ailés qui lui servent de messagers, des êtres doués de pouvoirs surnaturels, des miracles, des monstres, d’étranges créatures, des animaux doués de parole… 

 

Il était donc logique que le cinéma fantastique s’empare de cette imagerie pour l’intégrer dans ses œuvres, soit pour tenter des reconstitutions « fidèles » des récits bibliques (Les Dix Commandements, Samson et Dalila, La Bible), soit pour transporter les figures clé de ces écrits dans un cadre contemporain (La Vie est belle, Les Ailes du désir). Sans compter les nombreuses digressions comiques et parodiques ayant accommodé Dieu, les anges et la Bible à toutes les sauces, comme La Vie de Brian, La Folle Histoire du Monde, Dogma ou Bruce Tout-Puissant.

FILMS CHRONIQUÉS
1923: Les Dix commandements de Cecil B. De Mille

1946: La Vie est belle de Frank Capra

1949: Samson et Dalila de Cecil B. De Mille

1956: Les Dix commandements de Cecil B. De Mille

1966: La Bible de John Huston
1973: The Wicker Man de Robert Hardy
1973: La Montagne Sacrée d’Alejandro Jodorowsky

1975: Sacré Graal de Terry Gilliam et Terry Jones

1980: Résurrection de Daniel Petrie

1981: Les Aventuriers de l’Arche Perdue de Steven Spielberg

1983: Adam et Eve contre les cannibales d’Enzo Doria et Luigi Russo

1985: Train express pour l’enfer de J. Schlossberg-Cohen, J. Carr, P. Marshak, T. McGowan et G. C. Tallas

1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade de Steven Spielberg

1990: Always de Steven Spielberg

1995: Les Anges gardiens de Jean-Marie Poiré

1995: Michael de Nora Ephron

1995: Prophecy de Gregory Widen

1997: Une vie moins ordinaire de Danny Boyle

1998: La Cité des anges de Brad Siberling

1998: Que la lumière soit d’Arthur Joffé

1999: Babel de Gérard Pullicino
1999: Dogma de Kevin Smith

1999: Stigmata de Rupert Wainwright

2000: Au commencement de Kevin Connor

2001: Emprise de Bill Paxton

2003: Bruce tout-puissant de Tom Shadyac

2005: Angel-A de Luc Besson
2006: The Wicker Man de Neil La Bute

2014: Exodus : Gods and Kings de Ridley Scott

2014: Noé de Darren Aronofsky

2019: Midsommar d’Ari Aster

2019: Saint Maud de Rose Glass

2021: Benedetta de Paul Verhoeven

Théma CONTES

« Le conte de fées est l’abécédaire où l’enfant apprend à son esprit à lire dans le langage des images. »

(Bruno Bettleheim, Psychanalyse des contes de fées)

Avant de prendre d’assaut le cinéma, les contes avaient gagné depuis longtemps la littérature et, bien avant, se transmettaient par voie orale. Leur origine remonte donc à la nuit des tempes. C’est en 1697, dans ses “Contes de ma mère l’Oye”, que Charles Perrault consigne les plus fameux pour pouvoir égayer la lassitude du Roi Soleil et de sa cour. S’enfonçant dans cette brèche, les frères Grimm en font autant de l’autre côté du Rhin à partir de 1812 ainsi qu’Hans-Christian Andersen au Danemark quelque vingt ans plus tard. A ces classiques indémodables que sont “La Belle au Bois Dormant”, “Le Petit Chaperon Rouge” ou “Cendrillon” viennent s’ajouter des inventions plus modernes, comme le “Alice au Pays des Merveilles” écrit par le mathématicien Charles L. Dogson (sous le pseudonyme de Lewis Carroll) en s’inspirant des histoires fantastiques qu’il racontait à la jeune Alice Liddel, ou la pièce “Peter Pan” imaginée en 1904 par le dramaturge James M. Barrie.

 

Tous ces contes fantasmagoriques emplis de créatures terrifiantes (ogres, loups, sorcières) sont les ancêtres de nos histoires d’horreur et jouent le même rôle de catalyseurs des terreurs enfantines. Le jeune lecteur – puis le jeune spectateur – y puise les éléments nécessaires à sa maturité. Les aventures du héros ou de l’héroïne sont pour celui qui les suit un voyage initiatique jonché d’épreuves dont la finalité est l’accès au monde adulte. D’où leur succès jamais démenti et leur atemporalité.

FILMS CHRONIQUÉS
1933: Alice au pays des merveilles de Norman Z. McLeod

1934: La Marche des soldats de bois de Gus Meins et Charles Rogers

1938: A Christmas Carrol d’Edwin L. Marin

1939: Le Magicien d’Oz de Victor Fleming

1944: C’est arrivé demain de René Clair
1946: La Belle et la Bête de Jean Cocteau

1946: La Vie est belle de Frank Capra

1947: Miracle sur la 34ème rue de George Seaton

1954: Brigadoon de Vincente Minelli

1956: Le Géant de la steppe d’Aleksandr Ptushko

1958: Les Aventures de Tom Pouce de George Pal

1959: Darby O’Gill et les farfadets de Robert Stevenson

1962: Les Amours enchantées de Henry Levin et George Pal

1962: Le Baron de Crac de Karel Zeman
1962: Jack, le tueur de Géants de Nathan Juran

1964: Le Père Noël contre les Martiens de Nicholas Webster
1968: Chitty Chitty Bang Bang de Ken Hughes
1970: Peau d’Âne de Jacques Demy

1972: Les Aventures de Pinocchio de Luigi Comencini

1977: Cinderella de Michael Pataki

1977: Jabberwocky de Terry Gilliam

1977: Peter et Elliott le dragon de Don Chaffey

1977: Fairy Tales d’Harry Hurwitz
1978: The Wiz de Sidney Lumet

1979: Le Neuvième cœur de Juraj Herz

1981: Bandits Bandits de Terry Gilliam

1983: Krull de Peter Yates
1984: L’Histoire sans Fin de Wolfgang Petersen

1984: Gremlins de Joe Dante

1984: Splash ! de Ron Howard

1985: After Hours de Martin Scorsese

1985: Ladyhawke de Richard Donner

1985: Legend de Ridley Scott

1985: Oz, un monde extraordinaire de Walter Murch

1985: Pee Wee’s Big Adventure de Tim Burton

1985: Santa Claus de Jeannot Szwarc
1986: Labyrinthe de Jim Henson

1987: Princess Bride de Rob Reiner

1988: Alice de Jan Svankmajer

1988: Les Aventures du Baron de Munchausen de Terry Gilliam

1988: Big de Penny Marshall

1988: Fantômes en fête de Richard Donner

1990: Edward aux mains d’argent de Tim Burton

1990: L’Histoire sans fin 2 : un nouveau chapitre de George Miller
1991: Hook ou la revanche du capitaine Crochet de Steven Spielberg

1994: Le Château du petit dragon de Ted Nicolaou

1994: Le Grand saut de Joel Coen

1994: L’Histoire sans fin 3 : retour à Fantasia de Peter MacDonald

1994: Jack et le haricot magique de Michael Davis

1994: Richard au pays des livres magiques de Joe Johnston et Maurice Hunt

1994: Super Noël de John Pasquin

1995: Babe, le cochon devenu berger de Chris Noonan

1995: L’Île magique de Sam Irvin

1995: L’Indien du placard de Frank Oz

1995: Taxandria de Raoul Servais

1996: Pinocchio de Steve Barron

1999: Babel de Gérard Pullicino
2000: Le Grinch de Ron Howard
2001: Le Petit Poucet de Olivier Dahan

2002: Le Chat chapeauté de Bob Welch

2002: Pinocchio de Roberto Benigni
2003: Big Fish de Tim Burton

2003: Elfe de Jon Favreau

2003: Peter Pan de P. J. Hogan

2004: Les Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire de Brad Siberling
2005: Charlie et la chocolaterie de Tim Burton

2005: Les Frères Grimm de Terry Gilliam
2005: Le Monde de Narnia: Le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique de Andrew Adamson

2005: Nanny McPhee de Kirk Jones

2006: Arthur et les Minimoys de Luc Besson

2006: La Jeune fille de l’eau de M. Night Shyamalan
2006: Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

2006: Tideland de Terry Gilliam
2007: Les Chroniques de Spiderwick de Mark Waters

2007: Il était une fois de Kevin Lima

2007: Le Secret de Térabithia de Gabor Csupo

2007: Stardust de Matthew Vaughn

2008: Le Monde de Narnia: Le prince Caspian de Andrew Adamson
2008: Cœur d’encre de Iain Softley
2009: Max et les Maximonstres de Spike Jonze
2009: Arthur et la vengeance de Maltazard de Luc Besson
2010: Alice au pays des merveilles de Tim Burton
2010: Le Monde de Narnia : l’odyssée du passeur d’aurore de Michael Apted

2010: Père Noël : origines de Jalmari Helander

2012: Blanche Neige de Tarsem Singh
2012: Blanche Neige et le chasseur de Rupert Sanders

2013: Le Monde fantastique d’Oz de Sam Raimi

2014: La Belle et la Bête de Christophe Gans

2014: Maléfique de Robert Stromberg

2015: A Christmas Horror Story de Grant Harvey, Steven Hoban et Brett Sullivan

2016: Alice de l’autre côté du miroir de James Bobin

2016: Gods of Egypt d’Alex Proyas
2016: Peter et Elliott le dragon de David Lowery
2016: Miss Peregrine et les enfants particuliers de Tim Burton

2016: Le Bon Gros Géant de Steven Spielberg

2016: The Mermaid de Stephen Chow

2017: Chasseuse de géants de Anders Walter

2017: Quelques minutes après minuit de Juan Antonio Bayona
2017: Santa & Cie de Alain Chabat

2018: Les Chroniques de Noël de Caly Kaytis

2018: L’Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam

2019: Dumbo de Tim Burton

2019: Pinocchio de Matteo Garrone

2020: Une Sirène à Paris de Mathias Malzieu

2021: Cendrillon de Kay Cannon

2022: Arthur Malédiction de Barthélémy Grossmann

2022: Pinocchio de Robert Zemeckis

2022: Trois mille ans à t’attendre de George Miller

2022: Troll de Roar Uthaug

2022: Violent Night de Tommy Wirkola

2023: Beau is Afraid d’Ari Aster

2023: Peter Pan et Wendy de David Lowery

2023: La Petite sirène de Rob Marshall

2023: Un stupéfiant Noël d’Arthur Sanigou

2023: Wonka de Paul King

Théma CINÉMA ET TÉLÉVISION

« La caméra – cette espèce d’arme sans munitions, cette grosse bête noire qui vous aspire, elle vous avale puis vous recrache sur un écran. »

(Jacques Dutronc)

Support des films, il était inévitable que le cinéma, tôt ou tard, en devienne l’acteur. Dans le Fantastique, il devient une version moderne du grimoire magique, du parchemin ensorcelé, du tableau ou du miroir. D’ailleurs, bien souvent, c’est une variante de la fameuse traversée du miroir de Lewis Carroll qui nous est proposée, comme dans La Rose Pourpre du Caire ou Last Action Hero. Du cinéma à la télévision, il n’y a qu’un pas, que les films fantastiques franchissent allègrement en variant les plaisirs sur le thème de l’écran transfigurant la réalité, voire la contaminant jusqu’à ce qu’il devienne impossible de faire la part des choses.

 

Formidable outil d’information et de communication, fenêtre ouverte sur le monde, la télévision occupe en effet depuis cinq décennies une place de choix dans les foyers du monde entier. Mais que se passerait-il si, à terme, cette merveille technologique provoquait sur les téléspectateurs des effets irrémédiablement néfastes ? Entre les démons d’un monde parallèle soupirant derrière les électrons (Poltergeist, Démons 2), les malédictions véhiculées d’écran en écran (Ring) et les dérives futuristes de la télé-réalité (Le Prix du DangerRunning Man), les cinéastes ont su redoubler d’ingéniosité pour transformer le téléviseur en instrument de cauchemar. Petit ou grand, l’écran ne demande donc qu’à se teinter de fantastique pour oublier sa fonction première de véhicule d’images et de sons et se muer en passage entre le réel et l’irréel, jouant le jeu de la mise en abîme pour des (télé)spectateurs qui ne savent bientôt plus où donner de la tête.

FILMS CHRONIQUÉS
1958: How to Make a Monster d’Herbert L. Strock

1960: Le Voyeur de Michael Powell

1965: La Dixième victime d’Elio Petri

1973: Last House on Dead End Street de Roger Watkins

1980: Fondu au noir de Vernon Zimmerman

1980: La Mort en direct de Bertrand Tavernier

1981: Looker de Michael Crichton

1982: Les Frénétiques de David Winters
1982: 
Poltergeist de Tobe Hooper
1983: Le Prix du Danger de Yves Boisset

1983: Videodrome de David Cronenberg
1985: Démons de Lamberto Bava

1985: La Rose pourpre du Caire de Woody Allen

1986: Démons 2 de Lamberto Bava
1986: Kamikaze de Didier Grousset

1986: Terrorvision de Ted Nicolaou

1986: L’Unique de Jérôme Diamant-Berger

1987: Angoisse de Bigas Luna
1987: Running Man de Paul Michael Glaser
1987: Cheeseburger Film Sandwich de Joe Dante, John Landis, Carl Gottlieb, Peter Horton, Robert K. Weiss
1989: Shocker de Wes Craven

1991: Dinosaures de Brett R. Thompson

1991: Popcorn de Mark Herrier

1992: Benny’s Video de Michael Haneke

1993: Last Action Hero de John McTiernan
1993: Panic sur Florida Beach de Joe Dante

1994: Akumulator 1 de Jan Sveràk
1994: La Cité de la Peur de Alain Berbérian
1998: Pleasantville de Gary Ross

1998: Que la lumière soit d’Arthur Joffé
1998: Ring de Hideo Nakata

1998: The Truman Show de Peter Weir

1999: Ring 2 de Hideo Nakata

2001: Mulholland Drive  de David Lynch

2001: La Planète des cannibales de Hans-Christoph Blumenberg
2001: Slashers de Maurice Devereaux

2002: Le Cercle de Gore Verbinski
2002: Rollerball de John McTiernan

2002: Simone d’Andrew Niccol

2004: Final Cut d’Omar Naïm

2005: Le Cercle – The Ring 2 de Hideo Nakata

2006: Click de Frank Coraci

2006: Inland Empire de David Lynch

2008: Soyez sympa rembobinez de Michel Gondry

2014: Réalité de Quentin Dupieux

2015: Scream Girl de Todd Strauss-Schulson

2017: Ne coupez pas ! de Shin’ichiro Ueda

2018: Nightmare Cinema de Alejandro Brugués, Joe Dante, Mick Garris, Ryûhei Kitamura, David Slade

2021: Super-héros malgré lui de Philippe Lacheau

2022: Coupez ! de Michel Hazanavicius

2022: Something in the Dirt de Justin Benson et Aaron Moorhead

Théma JEKYLL & HYDE

« Le ciel se ferme lentement comme une grande alcôve,

Et l’homme impatient se change en bête fauve. »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

C’est en janvier 1886 que Robert Louis Stevenson, auteur de la célèbre « Île au Trésor », fait publier sa nouvelle « Le cas étrange du Docteur Jekyll et de Monsieur Hyde », un récit troublant qui lui aurait été inspiré sous l’influence de médicaments supposés l’aider à dormir. Ce serait donc en proie à une insomnie fiévreuse que Stevenson imagina l’histoire d’un notaire, Gabriel John Utterson, enquêtant sur les méfaits du sinistre Edward Hyde et sur les liens obscurs qu’il tisse avec le philanthrope docteur Henry Jekyll. 

 

Comme chacun sait, Hyde est en réalité le « double maléfique » de Jekyll. Apprenti sorcier au même titre que son confrère imaginaire Victor Frankenstein, Jekyll a en effet mis au point une formule chimique censée purger le mal de sa propre personnalité. Mais la nature ayant horreur du vide, une excroissance maligne et démoniaque de lui-même nait de cette expérience et perpètre les méfaits que lui même n’aurait jusqu’alors même pas imaginés. Les fortes implications psychanalytiques de cette nouvelle l’ont muée en métaphore idéale du dédoublement de la personnalité, de la schizophrénie et de la distinction entre le Moi, le Ça et le Surmoi. 

 

« J’ai découvert que si deux natures se disputaient l’empire de ma conscience, on ne pouvait légitimement me réduire à l’une ou l’autre : j’étais à la fois et absolument, et tout l’un et tout l’autre. » C’est en ces termes que Jekyll décrit la nature de ses recherches sous la plume de Stevenson, s’apprêtant à bâtir un mur entre ses pulsions primaires et ses projets sociaux. Le destin funeste de Jekyll a très tôt été adapté au théâtre (dès 1887), s’érigeant en élément incontournable de la culture occidentale. 

 

Le cinéma s’y pencha dès 1908 et ne cessa dès lors d’en multiplier les adaptations, offrant à de nombreux comédiens le double rôle du savant et de son affreux alter-ego, parmi lesquels on se souviendra notamment de John Barrymore, Frederic March, Spencer Tracy, Boris Karloff, Paul Massie, Ralph Bates, Christopher Lee, Anthony Perkins ou encore Michael Caine. Les variantes humoristiques fleurirent parallèlement, les plus fameuses étant portées par le jeu polymorphe de Jerry Lewis et Eddie Murphy, mais même lorsque la farce se joue de l’épouvante, le trouble généré par le dédoublement psychique et physique de Jekyll et Hyde perdure et continue de fasciner inlassablement le public, toutes générations confondues.

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS

1920: Docteur Jekyll et Mister Hyde de James S. Robertson
1931: Docteur Jekyll et Mister Hyde de Rouben Mammoulian

1941: Docteur Jekyll et Mister Hyde de Victor Fleming

1953: Deux nigauds contre le Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Charles Lamont
1959: Le Testament du Docteur Cordelier de Jean Renoir

1959: Le Vilain petit canard de Lance Comfort

1960: Les Deux visages du docteur Jekyll de Terence Fisher
1963: Docteur Jerry et Mister Love de Jerry Lewis

1971: Docteur Jekyll et Sister Hyde de Roy Ward Baker

1971: Je suis un monstre de Stephen Weeks

1972: Docteur Jekyll et le loup-garou de Leon Klimovsky

1990: Jekyll & Hyde de David Wickes

1996: Mary Reilly de Stephen Frears

1996: Le Professeur Foldingue de Tom Shadyac

2000: La Famille Foldingue de Peter Segal
2003: La Ligue des Gentlemen Extraordinaires de Stephen Norrington

2004: Van Helsing de Stephen Sommers
2017: Madame Hyde de Serge Bozon

Théma OBJETS VIVANTS

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »

Alphonse de Lamartine, Méditations

L’une des plus grandes frayeurs de l’homme moderne repose sur l’expectative que les machines et les objets destinés à le servir au quotidien décident subitement de se retourner contre lui. Cette peur panique s’associe à un profond sentiment d’impuissance et d’aliénation, qui pourrait se résumer à cette interrogation : « que serions-nous sans nos objets ? » Privés des innombrables choses manufacturées qui nous entourent depuis notre naissance, à quoi nos vie se résument-elles ? Pire : si les objets en questions décident de prendre le pouvoir, comment lutter ? Ne faut-il pas, dès lors, régresser jusqu’aux réflexes bruts de nos ancêtres préhistoriques pour espérer rendre le combat équitable ? Chef de file des objets susceptibles d’attaquer l’homme, le véhicule en général (et la voiture en particulier) figure en très bonne place, qu’il soit possédé par un esprit maléfique (Enfer Mécanique, En plein cauchemar, Christine) ou doté d’autonomie suite à un phénomène cosmique (Maximum Overdrive). « L’automobile, image récurrente de la réussite de nos sociétés technologiques, devient une image transgressive lorsqu’elle prend vie », nous affirment Bernard Millet et Denis Labbé dans leur recueil « Le Fantastique ». « Ce sont des sentiments humains qui sont prêtés à la voiture, jalousie, désespoir, sens de la justice… » 

 

A vrai dire, l’anthropomorphisme des véhicules n’a pas attendu le cinéma, ni même la littérature. Les constructeurs leur donnent des noms (souvent féminins), les conducteurs les chouchoutent au-delà du raisonnable, et lorsqu’un accident minime raye la carrosserie, l’alchimie entre l’homme et la machine semble presque surnaturel, tant le conducteur associe l’accrochage à une agression physique personnelle. Mais d’autres objets savent prendre vie et se montrer agressif à l’écran, qu’ils soient mus par les pouvoirs surnaturels d’un enfant mutant (Le Démon dans l’île), par une entité malfaisante (L’Ascenseur, The Mangler) ou par la Mort elle-même les utilisant comme vecteurs pour faucher les vivants lui ayant impunément échappé (la saga Destination Finale). Certes, l’objet vivant n’est pas toujours maléfique, comme en témoignent la sympathique Coccinelle de Walt Disney ou l’ordinateur romantique d’Electric Dreams. Mais cet animisme contre-nature suscite toujours une inquiétante étrangeté, cette dernière étant l’essence même du genre Fantastique.

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS

1968: Un amour de Coccinelle de Robert Stevenson

1976: Crash de Charles Band

1977: Enfer mécanique d’Elliot Silverstein

1983: Christine de John Carpenter

1983: Le Démon dans l’île de Francis Leroi

1983: En plein cauchemar de Joseph Sargent

1983: L’Ascenseur de Dick Maas
1984: Electric Dreams de Steve Barron
1986: Maximum Overdrive de Stephen King

1987: Creepshow 2 de Michael Gornick

1987: Mannequin de Michael Gottlieb

1993: Ghost in the Machine de Rachel Talalay

1994: La Presseuse Diabolique de Tobe Hooper

1997: Trucks de Chris Tomson
2000: Destination Finale de James Wong

2002: The Mangler 2 de Michael Hamilton-Wright

2005: La Coccinelle revient d’Angela Robinson

2005: The Mangler Reborn de Matt Cunningham et Erik Gardner
2006: Creepshow 3 d’Ana Clavel et James Glenn Dudelson

2010: Rubber de Quentin Dupieux

2021: Willy’s Wonderland de Kevin Lewis

2023: Five Nights at Freddy’s d’Emma Tammi

Théma YETIS ET CHAÎNONS MANQUANTS

« J’ai vu et touché une de ces créatures, ou une partie de l’une d’elle d’elles. 
Grand Dieu, mon ami, mais c’est abominable ! »

(H.P. Lovecraft, “Celui qui chuchotait dans les ténèbres”)

Pour étudier les espèces animales dont l’existence n’a pas encore été prouvée malgré l’abondance des témoignages, le savant belge Bernard Heuvelmans a créé la cryptozoologie, ou science des animaux cachés. Cette science s’intéresse tout particulièrement aux mystérieux hommes-singes aperçus partout dans le monde, du Yéti de l’Himalaya au Sasquatch d’Amérique, en passant par l’Alma du Caucase, l’Hibagon du Japon, le Yowie d’Australie, le Chunchunaa soviétique et le Bigfoot des Etats-Unis. La fréquence des témoignages a incité les chercheurs du CNRS à entreprendre en 1978 une étude intensive, et à monter en avril 1995 une expédition constituée de 30 chercheurs, pour une longue quête dans les montagnes de Chine. Plusieurs empreintes d’une quarantaine de centimètres sont parfois venues attester les témoignages visuels, photographies à l’appui. La description, qui tourne autour d’êtres velus de grande taille, évoque beaucoup l’homme de Néanderthal, qui arpentait la surface du globe il y a environ 150 000 ans. 

 

La première théorie penche donc vers des survivants de la préhistoire. Une seconde hypothèse, plus cartésienne, considère que ces êtres ne sont que de grands singes  anthropoïdes, comme cette espèce inconnue d’atèle géant abattue en Amérique du Sud par le géologue François de Loys. Peut-être faut-il envisager une troisième possibilité, celle d’êtres humains retournés à l’état sauvage suite à un séjour prolongé dans la nature, loin de leurs semblables. Après tout, les enfants sauvages élevés par des mammifères au milieu de la forêt étaient plutôt fréquents au 18ème siècle, et parmi tous ceux qui ont été retrouvés, rares sont ceux qui ont pu se défaire de la bestialité devenue leur nature propre. Ce chainon manquant entre le singe et l’homme nous fascine donc depuis longtemps et, sans s’imposer comme une figure majeure du cinéma fantastique, a cependant marqué plusieurs films de genre de son imposante présence.

FILMS CHRONIQUÉS

1912: À la conquête du Pôle de Georges Méliès

1954: L’Abominable homme des neiges de W. Lee Wilder

1957: Le Redoutable Homme des Neiges de Val Guest

1958: Le Monstre des abîmes de Jack Arnold

1972: Terreur dans le Shanghaï Express d’Eugenio Martin

1973: La Chair du diable de Freddie Francis

1973: Schlock de John Landis

1975: Dans les griffes du loup-garou de Miguel Iglesias

1977: Yéti, le géant d’un autre monde de Gianfranco Parolini

1984: Iceman de Fred Schepisi

1987: Bigfoot et les Henderson de William Dear

2002: Sasquatch de Jonas Quastel
2006: Abominable de Ryan Schifrin

2008: La Momie : la tombe de l’empereur dragon de Rob Cohen
2009: The Tribe : l’île de la terreur de Jorg Ihle

2009: Humains de Jacques-Olivier Molon et Pierre-Olivier Thévenin
2018: L’Homme qui a tué Hitler et puis le Bigfoot de Robert D. Krzykowski

Théma SUPER-VILAINS

« Qu’est-ce que le mal, sinon du bien torturé par sa propre faim et sa soif ? »
Khalil Gibran, Le Prophète

Génies du crime aux moyens démesurés ou dangereux psychopathes ayant mis leurs pouvoirs au service du mal, les super-vilains ont longtemps fleuri dans les pages des bandes dessinées et des romans d’agents secrets. Il n’est donc pas étonnant d’en trouver de mémorables spécimens dans les films de super-héros, les space opéra et les aventures d’espionnage, où ils affrontent des adversaires à leur hauteur et leur volent souvent la vedette. Témoins les inoubliables Goldfinger, Lex Luthor, Dark Vador, Blofeld, Bouffon Vert, Skeletor, Docteur No, Fatalis et autres Joker. Mais les super-vilains ont aussi droit à leurs propres films, ceux où aucun justicier masqué, héros de l’espace ou agent secret zélé ne vient contrecarrer leurs diaboliques desseins. Tour à tour vengeurs masqués (le Fantôme de l’Opéra, l’abominable docteur Phibes), sadiques impénitents (le comte Zaroff, la dominatrice Ilsa), criminels machiavéliques (le docteur Mabuse, Fantomas, Fu Manchu) ou savants fous aux rêves hégémoniques, les super-vilains se mirent à fleurir dans la littérature à la fin des années 1800. 

 

Ce foisonnement s’explique en partie par le succès populaire du personnage du professeur Moriarty, ennemi juré de Sherlock Holmes né de l’imagination fertile du romancier Arthur Conan Doyle et surnommé « le Napoléon du Crime ». C’est dans le sillage de cet être maléfique que fleurirent maints super-criminels dotés ou non de pouvoirs surnaturels, mais généralement plus grands que nature, même s’ils furent souvent inspirés de personnages réels. Certes, des figures machiavéliques comme le Iago d’ »Othello » n’ont pas attendu le début du vingtième siècle pour s’épanouir, mais c’est vers 1900 que les super-vilains tel que nous les connaissons aujourd’hui se sont définitivement codifiés. Grimaçant ou froidement impassibles, masqués ou à visage découvert, ils ont bien sûr sauté le pas des pages des romans vers les écrans de cinéma, acquérant le statut de véritables icônes et se muant en métaphores idéales du Mal avec un grand M. « Plus le méchant est réussi, meilleur est le film ». Cet adage d’Alfred Hitchcock, entré dans la légende, s’applique ici avec panache, suscitant même une complicité un peu coupable du spectateur qui, il faut bien l’avouer, a souvent tendance à trouver le vilain plus séduisant que ses trop sages opposants.

FILMS CHRONIQUÉS
1925: Le Fantôme de l’Opéra de Rupert Julian
1932: Les Chasses du Comte Zaroff d’Ernest B. Schoedsack

1933: Masques de cire de Michael Curtiz
1933: Le Testament du Docteur Mabuse de Fritz Lang
1937: Le Chant de Minuit de Ma-Xu Weibang

1943: Le Fantôme de l’Opéra d’Arthur Lubin
1953: L’Homme au Masque de Cire d’André de Toth

1961: La Chambre des tortures de Roger Corman

1962: Le Fantôme de l’opéra de Terence Fisher

1963: La Vierge de Nuremberg d’Antonio Margheriti

1964: Le Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini

1964: Fantomas de André Hunebelle

1965: Le Crâne maléfique de Freddie Francis

1965: Le Masque de Fu Manchu de Don Sharp

1965: Fantomas se déchaîne d’André Hunebelle
1966: Raspoutine le Moine Fou de Don Sharp

1966: Les 13 fiancées de Fu Manchu de Don Sharp

1967: La Vengeance de Fu Manchu de Jeremy Summers

1968: Histoires extraordinaires de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini
1969: Sumuru, la cité sans hommes de Jess Franco
1971: L’Abominable Docteur Phibes de Robert Fuest

1974: Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds

1974: Phantom of the Paradise de Brian de Palma

1976: Ilsa, gardienne de harem de Don Edmonds

1977: Ilsa, la tigresse du goulag de Don Edmonds

1977: Ilsa la tortionnaire de Jess Franco

1979: Écoute voir de Hugo Santiago

1983: Le Fantôme de l’Opéra de Robert Markowitz
1989: Le Fantôme de l’Opéra de Dwight Little 

1990: Le Fantôme de l’Opéra de Tony Richardson
1993: Chasse à l’homme de John Woo

1997: Le Masque de cire de Sergio Stivatelli

1998: Le Fantôme de l’Opéra de Dario Argento

2004: Le Fantôme de l’Opéra de Joel Schumacher

2005: La Maison de cire de Jaume Collet-Serra

2016: Suicide Squad de David Ayer

2018: Venom de Ruben Fleischer

2019: Joker de Todd Philips

2020: Birds of Prey de Cathy Yan

2021: The Suicide Squad de James Gunn

2021: Venom: Let There Be Carnage d’Andy Serkis

Théma INSECTES ET INVERTÉBRÉS

« On peut espérer que, lorsqu’ils seront les maîtres du monde, les insectes se souviendront avec reconnaissance que nous les avons plutôt bien nourris lors de nos pique-niques. »

(Colette)

800 000 espèces d’insectes différents peuplent la terre. Et ce chiffre ne cesse de croître, au fil des découvertes effectuées chaque année par les entomologistes. La force, le déterminisme, l’organisation et l’incroyable capacité d’adaptation des insectes troublent l’homme depuis toujours. Le fait que ces créatures existent depuis que les dinosaures foulèrent la terre et nous survivront très probablement a quelque chose de terriblement fascinant, preuve que la taille ne fait pas tout. Leur organisme mute pour pouvoir affronter les insecticides les plus virulents, les catastrophes nucléaires ne les affectent pas tous, ils peuplent tous les continents, leur prolifération est hallucinante, et l’homme les considère souvent comme des parasites à éradiquer au plus tôt – sans succès la plupart du temps. Les cafards continuent donc à ramper dans les caves, les poux à sauter sur les têtes, les fourmis à établir leurs colonies, les termites à manger le bois et les moustiques à sucer le sang. Autres invertébrés, les crabes et les crustacés, dont le corps est recouvert d’un exo-squelette rigide, frappent également l’imagination par leurs faciès extra-terrestres, leurs pattes multiples et leurs pinces effrayantes. 

 

Peu à peu, ces petites bêtes ont stigmatisé nos angoisses et ont acquis le statut de monstres cinématographiques de premier ordre. Propices au traumatisme nucléaire, les insectes ont souvent atteint des proportions alarmantes dans les films de science-fiction des années 50, les fourmis géantes de Des Monstres attaquent la ville ayant quasiment créé un sous-genre à part entière. Dans les années 70, la prise de conscience écologique fit prendre aux monstres insectoïdes une autre tournure, préférant le nombre à la taille et les dotant d’une inquiétante intelligence, tels les cafards des Insectes de feu ou les fourmis de Phase IV. Les années 80 muèrent les insectes en métaphores des pires maladies dégénérescentes, comme pour la terrifiante Mouche de David Cronenberg qui semble faire écho à « La Métamorphose » de Kafka. Puis vinrent les monstres génétiques des années 90 et 2000 (Ticks, Mimic, Infested). Chaque décennie s’est donc servie des insectes et des invertébrés pour symboliser les préoccupations humaines.

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS

1953: Des Monstres Attaquent la Ville de Gordon Douglas
1957: L’Attaque des Crabes Géants de Roger Corman

1957: La Chose surgit des ténèbres de Nathan Juran

1957: Le Début de la fin de Bert I. Gordon

1957: Monster From Green Hell de Kenneth G. Crane

1957: Le Scorpion noir d’Edward Ludwig
1957: Le Secret du Lac Salé d’Arnold Laven

1958: La Mouche Noire de Kurt Neumann

1959: L’Attaque des sangsues géantes de Bernard L. Kowalski

1959: La Femme guêpe de Roger Corman

1959: Le Retour de la mouche d’Edward Bernds

1961: L’île mystérieuse de Cy Endfield

1964: Mothra contre Godzilla de Inoshiro Honda

1964: Ghidrah, le Monstre à trois têtes de Inoshiro Honda

1966: Ebirah contre Godzilla de Jun Fukuda

1967: La Planète des monstres de Jun Fukuda

1968: Les Envahisseurs attaquent de Inoshiro Honda

1968: Le Peuple des abîmes de Michael Carreras

1968: Le Vampire a soif de Vernon Sewell

1969: Godzilla’s Revenge de Inoshiro Honda

1973: L’Invasion des femmes abeilles de Denis Sanders
1973: Phase IV de Saul Bass

1975: Les Insectes de feu de Jeannot Szwarc

1975: Soudain… les monstres ! de Bert I. Gordon
1976: La Nuit des Vers Géants de Jeff Lieberman

1977: L’Empire des fourmis géantes de Bert I. Gordon
1977: Les Survivants de la Fin du Monde de Jack Smight

1978: L’Inévitable catastrophe d’Irwin Allen
1982: Creepshow de George Romero
1984: Indiana Jones et le Temple Maudit de Steven Spielberg

1985: Phenomena de Dario Argento

1986: La Mouche de David Cronenberg

1987: Aenigma de Lucio Fulci

1987: Insect de William Fruet
1987: Prince des Ténèbres de John Carpenter

1987: Voyage au bout de l’horreur de Terence H. Winkless

1989: La Mouche 2 de Chris Walas

1988: Mutations de Juan Piquer Simon

1988: Le Repaire du ver blanc de Ken Russell

1989: Histoires de fantômes chinois 2 de Ching Siu-Tung

1990: Douce nuit sanglante nuit : l’initiation de Brian Yuzna
1990: Tremors de Ron Underwood

1992: Godzilla contre Mothra : la bataille pour la Terre de Takao Ogawara
1993: Panic sur Florida Beach de Joe Dante

1993: Ticks de Tony Randel

1994: Mosquito de Gary Jones

1994: Oblivion de Sam Irvin
1996: Joe’s Apartment de John Payson

1996: Tremors 2 : les dents de la terre de Steven S. Wilson

1997: Mimic de Guillermo del Toro
1998: Starship Troopers de Paul Verhoeven

2000: Eclosion de Ellory Elkayem

2000: Planète rouge d’Antony Hoffman
2001: Godzilla, Mothra et King Ghidorah de Shusuke Kaneko

2001: Tremors 3, le retour de Brent Maddock

2002: Infested de Josh Olson

2003: Le Festin de la mante de Marc Levie

2003: Godzilla Tokyo S.O.S. de Masaaki Tezuka

2004: Godzilla Final Wars de Ryuhei Kitamura

2004: Tremors 4, la légende commence de S.S. Wilson

2005: Alien Apocalypse de Josh Becker
2006: Bug de William Friedkin

2007: The Mist de Franck Darabont
2008: Cloverfield de Matt Reeves
2008: Super-Héros Movie de Craig Mazin
2008: Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal de Steven Spielberg

2012: Voyage au centre de la terre 2: L’île mystérieuse de Brad Peyton

2017: Dead Ant de Ron Carlson
2018: Ant-Man et la Guêpe de Peyton Reed

2019: Godzilla II : Roi des monstres de Michael Dougherty

2020: Mandibules de Quentin Dupieux

2020: Love and Monsters de Michael Matthews

2020: La Nuée de Just Philippot

2022: Jurassic World : le monde d’après de Colin Trevorrow

Théma BLOB

« C’était énorme. C’était tout couvert de bosses et de croûtes faites de sa propre horrible substance, et des fragments s’en détachaient à mesure que ça avançait. »

(Theodore Sturgeon, “Ça”)

Quoi de plus inquiétant qu’un monstre qui n’a pas de forme tangible ? La peur de l’informe est probablement ancrée dans l’inconscient collectif depuis la nuit des temps, et au dégoût que peut susciter toute substance gélatineuse animale ou végétale s’ajoute le danger aveugle des marécages, des coulées de lave ou des sables mouvants. D’où maintes légendes liées aux créatures à la morphologie indistincte et à l’appétit engloutissant, comme le terrifiant Mafse censé hanter les forêts nocturnes de la Moselle. Les médecins ont d’ailleurs isolé une pathologie spécifique liée à la crainte des substances visqueuses, qu’ils ont baptisée « mucilophobie » (littéralement : « peur du mucus » !). C’est partiellement là que réside la force évocatrice des écrits tourmentés d’H.P. Lovecraft, s’efforçant de traduire les frayeurs d’infortunés personnages affrontant des créatures innommables et indescriptibles. Le romancier Theodore Sturgeon en a également tiré une mémorable nouvelle, « Ça », décrivant les méfaits d’une tourbe croissante habitée par un esprit humain. 

 

En dépit de leur fort potentiel terrifiant, ces horreurs purement littéraires ne passent guère aisément le cap du grand écran. Le cinéma étant de prime abord l’art du visuel et de la démonstration, scénaristes et metteurs en scènes se rabattirent en effet de préférence vers des monstres palpables et concrets : insectes géants, dinosaures radioactifs, singes colossaux, mutants, vampires et loups-garous… Malgré tout, quelques téméraires tentèrent la carte de l’informe et de l’intangible. Les premiers furent les scénaristes Nigeal Kneale, avec La Marque, puis Kate Philips et Theodore Simonson, qui inventèrent pour leur part le fameux nom de « Blob » à l’occasion de Danger Planétaire d’Irwin S. Yeaworth Jr.. Désormais, cette étrange onomatopée allait désigner tous les monstres gluants et mouvants dénués de forme stable. Amibes carnivores, yaourts extra-terrestres, gelées vivantes ou purées mutantes, les blobs en tout genres n’ont ainsi cessé, depuis Danger Planétaire, d’alimenter le cinéma de science-fiction. Notamment deux remakes officiels de l’œuvre matricielle de Yeaworth Jr, et bon nombre d’imitations.

FILMS CHRONIQUÉS
1957: La Marque de Val Guest
1958: Danger Planétaire d’Irwin S. Yeaworth Jr

1958: L’Homme H d’Inoshiro Honda
1959: Caltiki le Monstre Immortel de Riccardo Freda
1968: Bataille au-delà des étoiles de Kinji Fukasaku

1971: Godzilla contre Hedora de Yoshimitsu Banno
1972: Attention au Blob ! de Larry Hagman
1985: The Stuff de Larry Cohen

1987: Creepshow 2 de Michael Gornick
1988: Le Blob de Chuck Russell

1989: S.O.S. fantômes 2 d’Ivan Reitman

1997: Flubber de Les Mayfield
2000: L’Attaque de la Moussaka Géante de Panos Koutra