Théma HOMMES INVISIBLES

« Ce qui est visible n’est que le reflet de ce qui est invisible. »

(Rabbi Abba)

Partant du principe que ce qui nous effraie le plus est ce qui se soustrait à nos regards, les cinéastes praticiens du fantastique se sont amusés à mettre en scène les réactions de l’homme face à des semblables – souvent mal intentionnés – devenus visuellement insaisissables. Mais moins que l’incrédulité de personnages quotidiens confrontés à l’invisible, le cinéaste s’intéresse surtout aux conséquences psychologiques souvent désastreuses de l’homme soudain masqué aux yeux de tous. Car si ce pouvoir tente tout le monde – qui n’a jamais rêvé d’agir sans être vu ? – il dévore de l’intérieur celui qui en est doté, car il aliène son détenteur et le place en marge du reste de l’humanité. C’est du moins ce que racontent les récits mettant en scène les hommes invisibles.

 

Bien avant que Herbert George Wells ne popularise le thème avec son roman « L’Homme Invisible » en 1897, ce motif était déjà présent dans la mythologie antique, notamment à travers l’histoire du berger Gygès. Découvrant un jour un anneau capable de le faire disparaître du regard d’autrui, le brave homme se pervertit, assassina le roi de Lydie, s’emparant de son trône et de son épouse. Lorsque Frodon découvre un anneau doté des mêmes capacités dans « Le Seigneur des Anneaux » de Tolkien, il sait que son port prolongé finira par altérer sa personnalité. Dans les contes populaires comme dans la littérature fantastique, l’invisibilité est donc vécue davantage comme une malédiction que comme une bénédiction, ce que l’écran perpétuera allègrement.

 

FILMS CHRONIQUÉS 

1906: Les Invisibles de Gaston Velle

1933: L’Homme Invisible de James Whale

1940: Le Retour de l’Homme Invisible de Joe May

1940: La Femme invisible de A. Edward Sutherland

1942: L’Homme Invisible contre la Gestapo d’Edwin L. Marin

1944: La Revanche de l’homme invisible de Ford Beebe

1948: Deux nigauds contre Frankenstein de Charles T. Barton

1949: L’Homme invisible apparaît de Shinsei Adachi et Shigehiro Fukushima

1951: Deux nigauds contre l’homme invisible de Charles Lamont

1954: Le Vengeur invisible de Motoyoshi Oda

1957: L’Homme invisible contre la mouche humaine de Mitsuo Murayama

1960: L’Incroyable homme invisible d’Edgar G. Ulmer

1970: Orloff et l’homme invisible de Pierre Chevalier

1984: L’Homme invisible d’Aleksandr Zakharov
1992: Les Aventures d’un Homme Invisible de John Carpenter

1993: Invisible: les aventures de Benjamin Knight de Jack Ersgard

2000: L’Homme sans ombre de Paul Verhoeven

2003: La Ligue des Gentlemen extraordinaires de Stephen Norrington

2006: L’Homme sans ombre 2 de Claudio Faeh

2020: Invisible Man de Leigh Whannell

2024: Loups-garous de François Uzan

Théma FANTÔMES

« Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur. »

(Madame du Deffand)

FILMS CHRONIQUÉS

1921: La Charrette fantôme de Victor Sjöström

1928: La Chute de la Maison Usher de Jean Epstein

1938: A Christmas Carrol d’Edwin L. Marin

1939: La Charrette fantôme de Julien Duvivier

1943: Un nommé Joe de Victor Fleming

1944: La Malédiction des hommes-chats de Robert Wise et Gunther Von Fritsch

1945: Au cœur de la nuit d’Alberto Cavalcanti, Basil Dearden, Robert Hamer et Charles Crichton
1946: Sylvie et le fantôme de Claude Autant-Lara

1947: L’Aventure de Madame Muir de Joseph L. Mankiewicz

1948: Le Portrait de Jennie de William Dieterle

1951: Pandora d’Albert Lewin

1954: Brigadoon de Vincente Minelli

1955: Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot

1958: Le Crâne hurlant d’Alex Nicol

1959: Les Mystères d’outre-tombe de Fernando Mendez
1959: La Nuit de tous les Mystères de William Castle
1960: La Chute de la Maison Usher de Roger Corman

1960: La Llorona de Rene Cardona

1960: Le Miroir de la sorcière de Chano Urueta

1960: 13 fantômes de William Castle

1961: Hurler de peur de Seth Holt
1961: Les Innocents de Jack Clayton

1962: L’Ange exterminateur de Luis Buñuel

1962: L’Effroyable secret du docteur Hichcock de Riccardo Freda

1962: L’Empire de la terreur de Roger Corman

1963: Le Corps et le fouet de Mario Bava

1963: L’Halluciné de Roger Corman, Jack Hill, Francis Ford Coppola, Monte Hellman et Jack Nicholson

1963: La Maison du Diable de Robert Wise

1963: Le Spectre du professeur Hichcock de Riccardo Freda

1963: Les Trois visages de la peur de Mario Bava

1964: Danse macabre d’Antonio Margheriti et Sergio Corbucci

1964: 2000 maniacs ! d’Herschell Gordon Lewis

1965: Les Amants d’outre-tombe de Mario Caiano

1965: Kwaïdan de Masaki Kobayashi

1966: Opération peur de Mario Bava

1968: Le Fantôme de Barbe Noire de Robert Stevenson

1971: Une Vierge chez les morts-vivants de Jess Franco

1973: La Maison des damnés de John Hough

1974: Le Manoir des fantasmes de Don Sharp
1976: Trauma de Dan Curtis
1976: Le Locataire de Roman Polanski
1977: Le Cercle Infernal de Richard Loncraine
1977: La Sentinelle des Maudits de Michael Winner

1977: Une si gentille petite fille d’Eddy Matalon

1978: Le Couloir de la mort de Gus Trikonis
1979: Amityville la Maison du Diable de Stuart Rosenberg
1980: L’Enfant du Diable de Peter Medak
1980: Fog de John Carpenter
1980: Shining de Stanley Kubrick
1981: L’Emprise de Sidney J. Furie

1981: Fantôme d’amour de Dino Risi
1981: Le Fantôme de Milburn de John Irvin
1981: Wolfen de Michael Wadleigh
1982: Amityville 2, le possédé de Damiano Damiani
1982: Poltergeist de Tobe Hooper
1983: Amityville 3 de Richard Fleischer
1984: S.O.S. Fantômes de Ivan Reitman

1985: House de Steve Miner
1985: Poltergeist 2 de Brian Gibson
1985: Turbo Interceptor de Mike Marvin

1985: La Veillée de José Maria Martino Sarmiento

1986: Spookies de Eugenie Joseph, Thomas Doran et Brendan Faulkner
1987: Beetlejuice de Tim Burton

1987: Histoires de fantômes chinois de Ching Siu-Tung

1987: House 2, la deuxième histoire d’Ethan Wiley

1987: Prison de Renny Harlin

1987: Réveillon sanglant de Norman J. Warren

1988: Fantômes en fête de Richard Donner

1988: High Spirits de Neil Jordan
1988: Poltergeist 3 de Gary Sherman

1988: Robo Vampire de Godfrey Ho

1989: Jusqu’au bout du rêve de Phil Alden Robinson
1989: Always de Steven Spielberg

1989: Histoires de fantômes chinois 2 de Ching Siu-Tung

1989: House 3 de James Isaac

1989: S.O.S. fantômes 2 d’Ivan Reitman

1990: Ghost de Jerry Zucker

1990: Meridian de Charles Band

1990: Troll 2 de Claudio Fragasso

1990: Le Wagon-lit de la mort de Douglas Curtis

1991: Histoires de fantômes chinois 3  de Ching Siu-Tung
1991: Vengeance Diabolique de Tom Mc Loughlin
1991: Truly Madly Deeply de Anthony Minghella

1992: House 4 de Lewis Abernathy

1993: Parano de Yann Piquer, Alain Robak, Manuel Flèche, Anita Assal et John Hudson
1994: The Crow de Alex Proyas

1995: Casper de Brad Siberling

1996: Fantômes contre fantômes de Peter Jackson

1999: Hantise de Jan de Bont
1999: Hypnose de David Koepp

1999: La Maison de l’horreur de William Malone

1999: Ring 2 de Hideo Nakata
1999: Sixième Sens de M. Night Shyamalan
1999: Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête de Tim Burton
2000: Apparences de Robert Zemeckis
2000: Intuitions de Sam Raimi

2001: Les Autres d’Alejandro Amenabar

2001: Belphegor, le fantôme du Louvre de Jean-Paul Salomé
2001: L’Echine du Diable de Guillermo del Toro

2001: Scary Movie 2 de Keenan Ivory Wayans

2001: 13 fantômes de Steve Beck

2001: The Vault de James Black

2002: Abîmes de David Twohy

2002: Le Cercle de Gore Verbinski

2002: Darkness de Jaume Balaguero

2002: Dark Water de Hideo Nakata

2002: Deathbed de Danny Draven

2002: Hell Asylum de Danny Draven

2002: Rose Red créée par Craig R. Baxley

2002: Le Vaisseau de l’angoisse de Steve Beck

2003: Bad Trip de Greg Page
2003: Gothika de Mathieu Kassovitz

2003: Le Journal de Ellen Rimbauer de Craig R. Baxley

2003: La Mort en ligne de Takashi Miike

2003: Scary Movie 3 de David Zucker

2004: The Grudge de Takashi Shimizu

2004: Riding the Bullet de Mick Garris

2005: Amityville d’Andrew Douglas

2005: Le Cercle – The Ring 2 de Hideo Nakata
2005: Dark Water de Walter Salles

2005: Et si c’était vrai de Mark Waters

2005: Fog de Rupert Wainwright

2005: Fragile de Jaume Balaguero

2006: Abandonnée de Nacho Cerda
2006: Creepshow 3 de Ana Clavell et James Glen Dudleson

2006: Poltergay d’Eric Lavaine

2006: Pulse  de Jim Sonzero

2006: Scary Movie 4 de David Zucker

2006: Scoop de Woody Allen

2007: Chambre 1408 de Mikael Hafström
2007: Ghost Poker de Charles Band

2007: The Eye de Xavier Palud et David Moreau

2007: Les Messagers de Danny Pang & Oxide Pang

2007: La Nuit des horloges de Jean Rollin

2007: L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona
2008: Dorothy de Agnès Merlet
2008: Sauna de Antti Jussi Anilla
2009: Lovely Bones de Peter Jackson

2009: Dans la brume électrique de Bertrand Tavernier

2009: Dolan’s Cadillac de Jeff Beesley

2009: Livre de sang de John Harrison

2009: Les Témoins du mal d’Elio Quiroga

2010: Saint de Dick Maas

2010: The Silent House de Gustavo Hernandez
2010: The Ward de John Carpenter

2011: The Innkeepers de Ti West

2011: Insensibles de Juan Carlos Medina
2011: La Maison sur le Lac de Mick Garris

2012: La Dame en noir de James Watkins

2012: Dark Shadows de Tim Burton

2012: The Dead Want Women de Charles Band

2012: Willa de Christopher Birk et Nathaniel Kramer

2013: The Conjuring : les dossiers Warren de James Wan

2015: A Christmas Horror Story de Grant Harvey, Steven Hoban et Brett Sullivan
2015: Poltergeist de Gil Kenan
2015: Crimson Peak de Guillermo del Toro

2015: Liza the Fox-Fairy de Karoly Ujj Meszaros

2016: Another Evil de Carson Mell
2016: S.O.S. Fantômes de Paul Feig

2016: Conjuring 2 : le cas Enfield de James Wan

2017: A Ghost Story de David Lowery

2017: Pirates des Caraïbes : la vengeance de Salazar de Joachim Ronning et Espen Sandberg

2018: Insidious : la dernière clé d’Adam Robitel

2018: Nightmare Cinema de Alejandro Brugués, Joe Dante, Mick Garris, Ryûhei Kitamura, David Slade

2019: La Malédiction de la dame blanche de Michael Chaves

2019: Annabelle : La Maison du mal de Gary Dauberman

2019: Doctor Sleep de Mike Flanagan

2021: Black Phone de Scott Derrickson

2021: The Deep House d’Alexandre Bustillo et Julien Maury

2021: The Green Knight de David Lowery

2021: S.O.S. fantômes : l’héritage de Jason Reitman

2022: Men d’Alex Garland

2022: La Main de Danny et Michael Philippou

2023: Le Croque-mitaine de Rob Savage

2023: Le Médium d’Emmanuel Laskar

2023: Mystère à Venise de Kenneth Branagh

2023: Sidonie au Japon d’Élise Girard

2023: Sleep de Jason Yu

2024: Night Swim de Bryce McGuire

2024: S.O.S. fantômes : la menace de glace de Gil Kenan

2024: The Crow de Rupert Sanders

2024: Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton

 

Pour en savoir plus

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Théma DOUBLES

« Des jumeaux vrais ne sont qu’un seul être dont la monstruosité est d’occuper 

deux places différentes dans l’espace. »
(Michel Tournier, Les Météores)

 

Jumeaux, sosies, clones, alter-egos ou personnalités multiples, le double se décline sous maintes formes, et le cinéma fantastique s’est avidement emparé de ces dualités variées pour en exploiter tout le potentiel dramatique. « On dirait un autre être enfermé en moi, qui veut sans cesse s’échapper, agir malgré moi, qui s’agite, me ronge, m’épuise » , racontait Guy de Maupassant dans sa nouvelle « Un fou ? » en 1884. Car le double peut aussi symboliser la perte de sa propre identité – voire de sa raison. Face à un être qui lui ressemble en tous points, l’homme n’a-t-il pas le sentiment d’avoir été coupé en deux, de découvrir des failles et des travers qui restaient jusqu’alors cachés au plus profond de son être, de voir son intégrité s’évaporer ? Lorsqu’en 1960 furent réalisées les premières expériences réussies de clonages, la fiction n’allait pas tarder à se faire rattraper par la réalité…

FILMS CHRONIQUÉS
1926: L’Étudiant de Prague d’Henrik Galeen

1945: Le Portrait de Dorian Gray de Albert Lewin

1968: Histoires extraordinaires de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini

1970: Dorian Gray de Massimo Dallamano

1970: La Seconde mort d’Harold Pelham de Basil Dearden
1972: L’Autre de Robert Mulligan
1973: Sœurs de Sang de Brian de Palma
1974: Le Seuil du Vide de Jean-François Davy
1982: Frère de Sang de Frank Hennenlotter

1988: Faux-semblants de David Cronenberg

1988: Lui et moi de Doris Dörrie

1991: La Double vie de Véronique de Krzystof Kieslowski

1992: L’Esprit de Caïn de Brian de Palma
1993: Le Double maléfique d’Avi Nesher
1993: La Part des Ténèbres de George A. Romero

1994: Grosse fatigue de Michel Blanc

1994: Rampo, la proie et l’ombre de Kazuyoshi Okuyama

1995: La Cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro

1996: Mes doubles, ma femme et moi de Harold Ramis

1997: Lost Highway de David Lynch
2000: A l’Aube du Sixième Jour de Roger Spottiswoode
2001: Replicant de Ringo Lam

2002: The One de James Wong

2004: À ton image d’Aruna Villiers
2005: The Island de Michael Bay

2005: Trouble de Harry Cleven

2006: Incontrôlable de Raffy Shart
2006: Le Prestige de Christopher Nolan
2006: Sisters de Douglas Buck
2007: Ne te retourne pas de Marina de Van

2008: La Personne aux deux personnes de Nicolas et Bruno

2012: ABC of Death par 26 réalisateurs
2016: Split de M. Night Shyamalan

2017: Seven Sisters de Tommy Wirkola

2019: Gemini Man d’Ang Lee

2019: Glass de M. Night Shyamalan

2019: Us de Jordan Peele

2022: Egō d’Hanna Bergholm

2023: Excroissance d’Anna Zlokovic

2023: Infinity Pool de Brandon Cronenberg

2024: Les Guetteurs d’Ishana Shyamalan

2024: The Substance de Coralie Fargeat

2025: Mickey 17 de Bong Joon Ho

Théma DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

« Dieu a créé l’homme. Et ensuite, pour le remercier, l’homme a créé Dieu. »
Philippe Geluck, Entrechats

Au-delà de leur caractère religieux et spirituel, les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament regorgent d’éléments purement fantastiques dignes de la plus folle des mythologies : un Créateur Tout-Puissant qui jouit de l’immortalité et de l’omniprésence, des anges ailés qui lui servent de messagers, des êtres doués de pouvoirs surnaturels, des miracles, des monstres, d’étranges créatures, des animaux doués de parole… L’univers biblique foisonne de visions apocalyptiques, de métamorphoses, d’apparitions spectrales et de châtiments divins aussi terrifiants que spectaculaires, à faire pâlir bien des récits épiques de la Grèce antique ou des sagas nordiques. Il était donc logique que le cinéma fantastique s’empare de cette imagerie pour l’intégrer dans ses œuvres, soit pour tenter des reconstitutions « fidèles » des récits bibliques (Les Dix Commandements, Samson et Dalila, La Bible, Exodus : Gods and Kings, Marie), soit pour transporter les figures clés de ces écrits dans un cadre contemporain (La Vie est belle, Les Ailes du désir).

 

D’autres œuvres jouent la carte du merveilleux biblique, à l’instar de The Tree of Life de Terrence Malick, qui convoque la Genèse et l’expérience mystique pour composer un récit métaphysique où la figure divine reste invisible mais omniprésente. Mentionnons aussi les films qui détournent la pratique religieuse pour la muer en vecteur de cauchemar folklorique, comme le mythique The Wicker Man ou le plus récent Midsommar. Sans compter les nombreuses digressions comiques et parodiques ayant accommodé Dieu, les anges et la Bible à toutes les sauces, comme La Vie de Brian, La Folle Histoire du Monde, Dogma ou Bruce Tout-Puissant. À travers ces multiples variations, la Bible devient un réservoir inépuisable d’images, de symboles et de personnages qui permettent au cinéma de questionner ses spectateurs sur les notions de Bien et de Mal, le destin, le sacrifice ou encore la foi. Qu’elle soit prise au pied de la lettre, revisitée avec irrévérence ou réinventée comme une mythologie moderne, elle continue d’alimenter l’imaginaire collectif, et de nourrir le genre fantastique de visions aussi troublantes que grandioses.

FILMS CHRONIQUÉS
1923: Les Dix commandements de Cecil B. De Mille

1946: La Vie est belle de Frank Capra

1949: Samson et Dalila de Cecil B. De Mille

1956: Les Dix commandements de Cecil B. De Mille

1962: Le Diable et les dix commandements de Julien Duvivier

1966: La Bible de John Huston
1973: The Wicker Man de Robert Hardy
1973: La Montagne Sacrée d’Alejandro Jodorowsky

1975: Sacré Graal de Terry Gilliam et Terry Jones

1979: La Vie de Brian de Terry Jones

1980: Résurrection de Daniel Petrie

1981: Les Aventuriers de l’Arche Perdue de Steven Spielberg

1983: Adam et Eve contre les cannibales d’Enzo Doria et Luigi Russo

1985: Train express pour l’enfer de J. Schlossberg-Cohen, J. Carr, P. Marshak, T. McGowan et G. C. Tallas

1987: Les Ailes du désir de Wim Wenders

1989: Indiana Jones et la Dernière Croisade de Steven Spielberg

1990: Always de Steven Spielberg

1993: Si loin, si proche de Wim Wenders

1995: Les Anges gardiens de Jean-Marie Poiré

1995: Michael de Nora Ephron

1995: Prophecy de Gregory Widen

1997: Une vie moins ordinaire de Danny Boyle

1998: La Cité des anges de Brad Siberling

1998: Que la lumière soit d’Arthur Joffé

1999: Babel de Gérard Pullicino
1999: Dogma de Kevin Smith

1999: Stigmata de Rupert Wainwright

2000: Au commencement de Kevin Connor

2001: Emprise de Bill Paxton

2001: Les Rois Mages de Didier Bourdon et Bernard Campan

2003: Bruce tout-puissant de Tom Shadyac

2005: Angel-A de Luc Besson
2006: The Wicker Man de Neil La Bute

2014: Exodus : Gods and Kings de Ridley Scott

2014: Noé de Darren Aronofsky

2017: Mother! de Darren Aronofsky

2019: Midsommar d’Ari Aster

2019: Saint Maud de Rose Glass

2021: Benedetta de Paul Verhoeven

2024: Immaculée de Michael Mohan

2024: Marie de D.J. Caruso

2024: Heretic de Scott Beck et Bryan Woods

Théma CONTES

« Le conte de fées est l’abécédaire où l’enfant apprend à son esprit à lire dans le langage des images. »

(Bruno Bettleheim, Psychanalyse des contes de fées)

Avant de prendre d’assaut le cinéma, les contes avaient gagné depuis longtemps la littérature et, bien avant, se transmettaient par voie orale. Leur origine remonte donc à la nuit des tempes. C’est en 1697, dans ses « Contes de ma mère l’Oye », que Charles Perrault consigne les plus fameux pour pouvoir égayer la lassitude du Roi Soleil et de sa cour. S’enfonçant dans cette brèche, les frères Grimm en font autant de l’autre côté du Rhin à partir de 1812 ainsi qu’Hans-Christian Andersen au Danemark quelque vingt ans plus tard. A ces classiques indémodables que sont « La Belle au Bois Dormant », « Le Petit Chaperon Rouge » ou « Cendrillon » viennent s’ajouter des inventions plus modernes, comme le « Alice au Pays des Merveilles » écrit par le mathématicien Charles L. Dogson (sous le pseudonyme de Lewis Carroll) en s’inspirant des histoires fantastiques qu’il racontait à la jeune Alice Liddel, ou la pièce « Peter Pan » imaginée en 1904 par le dramaturge James M. Barrie.

 

Tous ces contes fantasmagoriques emplis de créatures terrifiantes (ogres, loups, sorcières) sont les ancêtres de nos histoires d’horreur et jouent le même rôle de catalyseurs des terreurs enfantines. Le jeune lecteur – puis le jeune spectateur – y puise les éléments nécessaires à sa maturité. Les aventures du héros ou de l’héroïne sont pour celui qui les suit un voyage initiatique jonché d’épreuves dont la finalité est l’accès au monde adulte. D’où leur succès jamais démenti et leur atemporalité.

FILMS CHRONIQUÉS
1933: Alice au pays des merveilles de Norman Z. McLeod

1934: La Marche des soldats de bois de Gus Meins et Charles Rogers

1938: A Christmas Carrol d’Edwin L. Marin

1939: Le Magicien d’Oz de Victor Fleming

1944: C’est arrivé demain de René Clair
1946: La Belle et la Bête de Jean Cocteau

1946: La Vie est belle de Frank Capra

1947: Miracle sur la 34ème rue de George Seaton

1953: Les 5000 doigts du Dr. T de Roy Rowland

1954: Brigadoon de Vincente Minelli

1956: Le Géant de la steppe d’Aleksandr Ptushko

1958: Les Aventures de Tom Pouce de George Pal

1959: Darby O’Gill et les farfadets de Robert Stevenson

1962: Les Amours enchantées de Henry Levin et George Pal

1962: Le Baron de Crac de Karel Zeman
1962: Jack, le tueur de Géants de Nathan Juran

1964: Le Père Noël contre les Martiens de Nicholas Webster
1968: Chitty Chitty Bang Bang de Ken Hughes
1970: Peau d’Âne de Jacques Demy

1972: Les Aventures de Pinocchio de Luigi Comencini

1977: Cinderella de Michael Pataki

1977: Jabberwocky de Terry Gilliam

1977: Peter et Elliott le dragon de Don Chaffey

1977: Fairy Tales d’Harry Hurwitz

1978: La Belle et la Bête de Juraj Herz
1978: The Wiz de Sidney Lumet

1979: Le Neuvième cœur de Juraj Herz

1981: Bandits Bandits de Terry Gilliam

1982: Elle voit des nains partout ! de Jean-Claude Sussfeld

1983: Krull de Peter Yates
1984: L’Histoire sans Fin de Wolfgang Petersen

1984: Gremlins de Joe Dante

1984: Splash ! de Ron Howard

1985: After Hours de Martin Scorsese

1985: Ladyhawke de Richard Donner

1985: Legend de Ridley Scott

1985: Oz, un monde extraordinaire de Walter Murch

1985: Pee Wee’s Big Adventure de Tim Burton

1985: Santa Claus de Jeannot Szwarc
1986: Labyrinthe de Jim Henson

1987: Princess Bride de Rob Reiner

1988: Alice de Jan Svankmajer

1988: Les Aventures du Baron de Munchausen de Terry Gilliam

1988: Big de Penny Marshall

1988: Fantômes en fête de Richard Donner

1990: Edward aux mains d’argent de Tim Burton

1990: L’Histoire sans fin 2 : un nouveau chapitre de George Miller
1991: Hook ou la revanche du capitaine Crochet de Steven Spielberg

1994: Le Château du petit dragon de Ted Nicolaou

1994: Le Grand saut de Joel Coen

1994: L’Histoire sans fin 3 : retour à Fantasia de Peter MacDonald

1994: Jack et le haricot magique de Michael Davis

1994: Richard au pays des livres magiques de Joe Johnston et Maurice Hunt

1994: Super Noël de John Pasquin

1995: Babe, le cochon devenu berger de Chris Noonan

1995: L’Île magique de Sam Irvin

1995: L’Indien du placard de Frank Oz

1995: Taxandria de Raoul Servais

1996: Le Miroir aux merveilles de Ted Nicolaou

1996: Pinocchio de Steve Barron

1999: Babel de Gérard Pullicino
2000: Le Grinch de Ron Howard
2001: Le Petit Poucet de Olivier Dahan

2002: Le Chat chapeauté de Bob Welch

2002: Pinocchio de Roberto Benigni
2003: Big Fish de Tim Burton

2003: Elfe de Jon Favreau

2003: Peter Pan de P. J. Hogan

2003: Rencontre avec le dragon d’Hélène Angel

2004: Les Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire de Brad Siberling
2005: Charlie et la chocolaterie de Tim Burton

2005: Les Frères Grimm de Terry Gilliam
2005: Le Monde de Narnia: Le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique de Andrew Adamson

2005: Nanny McPhee de Kirk Jones

2006: Arthur et les Minimoys de Luc Besson

2006: La Jeune fille de l’eau de M. Night Shyamalan
2006: Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

2006: Tideland de Terry Gilliam
2007: Les Chroniques de Spiderwick de Mark Waters

2007: Il était une fois de Kevin Lima

2007: Le Secret de Térabithia de Gabor Csupo

2007: Stardust de Matthew Vaughn

2008: Le Monde de Narnia: Le prince Caspian de Andrew Adamson
2008: Cœur d’encre de Iain Softley
2009: Max et les Maximonstres de Spike Jonze
2009: Arthur et la vengeance de Maltazard de Luc Besson
2010: Alice au pays des merveilles de Tim Burton
2010: Le Monde de Narnia : l’odyssée du passeur d’aurore de Michael Apted

2010: Père Noël : origines de Jalmari Helander

2012: Blanche Neige de Tarsem Singh
2012: Blanche Neige et le chasseur de Rupert Sanders

2013: Le Monde fantastique d’Oz de Sam Raimi

2014: La Belle et la Bête de Christophe Gans

2014: Maléfique de Robert Stromberg

2015: A Christmas Horror Story de Grant Harvey, Steven Hoban et Brett Sullivan

2016: Alice de l’autre côté du miroir de James Bobin

2016: Gods of Egypt d’Alex Proyas
2016: Peter et Elliott le dragon de David Lowery
2016: Miss Peregrine et les enfants particuliers de Tim Burton

2016: Le Bon Gros Géant de Steven Spielberg

2016: The Mermaid de Stephen Chow

2016: Quelques minutes après minuit de Juan Antonio Bayona

2017: La Belle et la Bête de Bill Condon

2017: Chasseuse de géants de Anders Walter

2017: Santa & Cie de Alain Chabat

2018: Les Chroniques de Noël de Caly Kaytis

2018: L’Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam

2019: Dumbo de Tim Burton

2019: Pinocchio de Matteo Garrone

2020: Une Sirène à Paris de Mathias Malzieu

2021: Cendrillon de Kay Cannon

2022: Arthur Malédiction de Barthélémy Grossmann

2022: Pinocchio de Robert Zemeckis

2022: Trois mille ans à t’attendre de George Miller

2022: Troll de Roar Uthaug

2022: Violent Night de Tommy Wirkola

2023: Beau is Afraid d’Ari Aster

2023: Peter Pan et Wendy de David Lowery

2023: La Petite sirène de Rob Marshall

2023: Riddle of Fire de Weston Razooli

2023: Un stupéfiant Noël d’Arthur Sanigou

2023: Wonka de Paul King

2024: Blue & compagnie de John Krasinski

2024: Les Guetteurs d’Ishana Shyamalan

2024: Wicked de Jon M. Chu

2024: Red One de Jake Kasdan

2025: Blanche Neige de Marc Webb

2025: La Légende d’Ochi de Isaiah Saxon

2025: The Ugly Stepsister d’Emilie Blichfeldt

Théma CINÉMA ET TÉLÉVISION

« La caméra – cette espèce d’arme sans munitions, cette grosse bête noire qui vous aspire, elle vous avale puis vous recrache sur un écran. »

(Jacques Dutronc)

Support des films, il était inévitable que le cinéma, tôt ou tard, en devienne l’acteur. Dans le Fantastique, il devient une version moderne du grimoire magique, du parchemin ensorcelé, du tableau ou du miroir. D’ailleurs, bien souvent, c’est une variante de la fameuse traversée du miroir de Lewis Carroll qui nous est proposée, comme dans La Rose Pourpre du Caire ou Last Action Hero. Du cinéma à la télévision, il n’y a qu’un pas, que les films fantastiques franchissent allègrement en variant les plaisirs sur le thème de l’écran transfigurant la réalité, voire la contaminant jusqu’à ce qu’il devienne impossible de faire la part des choses.

 

Formidable outil d’information et de communication, fenêtre ouverte sur le monde, la télévision occupe en effet depuis cinq décennies une place de choix dans les foyers du monde entier. Mais que se passerait-il si, à terme, cette merveille technologique provoquait sur les téléspectateurs des effets irrémédiablement néfastes ? Entre les démons d’un monde parallèle soupirant derrière les électrons (Poltergeist, Démons 2), les malédictions véhiculées d’écran en écran (Ring) et les dérives futuristes de la télé-réalité (Le Prix du DangerRunning Man), les cinéastes ont su redoubler d’ingéniosité pour transformer le téléviseur en instrument de cauchemar. Petit ou grand, l’écran ne demande donc qu’à se teinter de fantastique pour oublier sa fonction première de véhicule d’images et de sons et se muer en passage entre le réel et l’irréel, jouant le jeu de la mise en abîme pour des (télé)spectateurs qui ne savent bientôt plus où donner de la tête.

FILMS CHRONIQUÉS
1958: How to Make a Monster d’Herbert L. Strock

1960: Le Voyeur de Michael Powell

1965: La Dixième victime d’Elio Petri

1973: Last House on Dead End Street de Roger Watkins

1974: Madhouse de Jim Clark

1980: Fondu au noir de Vernon Zimmerman

1980: La Mort en direct de Bertrand Tavernier

1981: Looker de Michael Crichton

1982: Les Frénétiques de David Winters
1982: 
Poltergeist de Tobe Hooper
1983: Le Prix du Danger de Yves Boisset

1983: Videodrome de David Cronenberg
1985: Démons de Lamberto Bava

1985: La Rose pourpre du Caire de Woody Allen

1986: Démons 2 de Lamberto Bava
1986: Kamikaze de Didier Grousset

1986: Terrorvision de Ted Nicolaou

1986: L’Unique de Jérôme Diamant-Berger

1987: Angoisse de Bigas Luna
1987: Running Man de Paul Michael Glaser
1987: Cheeseburger Film Sandwich de Joe Dante, John Landis, Carl Gottlieb, Peter Horton, Robert K. Weiss
1989: Shocker de Wes Craven

1991: Dinosaures de Brett R. Thompson

1991: Popcorn de Mark Herrier

1992: Benny’s Video de Michael Haneke

1993: Last Action Hero de John McTiernan
1993: Panic sur Florida Beach de Joe Dante

1994: Akumulator 1 de Jan Sveràk
1994: La Cité de la Peur de Alain Berbérian
1998: Pleasantville de Gary Ross

1998: Que la lumière soit d’Arthur Joffé
1998: Ring de Hideo Nakata

1998: The Truman Show de Peter Weir

1999: Ring 2 de Hideo Nakata

2001: Mulholland Drive  de David Lynch

2001: La Planète des cannibales de Hans-Christoph Blumenberg
2001: Slashers de Maurice Devereaux

2002: Le Cercle de Gore Verbinski
2002: Hell Asylum de Danny Draven

2002: Rollerball de John McTiernan

2002: Simone d’Andrew Niccol

2004: Final Cut d’Omar Naïm

2005: Le Cercle – The Ring 2 de Hideo Nakata

2006: Click de Frank Coraci

2006: Inland Empire de David Lynch

2008: Soyez sympa rembobinez de Michel Gondry

2009: Terreur d’Anthony di Blasi

2011: Killer Eye : Halloween Haunt de Charles Band

2014: Réalité de Quentin Dupieux

2015: Scream Girl de Todd Strauss-Schulson

2017: Ne coupez pas ! de Shin’ichiro Ueda

2018: Nightmare Cinema de Alejandro Brugués, Joe Dante, Mick Garris, Ryûhei Kitamura, David Slade

2021: Super-héros malgré lui de Philippe Lacheau

2021: Videoverse de Lindsey Schmitz

2022: Coupez ! de Michel Hazanavicius

2022: Something in the Dirt de Justin Benson et Aaron Moorhead

2023: Stopmotion de Robert Morgan

2023: Late Night With the Devil de Colin Cairnes et Cameron Cairnes

Théma JEKYLL & HYDE

« Le ciel se ferme lentement comme une grande alcôve,

Et l’homme impatient se change en bête fauve. »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

C’est en janvier 1886 que Robert Louis Stevenson, auteur de la célèbre « Île au Trésor », fait publier sa nouvelle « Le cas étrange du Docteur Jekyll et de Monsieur Hyde », un récit troublant qui lui aurait été inspiré sous l’influence de médicaments supposés l’aider à dormir. Ce serait donc en proie à une insomnie fiévreuse que Stevenson imagina l’histoire d’un notaire, Gabriel John Utterson, enquêtant sur les méfaits du sinistre Edward Hyde et sur les liens obscurs qu’il tisse avec le philanthrope docteur Henry Jekyll. 

 

Comme chacun sait, Hyde est en réalité le « double maléfique » de Jekyll. Apprenti sorcier au même titre que son confrère imaginaire Victor Frankenstein, Jekyll a en effet mis au point une formule chimique censée purger le mal de sa propre personnalité. Mais la nature ayant horreur du vide, une excroissance maligne et démoniaque de lui-même nait de cette expérience et perpètre les méfaits que lui même n’aurait jusqu’alors même pas imaginés. Les fortes implications psychanalytiques de cette nouvelle l’ont muée en métaphore idéale du dédoublement de la personnalité, de la schizophrénie et de la distinction entre le Moi, le Ça et le Surmoi. 

 

« J’ai découvert que si deux natures se disputaient l’empire de ma conscience, on ne pouvait légitimement me réduire à l’une ou l’autre : j’étais à la fois et absolument, et tout l’un et tout l’autre. » C’est en ces termes que Jekyll décrit la nature de ses recherches sous la plume de Stevenson, s’apprêtant à bâtir un mur entre ses pulsions primaires et ses projets sociaux. Le destin funeste de Jekyll a très tôt été adapté au théâtre (dès 1887), s’érigeant en élément incontournable de la culture occidentale. 

 

Le cinéma s’y pencha dès 1908 et ne cessa dès lors d’en multiplier les adaptations, offrant à de nombreux comédiens le double rôle du savant et de son affreux alter-ego, parmi lesquels on se souviendra notamment de John Barrymore, Frederic March, Spencer Tracy, Boris Karloff, Paul Massie, Ralph Bates, Christopher Lee, Anthony Perkins ou encore Michael Caine. Les variantes humoristiques fleurirent parallèlement, les plus fameuses étant portées par le jeu polymorphe de Jerry Lewis et Eddie Murphy, mais même lorsque la farce se joue de l’épouvante, le trouble généré par le dédoublement psychique et physique de Jekyll et Hyde perdure et continue de fasciner inlassablement le public, toutes générations confondues.

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS

1920: Docteur Jekyll et Mister Hyde de James S. Robertson
1931: Docteur Jekyll et Mister Hyde de Rouben Mammoulian

1941: Docteur Jekyll et Mister Hyde de Victor Fleming

1953: Deux nigauds contre le Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Charles Lamont
1959: Le Testament du Docteur Cordelier de Jean Renoir

1959: Le Vilain petit canard de Lance Comfort

1960: Les Deux visages du docteur Jekyll de Terence Fisher
1963: Docteur Jerry et Mister Love de Jerry Lewis

1971: Docteur Jekyll et Sister Hyde de Roy Ward Baker

1971: Je suis un monstre de Stephen Weeks

1972: Docteur Jekyll et le loup-garou de Leon Klimovsky

1981: Docteur Jekyll et les femmes de Walerian Borowczyk

1989: Docteur Jekyll et Mister Hyde de Gérard Kikoïne

1990: Jekyll & Hyde de David Wickes

1996: Mary Reilly de Stephen Frears

1996: Le Professeur Foldingue de Tom Shadyac

2000: La Famille Foldingue de Peter Segal
2003: La Ligue des Gentlemen Extraordinaires de Stephen Norrington

2004: Van Helsing de Stephen Sommers
2017: Madame Hyde de Serge Bozon

Théma OBJETS VIVANTS

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »

Alphonse de Lamartine, Méditations

L’une des plus grandes frayeurs de l’homme moderne repose sur l’expectative que les machines et les objets destinés à le servir au quotidien décident subitement de se retourner contre lui. Cette peur panique s’associe à un profond sentiment d’impuissance et d’aliénation, qui pourrait se résumer à cette interrogation : « que serions-nous sans nos objets ? » Privés des innombrables choses manufacturées qui nous entourent depuis notre naissance, à quoi nos vie se résument-elles ? Pire : si les objets en questions décident de prendre le pouvoir, comment lutter ? Ne faut-il pas, dès lors, régresser jusqu’aux réflexes bruts de nos ancêtres préhistoriques pour espérer rendre le combat équitable ? Chef de file des objets susceptibles d’attaquer l’homme, le véhicule en général (et la voiture en particulier) figure en très bonne place, qu’il soit possédé par un esprit maléfique (Enfer mécanique, En plein cauchemar, Christine) ou doté d’autonomie suite à un phénomène cosmique (Maximum Overdrive). « L’automobile, image récurrente de la réussite de nos sociétés technologiques, devient une image transgressive lorsqu’elle prend vie », nous affirment Bernard Millet et Denis Labbé dans leur recueil « Le Fantastique ». « Ce sont des sentiments humains qui sont prêtés à la voiture, jalousie, désespoir, sens de la justice… » 

 

A vrai dire, l’anthropomorphisme des véhicules n’a pas attendu le cinéma, ni même la littérature. Les constructeurs leur donnent des noms (souvent féminins), les conducteurs les chouchoutent au-delà du raisonnable, et lorsqu’un accident minime raye la carrosserie, l’alchimie entre l’homme et la machine semble presque surnaturel, tant le conducteur associe l’accrochage à une agression physique personnelle. Mais d’autres objets savent prendre vie et se montrer agressif à l’écran, qu’ils soient mus par les pouvoirs surnaturels d’un enfant mutant (Le Démon dans l’île), par une entité malfaisante (L’Ascenseur, The Mangler) ou par la Mort elle-même les utilisant comme vecteurs pour faucher les vivants lui ayant impunément échappé (la saga Destination Finale). Certes, l’objet vivant n’est pas toujours maléfique, comme en témoignent la sympathique Coccinelle de Walt Disney ou l’ordinateur romantique d’Electric Dreams. Mais cet animisme contre-nature suscite toujours une inquiétante étrangeté, cette dernière étant l’essence même du genre Fantastique.

 

© Gilles Penso

FILMS CHRONIQUÉS

1968: Un amour de Coccinelle de Robert Stevenson

1974: Le Nouvel amour de Coccinelle de Robert Stevenson

1976: Crash de Charles Band

1977: La Coccinelle à Monte-Carlo de Vincent McEveety

1977: Enfer mécanique d’Elliot Silverstein

1980: La Coccinelle à Mexico de Vincent McEveety

1983: Christine de John Carpenter

1983: Le Démon dans l’île de Francis Leroi

1983: En plein cauchemar de Joseph Sargent

1983: L’Ascenseur de Dick Maas
1984: Electric Dreams de Steve Barron
1986: Maximum Overdrive de Stephen King

1987: Creepshow 2 de Michael Gornick

1987: Mannequin de Michael Gottlieb

1991: The Refrigerator de Nicholas Jacobs

1993: Ghost in the Machine de Rachel Talalay

1994: La Presseuse Diabolique de Tobe Hooper

1997: Un nouveau départ pour la Coccinelle de Peyton Reed

1997: Trucks de Chris Tomson
2000: Destination Finale de James Wong

2001: L’Ascenseur – niveau 2 de Dick Maas

2002: The Mangler 2 de Michael Hamilton-Wright

2005: La Coccinelle revient d’Angela Robinson

2005: The Mangler Reborn de Matt Cunningham et Erik Gardner
2006: Creepshow 3 d’Ana Clavel et James Glenn Dudelson

2010: Rubber de Quentin Dupieux

2021: Willy’s Wonderland de Kevin Lewis

2023: Five Nights at Freddy’s d’Emma Tammi

Théma YETIS ET CHAÎNONS MANQUANTS

« J’ai vu et touché une de ces créatures, ou une partie de l’une d’elle d’elles. 
Grand Dieu, mon ami, mais c’est abominable ! »

(H.P. Lovecraft, « Celui qui chuchotait dans les ténèbres »)

Pour étudier les espèces animales dont l’existence n’a pas encore été prouvée malgré l’abondance des témoignages, le savant belge Bernard Heuvelmans a créé la cryptozoologie, ou science des animaux cachés. Cette science s’intéresse tout particulièrement aux mystérieux hommes-singes aperçus partout dans le monde, du Yéti de l’Himalaya au Sasquatch d’Amérique, en passant par l’Alma du Caucase, l’Hibagon du Japon, le Yowie d’Australie, le Chunchunaa soviétique et le Bigfoot des Etats-Unis. La fréquence des témoignages a incité les chercheurs du CNRS à entreprendre en 1978 une étude intensive, et à monter en avril 1995 une expédition constituée de 30 chercheurs, pour une longue quête dans les montagnes de Chine. Plusieurs empreintes d’une quarantaine de centimètres sont parfois venues attester les témoignages visuels, photographies à l’appui. La description, qui tourne autour d’êtres velus de grande taille, évoque beaucoup l’homme de Néanderthal, qui arpentait la surface du globe il y a environ 150 000 ans. 

 

La première théorie penche donc vers des survivants de la préhistoire. Une seconde hypothèse, plus cartésienne, considère que ces êtres ne sont que de grands singes  anthropoïdes, comme cette espèce inconnue d’atèle géant abattue en Amérique du Sud par le géologue François de Loys. Peut-être faut-il envisager une troisième possibilité, celle d’êtres humains retournés à l’état sauvage suite à un séjour prolongé dans la nature, loin de leurs semblables. Après tout, les enfants sauvages élevés par des mammifères au milieu de la forêt étaient plutôt fréquents au 18ème siècle, et parmi tous ceux qui ont été retrouvés, rares sont ceux qui ont pu se défaire de la bestialité devenue leur nature propre. Ce chainon manquant entre le singe et l’homme nous fascine donc depuis longtemps et, sans s’imposer comme une figure majeure du cinéma fantastique, a cependant marqué plusieurs films de genre de son imposante présence.

FILMS CHRONIQUÉS

1912: À la conquête du Pôle de Georges Méliès

1954: L’Abominable homme des neiges de W. Lee Wilder

1957: Le Redoutable Homme des Neiges de Val Guest

1958: Le Monstre des abîmes de Jack Arnold

1972: Terreur dans le Shanghaï Express d’Eugenio Martin

1973: La Chair du diable de Freddie Francis

1973: Schlock de John Landis

1975: Dans les griffes du loup-garou de Miguel Iglesias

1977: Yéti, le géant d’un autre monde de Gianfranco Parolini

1984: Iceman de Fred Schepisi

1987: Bigfoot et les Henderson de William Dear

2002: Sasquatch de Jonas Quastel
2006: Abominable de Ryan Schifrin

2008: La Momie : la tombe de l’empereur dragon de Rob Cohen
2009: The Tribe : l’île de la terreur de Jorg Ihle

2009: Humains de Jacques-Olivier Molon et Pierre-Olivier Thévenin
2018: L’Homme qui a tué Hitler et puis le Bigfoot de Robert D. Krzykowski

2023: The Primevals de David Allen

Théma SUPER-VILAINS

« Qu’est-ce que le mal, sinon du bien torturé par sa propre faim et sa soif ? »
Khalil Gibran, Le Prophète

Génies du crime aux moyens démesurés ou dangereux psychopathes ayant mis leurs pouvoirs au service du mal, les super-vilains ont longtemps fleuri dans les pages des bandes dessinées et des romans d’agents secrets. Il n’est donc pas étonnant d’en trouver de mémorables spécimens dans les films de super-héros, les space opéra et les aventures d’espionnage, où ils affrontent des adversaires à leur hauteur et leur volent souvent la vedette. Témoins les inoubliables Goldfinger, Lex Luthor, Dark Vador, Blofeld, Bouffon Vert, Skeletor, Docteur No, Fatalis et autres Joker. Mais les super-vilains ont aussi droit à leurs propres films, ceux où aucun justicier masqué, héros de l’espace ou agent secret zélé ne vient contrecarrer leurs diaboliques desseins. Tour à tour vengeurs masqués (le Fantôme de l’Opéra, l’abominable docteur Phibes), sadiques impénitents (le comte Zaroff, la dominatrice Ilsa), criminels machiavéliques (le docteur Mabuse, Fantomas, Fu Manchu) ou savants fous aux rêves hégémoniques, les super-vilains se mirent à fleurir dans la littérature à la fin des années 1800. 

 

Ce foisonnement s’explique en partie par le succès populaire du personnage du professeur Moriarty, ennemi juré de Sherlock Holmes né de l’imagination fertile du romancier Arthur Conan Doyle et surnommé « le Napoléon du Crime ». C’est dans le sillage de cet être maléfique que fleurirent maints super-criminels dotés ou non de pouvoirs surnaturels, mais généralement plus grands que nature, même s’ils furent souvent inspirés de personnages réels. Certes, des figures machiavéliques comme le Iago d’ »Othello » n’ont pas attendu le début du vingtième siècle pour s’épanouir, mais c’est vers 1900 que les super-vilains tel que nous les connaissons aujourd’hui se sont définitivement codifiés. Grimaçant ou froidement impassibles, masqués ou à visage découvert, ils ont bien sûr sauté le pas des pages des romans vers les écrans de cinéma, acquérant le statut de véritables icônes et se muant en métaphores idéales du Mal avec un grand M. « Plus le méchant est réussi, meilleur est le film ». Cet adage d’Alfred Hitchcock, entré dans la légende, s’applique ici avec panache, suscitant même une complicité un peu coupable du spectateur qui, il faut bien l’avouer, a souvent tendance à trouver le vilain plus séduisant que ses trop sages opposants.

FILMS CHRONIQUÉS
1925: Le Fantôme de l’Opéra de Rupert Julian
1932: Les Chasses du Comte Zaroff d’Ernest B. Schoedsack

1932: Le Masque d’or de Charles Brabin et Charles Vidor

1933: Masques de cire de Michael Curtiz
1933: Le Testament du Docteur Mabuse de Fritz Lang
1937: Le Chant de Minuit de Ma-Xu Weibang

1943: Le Fantôme de l’Opéra d’Arthur Lubin
1953: L’Homme au Masque de Cire d’André de Toth

1961: La Chambre des tortures de Roger Corman

1962: Le Fantôme de l’opéra de Terence Fisher

1963: La Vierge de Nuremberg d’Antonio Margheriti

1964: À minuit je prendrai ton âme de Jose Mojica Marins

1964: Le Château des morts-vivants de Luciano Ricci et Lorenzo Sabatini

1964: Fantomas de André Hunebelle

1965: Le Crâne maléfique de Freddie Francis

1965: Le Masque de Fu Manchu de Don Sharp

1965: Fantomas se déchaîne d’André Hunebelle

1966: L’Espion qui venait du surgelé de Mario Bava
1966: Raspoutine le Moine Fou de Don Sharp

1966: Les 13 fiancées de Fu Manchu de Don Sharp

1967: Fantomas contre Scotland Yard d’André Hunebelle

1967: The Million Eyes of Sumuru de Lindsay Shonteff

1967: La Vengeance de Fu Manchu de Jeremy Summers

1968: Danger Diabolik de Mario Bava

1968: Histoires extraordinaires de Roger Vadim, Louis Malle et Federico Fellini
1968: Satanik de Piero Vivarelli

1969: Sumuru, la cité sans hommes de Jess Franco
1971: L’Abominable Docteur Phibes de Robert Fuest

1974: Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds

1974: Phantom of the Paradise de Brian de Palma

1976: Ilsa, gardienne de harem de Don Edmonds

1976: Les Week-ends maléfiques du comte Zaroff de Michel Lemoine

1977: Ilsa, la tigresse du goulag de Don Edmonds

1977: Ilsa la tortionnaire de Jess Franco

1979: Écoute voir de Hugo Santiago

1983: Le Fantôme de l’Opéra de Robert Markowitz
1989: Le Fantôme de l’Opéra de Dwight Little 

1990: Le Fantôme de l’Opéra de Tony Richardson
1993: Chasse à l’homme de John Woo

1997: Le Masque de cire de Sergio Stivatelli

1998: Le Fantôme de l’Opéra de Dario Argento

2004: Le Fantôme de l’Opéra de Joel Schumacher

2005: La Maison de cire de Jaume Collet-Serra

2016: Suicide Squad de David Ayer

2018: Venom de Ruben Fleischer

2019: Joker de Todd Philips

2020: Birds of Prey de Cathy Yan

2021: The Suicide Squad de James Gunn

2021: Venom: Let There Be Carnage d’Andy Serkis

2024: Joker : folie à deux de Todd Philips

2024: Venom : The Last Dance de Kelly Marcel

2024: Kraven the Hunter de J.C. Chandor